Euridyce.
- Lire du Kierkegaard, c'était comme lire du Couzage. On en prenait plein les mirettes, le ciboulot en émoi devant tant de lyrisme et de musicalité dans les syllabes. A croire que la poésie leur venait naturellement, comme les commérages à la bouche d'un Zolen (nouveau proverbe, copyrighté). Lucie passa une seconde fois son regard sur le manuscrit, et se confondit en souvenirs. Le temps passait si vite.
Elle revint au papelard, la moue mélancolique, telle qu'elle pouvait l'être à chaque évocation d'un passé qui l'enveloppe de sa chaleur, des perceptions de brides de bonheur envolées. La mine éveillée d'une Eldearde piquante et tournoyante, l'air éternellement futé de son ex-futur-sûrement-un-jour-fiancé, l'allure élégante et glaciale d'un Avocat tendre. Le tout fut chassé d'un mouvement de la tête, alors que la main retrouvait la plume, traçant instinctivement des signifiants hésitants.
Citation:
Kierkegaard,
Gaffe,
Canéda.
- Soyez avant tout rassurée : d'après mon expérience, les tavernes de notre bonne Capitale sont bien plus périlleuses que tous les chemins berrichons du... Berry. Et s'ils vous renvoient à une étape douloureuse (et que je regrette encore ce jour, pour n'avoir été près de vous), ils sont signes d'apaisement à mes yeux. Le repos par l'isolement, dirons-nous. Cela me semblait si ridicule autrefois, et pourtant si évident désormais.
Le temps a fait son oeuvre. Le temps, le hasard, ou les erreurs, appelons cela comme bon nous semble. Vous savez que mon affection vous est offerte, et c'est chose éternelle lorsqu'elle n'est ternie par des trahisons. Alors, même si tout semble si éclaté à propos de ces vestiges d'une routine limougeaude, même si Maïwen est parti et que vous n'êtes plus la malicieuse presque-femme d'autrefois, les sentiments persisteront comme des indices palpables de notre mémoire. Avez-vous des nouvelles de l'Avocat, par ailleurs ? M'en voulez-vous pour l'indélicatesse dont j'ai pu faire preuve avec lui qui, je le sais, vous est très cher ?
Ainsi, vous alimentez toujours Limoges de votre douce présence. Prévoyez-vous un retour du couple phare sur le trône comtal ? Nos deux grands orateurs seraient-ils à nouveau dans l'arène ? Prenez soin à ne pas vous fatiguer, et à veiller sur votre palpitant bien généreux, quoi que je n'éprouve aucun doute sur la clairvoyance dont vous faîtes preuve. Je vous sais également armée d'un nouvel élément, broyeur de coeurs en devenir, et j'ai la certitude qu'accompagnée d'un mini Zolen, vous êtes en sécurité. Embrassez-le de ma part, dans l'attente d'une attaque baveuse réelle.
Gaffe,
Canéda.