Isaure.beaumont
...On te donne une robe... cest tout bénéfice ! *
[Quelques temps heures, jours, semaines ? avant le mariage]
Debout sur un marchepied, les bras tendus et le minois boudeur, Isaure, en chainse, attendait. Imperméable à lagitation autour delle, ses yeux fixaient un point imaginaire sur le mur. Les lèvres pincées témoignaient de son obstination à se taire. Non, elle ne parlerait pas, elle ne parlerait plus. Elle navait pas envie dêtre là, tout comme elle navait pas non plus envie dêtre à plus tard, à ce jour maudit où elle deviendrait lépouse dun vieillard car oui, à ses yeux, Judas Von Frayner fleuretait bien plus avec sa tombe quavec son berceau. Navait-il pas lâge dêtre son père ? Sûrement sen rapprochait-il ! Encore, sil avait été duc, mais là
là !
Les poings isauriens se serrèrent inconsciemment. Immobile quelle était, qui pouvait imaginer la tempête qui faisait rage dans son être et dans son cur ? Elle navait pas encore écrit à Cassian, et plus le temps passait, plus elle redoutait que la nouvelle ne lui parvienne. Si elle mettait tant de temps, cest quelle hésitait encore sur ce quelle ferait : devait-elle accepter les décisions qui avaient été prises et ainsi satisfaire sa cousine ou bien fallait-il préférer la fuite et un mariage secret avant de revenir se faire pardonner ?
Ce jour, Isaure sut ce quelle devrait faire. Sa décision était prise. Les traits contractés du visage se détendirent un peu, mais cela ne dura pas. En choisissant de fuir et de rejoindre Cassian, elle trahissait sa cousine et la brune sen voulut déjà. Cependant, rien ne la ferait revenir en arrière. Cétait Cassian, un point cest tout.
Ce soir, elle lui écrirait pour lui annoncer sa venue et lurgence de leurs noces. Ce soir, elle fuirait. Mais pour lheure, cétait les essayages.
*Citation modifiée de Henri Jeanson
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Isaure Von Frayner, Dame de Miramont et de Courceriers
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Sans ciller, Isaure se laissa dévêtir. On tira vers le haut sa chainse, dévoilant sa nudité. Le corps juvénile se tortilla pour aider le passage de la chemise. Et bientôt, il fallut passer le barrage de la tête.
- Ah ! Vous me faites mal !
Le ton était peu aimable et une fois la tête libérée de son étau de tissu, le regard noir de la Miramont se posa sur la couturière, avant de balayer les quelques domestiques présents.
- Vous ne pouvez pas faire attention !
Il était indéniable quIsaure navait pas envie dêtre là. Elle ne voulait pas épouser Judas, et cet essayage lui rappelait trop vivement sa tragique destinée. Pourtant, à cet instant, elle croyait encore pouvoir y échapper.
Isaure posa son regard courroucé sur la soie qui enveloppait cette robe de malheur, comme si elle était responsable de tous ses maux. Les yeux bleus glissèrent ensuite vers la porte, guettant larrivée de Clémence, qui tardait à venir.
- Sa Magnificence ne semble guère décidée à nous rejoindre, soit. Faites-donc que lon en finisse rapidement. Allons !
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Et si le ton dAttia se voulait doux et enthousiaste, le visage isaurien restait irrémédiablement fermé. Peu importait la soie, cette robe était tout sauf anodine. Cette robe sonnait le glas de sa vie, alors comment pourrait-elle se détendre ?
Mais si la jeune fille semblait rester imperméable à tant de douceur, il nen était rien en réalité. Les lèvres se pincèrent imperceptiblement, comme pour retenir toute manifestation de plaisir. Cet hymen était une erreur et Isaure entendait bien le faire comprendre à sa cousine. Aussi se devait-elle de paraître la plus malheureuse possible.
Elle se faisait violence, la Wagner. Violence pour ne pas céder à lenvie et à lexcitation qui ne demandaient quà poindre, à sépanouir sur le juvénile visage. Discrètement, les doigts vinrent rouler le tissu pour en apprécier la qualité. Létoffe lui semblait si parfaite quelle en retenait sa respiration.
La mine boudeuse quand elle se voulait radieuse, Isaure se laissa bander la poitrine. Généreuse sans être débordante, elle aurait pu remplir moelleusement une main dhomme ; mais pour lheure, cétait une poitrine à la Clémence que désirait Isaure. Aussi laissa-t-elle la Des Juli enserrer les seins jusquà létouffement. Et dans un souffle :
-Cççest
parffffait.
A la question de la couturière, Isaure désigna le pied de son lit et fit signe à une domestique de lui porter le marchepied jusque là. Parler lui demandait trop de souffle et elle devait se concentrer sur sa bouderie. Ne laisser aucune manifestation dintérêt transparaître. Mais cétait plus fort quelle et ses grands yeux bleus coulèrent vers lendroit où était posé la robe, encore invisible.
Isaure ignorait encore tout de cette robe, du choix de sa cousine. Mais il était certain que Clémence avait choisi une robe de goût. Bleue indéniablement ! Et cest avec un désintérêt feint quelle attendit quon révèle à ses yeux la merveille qui devait la parer. Et dire quelle serait absente le jour de ses propres noces. Dommage pour la robe !
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Le souffle court, Isaure tenait bon et persistait dans sa bouderie. Elle évitait soigneusement de croiser le regard dAttia, mais dès que cette dernière baissait les yeux ou lui tournait le dos, elle sempressait de suivre chacun de ses gestes.
Le temps semblait sêtre figé, et lattente lui semblait être de la torture. Quelle serait donc cette robe quon lui avait confectionnée ? Quelle serait ce petit bijou de mode quelle ne porterait quaujourdhui ?
Comme il était presque dommage quelle ne puisse ne veuille épouser Judas. Cette robe serait gaspillée. Peut-être pourrait-elle lemmener dans sa fuite et sen parer pour ses noces avec Cassian ? Mais la jeune fille neût pas le temps daller plus loin dans sa réflexion, la déception prenant soudainement de son esprit. Rouge. Rouge. Rouge et encore rouge !
Où était donc le bleu quelle attendait ? Qui avait osé commander une robe ROUGE ! Cest alors que les portes souvrirent avec fracas sur Clémence. Clémence cette traîtresse qui la mariait, et en rouge sil vous plaît !
Comment elle se sentait ? Tout sauf magnifique et sublime Elle étouffait aussi. Et inconsciemment, elle posa les mains sur son décolleté quelque peu vide, cherchant à écarter les tissus qui la comprimait afin de reprendre son souffle.
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La délivrance. Isaure inspira une bonne bouffée dair quand le bandage fut relâché. Le décolleté fut rempli, et les essayages purent enfin reprendre leur cours. Et pour changer, Isaure boudait.
Elle nopposa cependant aucune résistance quand il fallut enfiler la robe du dessus, toute aussi rouge que la précédente, à son grand dam. Elle navait alors pas idée de la merveille dont on la parait. Et parce quil lui tardait de pouvoir retrouver la quiétude de ses appartements, sans toutes ces ouvrières autour, Isaure facilita même lenfilage du précieux tissu.
- Nous y sommes ? Cela vous convient-il ?
Le ton était amer, et limpatience den finir non dissimulée.
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Se pouvait-il que le rouge lui siée si bien ? Fronçant le nez, elle inspecta son reflet sans la moindre pudeur : devant, derrière, les côtés. Et bientôt les mains prirent le relais pour en apprécier la finesse et la douceur. Les doigts sattardèrent sur les broderies, rapidement rejoints par deux prunelles critiques. Et les traits isauriens se détendirent enfin, dévoilant un sourire sincère. Concluant tout haut :
-Hmm, je ne serai pas
vraiment infidèle au bleu
puisque mon blason en arbore, du rouge ! Rouge et bleu. Rouge sang, sang bleu. Voilà deux couleurs qui sont liées
nest-ce pas ? Rouge et bleu. Bleu et rouge.
Et se tournant enfin vers Attia :
-Jaime assez. Enfin, jaime bien
En fait, jadore !
La jeune fille se tourna de nouveau vers son parfait reflet, se souriant à elle-même. Oui, cette robe lui plaisait, et maintenant quelle la voyait, quelle la touchait et surtout quelle la portait, il lui paraissait impensable de labandonner. Ne valait-elle pas un mariage ? Cassian
Robe
Cassian
Robe ?
Citation:A Cassian,
Quelle tragique tragédie ! Faut-il que le sort sacharne contre nous ? Faut-il quil se délecte de nos malheurs ? Alors que je me réjouissais de vous savoir enfin libre, de vous savoir à moi, il frappe à nouveau et meurtris mon âme et mon cur.
Ô Cassian, me pardonnerez-vous un jour de vous écrire ces mots ? Mais si mon cur souffre, le vôtre le doit aussi. Oui. Ils doivent souffrir à lunisson, comme ils auraient dû saimer.
Votre cher ami, votre bon Marquis de Nemours, a jugé bon de vous enlever à moi pour toujours en me donnant en pâture à un vulgaire petit seigneur, répondant au nom de Judas. Judas Von Frayner. Tant de fois jai imaginé signer Isaure de Blanc Combaz au bas de mes missives, mais voilà que je devrai me contenter dun simple Isaure Von Frayner. Nest-ce pas désolant ?!
Sachez que jaurais bien volontiers fui pour vous rejoindre et moffrir à vous, mais je suis retenue prisonnière, et dans quelques jours, je serai mariée à cet homme, si vieux et si peu beau. Si encore il était duc, mais non, il ne possède quune vulgaire seigneurie dans une contrée sauvage : le Maine ! Oh comme je suis malheureuse !
Que le Très-Haut vous garde,
Avec tout mon amour,
Isaure
PS : La robe est belle. Divinement belle, il me tarde de la revêtir ! Dommage que vous ne puissiez être présent à cet hymen, vous auriez alors pu madmirer !
Voilà la lettre que recevrait Cassian, quand Isaure prendrait la plume, le soir même, éprise dune robe.
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La brune entama alors une danse étrange aux mouvements désordonnés et exagérés. Elle descendit du marchepied et entrepris de faire le tour de la pièce, histoire de sassurer que ses pas ne seraient pas entravés, puis elle rejoignit un grand fauteuil dans lequel elle sinstalla.
-Si ce nest cette partie qui me gratte commença-t-elle en se massant lépaule droite nerveusement il semblerait que le reste soit parfait.
Et pour vérifier ses propres paroles, la jeune fille entama un assis-debout frénétique avant de sagenouiller au sol en position de prière.
-Tout est parfait. Et une fois que la manche gauche cessera de mirriter lépaule, alors tout ce sera parfaitement parfait.
Se relevant, elle prit soin dépousseter tendrement la robe et de sassurer que tous les plis sétaient remis. Après quoi, droite, elle resta immobile, se soumettant au regard scrutateur de sa cousine, attendant son verdict.
En vérité, Isaure était tout à fait charmante dans cette robe de satin damassé finement brodée. La couleur convenait parfaitement à son teint et à sa chevelure, les mettant en valeur, bien mieux que son traditionnel et tant aimé bleu. Toute culpabilité sétait à présent effacée, lazur partagerait la vedette avec le gueules, et ce pour quelques temps.
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Isaure Von Frayner, Dame de Miramont et de Courceriers