Afficher le menu
Information and comments (0)
<<   <   1, 2, 3, 4, 5, 6   >   >>

[RP] Quand prend la béarnaise.

Theolenn
Theolenn, dans la maison de la reine des feintes, faisait du rangement:
- Poudre du souvenir
- Mélange de Morphée
- Polynôme de Barbarie
- Palimpseste ombreux
- Myriapode et Colibri
- Mascarade d'émasculé
- Polypore Versicolore
- Brin de Ptolémée
… la liste était aussi longue que les noms étaient porteurs de mystère.

- Eh ben dites donc … elle était savante cette Folcoche endiablée ! dit-elle aux araignées qui hériteraient des lieux.
Cependant l'enquêtrice n'osait pas trop ouvrir les potions de la vieille égarée, même pour en découvrir les senteurs, elle craignait que quelque sort de dernière minute ne parvienne en définitive à régler le sien. On finit par être prudent à force de côtoyer la mort.

Puis des voix s'élevèrent dans le petit matin.
L'espace d'une seconde, un ersatz de mauvaise conscience lui fit craindre que la mégère, plus puissante que prévu, ne soit parvenue à ressusciter. Mais dans ce cas, pourquoi aurait-elle changé de voix? Et surtout, pourquoi en avoir pris une masculine et en changer aussi souvent ? Le raisonnement ne tenait pas la route, il trahissait juste la fatigue accumulée et cette tension qui jouait au yoyo ces dernières 48 heures.
Theolenn jeta un coup œil par la fenêtre. Elle ne risquait pas d'être vue, la crasse devait avoir servi de tous temps comme filtre intérieur contre d'éventuelles indiscrétions.

C'était quoi encore que cette troupe-là? Y avait-il aussi un spectacle de majorettes prévu au programmes des festivités d'été? Ou un bal costumé? Décidément, c'est qu'elle savait recevoir les étrangers, feue l'hôtesse de ces bois!

Theolenn sentit l'embrouille poindre son nez à la vitesse grand V. Elle n'était pas prête à dormir dans les bras de l'aimé avant belle lurette au train où allaient les choses ces derniers temps!

Et bien soit, aux grands maux, les grands remèdes…
Un arc et trois flèches pour quatre cibles. Une sorte de chaise musicale silencieuse… en plus pointu. Theolenn commençait certes à prendre goût aux variantes, mais les défis commençaient à sérieusement se corser!

Elle décida de donner un surnom à chaque adversaire, histoire de pouvoir faire le point sur l'avancée du conflit à tout moment, car conflit il y aurait, c'était la seule certitude en ce tout début de journée estivale.
Fanfaron, pour le chef de parade!
Fifrelin, pour le petit maigrelet qui s'excitait tout seul.
Froufrou, ça ne pouvait être que le rigolo enrubanné de rose.
Et enfin…Fantoche, pour l'ombre ricanante qui imitait le chef.

Parfait… le plan en ébauche dans un coin de sa tête commençait à prendre forme.
Un petit retour du côtés des fioles, un choix hasardeux mais prometteur et du cœur à l'ouvrage.

Let's go…

Un petit avertissement pour qu'on ne puisse pas leur reprocher, par la suite, un manque de fair-play pour avoir caché qu'ils étaient deux, et * Pfuiiiit* la première flèche fendit l'air pour aller s'enfoncer plein pot dans le bras du Froufrou qui se mit à hurler comme un goret le jour du boudin!

Deux contre trois, c'était déjà plus équilibré.
Theolenn fit alors son entrée en scène… arc bandé sur une flèche trépignante.


- Bien le bonjour, messieurs… Il me reste deux flèches et je rate rarement ma cible.
Ce sera un contre un et chacun son tour contre mon drôle… Quelqu'un a-t-il quelque chose à redire sur les règles du jeu?

_________________
Morelius
Morelius et Theolenn échangèrent un de ces regards significatifs, poignants dans leur insouciante résolution, qui disent que vous avez un pacte, à la vie comme à la mort.

La première flèche de Theolenn, toute vibrante d'agilité et de force, voir hargneuse dans son sang-froid résolu, alla se ficher dans le bras du Froufrou. Elle fit si vite et si bien que les insulteurs reculèrent d’abord. Et avant même les premiers tintements de lame, ce fut ceux d’en face qui eurent les premiers la sueur au front.

Morelius, de son côté, engagea sans perdre de temps contre Fifrelin, fardé lui aussi comme un mignon de la Cour, qui essayait vainement de tirer parti de son infériorité numérique embarrassante et de le prendre à revers en passant derrière lui. Souple et tranquille, le Loup Blanc parait chaque tentative avec une facilité déconcertante, et ne paraissait pas prêt de briser la ligne. Quand il en eut assez, il envoya Fifrelin à terre d'une feinte de corps doublée d'une puissante taille de glaive au milieu du jarret.

Il engagea ensuite le Fantoche. Mais il avait bien du mal à ne pas se laisser déconcentrer! En effet, entre deux contre-attaques et un juron, il jetait de fréquents coups d’œil à celle qu’il nommait mentalement «ma dame», et qui l'impressionnait dans sa façon de bander son arc sans trembler. Il occit tout de même son adversaire et s'apprêtait à engager le dernier, quand il porta de nouveau son attention sur elle:


- Prudence mon Hippolyte ! Ne te fais pas tuer, je veux t'embrasser d’abord!

Morelius était si absorbé par le regard déterminé de la femme aux longs cheveux qu’il en avait laissé son dernier opposant s'approcher. A la seconde où il reporta son attention sur lui, il aperçut une lame, droite et brillante, qui fonçait à toute vitesse entre ses deux yeux…

Le sifflement d'une flèche...

La lame traitresse s'abaissa soudain, mais pas assez pour éviter de venir traverser l'épaule de l'imprudent spadassin.
Le visage du Morelius violaça et verdit l’espace d’une chute.
Ses yeux grands ouverts demandaient à Dieu s’il était possible que pareille douleur existât.

Tout ensuite ne fut plus que confusion, bruits, et douleur.

_________________
Theolenn
Sa seconde flèche fit mouche en traversant de part en part la gorge étonnée du chef qui vécut ainsi les dernières secondes de sa dernière parade. Ce n'était pas une perte, un Fanfaron de moins sur cette terre, au vu des millions qui la peuplaient, ne perturberait en rien son équilibre.
Froufrou, lui, s'était tu, gisant, inanimé, contre l'arbre qui avait amorti sa chute. Les deux autres n'étaient plus un problème non plus, sauf si on considère qu'il allait falloir creuser un bien plus grand trou pour honorer tout ce beau monde! Un mausolée familial en quelque sorte, si l'archère avait bien lu entre les lignes des pauvres révélations de la vieille…

Quand Theolenn vit sa moitié s'effondrer quelques fractions de secondes après que ne se fiche sa deuxième flèche, elle poussa un cri muet dont les échos lui perforèrent l'âme tant sa douleur se mêla à celle de Morelius.
Elle lâcha tout; flèche, arc …et cette superbe dont elle s'était parée pour impressionner l'ennemi.


- Morelius… La voix brisée de Theolenn comme un murmure... Agenouillée auprès de lui, deux doigts posés sur la grosse veine de son cou, celle qui indiquerait si …

Mais il vivait!

La belle rassembla ses esprits pour optimiser son aide au blessé de son cœur, à l'homme de sa vie, celui qui déciderait par sa résistance si sa vie à elle vaudrait encore la peine.
Avant toute chose, arrêter le sang de couler, rester calme afin de pouvoir mettre enfin à profit ces longues études de médecine!

Elle respira un grand coup avant de déchirer le pan de sa chemise - ben oui, hélas, la jaune qu'il aimait tant - qui cachait son épaule touchée. La blessure saignait beaucoup mais pas à flot, et surtout sans manifester l'existence de ce jet sporadique qui l'aurait informée qu'une artère était sectionnée. C'était déjà ça…
Du pan de tissu arraché, elle se servit pour faire un garrot improvisé autour de l'épaule. Il fallait serrer fort pour arrêter l'hémorragie et donner le temps à la veine touchée de se refermer. Quelques plantes amélioreraient la vitesse du processus et protégeraient la plaie. Oui voilà! C'était exactement ce qu'il fallait faire !!!

Elle fit… faisant fi des gémissements, éloignant de son esprit les risques, faisant taire sa peur pour augmenter l'efficacité de ses gestes. Dès que le sang s'arrêta de couler, elle empoigna le blessé à demi assommé pour le tirer vers la masure et le mettre à l'abri, pour l'allonger sur un lit et qu'il puisse se reposer et prendre des forces en attendant que le sang perdu se remplace par du frais. Il fallait qu'il boive aussi, pour la pression, pour retrouver quelques couleurs.

Theolenn ne sentit aucune fatigue, aucune courbature se faire ressentir, tant que sa tâche ne se fut accomplie. Morelius fut déshabillé, nettoyé, pansé, confortablement installé sur la paillasse rudimentaire de la chaumière et recouvert d'une couverture pour ne pas perdre la moindre énergie supplémentaire. Alors seulement Theolenn ralluma le feu, se débarrassa de l'ancienne tambouille de la marmite, la lava à la rivière, jeta le sel pour ne pas risquer un choix malencontreux et refit un repas avec ce qu'elle trouva dans le clapier: un malheureux lapin que l'inactivité prolongée avait rendu plus que grassouillet et qui déprimait sec. Pardon pauvre Jeannot …

Midi devait sonner quelque part quand Morelius se remit à gémir d'une manière plus prononcée. Theolenn le fit boire et lui fit avaler un peu du ragoût préparé avec tout son amour, puis le laissa se rendormir, le teint déjà plus vif, avant de se permettre à elle-même, enfin, le premier somme depuis deux jours.

_________________
Morelius
Une douce chaleur l'enveloppait et sans ouvrir les yeux, il sut qu'il était dans un lit. La mauvaise couche était presque moelleuse… Il retrouvait ses sens avec presque autant de plaisir que son enveloppe charnelle. Car même les paupières closes, il devina que la blessure avait été solidement cousue et que l'alcool de la vieille utilisé par Theolenn avait été suffisamment distillé pour empêcher toute infection. Il sentait toute la force virile couler au travers de ses veines. Il prit tout son temps pour étirer avec volupté ses membres endoloris… La douleur de son épaule rendait l'univers environnant brumeux et incertain. Cependant, il savait qu'elle était à ses côtés, couchée près de lui. En dépit de la semi-inconscience dans laquelle il avait été plongé ses dernières heures, il avait senti des doigts pansant sa blessure, des paumes massant ses membres douloureux. Dans sa torpeur, il avait clairement perçu la douceur féminine de ces gestes si apaisants… Cela ne pouvait être qu'elle. Sa dame.

Morelius étira longuement son bras valide. Son épaule senestre et sa nuque étaient engourdies, comme s'il avait dormi dans une position inconfortable. Il tressaillit. Il avait presque oublié cette sensation… A présent totalement éveillé, il ouvrit ses yeux et fixa ses longues mains. Son regard embrassa la cabane à peine éclairée par les premières lueurs de l'aube… Elle était bien là. Allongée habillée dans le lit où elle s'était assoupie à l'avoir trop veillé, sans doute. Sa poitrine libérée par sa chemise ouverte se soulevait au rythme tranquille de sa respiration. Ses nattes se répandaient en cascade sur l'oreiller. Son visage affichait un si parfait abandon que le mercenaire regretta de ne pas être en pleine possession de ses moyens… Elle était si exceptionnelle qu'il se demanda à nouveau comment le paria qu'il était avait mérité tel cadeau du ciel. Il douta alors de la réalité de cet instant. Tout ceci n'était peut-être qu'une chimère née de son esprit souffrant… possible mais il se sentait si bien. Une délicieuse chaleur se répandait dans ses veines alors qu'il admirait la belle endormie et quand il remarqua l'effet que cette contemplation avait eut sur son corps retrouvé, il sut qu'il ne rêvait pas.

Dans un effort douloureux mais ô combien désiré, il se pencha et ses lèvres salées se posèrent sur celles de Theolenn comme l'interface, le point de jonction, le relai, l'incontournable médiateur entre deux espaces imaginaires, entre deux consciences qui se pressentent et se devinent l'une l'autre...

_________________
Theolenn
Theolenn s'éveille d'un songe d'une centaine d'années. Elle qui pensait que La Belle au Bois Dormant était un conte pour petites filles sages à robe rose, elle est toute étonnée de découvrir les traits du Prince Charmant sous les lèvres d'un bellâtre à cheveux blancs qui possède une chemise jaune unimanche ! Bon dieu, comme les versions pour adultes se révèlent souvent bien différentes des souvenirs d'enfance!

Mais que c'est infiniment bon d'être réveillée de cette façon, d'être aspirée vers la conscience par l'objet de vos tourments, de vos émois, de vos errances. Elle but jusqu'à l'ivresse le doux nectar que produisirent leurs bouches intimement mêlées dans ce divin baiser. Hélas, la raison, cette empêcheuse de faire de beaux cercles bien ronds, vint s'en mêler, jalouse de cet amour aussi immense qu'étonnant, et lui rappela que les nouvelles forces du blessé ne lui permettaient pas encore de satisfaire le désir qu'il semblait manifester.


- Il faut que tu boives un peu et que tu reprennes de cette potion contre les infections.
N'as-tu pas faim? Je te réchauffe du lapin? Et puis laisse-moi voir ton pansement, il faut peut-être que je le …


Et Morelius souriait de la voir si soucieuse de son bien-être et de sa santé, cette femme qui, il y a quelques heures à peine, menaçait d'un arc en bois rudimentaire quatre mercenaires au service d'un des hommes les plus puissants de ce monde.
Elle n'eut pas le temps de se lever qu'il lui emprisonnait fermement la main et, armé de ce regard suppliant auquel elle n'avait jamais pu résister, l'invitait à rester, au moins encore un peu… si elle le voulait bien.


- C'est de toi dont j'ai besoin, de rien d'autre…

Chaque homme gère son énergie différemment, certains doivent se reposer longtemps pour récupérer, d'autres sont reboostés par … un transfert d'énergie différent. Morelius était de ceux-là, et Theolenn, serviable par sacerdoce quand il s'agissait de son drôle, obtempéra et accéda à sa requête avec joie.

- Fais-moi une place …

_________________
Morelius
C’est à un tout autre sabbat qu'ils s'adonnèrent alors dans la cabane de la sorcière, à bien y regarder, ce fut plutôt une messe.

Theolenn, le corps allongé sur celui de son mercenaire l’épousa lascivement de ses seins, de son ventre, de ses cuisses, de ses jambes. Elle le massait par reptations successives, les épaules, le torse, l’abdomen et les membres. Ramassant et détendant son corps, resserrant et relâchant ses étreintes. Mouvements continus et suggestifs de son corps sur le sien. On croyait une mer montante qui venait épouser chaque roche, chaque galet d’une plage, l’entourant, le couvrant, le noyant. Corps qui ondule et peau qui vibre...


- Tu es l’épée, et je suis la blessure, tu es le vent et je suis le roseau, chantait le corps de Theolenn, avide et béant.

- Je suis le pain, tu es la bouche qui le croque, je suis le cerf qui fuit, tu es la lionne qui le dévore s’émerveillait en réponse l’âme de Morelius.

Leur nuit ne fut que perpétuel retour aux ivresses des premières heures, leur nuit ne fut que perpétuel dépassement des ivresses des premières heures, sans qu’une telle répétition ne puisse jamais lasser les deux amants. Chaque nouveau baiser échangé n’était-il pas le plus captivant et le plus grisant ? Chaque nouvelle caresse n’était-elle pas la plus raffinée, la plus étourdissante, la plus voluptueuse ? Chaque nouvelle étreinte n’était-elle pas la plus audacieuse, la plus miraculeuse, la plus éblouissante, la plus exaltante ?

Toutes les nuits, Morelius exorcisait ses peurs et Theolenn reniait ses pudeurs. Chaque fois, l’audace de leurs débauches allait croissant ; chaque fois, ils s’égaraient davantage dans l’immensité du plaisir. Enfin libérés des affres de la journée, ils pouvaient sacrifier à l’amour avec le moindre atome de leur corps. Merveilleuse effronterie des caresses, grisante hardiesse des étreintes, ivresse des abandons, chaque nuit, ils allaient plus avant dans l’exploration des pages les plus osées de l’Art d’aimer d’Ovide.


- Tu es l'étrave impatiente du navire, oh ! mon Aimé, et je suis la vague qui se fend, répétait le cœur de Theolenn.

- Tu es la mer et je suis le noyé, oh ! ma Tourmenteuse, répondait celui de Morelius.

- Tu es le volcan jaillissant de lave calcinante et je suis la terre qui s’embrase, protestait un corps qui s'abîmait.

- Je suis d’herbes sèches et tu es le feu qui dévore les prairies, murmurait un cœur expirant.
_________________
Theolenn
"Impossible n'est pas français" parait-il… et pourtant, il lui semblait bien impossible de faire mieux que cette nuit-là, d'être plus emplie de bien-être au réveil, d'avoir un sourire plus béat que ce matin-là, celui qui suivit ces ébats d'un autre monde.

Pourtant, Theolenn ressentit peu à peu un vertige immense s'insinuer dans chaque fibre de son corps. Autour d'elle une faille gigantesque se creusa soudain à la vitesse d'un éclair. Du vide tout autour, et ce manque infini qui vous broie la poitrine et vous laisse là, suffocante. Entité malfaisante, invisible, qui vous transforme sans pitié en ce grain de poussière minuscule, impuissant, perdu dans un univers hostile et effrayant…
Etait-ce une crise d'angoisse née de trop de bonheur vécu d'un seul coup?
Etait-ce une réaction normale à toute cette peur qui l'avait étreinte si peu de temps auparavant?
Etait-ce déjà la fin du sommet de la sinusoïde qui annonçait la pente déclinante?
Elle n'en avait aucune idée. Elle se sentit très seule, horriblement seule … et dépourvue aussi. Mais de quoi ? Mystère…

Morelius somnolait encore, tant mieux, il ne remarquerait rien, elle s'en faisait forte.
Elle s'habilla avec des ruses de sioux pour ne pas le réveiller et sortit s'activer à une tâche plus terre-à-terre et qui commençait à devenir urgente: Il fallait creuser!

Elle creusa donc avec une énergie à la hauteur de son malaise, pour l'enrayer, le tuer, l'obliger à battre en retraite. Les ombres du passé, quels que soient les noms qu'elles portaient, passèrent sous un rouleau compresseur imaginaire, une à une, au fur et à mesure de son labeur acharné. Si bien qu'en un peu plus d'une heure, le tombeau commun était prêt!
Toujours avec la pelle, elle fit rouler les corps et leurs cortèges de mouches en deuil, qui une fois confortablement installés pourraient enfin reposer.
En paix? Pas certain, sauf pour leurs cibles, évidemment.
Un détail pratique lui traversa l'esprit: fallait-il récupérer les flèches utilisées?
Non, cadeau messieurs, un petit souvenir de sa première fois, ou presque…

_________________
Morelius
Vois la souffrance,
Celle qui te hante chaque jour,
Celle dont tu ne peux te défaire,
Celle dont tu crois tes démons à l'origine.
A la fin de l'épreuve, tu sortiras grandi,
Puis tu tueras sans pitié ni regret,
Jusqu'à ce que ce soit les autres qui souffrent.
Ainsi est fait le monde.
La souffrance engendre la haine.


Observant Theolenn enterrer les cadavres depuis l'intérieur de la cabane, Morelius se remémora ces quelques vers, répétés maintes et maintes fois à l'époque de ses apprentissages, loin d'ici, dans une cité décadente qui empoisonnait ses propres enfants avec un amour dénaturé, semait en eux une jalousie et une concupiscence fratricides, et ne les élevait dans le culte de sa propre beauté que pour mieux les dévorer...

Theolenn avait toutes les qualités qui feraient d'elle une tueuse redoutable... mais avait-il le droit de l'entrainer dans cette voie ? Que cette voie lui avait-elle apporté, à lui, avant qu'il ne la rencontre, sinon toujours plus de souffrances et de haine ?

Un soupir mit fin à ses réflexions, et il sortit la rejoindre, se tenant l'épaule toujours douloureuse, comme pour s'excuser de ne pouvoir l'aider à la tâche.


Tu as bien œuvré, ma démone... profite donc de ces fosses pour y enterrer tes espoirs de tranquillité, car je ne doute pas que notre petite fête sylvestre ne parvienne bientôt aux oreilles de Cesare.

Nous aurons bien assez vite d'autres sbires sur le dos... économise tes flèches.

Nous partirons dès que tu seras prête...

_________________
Theolenn
- Un jour, s'il le faut, si c'est la seule façon pour qu'il comprenne, j'irai moi-même et avec joie, lui raboter les oreilles, à ton Cesare !

Theolenn incarnait à cette minute un mélange surprenant entre rage et réflexion.

- Mais avant cette réjouissance-là, j'ai quelques petites choses à régler… et puis, Diavolo mio, tu présumes de tes forces! Viens manger et te reposer encore un peu…
Cette petite activité physique m'a donné faim à moi, une faim de louve!


Theolenn se radoucit en enlaçant son spadassin convalescent et mit d'elle-même son bras valide autour de ses épaules à elle, avant de l'entraîner une dernière fois vers cette maudite cabane pour un dernier repas. Le lapin de la veille serait encore bien meilleur réchauffé!

Pendant que l'homme au passé trouble digérait en faisant semblant de sommeiller - parce qu'elle voyait bien que malgré ses yeux fermés, sa tête tournait légèrement au rythme de ses moindres faits et gestes ! - Theolenn ranima le feu puis vida les fioles de poudres une à une dans les flammes. De jolies couleurs apparurent par moments, et à d'autres, une sorte de pétillance qui s'exprima par des étincelles aussi subites qu'éphémères. Dans l'autre pièce, elle s'efforça d'effacer le pentagramme avec un balai et quelques seaux d'eau. Il ne fallait plus que le diable ou toute autre entité sans nom, trouve résidence dans cette habitation humaine, même abandonnée comme elle allait l'être sous peu.

Il était temps de ranimer son étalon, oh non, pas comme ça! What did you expect? Mais bien plutôt de faire en sorte qu'il reste le plus compétitif possible dans les jours à venir.

Assise au bord du lit où il reposait finalement, elle s'empara doucement de sa main, celle du bras en écharpe, et se mit à en masser les doigts un par un. Préserver leur agilité était désormais vital. Elle avait bien compris que rien ne serait plus emprunt de cette douceur de vivre qui avait accompagné leur pas dans les débuts de ce voyage aventureux. Elle étira donc les tendons engourdis par l'inaction forcée, de légères tractions, des flexions douces mais répétées, des palpations molles en apparence mais qui réveillaient chaque muscle touché. Le massage s'étendit au poignet puis au bras tout entier, faisant bien attention à ne pas solliciter l'épaule. Morelius, lui, ne disait rien, il la regardait. Il la regardait de cette façon si personnelle, celle qui lui retournait à chaque fois le cœur tant un spadassin, quand il se fait douceur, est impressionnant pour celle qui l'aime. Theolenn eut beau faire, se raisonner tout bas, imaginer une situation absurde, se concentrer sur un détail ridicule, rien n'y fit, son teint d'albâtre vira violemment au rose prononcé. Toutes les nuits qu'ils avaient partagées, toutes les confidences que sous l'émotion ils échangeaient quelquefois, tout le temps qu'ils passaient ensemble, rien n'atténuait le pouvoir que ses yeux-là avaient sur la menteuse de Chambéry qu'un maître de l'esbroufe avait si habilement apprivoisée.

Revenant à ses doigts, elle les emprisonna tendrement entre les siens, en fermant les yeux.


- J'ai eu si peur…

_________________
Morelius
[Le lendemain - Voyage de Tarbes à Lourdes]

Ils vont côte à côte depuis l'aube, tout à l’ivresse de ces premiers éveils, quand les corps lascifs exultent au souvenir des embrassements de la nuit et que les yeux se mouillent de larmes et d’allégresse aux rémanentes langueurs d’un si bouleversant et si grisant voyage au paradis des amants. Ils ont des étoiles qui leur pétillent aux yeux et d'immenses bouffées de soleil leur montent au cœur en farandoles joyeuses où elles éclatent en vapeurs irisées. La joie, l'ivresse et la bêtise les occupent tout entier. C'est absolument délicieux !

Ce vendredi-là, la tiédeur du jour s'épand en rayons d’une sensualité qu’ils n’avaient jamais soupçonnée si langoureuse, le gave fait un murmure d’une fraîcheur et d’une gaieté inaccoutumées, le chant des oiseaux recèle une grâce et un charme mélodique qu’ils n’avaient jamais entrevus, les fleurs distillent un parfum si capiteux qu’ils n’en peuvent concevoir de plus enivrants. Même le vent, devenu zéphyr, caresse leurs cheveux et leur visage avec une tendresse et une délicatesse si voluptueuses qu’on eut pu le croire quelque créature familière, complice de leurs transports…


- Ton corps, le mien, l’univers tout entier, ne font qu’une même musique ; les fragrances et les saveurs, les couleurs, les bruits, chaque vibration des choses, et nos souvenirs, tissent les arpèges d’une même symphonie qui chante ton nom, oh ! mon aimé, chantent les chairs de Theolenn.

- Les nuages dessinent ton visage. Il emplit les cieux et pénètre mon âme de son ardente douceur, oh ! mon amante. La terre a ton odeur, le vent, le goût de tes baisers et le trot du cheval répète sans cesse ton nom, ressasse tendrement chaque battement du cœur de Morelius.

Exquise et sereine intensité de ces instants précieux où le corps est parfaitement apaisé, où, pourtant, l'espoir d’un désir renaissant tournoie dans les esprits, sonde déjà les reins, creuse déjà les ventres.

Allégresse éclatante d’un enchantement de voyage, où les seuls mots qu’ils puissent se dire se font murmurants comme des caresses, doux et mauves de tendresse. Les seuls gestes qu’ils peuvent échanger ont la rouge force des serments et le diaphane azur des promesses éternelles, leurs regards sont troublés d’une infinie langueur. Celui qui n’a pas connu cette voluptueuse débâcle de l’âme et de la chair, quand elles tombent en amour, ne saura jamais ce qu’est le bonheur de vivre ni la jubilation des corps.

Ils vont côte à côte, perdus dans leurs confidences. Il restait huit milles à parcourir avant Lourdes que les deux amants firent, enfermés dans leurs chuchotements.

_________________
Theolenn
[Pas… Lourdes, et crustacés]

Cela faisait maintenant quelques jours qu'ils étaient à Lourdes et cette ville, bien que superbe, endormait Theolenn. Morelius, lui, avait retrouvé les joies de ses anciennes, et en même temps récentes, activités, il jouait au milicien. Or la belle n'avait nulle envie de travailler dans un champ, ni de traire des vaches et encore moins d'égorger un mouton, aussi décida-t-elle d'aller visiter les environs. Une petite balade en montagne, oh pas très loin, juste histoire de se dégourdir les jambes et de casser son ennui. Elle serait revenue pour le soir, aurait le temps de se changer et peut-être même iraient-ils manger en ville, si son légionnaire n'était pas trop fatigué !

Elle jeta pêle-mêle dans un sac tout ce qui traînait et pouvait servir à un pique-nique en solitaire, ce qui ne fit pas lourd. Une petite visite chez le boulanger qu'elle trouverait au coin de la rue et qui vendait durs les œufs de la ferme de son cousin, complèterait à merveille son festin. Une gourde de vinasse, le bâton de pèlerin et… et c'est tout! Il faisait humide mais chaud, inutile de s'encombrer pour une simple balade.

La promeneuse quitta donc la ville, le regard en mode curiosité, et prit un chemin de terre qui grimpait dans des collines. Petit à petit, le chemin devint sentier et bientôt, il lui fallut faire attention pour discerner sa route tant les ronces et les mauvaises herbes étaient devenues envahissantes. Mais cela n'aurait jamais suffi pour la persuader de rebrousser chemin, c'est justement ça qu'elle aimait, l'arrière-pays, le peu fréquenté, l'insolite en trésor parfois à la clé.

Il faisait plus chaud qu'elle ne l'aurait crû en partant ou alors était-ce la pente qui se renforçait peu à peu? Elle retira une couche, puis deux, la sueur continua à lui couler dans le cou, mais elle ne s'arrêta pas pour autant. C'était plus fort qu'elle, et personne n'était là pour la raisonner, il fallait qu'elle atteigne le sommet! Sommet qu'elle ne risquait même pas d'apercevoir puisqu'à présent elle venait de déboucher dans une forêt délicieusement fraîche où elle décida de souffler un peu. Comme si son souhait ne demandait qu'à être exaucé, ses yeux se posèrent presqu'immédiatement sur un rocher plat qui ferait un excellent siège et une table tout à fait acceptable pour son déjeuner sylvestre.
Dieu que c'était bon ce pain croustillant quand l'effort était à sa mesure, et ces œufs cuits du jour étaient parfaits pour rassasier l'inconsciente. Car contrairement à ses estimations, midi avait sonné depuis plus de 3 heures à n'importe quel clocher du royaume, hélas tous trop éloignés pour qu'elle put se rendre compte que même si elle décidait de rentrer maintenant, elle ne serait de retour qu'à la nuit tombante. Theolenn but une dernière goulée de vin coupé et s'apprêtait à reprendre sa course quand son attention fut captée par une faille de taille dans un rocher avoisinant le sien.

Le manque de curiosité est un très vilain défaut, telle était la devise modifiée qui lui collait à la peau. D'un bond elle fut sur pieds, d'un autre elle fut sur place.
L'ouverture ressemblait à une porte de cathédrale naturelle à la différence qu'un géant à la force colossale l'aurait tordue dans un accès de colère noire. On pouvait néanmoins s'y glisser sans problème, ce que la téméraire fit sans l'ombre d'une hésitation.

Un étrange écho se répercutait dans la salle minuscule où elle venait de pénétrer. C'était divinement mélodieux, répétitif mais complexe, comme des phrases rythmiques tapotées par une fée mélomane aux doigts cristallins. Theolenn se concentra pour trouver qui était à l'origine du concert et comprit dès que ces yeux se furent habitué à l'obscurité des lieux. Une source, ou un ruisseau souterrain, serpentait probablement dans la roche. Sur la paroi de gauche, comme creusé par quelque sculpteur rupestre, un bassin naturel retenait quelques dizaines de litres d'une eau limpide et transparente comme du cristal. Son goût, d'une pureté inouïe, ravit le palais de l'exploratrice en herbe. Le remplissage se faisait par un goutte à goutte qui semblait suinter de la pierre même, puis parcourait une petite gouttière qui conduisait le mince filet d'eau jusqu'à son minéral récipient.

Theolenn faillit se retourner vers Morelius pour lui faire partager la joie de sa découverte puis se rappela qu'il "milicait". Tant pis, elle lui raconterait…ou pas.
C'est à ce moment-là que, trop sentimentale, elle fit sa véritable erreur.
Quelque chose s'évertuait à briller sur le mur du fond, ça ressemblait à une pierre, des reflets métalliques perçaient l'ombre par moments. Avant de ressortir l'amatrice spéléologue voulut en avoir le cœur net et même, si ce n'était pas trop ancré, pouvoir ramener un éclat mystérieux à l'homme qui partageait habituellement son quotidien.
Elle s'approcha le bras tendu prête à toucher l'objet de sa quête, glissa sur quelque chose dont elle ne connaîtrait jamais la nature et sentit le sol se dérober sous ses pieds juste avant de faire la glissade de sa vie…

_________________
Morelius
Morelius avait toujours mis grand soin à laisser à sa compagne ses instants de solitude, et jamais n'avait mis son nez curieux dans ce qu'elle en faisait, partisan convaincu que pour mieux s'aimer il se fallait parfois mieux séparer. Car les piliers du temple se tiennent à bonne distance les uns des autres, et le chêne et le cyprès ne poussent pas dans l'ombre l'un de l'autre. Cependant, quand, rentrant de la milice ce soir là, il ne trouva point trace de sa voyageuse, il s'en inquiéta. Cela n'était pas ordinaire, quelque chose n'allait pas.

Rassemblant rapidement ses armes (pour milicer il ne prenait qu'un grand bâton, pour éviter les accidents malencontreux...), quelques effets, un peu de munitions de bouche, il quitta Lourdes en fin d'après-midi. Quelques questions bien tournées et de braves paysans locaux lui indiquèrent sans peine la direction dans laquelle ils avaient vu passer la jeune femme le matin.

Regardant le soleil déjà bas dans le ciel, Morelius estima en avoir pour encore deux heures de jour à peu près, et les derniers rayons de soleil purent guider sa marche ; mais du moment où le reflet de sa flamme pâlissante eut abandonné le plus haut pic des Pyrénées, la nuit commença d'arriver à son tour, avec une rapidité d'autant plus effrayante que, pendant cette dernière heure de jour, Morelius avait pu remarquer combien était escarpé, et par conséquent dangereux, le chemin qu'il suivait.

Aussi, après un quart d'heure de marche au milieu de cette obscurité, suivant les traces que fort heureusement Theolenn n'avait point cherché à dissimuler, Morelius s'arrêta-t-il tout court.


- Peste de ces bois, le chemin devient de plus en plus mauvais, ou plutôt il n'y a plus de chemin du tout. Je risque de me perdre moi aussi, si je pousse plus loin. Cependant le gîte me paraît un peu champêtre. Voyons si je peux aller plus avant par là. Je flaire une jolie grotte avec des rideaux de lierre et des parois de mousse.

Il n'était pas dans ses habitudes de tueur silencieux de parler ainsi tout haut, mais en s'approchant de la grotte, il espérait ce faisant en chasser tout un monde de hiboux, de lézards et de serpents. Après s'être battu contre une forêt de lianes, qui le voulait faire prisonnier ; frappant de son glaive d'estoc et de taille, il s'ouvrit enfin un passage dans la faille mystérieuse. Alors, toutes les feuilles humides de rosée se mirent à pleuvoir sur sa tête, en même temps qu'une sortie d'une douzaine de chauve-souris, et la place se rendit enfin à l'assaillant motivé.

A peine avait-il fait cent pas dans une pente assez rapide, qu'à un endroit où le chemin semblait fermé par un mur, il commença de sentir sous ses pieds un petit filet d'eau glacée ; tandis que çà et là passaient invisibles, se révélant seulement par l'air qu'envoyait au visage du mercenaire le battement silencieux de leurs ailes, de grandes chauves-souris, impatientes de reprendre possession de leur demeure.


- Foutremouise, après la cabane de la sorcière, voici la caverne de l'enchanteur !

Il avança encore un peu dans les ténèbres avec précaution en tâtonnant du bout de l'épée. Après avoir fait une vingtaine de pas, il rencontra un mur solide, impénétrable, qui semblait formé par le rocher lui-même, sans cavité apparente, sans retraite pour les animaux nuisibles. C'était visiblement une de ces grottes qui, dans les premiers temps de l'Aristotélisme, furent habitées par quelqu'un des pieux solitaires qui avaient choisi le chemin de la retraite obscure pour les conduire au Soleil.

- Theolenn ??? THEOLENN !!! OLENN !!! LENN !!! ENN !!! ...
_________________
Theolenn
Theolenn, la stupeur de sa chute passée, se rendit compte qu'elle glissait le long de quelque chose, mais de quoi? Tout était noir…

La première phase s'était déroulée extrêmement rapidement, un peu comme quand avant de s'endormir on a l'impression de perdre pied et d'être happé par un trou sans fond. On a à peine le temps de s'en rendre compte qu'on est déjà des dizaines de mètres plus bas. Mais là, ça commençait à ralentir progressivement et sa peur fut alors d'être arrêtée au plein milieu du conduit parce que celui-ci se serait trop rétréci.
L'aventurière eut l'espace d'un instant la vision de sa fin, coincée dans une gangue de pierre, sans lumière, sentant la faim la tenailler, la soif, le manque d'air l'asphyxier peu à peu… et on la retrouverait peut-être entière mais dans 2000 ans ! Fossilisée comme ce pauvre poisson…

Theolenn ferma les yeux, ce qui peut paraître absurde dans le noir quand son désir est à dix mille lieues de vouloir faire une sieste.
Non, si elle clôt ses paupières dans ce goulot noir et, elle le supposait, austère, ce fut pour prier.
Aristote ? Non !!! Ces tours de cochon à celui-là, ça commençait à bien faire!
Non, elle pria la déesse mère, la seule divinité qu'on respectait à la table de son père, elle pria pour Morelius, de toutes ses forces… elle souhaita qu'il ne passe pas le reste de sa vie à la chercher, qu'il ne soit pas trop longtemps malheureux si elle…

Et ZOU ! Retour à la lumière à la vitesse de l'éclair!!!
Phase "lancé de bourrique savoyarde", réception partielle dans conifères et roulé-boulé sur une pente tapissée de graviers… Aieeeee!!!! … avant le plouf final, carpéen, dans une eau avoisinant les 10°C !

Il est des moments dans la vie où même le plus beau paysage du monde a bien du mal à vous éblouir, c'était exactement un de ses instants-là.
Le jour déclinant montrait les apprêts du soleil couchant qui, sur une crête basse, habillait le pourtour de Dame Montagne d'un trait rougeoyant. Quelques rapaces majestueux faisaient un dernier tour d'inspection sur leur vaste territoire de chasse, poussant quelques cris aigus dans la solitude du soir. Et quelques pierres, comme pour ponctuer l'atmosphère, s'éboulaient sur un autre rivage de ce petit lac perdu où Theolenn venait de choir.



(C'est réellement un lac près de Lourdes, mais comme elle est perdue, je ne peux pas vous dire où c'est...^^)

Elle resta un instant assise le cul dans l'eau, hébétée, à regarder sans réellement le voir, ce panorama superbe qui venait de se révéler dans ces plus beaux atours à sa visiteuse du soir. Theolenn sentit des hoquets de rire monter comme des bulles à la surface de sa gorge, elle rit à s'en décrocher les mâchoires, tant et si bien que ce fut une crampe zygomatique qui mit fin à sa crise d'hilarité. Elle était vivante, elle était perdue, mais tous les espoirs pouvaient renaître!

Par contre, son sac aussi semblait perdu… parce que son dos lui paru bien léger soudainement.


- Debout! Magne-toi!!!

Outch… apparemment rien de cassé mais tout d'endolori!
Elle vit ses bras nus ornementés de griffures, et ses jambes pas vraiment logées à meilleure enseigne. Demain elle serait couvertes d'hématomes, ça ne faisait pas un pli…

Un miracle s'offrit alors à celle qui reprenait ses esprits: levant la tête pour faire un état des lieux qui abriteraient sa nuit, elle vit le sac, son sac chéri, pendu à une branche d'un des sapins amortisseurs qui lui avait adouci la chute. Sauvée! Elle aurait de quoi manger sec, de quoi se changer, même si ça risquait d'être folklorique, et de quoi allumer un bon feu avec le bois sec qui jonchait les bords du lac. Ce fut l'affaire d'une heure, et la belle rassasiée s'endormit pour le pays des songes tumultueux en attendant que le jour nouveau lui donne les informations nécessaires à sa localisation.

Même dans ses rêves Morelius lui manquait, que faisait-il en ce moment?
Est-ce qu'il
RRRrrrrr - Zzzzzz

_________________
Morelius
Morelius triturait ses six sens à l'affût de la moindre bribe d'information, une bouffée d'elle, un lambeau de tissu, un indice quelconque auquel il se serait raccroché comme aux débris flottants d'une épave à la dérive. Mais les brumes de la grotte demeuraient les plus fortes et altéraient le plus menu détail. Certes, des intuitions sans lien apparent ni importance affleuraient, çà et là, à la surface de sa conscience mais, soit il voyait des images qu'il ne savait nommer ni qualifier, soit lui venaient des mots qu'il ne savait illustrer. Témoin ce bruit d'eau qui coule qui surgissait du néant à chaque fois qu'il prêtait l'oreille. Sans qu'il en sût bien la cause, cela le plongeait dans un état de nerfs épouvantable.

Il tomba sur la dépouille d'un malheureux ermite qui gisait de bien singulière façon. Ses doigts raides et osseux s'étaient refermés sur un caillou ovoïde et tavelé de cratères aux émeraudes reflets, un petit bout de cristal de roche - à moins que ce ne fût plus prosaïquement une éponge de toilette à l'état fossile, tandis que l'autre main, le squelette indiquait un coin obscur de la grande salle, comme si en ses ultimes instants, la victime avait voulu délivrer un message à la postérité. Quelques siècles plus tôt, peut-être... Bigre !

L'air humide de la salle avait une densité, une charge, une émotion. Sans doute s'accordait-il avec la roche pleine, épaisse, compacte des parois, et qui rendait un son mat. Le silence était si profond, si total, si absolu, qu'on pouvait l'entendre respirer ; c'était la préhistoire qui fluait et refluait sa lente haleine de saurien. Les lézards n'oublient pas, eux. Des bouffées d'harmonie se répandaient par moments à travers le tremblement diaphane de l'atmosphère, où l’œil eût pu suivre presque leurs ondulations sonores ; elles montaient en volutes, s'évaporant des bassins brillantés de réverbérations, qui luisaient, tels du métal fourbi. Endroit saturé de vibrations propice à exhumer fantômes et vieilles goules du passé aux dents tirées à quatre épingles, s'il en fut jamais. La roue du Temps était sortie de son ornière, dirait un certain Shakespeare un siècle plus tard.

Une intuition illumina soudain Morelius. Mais bien sûr, cela coulait de source : le ruisseau qu'indiquait le squelette avait forcement une issue quelque part ! Notre mercenaire se précipita vers l'eau, non sans piétiner au passage l'ancêtre qui se réduisit en une fine poudre d'os qui eût pu sceller la bonde d'un tonneau de bière, et se laissa porter par le courant glacial. Ô merveille ! L'eau le mènerait à celle qui étanchait sa soif, il en avait la certitude. Oui mais voilà... une rivière souterraine n'est pas un long fleuve tranquille, et on ne renait pas ainsi des entrailles de la terre sans un minimum de contusions, comme il allait bientôt l'apprendre à ses dépends...

_________________
Theolenn
Le début de la nuit fut relativement paisible en comparaison avec les turbulences de la journée précédente… sauf un grand PLOUF qui vint perturber ses songes l'espace d'une seconde. Son esprit endormi traduisit l'information sous les traits d'un poisson géant qui hanterait le lac à la recherche d'un pécheur à engloutir, ça ne la perturba pas plus que ça. Le feu n'était plus que braises rougeoyantes mais il irradiait de celles-ci une douce chaleur qui l'enveloppait agréablement. Ses vêtements éparpillés sur les branches les plus basses devaient être presque secs à présent. Tout irait bien, il suffisait d'attendre demain en profitant de la quiétude nocturne qui régnait dans cet endroit protégé.

Un craquement étrange l'arracha à son sommeil…

Ah non, hein, pas encore un ours perdu à la recherche d'une Boucles d'Or pour lui régler son sort! Le lit qu'elle utilisait n'appartenait à personne, c'était un simple enchevêtrement de jeunes branches de sapins tendres.
Aucun vol et pas d'emprunt non plus...

Sur le qui-vive, la jeune femme se tint aussi immobile qu'une couleuvre à collier effrayée, les sens en alerte et le corps prêt à bondir. Il ne passa plus rien pendant une bonne dizaine de minutes puis les craquements reprirent, plus nombreux, plus cadencés, beaucoup plus discrets. On aurait dit quelqu'un qui tâtonnait en essayant de se repérer dans l'espace.


- Hum… Y a quelqu'un ? Montrez-vous… S'il vous plait…

_________________
See the RP information <<   <   1, 2, 3, 4, 5, 6   >   >>
Copyright © JDWorks, Corbeaunoir & Elissa Ka | Update notes | Support us | 2008 - 2024
Special thanks to our amazing translators : Dunpeal (EN, PT), Eriti (IT), Azureus (FI)