Rosalinde
Elle avait bien une monture, oui, son barbe d'Arabie, pour le nom duquel elle avait longtemps tergiversé, avant de se dire qu'elle ne l'appellerait pas. Il serait une Créature Sans Nom, et cela serait encore mieux si cette dernière qualité faisait enrager le très aristotélicien (en théorie du moins) Judas von Frayner, son cher mais fort peu tendre employeur, qui l'avait laissée à quai. Le goujat s'était embarqué dans une croisière en tête à tête avec sa maîtresse, la Bretonne Anaon, et le diacre capitaine. Dieu seul savait ce qui allait en résulter. La monture n'était donc pas un souci pour la belle rousse. Mais il restait un souci, et un sacré.
Au fur et à mesure des semaines, depuis son embauche par le seigneur de Courceriers, la Rousse avait vu sa garde robe s'étoffer petit à petit. Achats, bien sûr, mais aussi et surtout des cadeaux. Bas, col de fourrure, robe, chainse, bientôt les malles de Rosalinde seraient plus conséquentes que celles d'une princesse de sang. Pas encore tout de suite, remarque. Mais petit à petit... Enfin, cela se pourrait si quelques vils arrêtaient de saigner sur ses affaires. Elle faisait tout pour éviter le sang, mais parfois c'était les ennuis qui la trouvaient, et alors... La robe bleue, à nouettes, servait à présent à bander son poignet cassé. Dommage, cette si belle robe, que l'Irlandais avait été le dernier à lui enlever.
Cette pensée lui tira un sourire, tandis qu'elle se promenait dans les rues de Nevers. Elle avait bientôt rendez-vous avec Moran et Nyam, et ensemble ils devaient partir pour Cosne. Mais avant... Il fallait qu'elle résolve son plus gros problème. Car si elle avait des robes, il lui manquait les souliers. Elle n'en avait qu'une paire, une seule petite paire. Oh, bien sûr, elle n'était pas de ces femmes qui avaient besoin d'en posséder cinquante, au bas mot, mais elle aimait en avoir plusieurs paires, adaptées aux circonstances. En l'espèce, elle possédait une paire de chausses on ne pouvait plus communes. Il lui fallait une paire qui lui servirait à voyager, et une autre, plus élégante.
Rendez-vous avait donc été pris chez un cordonnier quelques jours plus tôt, à présent était l'heure d'aller chercher sa commande. Entrant dans la boutique, elle fut accueillie par la femme du commerçant, et invitée à essayer ses futurs achats. La paire de souliers de voyage était celle qu'elle allait devoir porter dès à présent, mais elle n'était pas celle qui attirait toute l'attention de la belle. Non, son esprit contrarié ne trouva le repos que lorsqu'elle put enfiler son petit pied menu et gainé de soie dans ses beaux souliers, qui lui allaient à la perfection. Comble de la joie pour elle, elle les avait choisi rouges. Ainsi, ceux qui auraient le bonheur de les voir ne pourraient que s'en rappeler. Et qu'ils étaient doux, tout de satin ! Quelle idée de porter des poulaines, que c'était embêtant ! Non, ces chaussures là étaient les chaussures de sa vie. Rouges, rouges comme le sang, le sang de Jacques. La bourse qu'elle avait récupéré aux côtés de son cadavre fut tendue à l'artisan.
Délestée de la rançon de sa vengeance, elle put partir, le coeur léger, serrant ses nouvelles acquisitions, bien enveloppées dans du tissu, tout contre elle. A présent, elle était prête pour le départ.
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En pointillés tout le mois de Juillet
Au fur et à mesure des semaines, depuis son embauche par le seigneur de Courceriers, la Rousse avait vu sa garde robe s'étoffer petit à petit. Achats, bien sûr, mais aussi et surtout des cadeaux. Bas, col de fourrure, robe, chainse, bientôt les malles de Rosalinde seraient plus conséquentes que celles d'une princesse de sang. Pas encore tout de suite, remarque. Mais petit à petit... Enfin, cela se pourrait si quelques vils arrêtaient de saigner sur ses affaires. Elle faisait tout pour éviter le sang, mais parfois c'était les ennuis qui la trouvaient, et alors... La robe bleue, à nouettes, servait à présent à bander son poignet cassé. Dommage, cette si belle robe, que l'Irlandais avait été le dernier à lui enlever.
Cette pensée lui tira un sourire, tandis qu'elle se promenait dans les rues de Nevers. Elle avait bientôt rendez-vous avec Moran et Nyam, et ensemble ils devaient partir pour Cosne. Mais avant... Il fallait qu'elle résolve son plus gros problème. Car si elle avait des robes, il lui manquait les souliers. Elle n'en avait qu'une paire, une seule petite paire. Oh, bien sûr, elle n'était pas de ces femmes qui avaient besoin d'en posséder cinquante, au bas mot, mais elle aimait en avoir plusieurs paires, adaptées aux circonstances. En l'espèce, elle possédait une paire de chausses on ne pouvait plus communes. Il lui fallait une paire qui lui servirait à voyager, et une autre, plus élégante.
Rendez-vous avait donc été pris chez un cordonnier quelques jours plus tôt, à présent était l'heure d'aller chercher sa commande. Entrant dans la boutique, elle fut accueillie par la femme du commerçant, et invitée à essayer ses futurs achats. La paire de souliers de voyage était celle qu'elle allait devoir porter dès à présent, mais elle n'était pas celle qui attirait toute l'attention de la belle. Non, son esprit contrarié ne trouva le repos que lorsqu'elle put enfiler son petit pied menu et gainé de soie dans ses beaux souliers, qui lui allaient à la perfection. Comble de la joie pour elle, elle les avait choisi rouges. Ainsi, ceux qui auraient le bonheur de les voir ne pourraient que s'en rappeler. Et qu'ils étaient doux, tout de satin ! Quelle idée de porter des poulaines, que c'était embêtant ! Non, ces chaussures là étaient les chaussures de sa vie. Rouges, rouges comme le sang, le sang de Jacques. La bourse qu'elle avait récupéré aux côtés de son cadavre fut tendue à l'artisan.
Délestée de la rançon de sa vengeance, elle put partir, le coeur léger, serrant ses nouvelles acquisitions, bien enveloppées dans du tissu, tout contre elle. A présent, elle était prête pour le départ.
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En pointillés tout le mois de Juillet