[RP fermé] Petite cuisine

Johannes

Est-ce qu'il veut ? Ça le décompose de l'intérieur Blondin. Il a pas le droit de dire oui, parce qu'ils sont blonds, fiers, et pauvres. Alors il pose un mouchoir sur d'anciennes ambitions paternelles, et puis le mouchoir, il l'avait déjà posé depuis longtemps, il faut juste rabattre le coin, vite, avant de trop penser. Ne plus y regarder. Elle a posé la mauvaise question, sa Blondeur. Il peut pas en vouloir, de ce qu'elle tient dans son ventre. La vie est passée maintenant, la sienne, elle est passée par-dessus tout ça, la chienne, la garce, et elle a fait son affaire sur ça. J'ai une gueule à laver des langes la danoise ?

Et puis quoi ? On se pose en baraque, un coin pour les livres, un coin pour le marmot ? Et il bouffe quoi, le marmot ? T'as vu la paire de parents qu'on fait ? Même pas foutus de se mettre d'accord pour où on dort, alors le reste. Y a pas de reste. Et puis comment tu vas le pondre, notre asticot, avec tes hanches étroites comme des baguettes ? Il repense à la blague de sa Blondeur, je vous ferai un gosse mon loup, et puis j'en crèverai de le faire, comme ça vous l'aurez sur les bras. C'est pas drôle. Et puis elle le triture son ventre, on dirait qu'elle lui triture le crâne avec ses ongles. Ça lui coûte ce qu'il va dire.

« Non. »
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Humpty Dumpty sat on a wall.
Humpty Dumpty had a great fall.
All the king's horses and all the king's men
couldn't put Humpty together again.

L. Carroll

Astana

La sentence tombée, Astana se sent défaillir, légèrement. Il est trop net, son «non», ça lui fout comme un coup au coeur. Pourquoi ? Parce qu'il n'en a jamais voulu, que c'était hors de question avec elle, ou parce qu'il peut pas dire oui sachant qu'elle non ? Ça commence à la bouffer de l'intérieur. C'est égoïste, une danoise en cloque. Même si ça veut pas du marmot, ça veut savoir pourquoi le paternel n'en veut pas. Alors... Pourquoi ce non ? Trop catégorique, trop agressif, trop abrupt. Y'aura pas de réponse, parce qu'elle demandera rien. Faut faire une croix dessus, une belle grosse rature... puis gribouiller le reste au verso d'une feuille. Essayer de passer à autre chose.

Alors c'est clair.

Elle hoche lentement la caboche, les yeux rivés au sol.
Une profonde inspiration plus tard :

Une tisane...

... ou je peux m'en aller faire ça ailleurs. Comme une grande. Avec l'aide d'un médicastre qui m'fera crever la bouche grande ouverte sur une planche. Parce que je comprendrais, tu vois, que tu veuilles détaler. Que tu puisses plus m'regarder. Et le pire, c'est que j't'en voudrais pas, mon grand loup des steppes. Honteuse que je suis. Et même si tu restes, que je m'en sors...

C'était pas prévu, et... et si vous voulez partir loin d'ici, je comprendrai.
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Johannes

« Quoi ? »

Il l'écoutait à peine.

« Non. »

Il prenait sa décision, le genre à prendre sans trop réfléchir avant, et surtout pas après. Alors il réfléchira plus, parce qu'il se doute bien que la danoise va cogiter pour deux, dans l'intérieur de son crâne pâle, la nuit le jour, jusqu'à ce qu'elle y reste ou qu'elle réussisse à pas la faire fleurir à terme, sa graine. Blondin se gratte une tempe. Il aime pas ça, et puis ça l'emmerde, mais il doit pas tellement y penser non plus, parce qu'il a pas le choix. Et l'idée qu'un saigneur vienne poser ses pattes pour dégrosser sa Blondeur, il peut pas. Il sait comment qu'on fait les anges, si, il l'a vu. Il sait pas les mots, mais il sait les corps, et même savoir ça, ça l'emmerde. Mais si elle doit calancher la mignonne, autant que ce soit de ses pattes. C'est plus sûr. Et au moins, il saura à qui en vouloir.

« J'le f'rai. »

Autre rasade.

« C'était à Paris ? »

Dis-moi que non sa Blondeur...
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L. Carroll

Astana

Ni oui ni non. Pire : une évidence.

Ça ne peut être qu'à Paris.

Une autre bouteille s'ouvre. Elle écluse, et écluse, elle s'en fout partout, alors elle essuie d'un revers de manche. Fait les cent pas, s'assoit sur la table, en redescend illico, retourne près de la fenêtre, puis de l'âtre, jette des coups d'oeil furtifs sur Blondin, secoue la tête. Grognements. Jurons.

Non.

Faut pas se foutre de la gueule du monde, Johannes.

Non, vous ne le ferez pas. Il vous manque des cases, vous êtes dingue. Vous ne le ferez pas. Faut pas. Ça va être moche. Très moche. Je risque d'y rester, et vous le savez. Alors non.

C'est pas un non définitif comme l'autre. Là, c'est plus une supplique qu'autre chose. La voix toute brisée, qui s'est atténuée à la fin. Il est marteau, le blond. Chacun son fardeau à porter, bordel ! Et celui-là, faut pas qu'il le porte. Non. Laisse-moi le peu de dignité qu'il me reste, va pas foutre tes mains là où il faut pas. Surtout pas. Déjà que tu pourras plus m'regarder après... Alors tu vas me la laisser, cette dignité.
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Johannes

T'es belle, mais tu me cours sur le haricot.

Blondin se lève, vient se caler derrière la danoise, juste derrière, pour lui foutre les bras autour du corps et loin du ventre. Et qu'elle vienne pas marmonner que c'est pas le moment. Bref, voix basse :

« Astana, on est paumés en Champagne.
On en connaît pas, des médicastres, en Champagne.
Et même si c'est toujours pas vos oignons, j'peux l'faire.
J'sais que c'est moche. De toute façon, ça sera moche. Donc j'le f'rai. Et c'est pas non plus comme si je vous avais demandé votre avis, sa Blondeur. Ou comme si t'avais le choix. Parce que si ça rate, ta tisane, il va bien falloir que quelqu'un se salisse les mains. »
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L. Carroll

Astana

Traitre qu'il est, avec ses bras qui viennent l'enserrer... qui lui donnent envie de lui murmurer des horreurs à l'oreille. Et vas-y que je t'adoucis une Blondeur en moins de deux ! Que je te fais oublier ce qu'il se passe plus bas pour quelques instants volés. Y'a pas à dire, il est doué pour ça, le blond. Du coup, elle se laisse aller contre lui, avec une certaine retenue, une nouvelle pudeur.

Justement... je vais en boire de la tisane, Johannes. Je vais tellement en boire que ça finira bien par marcher. Quitte à ce que je me noie dedans.
On est peut-être paumés en Champagne, mais doit bien y avoir un zig qui r'vend des herbes pas fameuses...

Trêve de plaisanteries.

J'ai aucune envie que tes mains aillent fouiller là d'dans.

Sous entendu : c'est mon corps, j'en fais ce que je veux.

T'as pas le choix. Tisane ou rien. Chaque chose en son temps. Y'a Vos affaires... et puis les miennes.
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Johannes

« D'accord. »

La danoise ne lâchera rien de plus, il le sent, sans vraiment le savoir. C'est comme ça. Ils sont arrivés au bout pour cette nuit. Ça sera des tisanes, un problème réglé à l'eau chaude et aux plantes, voire au cyanure, tant qu'elle y est sa Blondeur, pourquoi qu'elle ira pas se noircir les veines pour un peu d'espoir.

« Vous buvez des tisanes. C'est pas mauvais les tisanes. »

…

« Mais si ça foire danoise, tu me dis, et tu me dis vite. »

Il pose un menton sérieux sur la tignasse de sa Blondeur, et regarde le mur en face, tachetés de pois encore chauds. Y en a qui tombent, de temps en temps, qui décrochent, et lui il s'interdit de penser au pois dans le ventre de sa Blondeur, qui va devoir décrocher aussi, et vite, avant que ça tourne au moche tout ça, au vinaigre et à la rancœur.
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[RP fermé] Petite cuisine

Johannes

Astana

Johannes

Astana

Johannes

Astana

Que des boniments, ce qu'on racontait sur le soudain instinct maternel des futures pondeuses. Rien ne se passe. La blonde ne se sent pas dégoulinante d'amour, n'éprouve pas non plus une quelconque envie de fonder une belle et heureuse famille, avec des marmots plein la tanche. Quelle piètre mère elle ferait, de toute façon. Encore pire que la Scath qui oubliait sa gamine dans le placard.

Pourtant, elle y touche quand même à ce ventre un rien plus rond. De pas grand chose. Elle pose une main dessus qui se veut douce, et qui se fait plus agressive à mesure que les doigts parcourent son épiderme. Comme si en frottant, ça allait disparaître. Ouais, ce que c'est con... Encore plus quand on sait que c'est arrivé en plein Paris. Ses comptes, elle les a tenus la blonde. Même si c'est du à peu près. Quatre jours là-bas, et ça se retrouve en cloque d'un Blondin qu'elle ne pensait jamais revoir. Ah, c'est du joli !

Hem...

Raclements de gorge.

Vous en voulez ?

Par pure correction, qu'elle demande. Déjà qu'il est mal en point, son Johannes... alors elle veut pas enfoncer la porte non plus. Puis mine de rien, c'est une réelle question. Est-ce qu'il en voudrait d'un gosse avec elle ? C'était pas censé arriver maintenant, c'était pas le moment... Sa faute. La sienne, à la danoise. Avant devait y avoir la bicoque avec des livres et un coin vide pour qu'elle y foute son Rien. Ça avait été évoqué, même si c'était pas sérieux. Ou que ça l'était, justement. Peu importe...

Viens-là mon pivois. Viens me cajoler un peu. J'en ai besoin.
Et puis avec un peu de chance, ça me désinfectera de l'intérieur, hein ?
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Johannes

« C... Comment ça, vous le savez ? Et puis quand est-ce qu'on aurait... » La fois dans la rue ? Dans sa chambre ? Dans l'autre chambre ? Près de la planche ? Celle au bord de la route ? Celle au bord de la route, mais le lendemain ? La fois dans la taverne ? Et puis laquelle de rue ? Laquelle de route ? Et puis laquelle fois ? Il s'embrouille Blondin, il chasse tout ça d'un geste de la main.

« Bref. »

Il lui pique sa boutanche à la blonde, s'arrose le gosier. Il a plus faim. Il a pas vraiment soif. Et puis le ventre de sa Blondeur lui saute aux yeux, alors il reprend une rasade. Ça gigote là dedans ? C'est lui qui a fait ça ? Il ravale un sourire fiérot. C'est pas le moment. Elle avait raison sa Blondeur, quand elle disait que c'était pas le moment. Il s'assied, on dirait qu'il a pris quinze piges, d'un coup.

« Hum. »

…

Il la regarde encore Astana, on dirait qu'elle est toute neuve maintenant. C'est plus la même. Mais l'imaginer grosse, ça non, il y arrive pas. L'imaginer pondre encore moins. Et puis il s'en rappelle, de leur causette sur le sujet. Même qu'il avait dit qu'il ferait attention, qu'il ferait ailleurs, et que de toute manière, ils avaient conclu, que ça n'arriverait pas. Aller au petit bonheur avec la danoise, c'était bien, lui planter une graine sous le corsage, moins.

Alors il la regarde, avec sa gueule que déjà elle était amochée, maintenant elle est franchement pas saine, et il lui lance une question avec les yeux. LA question. On fait quoi ?
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L. Carroll

Johannes

Il évite une gamelle,
« MES POIS ! »

un pichet,
« Mais vous êtes pas NETTE ! ».

Et puis elle se déboutonne.
Pleine. Grosse.

Il est sonné Blondin. Tout pâle, avec des grands yeux noirs au milieu de la trogne, qui essaient de penser. Pleine, grosse. Grosse. Il regarde ses hanches étroites, son ventre. Grosse. Il entrave pas. Qu'est-ce qu'elle veut dire ? Grosse de là ? De qui ? Et puis quand ? Ça n'arrive pas comme ça, cette affaire. Faut du temps. Des mois de gaudriole, de faire l'amour, non ? Ça ne peut pas arriver, tout de suite, elle doit se tromper. Peut-être qu'elle est fatiguée, la danoise, et c'est tout. Peut-être qu'il a mal entendu ?

« Mais heu... grosse... grosse comment ? »
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L. Carroll

Astana

Grosse comment ? Bientôt autant qu'une vache. Qu'une jument. Qu'une... Vrai que ça doit être difficile à l'imaginer, elle, grosse, bien rebondie... Même la danoise ne l'intègre pas. Parce qu'un jour une vieille carne lui avait dit qu'elle avait les hanches trop étroites pour enfanter, la blonde l'avait pris pour acquis. Elle n'enfanterai jamais, et c'était tant mieux. Manifestement la barge s'était gourée. Le dire à haute voix, ça fait solennel. Définitif. Et rien que ça, ça lui fait pâlir le museau. La danoise chancelle sur ses pattes, enfonce ses ongles dans le bois pour ne pas flancher et déglutit difficilement.

Grosse. VOUS m'avez engrossée.

Et comme pour prévenir toute pique malvenue, elle ajoute :

Et oui, il est de Vous, Blondin. Et ne vous avisez pas de me dire le contraire, parce que je le sais !

Alors tu vois... si je pouvais littéralement cracher ce que j'ai dans le bide...
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Johannes

Blondin regarde la chaise tomber, comme au ralenti. Outré. Les billes noires ouvertes. Pas les chaises, Astana. Outré qu'il est. Et la danoise qui lâche un mauvais rire, un petit rire. Voilà, elle l'aura voulu. Il gueule.

« BORDEL de merdre Astana ! PAS LES CHAISES ! »

Il remet brutalement la chaise debout, la recale contre la table, ça fait un grand vrac. Fumant jusqu'aux oreilles, il se retourne, et sert les pois cuits dans les gamelles, même que la moitié des pois part valser sur la table, et pendant qu'il cause :

« Nom d'une grosse putain ! Vous allez vous mettre à table, sa Blondeur, et vous allez me cracher ce que vous avez DANS LE VENTRE ! »

Lance quelques bouts de viande sèche dans les pois, ça en fait rebondir quelques uns sur le bois.

« Et vous allez cracher NET ! PARCE QUE ça me gonfle ! C'EST QUOI, votre problème ? C'est quoi ? Vos menstrues ? Parce que si c'est ça, hein, votre GRAND problème, va falloir me prévenir quand ça débarque, parce que je vais pas me coltiner vent chaud vent froid chaque fois que ça vous arrive ! »
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L. Carroll

Astana

Ah mais oui ! Ça a l'air tellement simple, dit comme ça !

Et alors quoi ? Qu'est-ce qu'il croit au juste ? Qu'elle va s'amener, les cils papillonnants et la bouche en coeur, pour lui annoncer qu'un truc terrible est en train d'arriver ? Qu'elle va lui sauter au cou, toute mielleuse, et lui dire que «c'est pas grave, ils se débrouilleront» ?! Tellement logique. Par contre ça oui, elle crache. En plein dans une gamelle. Un haut le coeur la traverse de toutes parts, elle déglutit. Du coup, la gamelle retrouve sa place : contre un mur.

C'EST BIEN ! Vous êtes visionnaire, vous !

Pas les chaises... pas les chaises. Alors le pichet. Toi aussi, tu vas prendre. Le machin fend l'air, non loin de la trogne de Blondin.

Parce que vous CROYEZ que c'est simple, de vous PARLER ?! 'Voulez VRAIMENT entendre ce que j'ai à vous dire ? TRÈS BIEN ! Je...

Ah bah non. Encore une fois, c'est loupé. La fin refuse de sortir. Ça reste tout coincé.
A boire. La danoise se met à fouiller dans les recoins sombres de la cuisine, frénétiquement. Les gestes imprécis. Jusqu'à dégotter une bouteille poussiéreuse. Elle la débouche comme si sa vie en dépendait. Comme si ça allait réellement aider. Alors que non. Tout ça, c'est mental, c'est là-haut que ça se joue. Une gorgée, puis une autre, avant de relever des yeux enragés vers le blond. Et cette fois-ci, elle gueule :

Je suis PLEINE ! GROSSE !
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Johannes

Tout ? Ah quand même.

Tout qui cloche. Il n'y avait pas songé, que c'était tout, qui clochait. Il pensait que c'était une chose, peut-être deux, mais pas tout. Ça fait beaucoup d'un coup, tout qui cloche, ça surprend, alors il fixe ses pois qui font des bulles pendant que la danoise s'éloigne déjà. Elle veut de l'air. Elle bronchera pas s'il la cogne, qu'elle dit. Il écarquille.

Parce qu'elle s'attend à quoi, la danoise ? Tout cloche, alors il va s'amener, tout en grâce, lui filer une rouste ? Comme ça ? Elle se fourvoie jusqu'au fion sa Blondeur, elle est pas réelle, elle est pas possible. Il clôt les billes noires, tente de rassembler des restes de contenance. Ça ne marche pas vraiment. Il voudrait exploser, mais les clients ronflent. Alors il explose en chuchotant :

« Non mais vous êtes totalement frappée ! J'vais pas vous peinturer la face parce que ça cloche ! Tout cloche ! Mais j'en ai marre moi, de vos petites humeurs en solitaire ! Alors si ça vous gonfle de voir ma trogne, va falloir faire un choix sa Blondeur, parce que je vais pas rester là comme un con pendant trois plombes ! »
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L. Carroll

Astana

Les grises s'écarquillent tandis que la bouche se mue en un beau "O". Il joue la victime, en plus ! Mais il y comprend rien. Le problème, il vient d'elle pas du blond. Astana se retourne pour lui faire face, la mine frondeuse. Un doigt accusateur se pointe sur lui, de loin, et à son tour elle explose à demi-mots :

Parce que vous croyez qu'elle me plaît, cette situation ? Que j'aimerai pas pouvoir dire les choses, une fois d'temps en temps ?! Arrêtez de toujours tout ramener à votre gueule d'ange, ça commence à me les briser. Le problème, il vient de moi, pas de vous ! Et si mes humeurs en solitaire vous dérangent, j'y peux rien ! A c'que je sache, vous êtes pas des plus causants non plus, quand ça vous arrange !

Et là... c'est le drame.
C'est la chaise d'à coté qui prend... tellement elle est en colère, la blonde. Pourtant les chaises c'est sacré pour Blondin, elle le sait bien qu'il faut pas y toucher ; sous peine de se faire laminer. Seulement, impossible de l'en empêcher. Le pauvre siège valdingue et s'écrase par-terre dans un bruit sourd. Léger sursaut. Et v'la qu'elle se met à rire, la Nordique, tellement les nerfs ont encaissé ces derniers jours. Ça dure quelques secondes tout au plus. Pour sûr qu'il va prendre ça comme une belle provocation. Il est déjà trop tard pour s'excuser ?
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Astana

Bim.

Voilà. Ça c'est le genre de mot qui avec le ton adéquat vous fait baisser les yeux en moins de deux et vous clos le bec. Ça lui fait ravaler ses maux. Bien comme il faut.
Encore une fois, c'est pas le moment.

Rien.

C'est tout ce qu'elle trouve à dire, là. Du moins pour l'instant. Parce qu'il en restera pas là, le blond. Un rien, ça veut tout aussi bien dire «tout». Et si une réplique convenable ne fait pas surface dans les secondes qui suivent, il insistera, grognera... et ils s'engueuleront. Encore. C'est comme ça que fonctionne leur... Leur quoi d'abord ? Y'a même pas vraiment de mot pour qualifier cette relation. Ou au contraire, il y en a, mais la danoise refuse tout simplement de les prononcer à haute voix, ces horreurs. Du coup, elle s'entend rétorquer, en relevant les yeux :

Et puis c'est pas la peine d'aboyer. Je vous entend parfaitement.

Un, deux, puis trois pas en arrière. Et de buter contre la table. Les odeurs, foutues odeurs...
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Johannes

« Ab... Je n'aboie, pas, je vous demande ce qui cloche. »

Il articule chaque syllabe Blondin, ça aide à se concentrer, à pas partir en vrille. Ça serait dommage, et puis il est fatigué, elle aussi. Et la danoise qui se renferme dans son armure, là, bien au chaud, parce qu'il faudrait pas se mouiller, mettre un orteil dans le sincère, ça lui ferait mal à sa Blondeur.

Il retient pas, et sort ça tout en fixant la mijote, remue même un peu avec une cueiller, ajoute l'épice frelatée, pas très nette l'épice. Ça embaume dans la pièce :

« Je peux plus vous toucher, vous vous levez en pleine nuit pour la liche, seule, alors ça n'est peut-être pas le 'moment', mais je me demande ce qui cloche. Et ne me prenez pas encore pour un pigeon. Ça cloche. »
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L. Carroll

Astana

Ce qui cloche ? Ce qui CLOCHE ? Mais tout, Johannes. Tout !

Et comme les effluves des pois épicés virent à la limite du supportable, la blonde va ouvrir le carreau pour planquer son museau au dehors.
De l'air. Ça passe... un peu. Juste de quoi reprendre ses esprits. Elle sait pas dire ces choses-là, la danoise, alors ça reste bloqué en travers de la gorge.

Je...

Ses mains pressent le carreau, tentent de l'ouvrir au maximum. Elles forcent, mais rien n'y fait.
Hein, que t'aimerais bien pouvoir te faufiler dehors ni vu ni connu ? Histoire de retarder l'échéance ? ...

Si vous voulez m'en coller une... j'broncherai pas...
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Astana

Le contraire aurait été étonnant... qu'il ne pointe pas le bout de son museau dans cette cuisine poisseuse. Après tout à quoi tu t'attendais ma jolie ? Tu pensais avoir un peu de répit pour trier tes pensées noires ? Peut-être, peut-être. Bien naïvement, pour une fois. D'un coup c'est tout son corps qui se raidit, et le palpitant qui s'emballe. La blonde observe son Johannes fouiller ça et là, toujours aussi taiseuse. Elle écluse de nouvelles gorgées qui lui râpent le palais et la gorge. Le pire, c'est qu'elle n'esquisse pas l'ombre d'un geste pour l'empêcher de se cogner contre ce maudit coin de table. Même pas. Habituellement si, mais comme on dit, «c'est pas le moment».

Puis c'est cette nausée qui ne la lâche pas. Ces hauts le coeur dégueulasses qui vont et viennent à leur guise...
Tout ça, ça aide pas à la rendre jouasse, la danoise.

Le foyer une fois ravivé, elle s'en approche avec son ami le pivois. Nouvelle gorgée, autre grimace. Et finalement, le museau se relève pour échanger un regard lourd de sens avec Blondin. Y'a bien un sourire qui tente une maigre percée, mais rien n'y fait. Tu es grise, et tu le resteras ma fille. A moins que tu ne l'ouvre, ta bouche.
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Johannes

Il a foutu de l'eau, et puis les pois, et il attend que ça mijote, concentré. ça aide, les pois mijotants, à pas penser au reste. Sauf qu'elle se ramène, la danoise, avec son minois de vestale, son pichet et son silence. Elle fixe. Pourquoi tu me fixes comme ça ? J'ai pas le droit de faire mijoter pendant que tu te mets minable ? Au moins t'auras la panse heureuse. Et puis elle l'agace, tout d'un coup, à le regarder comme ça sans rien dire. Il rompt le silence, ça se veut calme, mais on sent qu'il y en a derrière.

« Quoi ? »

Blondin lâche les pois des yeux, attend sa réponse, ce que de droit.
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L. Carroll

Johannes

Pleine sorgue, il est descendu en raflant les murs, parce que ça ronfle autour, que son estomac grogne, qu'il palpait du vide dans les draps, et que c'était pas normal, que sa Blondeur soye plus là. Il est pas franchement réveillé, il a même pas ses bottes, juste ses braies et sa chemise sur le dos, et puis les paupières qui flanchent. Des petits bruits, vers les cuisines. Des bruits de petit rat. Il pointe son museau par l’entrebâillement d'une porte, c'est un rat blond, qui picole sainement, en pleine nuit. La vie quoi.

Sauf qu'elle a sale gueule la danoise, l'humeur grise, c'est tendu tout ça. Il s'avance vers elle comme le chasseur vers la licorne, autrement dit sans y croire. Qu'est-ce que tu fous là à te pomper en pleine nuit ma mignonne, et puis tu peux pas me réveiller quand ça te prend l'humeur mauvaise, au lieu de descendre seule pour causer avec les pichets, alors que moi je suis là, je veille, j'attends que ça ? Tout ça dans les yeux qu'il aurait, s'il pouvait les ouvrir correctement. Mais il est mort, Blondin.

Alors les yeux disent rien, le reste non plus. Tiens, il a une petite fringale, lui aussi. Comme ça, qui lui remonte du ventre. Puis tant qu'on y est. Il se baisse pour farfouiller en douce sur les étages en bois, voir ce que les locaux ont à offrir, s'il reste pas un morceau d'affiné, un peu de lard salé, des pois, une vieille miche. Ce genre de choses. Il trouve la vieille miche, il trouve les pois, et un petit pot d'épice, qu'il aligne sur la table, derrière lui.

A côté, il trouve une gamelle, puis deux, c'est fou ce qu'il peut trouver Blondin, quand il prend la peine de chercher, alors il se baisse encore en fouinant, et il trouve de la viande sèche. Il aligne. Il se redresse, se cogne le front contre un coin de bois, étouffe un juron en se frottant la tempe, le temps d'en vouloir à la terre entière, pour la douleur, et le bois, et la danoise qu'il ne peut plus toucher, parce que « ça n'est pas le moment », et puis le moment de quoi, d'abord ? Il rallume les braises dans le foyer.
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Astana

[Dans une auberge quelconque]

La sorgue est tombée depuis belle lurette, déjà, lorsque la fringale frappe. De celles qui vous tordent l'estomac et le font crier famine. Il est vrai que ces derniers jours, la Danoise s'est un peu oubliée. C'est généralement ce qui arrive quand certains soucis occupent une place trop importante... jusqu'à ce que le corps appelle une réaction. Vêtue de ses frusques habituelles, fraîchement réveillée, elle descend l'escalier grinçant en catinimi, presque sur la pointe des pieds, pour se diriger vers les cuisines de l'auberge. A cette heure-ci pas un chat ne traîne dans l'établissement de bas-étage, et les seules âmes présentes ronflent toutes ou presque.

Dans les cuisines, la cheminée est la seule source de lumière. Une table trône au milieu de la pièce, avec son lot de nourriture, et de vaisselle crasseuse dessus. Malgré le haut le coeur provoqué à cause des odeurs de viande faisandée, Astana ne s'en encombre pas. Tout ce qu'elle veut, c'est se remplir la panse à l'oeil pour être tranquille, et retourner finir sa nuit en paix. En silence, elle grappille un pichet rempli de picrate, une miche de pain bien fournie, et vient s'installer sur la planche. Allez, bouffe ! qu'elle se dit, force toi. Les yeux s'abaissent jusqu'à son ventre, et bien vite, lancent une oeillade mauvaise.

'Fait chier...

Un coup de dents sans réelle conviction dans la miche plus tard, et la voilà qui écluse déjà une gorgée de ce qui doit être du vin. Finalement, c'est un tout autre appétit qui fait surface ; si bien que la blonde, toute grise qu'elle est, en oublie son pain et concentre toute son attention sur le pichet. Elle ne quittera pas la pièce avant qu'il ne soit vide, et c'est tant mieux. Avec ça, le sommeil sera bien lourd.
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