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[RP] « La rose a l’épine comme amie. »

Grimoald
    « Le mieux à faire, en définitive, c'est de continuer sur sa voie sans prendre en compte les soupes en poudre. » JD Khy

Notre nabot préféré était devenu un maître dans l'art d'attraper nos amis les rats. Les débuts n'avaient pas été des plus simples mais, au final, il avait appris à les débusquer sans trop de peines. Tapis dans ces ruelles sales et sordides où règnent cadavres de chiens errants et autres saloperies entassées et moisissantes, ils étaient toujours là, toujours au rendez-vous, toujours prêts à se lancer, curieux, sur un morceau de fromage fumant déposé au fond de ce qui était, à l'origine, un piège à poule... Mais qui s'avérait aussi efficace pour les rats pour selon qu'ils ne dévorent pas la boîte.
D'un autre côté, ils en avaient rarement le temps. Eh oui, si les garçons jouaient habituellement avec une vessie de porc, le jeune Grimoald, quant-à lui, avait pour camarades de jeu un vieux piège-à-poule et une marmite toute cabossée. Une marmite ?! Oui, une marmite.
C'est qu'un jour, un vieil homme lui avait conté l'histoire de la Grenouille... Et le Rat, dans une marmite bouillonnante... Que faisait-il ?
Et cela amusait beaucoup notre jeune nain, cela le fascinait. A tel point que s'il l'avait pu, il aurait traîné derrière lui tout un élevage de ces petites bestioles tant haï par les hommes, mais si fascinante pour un enfant. D'un autre côté, en faire l'élevage, c'était laisser de côté tout l'attrait de la chasse. Et cela, il n'en était pas question.
Dans cette sombre taverne des bas-fonds Turons, le Blondinet était seul. Seul face à ce petit animal ébouillanté et vidé de ses tripes. Si bien qu'il en devenait un contenant idéal pour une lettre des moins banales...


Citation:

Le ...
De Ciguë sortons les capsules... , à Tours.

    Ma chère Khy, mon Amie.


Comme tu me manques et comme j'aimerais te voir à nouveau. Nous pourrions boire une chope, comme autrefois. Un peu de cette eau de vie de crapaud qui fiche mal au crâne mais qui, avoue-le, possède des vertus étonnantes.
Je ne sais où tu es, peu importe. Je pense souvent à toi, à nous. Mon amie, que deviens-tu ?

Un jour, un vieil homme m'a conté l'histoire d'une Grenouille se baignant dans une marmite. Connaissais-tu cette histoire ?
Le Rat, lui, il bouge. Il crie, et il bouge. Il bouge tout le temps. Il saute, il pleure, il crie, il hurle, il se cogne contre le couvercle, retombe dans l'eau qui boue et il pleure, il crie et il hurle, et il se cogne à nouveau, et puis il meurt. C'est drôle.

Je t'envoie mille bisous de Touraine ! Je sais que tu n'aimes pas cela ! Tu me manque !

Ton ami pour la vie,




L'écriture, ce jour-là, était soignée. Ce n'était pas tout à fait l'Enfant qui avait écrit. Non, c'est bien le même Grimoald qu'elle avait quitté dans cette taverne berruyère alors qu'il s'en allait sans laisser de traces, à son retour de l'Hostel Dieu.
Que devait-il lui écrire ? Faire comme s'il ne s'était jamais rien passé ? Un petit mot, comme cela, l'air de rien ? Une simple missive destinée à une vieille amie perdue de vue ? Cela en avait tout l'air... Enfin presque. Le mieux à faire n'était point de continuer sur sa voie, sans prendre en compte les soupes en poudre ?
Il signa de sa belle signature, roula le vélin et le disposa à l'intérieur de l'animal éventré.
Une aiguille, une ficelle et le tout était soigneusement recousu, agrémenté d'un joli nœud papillon qu'il lui suffirait de défaire pour ouvrir l'animal.
Vole, petit oiseau, vole... et que ce rat arrive à bon port.



* Titre = proverbe Afghan
_________________
Khy
Dimanche. Jour de messe, jour de liesse, jour de.. paresse.
Khy, pourtant, s'épuise, depuis le lever du jour, depuis que l'aubergiste a apporté la surprise de la semaine dans un rire gras & incontrôlable.
La senestre trop fine crispée sur la rondeur de son ventre, maltraitant les plis de la simple chaisne qui la recouvre, l'immature ne se décide pas à ouvrir le.. rat. Car c'est bien un rat, vidé, enrubanné, au poil visiblement ébouillanté, auquel elle fait face depuis deux bonnes heures.
Quel fou aurait bien puis lui envoyer une telle horreur ?! Elle sait combien la folie des hommes peut parfois atteindre des limites étonnantes, mais de là à lui envoyer, à elle, un rat mort contenant.. Quelque chose.

La senestre ne lâche en rien ce qu'elle protège inconsciemment, alors que la dextre, elle, se tend sur le rat gisant au sol. Un instant, elle se retourne vers la porte close, redoutant l'arrivée d'un démon, alors même qu'elle sait qu'il a quitté la chambre tôt le matin, & qu'il n'y reviendra pas avant la nuit.
Des affaires à régler. La pulpe des doigts frôle l'immonde rat, se forçant à croire que la chose n'est pas atteinte de peste ou d'une quelconque autre maladie.
Un coup d'oeil est lancé, à nouveau, fugace & inquiet, vers le bois résolument inerte, & ramenant ses genoux sous elle, l'animal est attrapé, à pleines mains.

Peut-être que si elle doit mourir... Ce n'est pas une mauvaise chose que la peste. L'enfançon, ainsi, aura bien peu de chances de naître en vie... bien des chances de mourir, en somme.
Le soupir est poussé, pour chasser ces trop mauvaises idées de son esprit perturbé, le ruban est dénoué, l'animal éventré, & la missive sortie avec un sourcil arqué de surprise. Les lignes sont parcourues, reparcourues, écorchées, lues, relues, vidées de leur sens, pour n'en finir qu'à une seule conclusion.
Il est devenu fou.

Un hoquet la prend, la Chose en son ventre s'agite, & le corps déformé se redresse dans un bond bien peu leste, pour courir à l'écritoire, cracher sur le dos du parchemin tout le venin qu'elle ne peut dire à haute voix.


Citation:
A toi, l'incapable, l'égoïste, l'hypocrite, l'ennemi,
Toi, que je ne saurais haïr mais qui stimule ma rage & mon mépris,
Toi, blondinet nabot aux allures d'enfant,
De moi, Khy, l'amie qui a trahit, ou peut-être est-ce elle qu'on a trahit,

Le bonjour.

Si le but de la manœuvre était de briser mes convictions, sois en certain, c'est réussi. Je t'ai cru assez intelligent pour ne plus m'approcher, je vois que visiblement, je me suis trompée. Fais-tu exprès d'être naïf, ou bien ne peux-tu pas t'en empêcher ? Sans doute une seconde nature ?
Je n'ose me demander ce qui te pousse à m'écrire en ces temps où le soleil pointe enfin le bout de son nez. Je suis sûre, pourtant, que tu as bien d'autre choses à faire que de prendre des nouvelles d'une traîtresse, n'est-ce pas ?
J'ose espérer, toutefois, que lorsque tu parles de rat, tu parles bien de toi, & que celui que tu m'as envoyé était un de tes frères. Je savais qu'il fallait tous vous tuer.

Trêve de plaisanteries sarcastiques, trêve de piques cyniques & hors de propos.
Tu dois avoir une bonne raison pour renouer contact. Je devrais te repousser, comme tu l'as fait, toi, à Bourges. Te souviens-tu seulement ?
Moi, je n'ai pas oublié. Sache que mes cauchemars se composent encore de tous ces.. délicieux souvenirs.
Mais je ne te repousse pas. La preuve, je t'écris. Je ne sais comment ta missive est parvenue à destination, mais il semblerait que ma verve acide a fait moult remous là où elle a coulé.
J'attends de tes nouvelles à Rieux, en Bretagne. Mon aubergiste semble avoir un don pour réceptionner mes missives, & de toute manière, je n'ai aucune idée du nom de cette auberge. Je crains que ce soit la seule de Bretagne, ils semblent si... sauvages.

La Vipère te salue.

Et alors que la missive est remise à l'aubergiste encore plié de rire, enrubannée mais pas fourrée dans les entrailles d'un rat, l'insolente elle retourne se coucher, en se tenant le ventre, en tremblant de la rage qui est montée trop vite.
Dimanche. La messe sera pour un autre jour.

_________________
Grimoald
Et notre jeune nabot aux minois d'ange-enfant et aux bouclettes d'or toutes soyeuse se baladait, sautillant gaiement, dans les ruelles de la capitale tourangelle.
Il savourait ces instants de liberté totale. Il se pensait à l'abri de toutes réprimandes. Rien de ce qu'il faisait ne pourrait lui être reproché.
Ah ça oui, c'était la grande vie. On ne se lavait plus, on se couchait à point d'heure, on chassait les rats, on buvait jusqu'à l'ivresse et tout l'or que pouvait contenir sa petite bourse était passé au tripot.
C'était la grosse marade tous les jours et on ne songeait plus à rien. Pourquoi se tenir bien comme il faut ? Faire la pitre, jurer comme un vieux charretier et jouer... c'était l'pied !
Alors notre nabot préféré, il sautillait gaiement en sifflotant bien qu'il était piètre siffloteur. Il sautillait gaiement en tenant par le bout de la queue ce fameux rat qui avait vu du pays. Mais un rat mort, ça supporte mal les voyages !
M'enfin, il était tout de même entier et le nabot savait qu'il contenait la réponse de son amie.
Avait-elle jouer le jeu ? Avait-elle fait comme si ? Avait-elle, comme lui, fait semblant d'avoir tout oublié ? ... Il ne tarderait plus à le découvrir !
Petit détours à travers les champs et nous retrouvons notre jeune Blondinet dans cette lugubre taverne des bas-fonds avec, à dextre son rat, à senestre quelques coquelicots cueillit tantôt.
Il aimait se retrouver seul en ce lieu. L'endroit était vide, il n'y avait personne pour lancer quelques « Beuuurrk ! » ou encore, quelques « Mm.. Mais ! Est-ce un... Rat ? » qui avait le dot d'agacer notre petit tête blonde.
Bref ! Parlons peu, mais parlons bien ! Ou, plutôt... Découvrons cette fameuse lettre qu'il lui tarde de sortir des entrailles de notre ami le rat qui, il faut le dire, commence à dégager quelques relents pestilentiels.
Oh ! Première surprise à l'ouverture du « paquet » , c'est que le vélin était soigneusement enrubanné. Détail subtil mais néanmoins important ! Il y songera la prochaine fois. Allez, allez ! Un peu de nerfs, mon garçon ! Déroule ce fichu vélin qui te brule les doigts !
Tes grand yeux bleus qui parcours les lignes... ta mine qui s'assombrit, les lèvres qui se fendent en une petite moue. Non, Grimoald, elle ne rentre pas dans la danse. Elle ne se prêtera pas à ton petit jeu. Elle n'a rien oublié, non. Elle n'a rien oublié, et elle ne fera pas semblant... N'était-ce point ce que tu lui avais reproché, au fond ?
Et tu pose tes prunelles sur ce bel écritoire que Victoire, ton Ange-Gardien, t'as offert pour ton dix-huitième anniversaire. Tu regarde ta plume, l'encre noire, le vélin vierge et luisant sur la table. Que lui écrire ? Faire semblant, encore ?


Citation:

Le ...
De Ciguë sortons les capsules... , à Tours.

    A toi, mon amie.
    A toi, la Vipère.
    A toi que je ne puis oublier...


Tant de sobriquets pour un seul nain ? Cocasse, ne trouves-tu pas ?
J'ai voulu faire comme si. Comme si nous étions les mêmes. Comme si un peu de Loches pouvait revenir. Loches est bien loin, les temps ont changé.
M'en veux-tu à ce point que tu as souhaité m'oublier ? Aurais-tu oublié que sans toi, je ne serais plus ? Aurais-tu oublié que sans toi, je n'aurais jamais vu ce corps qui n'est pas miens, ce cœur qui ne l'est point plus, ces maux dont je n'avais encore jamais souffert ? Aurais-tu oublié tout cela ? L'Hostel Dieu, cette auberge à Bourges où tu m'as abandonné ? N'est-ce point ce que tu as voulu ? M'abandonner... Un jour ou l'autre, on finit à la rivière. Un jour ou l'autre, ils vous abandonneront. Pas toi. Non, tu ne m'abandonneras point, Khy. Je serai toujours là, quelque part, ailleurs, loin de toi et pourtant... N'est-ce point ce que tu voulais ? Que je reste ? Eh bien ! Je suis là...

Pourquoi m'avoir dit tout cela ? Pourquoi m'avoir dit que tout cela était faux ? Je l'ai cru, Khy. Mon cœur, ce qu'Ils en ont fait : ce cœur-là à finit par le croire. Mais sans toi, je ne saurais plus. Pourquoi avoir fait tout cela ? Sommes-nous amis, Khy ? Mon cœur, cette chose, semble le croire.

Si j'ai pris la plume, c'était seulement pour avoir de tes nouvelles. N'est-ce point ce que font les amis ?
Je ne te demande pas ce que tu fiche à Rieux, en Bretagne, chez ces Barbares mangeurs de galettes. Embrasses Juliette et dis à ta tutrice que j'ai bien essayé de lui faire parvenir quelques explications suite à mon départ précipité... Mais ce foutu pigeon se fait vieux et il ne l'a jamais trouvé !

Tu remarqueras la délicate attention ! C'est une idée d'un certain Anthoyne de je-ne-sais-plus-trop-où que j'ai rencontré tantôt en taverne. Il n'aime pas vraiment l'idée du Rat. Mais les chats sont plus difficiles à attraper.
Il faudra penser a arroser un peu Raoul. Attention ! Pas trop, sinon, il risque de pourrir. Ce rat sèche à une vitesse incroyable !
La prochaine fois, je t'en enverrai un tout neuf ! C'est promis !

Ton ami, qui ne t'oublie pas — Et qui envoie des lettres, lui ! —




Le vélin est soigneusement roulé, enrubanné et déposé dans les entrailles de Raoul — Car il venait de décider qu'ainsi le nommerait-on. — sur un tapis de pétales de coquelicots rouge fraîchement arrachées.
Mais cette première lettre de son amie depuis Bourges... Nul doute qu'elle avait fait mouche et que dans sa petite caboche bien mise à mal ces derniers temps... ça cogitait sévère !
Le Rat est soigneusement recousu et attaché au pigeon... direction Rieux !

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Khy
La porte claque, le silence se fait, enfin.
Khy, songeuse, torturée, fixe sans la voir la poignée précédemment fermée par une rouquine en colère. Le ton n'est pas monté, non, les deux jeunes filles n'en sont pas là, n'en sont plus là. Il y a dans leurs échanges une colère maîtrisée, une rage retenue, une hypocrisie malsaine volontairement travaillée. Elles jouent le même jeu, persuadées toutes deux que l'autre pliera. Que l'autre n'a pas la volonté, que l'autre ne sera pas capable de survivre à l'échange.
Pourtant, plus les jours passent, plus il faut se rendre à l'évidence. Aucune des deux ne pliera. Aucune des deux ne vaincra.

Un soupir soulagé échappe à la lippe fine, & l'émeraude se pose sur l'écritoire, un peu plus rangé qu'à l'habitude. Nille sait y faire, en paperasse, il n'y a pas à dire. Ses motivations ne sont certes pas neutres, mais tant qu'elle fait son boulot, Khy ne lui en tient pas rigueur. Tout ce qui pourrait intéresser la rouquine est, de toute manière, bien protégé dans le tiroir fermé à clé.

Tiroir qu'elle s'empresse d'ouvrir, d'ailleurs, pour en sortir le rat crevé revenu plus tôt dans l'après-midi. Il empeste, mais l'insolente s'en contrefiche. Elle se contente d'en sortir la missive, d'en sortir les pétales, & de délacer le ruban avec fébrilité.
Pour y répondre, rapide, & lier la réponse à la patte d'un vulgaire pigeon destiné à la Touraine, sans coquelicot, sans rat.
Ce jeu ne semble guère lui plaire.


Citation:
A toi, Grimoald Lefebvre, l'ami,
De moi, Khy, l'amie,
Pour nous.

Oui, Loches est bien loin & les temps ont changé. Ni Nashia, ni Juliette, ni même Alix, n'ont eu le bonheur de m'accompagner. Diverses taches ont conduit la Pettinengo à retourner en ses terres, les autres ont suivi, quoi de plus normal en vérité. L'ingrate pupille, évidemment, en a décidé autrement, & me voilà coincée en Bretagne pour quelques semaines encore...
Si notre amitié compte encore autant que tu sembles le croire, aies l'obligeance, si tu écris à la Sanglante, de ne pas lui parler de moi. A ces yeux, je suis encore sur les côtes normandes. Mon oubli aurait le don de la faire sortir de ses gonds... Ce que ne souhaite pas.

Oh, Grimoald, ami ingrat. Ce n'est pas moi, qui t'ai rejeté, à Bourges. Ce n'est pas moi qui t'ai abandonné. Souviens-toi, mon ami, combien tu m'as blessé. Tu n'es pas une victime, dans cette histoire. Tu n'es rien d'autre qu'un monstre abject qui, parce qu'il a souffert, crois avoir la colère nécessaire pour anéantir les autres. Mais tu n'es rien d'autre qu'un rat, mon ami. Idiot, inutile, sali & détesté.
Crois donc ton coeur, s'il te dit que nous sommes amis. Ne plus y croire signerait ta fin, sans doute aucun.

Je garde Raoul, en otage. Ce petit jeu ne m'amuse plus, en vérité. Écris, si tu le désires tant, prends des nouvelles, oui. Mais ne te cache pas derrière des jeux d'enfants. Pas avec moi Grimoald. Pas avec moi.

En attendant d'autres de tes nouvelles,
La Vipère, ton amie.

Ps : On fait de drôles de rencontres, en Bretagne, si drôles qu'on se demande si tout ça n'est qu'une vulgaire coïncidence. Nille Lefebvre, ta cousine, une rouquine de mon âge aux azurs tranchants. Ce qu'elle dit. Dis-m'en plus, & je te l'enverrai. Peut-être.

_________________
Grimoald
Le voilà qui se terre dans cette sombre taverne des bas-fonds Turons en cette nuit de drame...
La Touraine, c'était un jeu dangereux. La Touraine, c'était sa vie d'Avant, c'était un temps à jamais révolu. La Touraine, c'est les Jours Heureux. La Touraine, c'était l'occasion pour lui de redevenir Grimoald : l'ex- petit serviteur zélé, l'ex- nain de Loches, l'ex- petit tourbillon de vie.
Mais voilà, le masque devait finir par tomber. Maria, la Vierge Maria, celle-la même qu'il avait rencontré quelques temps plus tôt à Blois, celle-là même à qui il avait confié ses plus lourds secrets... Elle avait parlé. Elle avait raconté... Raconté le vrai Grimoald, Grimoald le petit être torturé, le petit bout d'homme malsain courant à la damnation.
Cette incompréhension, cette soudaine découverte, cette rage, cette colère qui l'avait saisit ce soir-là avait engendré chez notre cher nabot au minois d'ange-enfant et aux soyeuses bouclettes d'or un degré de folie qu'il n'avait jamais connu jusqu'à alors.
Tous ses Démons semblaient être réapparut soudainement... Ce soir-là, il avait bien failli tuer son amie Juliette; ce soir-là, il avait découvert les vertus apaisantes de la douleur d'une plaie que l'on rouvre. Ses souvenirs étaient flous, son teint plus pâle que jamais. Dormir, il lui fallait du repos. Mais comment trouver le sommeil alors les bribes d'une triste soirée reviennent sans cesse vous gifler ? Il lui fallait faire quelque chose. Dormir, cela lui était impossible. Écrire ! Voilà.. Il devait écrire.
Encore couvert de sang, du sien et de celui de son amie, il sort son écritoire de voyage et se penche sur le vélin encore vierge qui ne tardera pas, en sus de l'encre, d'être maculé des traces de doigts ensanglantée du sang encore chaud qui recouvrait les petites mains du jeune Grimoald.


Citation:

Le...
De Ciguë sortons les capsules... , à Tours.

    A toi, mon amie...
    De moi, ton ami...


Je n’écrirai pas à la Pettinengo. Sans doute me pense t-elle mort et enterré, bouffé par les chiens errants dans un fossé, au détour d'une route sinueuse. Peut-être est-ce mieux ainsi. On ne peut gourmander un mort, n'est-ce pas ?
Je me demande bien quelles espèces d'affaires te retiennent chez ces Barbares. Je me le demande, mais ne te le demanderai point. Ils est des questions que l'on ne posent point entre amis.

Ainsi donc, pour toi, je ne suis qu'un monstre abject ? Un rat idot, sali, inutile, détesté ? Va crever. Je ne te hais point, Khy, mon amie. Tu peux cracher ton venin, claquer ta langue fourchue de Vipère. Je n'en ai cure. Mon cœur, aussi pourri soit-il, n'en a cure. Amis, amis pour la vie.
Tu es partie, c'est toi qui est partie ! Tu m'as laissé sans réponses ! Qu'ais-je dis, Khy ? Dis-le moi ! Qu'ais-je dis, cette Nuit-là ?

Tu peux garder Raoul. Nul doute qu'il te sera plus fidèle en amitié que moi. N'est-ce point ce que tu penses ?

Où as-tu appris l'existence de ma cousine ? Qui t'en a parlé ? Raconte !
Je ne sais ce que tu veux savoir. Mais il est une chose fâcheuse, très fâcheuse : Nille est morte !
Habile, très habile. La description que tu m'en fais est, je dois l'avouer, troublante. Mais Nille est morte peu de temps avant ma fugue. Une cousine défunte depuis belles lurettes chez les Bretons ? Cocasse, non ?

Que veux-tu apprendre ?


Ton ami le Rat, car ainsi pour toi je suis...





Vélin roulé, enrubanné... Sans fioritures, sans même un rat tout neuf comme il lui avait promis.
Trouverai t-il enfin le repos ? Pas ce soir...

_________________
Khy
Sous la lueur tremblante d'une frêle bougie, la plume gratte & lacère le parchemin destiné à l'ami.
Les cernes de ses yeux s'accentuent sous la lumière mauvaise, la pâleur de ses joues lui donne l'air d'ectoplasme. Mais qu'importe d'être laide de trop de fatigue, elle est vide, bien vide, & les cris du nourrisson qui traversent l'auberge à moitié endormie lui rappelle combien la chose fut longue & douloureuse.
Mais enfin, elle est vide, elle est vie, & pas même la missive du nain ne parvient à l'arracher à son semblant de bonheur.

De fait, elle y répond. Avec application.


Citation:
A toi, mon ami,

Allons. On me sait garce & sans retenue, mais je n'ai pas la joie encore de maîtriser autant la perversité que tu sembles le croire. Adèle Blanche Lefebvre, fille de Blanche Lefebvre & ta cousine. Je n'invente rien, je ne pioche pas un nom au hasard & ne l'agite pas comme un morceau de lard sous le nez d'un chien. Crois-tu vraiment, s'il m'était donné l'envie de te faire devenir fou, que ma seule pitoyable idée aurait été de farfouiller dans l'arbre généalogique de ta fichue famille pour en découvrir une rouquine exaspérante aussi niaise qu'intéressante ?
Elle ne m'a pas l'air bien futée, certes, mais elle sait ce qu'elle veut, & elle sait comment l'obtenir. Je te l'envoie dès lors, & si, enfin, ce n'est qu'une imposture, tu le découvriras bien vite. Mais prend garde à tes fesses marquées, elle semble savoir pas trop mal manier l'art des armes.
Ce qu'elle fichait en Bretagne ? Ne me le demande pas. Changer d'air, a-t-elle dit à notre première rencontre. Une façon comme une autre de faire comprendre que le sujet ne regarde personne.

Ce que je fiche en Bretagne, d'ailleurs, ne te regarde pas plus. Il est bon de voir que tu ne t'en soucies guère. Merci.
J'aurai pourtant mis toute la bonne volonté du monde à gaspiller de l'encre pour noircir cette page en futilités que tu n'aurais pas lu, tout ça pour te faire saisir que mon séjour là-bas ne te concerne pas. Tu m'épargnes encre, parchemin, & migraines.
Je t'en serais, sans doute, infiniment reconnaissante. Jusqu'à la prochaine.

Je conclurais, Grimoald Lefebvre, sur le fait que tu es bien des choses, bien trop de choses. Tu as l'esprit aussi bancal qu'un tabouret au pied unique.
Mais qu'importe, n'est-ce pas ? On se fiche bien des surnoms qu'on se donne, ça n'a pas, je crois, la moindre espèce d'importance.
Une vipère, ou un rat, ils se valent après tout.

Salut.

PS : La rouquine est décidément étonnante. Elle sait lire & écrire, te rends-tu compte, un peu ? Je te joins à la suite tout un mot de sa part.


Une autre écriture, un autre parchemin.

Citation:
A Grim, mon cher cousin,

Je t'écris d'une taverne de Rieux. J'y suis arrivée par hasard, là où mes pieds m'ont portés.
Tout ce sang cette nuit où maman est décédée ... Ca m'a fait faire des malaises et je la revoyais sans cesse ...
Alors j'ai pris la route vois-tu, car je sais que tu y étais.
J'ai traversé un royaume pour finalement apprendre que je devais effectuer une seconde traversée pour te rejoindre.
Les armées rôdent Cousin, et notre rencontre sera inévitablement retardée ...
Tout me manque, notre Tante, nos jeux, nos secrets ... Toi
Tout.
Mais mon cher Cousin, bientôt nous serons réunis comme Jamais nous ne l'avons été.

Ta très chère Cousine, Nille

PS : As-tu des nouvelles de Tantine ? Elle me manque elle aussi ...

_________________
Grimoald
Une geôle humide et quelques pauvres erres, tous aussi laids que respirant la pisse et la bière frelatée, avait passablement refroidi notre cher nabot aux bouclettes d'or.
Cela faisait une semaine qu'il traînait avec lui ces deux lettres. Pourquoi ne point avoir pris la plume aussitôt ?
C'était l'euphorie. Euphorie de ce voyage, euphorie de cette arrivée toute proche. C'était toutes les questions qui l'assaillaient. Allait-il se faire gronder ? Pis encore ! Serait-il punit ?
Mais on l'avait enfin déposé à Limoges. Il ne s'en tirait pas trop, il s'en tirait même bien !
Jusqu'à la veille...
Mais à présent propre comme un sou neuf, seul sous un vieux chêne qu'il avait adopté, il semblait hésité entre fondre en larmes ou s’enterrer vif.
Le lien avec les deux missives reçues quelques jours plus tôt ? Aucun, très probablement. Mais le jeune Grimoald sorti son bel écritoire de voyage. Il semblait fin prêt à y répondre.


Citation:

Le...
L'Astaroth III, Limoges.

    A toi, a jamais mon amie.

Il se pourrait que j'ai eu un peu honte de t'avoir cru capable d'une pareille vilénie. Je te prie de m'en excuser.
Il faut bien avouer qu'en un esprit tordu naissent parfois quelques idées farfelues. Passons !
Une rouquine exaspérante et niaise, en voilà un riche portrait.
Oh ! Ne serait-ce point quelque pointe d'une féroce jalousie ?
Car de la rousseur parfaite de ma chère cousine, tu n'en as que de pâles reflets.
En parlant de Roux, tu souviens d'un certain Alexander avec qui, de mémoire, tu t'entendais si bien lors de ton séjour à Loches ?
Je l'ai rencontré hier, à Limoges. Il semble ne point se porter mal. Il m'a même demandé de tes nouvelles ! Je ne lui en ai point donné, cela va de soi.
Il m'est arrivé chose étonnante et affreuse, honteuse aussi, je veux bien l'admettre.
J'ai perdu au tripot le peu d'or qu'il me restait encore et je m'étais déjà fait sévèrement gourmander pour cela.
J'ai profiter d'un moment d’inattention, tard le soir, pour m'éclipser et dormir sous mon vieux chêne. Mais un garde, ou que sais-je, m'a trouver errant en ville à la nuit tombée.
J'étais alors tout sale et je n'avais absolument rien sur moi qui puisse lui prouver que je n'étais point un de ces miséreux vagabonds voleurs de poules. Sans doute a t-il juger que j'étais l'un deux.
Le fait est que j'ai été conduit sur le champ en une geôle sordide où j'ai passé la nuit en compagnie d'hommes tous plus sales et plus laids les uns que les autres. Ce fut atroce !
Prends soin de ma cousine. Je la pensais morte, mais il semblerait que non. J'ignore encore pourquoi l'on aurait voulu me mentir à ce propos.

Que le Très-Haut veille sur toi !

Ton ami,




Et puis, il y avait ce second vélin.
Cette missive de sa cousine, de cette cousine qu'il pensait morte.
De cette cousine dont on ne devait point parler...


Citation:

Limoges, le ...

    A toi, Adèle, ma Chère Cousine,

L'on m'a dit de toi que tu étais morte. Cela devait être il y a un peu plus d'une année maintenant. Ce devait être vers les premiers jours du mois d'Avril.
Ainsi, l'on m'aurait menti. J'ai peine à la croire, et pourtant, il semblerait que cela soit bien toi.
J'aimerai tant te serrer dans mes bras et partir à l'étang ensemble. Tu souviens de cet étang, près de la Bâtisse où Maman nous surveillait toujours du coin de l’œil ? Nous n'avions pas le droit d'approcher trop de l'étang, mais nous trouvions toujours un moyen pour y aller.
Maman est morte cet automne.
Prends garde à toi ! Reste auprès de Khy tant que les armées ratissent les routes. J'ai grande hâte de revoir enfin, mais je te préfères de loin souriante et pleine de vie que blafarde engoncée entre quatre planche.

Tu manques, toi aussi. Nous jouerons comme Avant, je te le promets !

Khy peut s'avérer parfois pénible. N'hésite point à lui faire remarquer ses quelques reflets roux. Cela la met en rogne. C'est rigolo.
Mais ne lui dis point que cela vient de moi ! Elle serait capable de braver les armées à cloche-pied pour venir m'étrangler.

Comment te portes-tu ? Ne manques-tu de rien ?
Oh ! Comme je suis heureux de te savoir en vie !

Ton cousin,



_________________
Nille
Nille était tranquillement en train de se balader, quand un coursier vint porter la lettre.
Elle était arrivée plus tôt à la mairie et un jeune homme chargé des missives la lui avait apporté.
Ses mains tremblèrent lorsqu'elle eu le pli dans les mains.
Elle s'installa alors dans une taverne et décida de l'ouvrir.
La rouquine lu chaque lettre attentivement, encore et encore.
Elle s'empressa alors de sortir du vélin et s'empressa de gratter le matériel d'une plume soigneusement encrée.



Citation:
Rieux, le ...

Mon très cher Grimoald, mon très cher Cousin,

Toutes ces années passées chez Tantine étaient de bonnes années ...
Je les regrette toutes.
Je pense partir dimanche après la messe Cousin.
L'air de la campagne me fera du bien.
Te revoir aussi.
Tantine est morte ? J'en suis navrée et très attristée.
Tu sais comme moi qu'elle était comme ma mère et qu'elle aimait me gâter sans que Maman le sâche.
Rieux est une ville ennuyeuse au possible, alors dès que j'ai l'argent je pars Cousin.
J'aurai la joie de te serrer contre moi très bientôt !
Tes bouclettes blondes me manquent, ton sourire aussi, en fait toute ta personne me manque Cousin.
Tu es ma famille et ma raison de vivre.
Enfin il faudra qu'on parle de projets Cousin.
Tu sais que je suis plus qu'en âge d'avoir époux, et comme tu es ma seule famille il revient à toi de choisir quelqu'un de digne.
Nous en reparlerons quand nous nous reverrons.

Je serais bientôt à tes côtés,
Ta Cousine préférée.


Elle roula le vélin et le scella puis elle trouva de quoi envoyer sa missive, par pigeon.
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