--Nizam.
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[Le 23 novembre 1461, Anjou]
Au nord d'Angers, et plus précisément adossé à la mousse dévorante d'une souche, Nizam noircissait d'une lenteur inhabituelle, due à sa position peu propice à l'écriture épistolaire, le dernier vélin de bonne facture qu'il eût déniché au Maine. Le Blondin pestait à divers intervalles contre la bruine angevine qui semblait être toute désignée pour souffrir aujourd'hui de sa grogne. A l'écart de ses compagnons d'errance, il avait mis à profit cet instant de calme champêtre - comprenez de profond ennui - afin de concrétiser une idée qui le taraudait bougrement des lobes - céphaliques s'entend - depuis son retour fugace au Limousin. Le courrier flanqué d'un sceau gras volera de la capitale de l'archiduché vers sa destinatrice, dont le nom était distinctement noté à l'encre sur le revers.
Citation:
A l'estimée Pocharde de Limoges,
Salutations & Titubantes Courbettes,
Ayant ôté au Limousin mon agréable compagnie depuis plusieurs semaines, je souhaitais prendre des nouvelles de la table ornant lors de ma dernière visite votre charmant et non moins douteux bouge de la capitale, celle-là même dont la patine poussiéreuse avait viré à un sublime carmin, ton faisant récemment fureur dans les salons normands, grâce à une rouquine à la cuisse tailladée. Son souvenir n'a pas déjà échappé à votre caboche imbibée, si ? Sinon lâchez votre gnôle et reprenez depuis le début.
J'ai malencontreusement oublié de passer un coup de chiffon en partant, j'espère que vous n'avez pas eu à récurer toutes les rainures. Dites-vous que cela ajoute du vécu au mobilier, et si vous vous lassez, piquez avec la discrétion que l'on vous connait une nappe dans le rade de Victoire. Je suis persuadé que cette dernière est bien trop occupée à lorgner nerveusement vers les frontières comtales pour s'en apercevoir. Saluez-la tout de même de ma part, vous serez aimable (mais pas quand vous chip'rez la nappe, s'couez-vous le bulbe avant de chouraver la prévôte).
Outre mon intéret pour vos meubles, j'aurais une faveur à vous demander, libre à vous d'exiger ou non quelque chose en retour à ma prochaine venue, une table neuve, vous astiquer l'comptoir, vous bécher la motte - de terre, ou bien mes services en tant que mercenaire.
J'ignore si vous êtes toujours en relation avec Mahelya, mais je crois que vous connaissez suffisamment de nobliauds limougeauds pour vous informer de son état. Je l'ai vue brièvement à mon dernier passage, son ventre rivalisait avec celui d'un poivrot boulasseux gonflé à la bière. Je sais que l'on ne vous a jamais lustré le bibelot, à moins que votre fiancé ait montré de l'impatience, mais n'est-ce pas signe que la ponte de blasonné est pour bientôt ?
Voilà ma demande, renseignez-vous, dites-moi si la délivrance a eu lieu et comment se porte la mère.
Pourquoi vous ? Sans doute une vieille réticence envers les titrés, et en souvenir de biture partagée. Me contrarier ne vous plairait guère. Par ailleurs je ne sais où est Mahelya, et je crains qu'un papelard avec mon écriture ne termine en allume-feu s'il tombe entre les menottes juvéniles de son époux, ou bien les pognes de son fidèle et fêlé valet.
Indiquez Saumur à votre coursier si votre bon sens vous a convaincue de m'écrire.
Au plaisir (et celui de votre bibelot),
Salutations & Titubantes Courbettes,
Ayant ôté au Limousin mon agréable compagnie depuis plusieurs semaines, je souhaitais prendre des nouvelles de la table ornant lors de ma dernière visite votre charmant et non moins douteux bouge de la capitale, celle-là même dont la patine poussiéreuse avait viré à un sublime carmin, ton faisant récemment fureur dans les salons normands, grâce à une rouquine à la cuisse tailladée. Son souvenir n'a pas déjà échappé à votre caboche imbibée, si ? Sinon lâchez votre gnôle et reprenez depuis le début.
J'ai malencontreusement oublié de passer un coup de chiffon en partant, j'espère que vous n'avez pas eu à récurer toutes les rainures. Dites-vous que cela ajoute du vécu au mobilier, et si vous vous lassez, piquez avec la discrétion que l'on vous connait une nappe dans le rade de Victoire. Je suis persuadé que cette dernière est bien trop occupée à lorgner nerveusement vers les frontières comtales pour s'en apercevoir. Saluez-la tout de même de ma part, vous serez aimable (mais pas quand vous chip'rez la nappe, s'couez-vous le bulbe avant de chouraver la prévôte).
Outre mon intéret pour vos meubles, j'aurais une faveur à vous demander, libre à vous d'exiger ou non quelque chose en retour à ma prochaine venue, une table neuve, vous astiquer l'comptoir, vous bécher la motte - de terre, ou bien mes services en tant que mercenaire.
J'ignore si vous êtes toujours en relation avec Mahelya, mais je crois que vous connaissez suffisamment de nobliauds limougeauds pour vous informer de son état. Je l'ai vue brièvement à mon dernier passage, son ventre rivalisait avec celui d'un poivrot boulasseux gonflé à la bière. Je sais que l'on ne vous a jamais lustré le bibelot, à moins que votre fiancé ait montré de l'impatience, mais n'est-ce pas signe que la ponte de blasonné est pour bientôt ?
Voilà ma demande, renseignez-vous, dites-moi si la délivrance a eu lieu et comment se porte la mère.
Pourquoi vous ? Sans doute une vieille réticence envers les titrés, et en souvenir de biture partagée. Me contrarier ne vous plairait guère. Par ailleurs je ne sais où est Mahelya, et je crains qu'un papelard avec mon écriture ne termine en allume-feu s'il tombe entre les menottes juvéniles de son époux, ou bien les pognes de son fidèle et fêlé valet.
Indiquez Saumur à votre coursier si votre bon sens vous a convaincue de m'écrire.
Au plaisir (et celui de votre bibelot),