Lison
Cher grand frère,
Des doigts fins se plongèrent dans une petite sacoche et prirent délicatement quelques graines qu’ils parsèment sur le parchemin et, d’un geste expert, le vélin fut légèrement replié pour aligner le pavot.
Lorgnant sur la montagne de lettre débutée et jamais achevée, Elisabeth attrapa l’un des parchemins, pour en déchirer délicatement un bout qu’elle roula rapidement entre ses doigts. Puis, après avoir mis le petit tube dans son nez, aspira fortement mais non moins rapidement la lignée de graine… avant de reprendre sa plume.
Je t’avais promis nombreuses nouvelles, tu seras donc ravi de découvrir celles-ci.
Sache que je me porte à merveille et que la vie à Castelnaudary est paisible et calme.
Ainsi je prends le temps de me reposer et d’aller à la rencontre de ces charmants villageois qui m’offrent quotidiennement attentions et cadeaux afin que mon séjour se passe au mieux. N’est-ce pas réellement adorable ?
- Aristote ! Traine pas sur la table… va pas foutre en l’air mon mélange pour la vieille folle qui veut calmer les ardeurs de son époux !
Inutile de te dire que j’ai reçu tes nombreux parchemins pour la préparation de mon futur baptême. Ils trônent sur ma table de chevet et je prends la peine de les lire attentivement avant que le sommeil m’emporte….
- Ouai… pour sniffer le pavot c’est l’rêve !
… et… inspirée par ces préceptes, j’ai choisi de baptiser un adorable chaton avec le doux nom d’Aristote.
Je vais prochainement devoir changer de villes. Les troubles politiques que traversent actuellement le comté de Toulouse ne me rassurent guère quant à ma sécurité.
Ainsi mes pas me rapprocheront sûrement de toi et ton adorable famille et mon cœur se réjouis de pouvoir, un jour prochain revoir mon cher grand frère…
- Blablabla… heureusement avec sa foutue politique, risque pas de lui prendre l’envie de venir me voir. Hein Aristote qu’on est bien que les deux ?
Une main alla gratouiller derrière l’oreille du chaton noir qui avait finalement élu domicile sur les genoux de la jeune Lison. Apaisée par les ronronnements, elle reprit sa rédaction.
… si tu souhaites me faire parvenir quelques écus, sache qu’il y a bien des chances que je me rende dans la petite bourgade de Muret. Je saurai accueillir ton serviteur comme il se doit. Choisi le tout de même bien bâti et brun afin qu’il résiste à la longue route qui l’attend…
Un sourire narquois naquit sur ses lèvres. Elle savait que son frère enverrait des écus et des denrées mais qu’il prendrait soin de choisir un serviteur vieux et pas franchement beau. Il avait trop peur que celui-ci soit tenté par les charmes de sa sœurette et en ça il avait raison de se méfier.
Sache, cher frère, que mon amour et mes pensées sont tout avec toi et j’attends avec impatience de tes nouvelles ainsi que les écus promis.
J’espère que toi et ta famille vous portez bien et tu transmettras mes messages affectueux à ta *rature* charmante épouse que je n’ai pas encore le plaisir de connaître…
Lison
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