Là, arrêt sur image. Il reste écouter la dame, limite la bouche ouverte tel un poisson hors de l'eau. Va finir par manquer d'air s'il respire pas là. Pas pour dire mais la dame, elle le met pas à l'aise, mais pas du tout même.
Le cinglant "Vous éludez", lui fait l'effet d'un coup d'fouet claquant sur son dos. Il bronche plus, et baisse les yeux. Son passé lui revient en pleine tronche. La noblesse, les airs suffisants, il serre les dents. Ca va passer. Il suffit d'attendre, et le déluge va passer. Il s'attend déjà à être enferré, fouetté, mais relève la tête, puisque rien ne vient d'autre que des mots.
Il arrive pas à tout suivre le reste, faut pas trop lui en demander faut croire. Soit, il est vraiment aussi bouffon qu'il en a l'air, soit il est pas à l'aise, au choix. Heureusement qu'il est pas trop près de la dame quand même, parce que son dernier bain date que de la semaine dernière, mais là, il a chaud, mais chaud ! Vous pouvez même pas comprendre combien. Bon, vu qu'il est troubadour, il a l'habitude de se laver quand même hein. Il aime bien même, l'eau des rivières, ça lui fait son affaire, mais trêve de digression narrative, revenons en au brave homme, à genoux pour l'heure devant la "Roy d'armes"...
Beh Dame Mon Joie, j'vous l'ai dit té, j'suis pas trop des gens qu'on fréquente quoi. J'vis pas dans une maison, j'pas d'chez moi, 'fin, pas vraiment.
Il soupire et grimace.
Mouais, j'payé ma dette pour l'champagne. L'vicomte, il nous avait d'mandé d'faire du bruit, c'qu'on a fait... J'a pas t'jours fait qu'des choses bien... rar'ment même. J'suis... 'fin... j'vivrais d'larcins quoi.
Il maugréé, parce qu'il est pas à confesse, mais l'a vraiment l'impression d'y être là.
Vous posez beaucoup d'questions... Mon employeur actuel s'perdu dans la campagne bourguignonne. J'sais pô où l'est lui. J'va essayer d'voir l'commandant c'soir pour voir c'qu'on fait avec mes amis.
Pour ceusskissont en Champagne, z'ont été poutré après que j'ai fait c'que prévoyait l'contrat avec l'vicomte Von Frayner.
Il hausse les épaules.
Bah nous, on n'a pas d'laisser-passer... Faut connaître du monde avec des couronnes... j'en connais mais j'veux pas leur d'mander. Savaient pas qu'étais embauché pour ça, mais j'me plains pas pour les LP hein ! C'pô grave ça, ni les procès, on a l'habitude... C'pour les coups d'épées quoi...
P'té, c'est payer cher pour m'avoir aidé à faire du bruit, et même pas qu'tous ils z'y étaient. Certains, sont listés juste parce que j'les connais. C'con non ? Y voyageaient pas avec moi, s'non, j'pense que j's'rai pas là non plus m'dame.
Les champenois, y utilisent des moyens pis qu'le Sans-Nom pour arriver à leurs fins...
Il se relève, et avise la chaise, mais ose à peine, regardant le laquais qui la lui montre.
T'sûr qu'cé pour moué ? j'va tout salir avec mes loques.
Toujours aussi mal à l'aise, son vocabulaire semble être parti aux oubliettes. Pourtant certains diraient à la dame qu'il sait parler mieux que cela quand il veut le gaucher, faut croire qu'il est limite bègue quand il est tendu. Et là, plus tendu que lui en ce moment, ce serait plutôt difficile.
Il déglutit en regardant la dame, posant sa toque sur sa cuisse pour masquer le trou dans ses braies, et s'assoit sur le bord de la chaise pour pas en abîmer le velours, après avoir passé une main sur son fondement pour en retirer la poussière. limite que ça vole dans la salle, mais bon hein... l'a pas pensé aux tapisseries, ni aux narines des présents qui risquent d'éternuer, juste au velours de la chaise et à la poussière du chemin où il s'est assis dernièrement.
De nouveau, il baisse les yeux, et dit un ton plus bas.
On n'est pas des tueurs. Nous ne sommes que des gueux, mais nous avons de l'honneur. J'avais pas tuer depuis des années... C'était la première fois que je blessais intentionnellement, dans l'armée de Sa Majesté, depuis ... mon père.
On dirait qu'il semble redevenir lui-même, et qu'il cesse de faire le pitre, à moins que son masque, il ne l'ait fait tomber sciemment, ou qu'il n'ait même pas cherché à faire exprès en arrivant tel un vulgaire gueux, tellement le lieu l'impressionne vraiment. Le Gaucher relève la tête, songeant à ce qu'il répète toujours aux siens. Ne pas avoir honte de ce qu'ils sont. Ils sont voleurs, brigands, mercenaires, mais ils ne sont pas des tueurs, et ils ont de l'honneur. Leur parole est sacrée, quoi qu'il leur en coûte. Il joue machinalement avec sa chevalière d'argent, et respire un peu mieux. Son discours a peut-être une chance d'être moins décousu si la femme qui lui fait face a d'autres questions.
Montjoie,
Pardonnez, je vous prie, mon... mes manières. Je ne suis qu'un gueux, et le décor m'impressionne, je vous l'avoue.
Il déglutit, et maintenant qu'il a retrouvé l'usage de la parole, il incline la tête pour s'excuser.
Je suis venu pour signaler que les champenois poutrent à vue, sans sommation, pour de simples LP non présentés. Quand on les demande, ils les refusent. J'ai fait le con oui, je l'ai reconnu, lors d'un procès, alors qu'ils n'avaient aucune preuves contre moi, hormis une présomption de culpabilité. J'ai pris sur moi. Mes amis n'avaient fait que suivre, et encore pas tous ceux qui ont été poutrés n'étaient présents. Ca devient n'importe quoi. Tuer pour du bruit sous des remparts. J'ai donné le nom de mon commanditaire. Quand je donne ma parole de ne faire que passer, je m'y tiens. Ils ont pu en avoir la preuve lorsque nous sommes montés en Artois.
Le gaucher la regarde et serre les dents. Pas pour dire, mais il n'est toujours pas à son aise et les coups dil furtifs qu'il lance vers la garde lombarde montrent bien qu'il est sur la défensive et sur la réserve, mais qu'il fait des efforts pur être courtois, ayant les mains posées à plats sur les genoux. Son regard n'est pas fuyant pour autant, il ne cherche pas à mentir, juste qu'il n'a visiblement pas l'habitude des lieux. En même temps, quel est le gueux qui peut prétendre, voleur et mercenaire de surcroît, avoir l'habitude des salons ? A part les nobles dévoyés, il n'y a pas de gueux qui puisse s'en targuer sans doute, et là, le Gaucher, il est à peu près autant dans son élément que s'il invitait la dame d'en face dans leur repaire. Les deux mondes sont diamétralement opposés. Mais là, il veut parler de justice et savoir si une révolte non aboutie devant une mairie, alors que les champenois étaient en alerte depuis des semaines, justifient un poutrage en règle.
En fait, peu importe pour qui on bosse actuellement. Est-ce que du bruit sous les remparts qui n'a effrayé que les chats du quartier et éventuellement les enfants qui ne savent pas encore marcher, justifie un poutrage ? et en particulier, le poutrage de personnes qui n'étaient même pas sous les remparts ? Bah oui, les champenois ont pas compté qui était sous les remparts ou pas, par contre, ils tirent l'épée contre tous mes amis de façon... méthodique, sans aucune preuve. S'ils avaient un soupçon de preuves, ils auraient fait des procès, non ? Et là encore, pourquoi ? Pour du bruit ? Qu'ils osent prétendre qu'ils ne savaient pas ce qui se préparaient s'ils ne sont pas des couards à se cacher derrière des pseudos ordres de la prévôté royale.