Audefledis
[Message Personnel]*
Le gamin faisait le guet devant la porte de l'écurie de la ferme familiale. Ça lui rappelait le moment ou en train de jouer au jeu de la sentinelle avec les autres gamins du village, alors qu'il s'apprêtait à chanter « un, deux, trois soleil ! » collé contre le mur d'une ruine, il avait entendu une voix s'adresser à lui provenant de l'autre coté.
- Psitt ! Petit ca te dirait de l'argent facilement gagné !?
« Argent facilement gagné ? » Elle en avait de bonne la voix. Tout gueux qu'il était, le petit n'y vit là que le moyen de rapporter à ses parents un subside pour les aider.
- Ben... Ca dépend, faut que je fasse quoi ?
Et les autre gosses de s'impatienter, se demandant ce qu'il fichait collé face au mur, sans taper ni compter.
- Gaultier ! Qu'est ce que tu fous !? Tu as donné ta langue au chat... t'sais plus compter ?
Et le gosse de leur répondre en se retournant :
- Deux secondes, je vais me soulager !
Ni une, ni deux, voilà le gosse courant de l'autre côté de la ruine et se retrouvant face à la voix devant qui il reste tout penaud, puis risqua un :
- Faut que je fasse quoi ? Pas un truc illégal j'espère... parce que sinon je vais prendre une soufflante par mes parents... Pis mon père l'est point commode hein... l'a le ceinturon facile.
La voix se mit à sourire attendrie, elle s'accroupit devant lui afin d'être un peu plus à sa hauteur et mit ses deux mains sur les épaules du gamin.
- Tu vois ce balluchon par terre à mes pieds, et le cheval derrière moi ? Je veux juste que tu les prennes avec toi. Tu caches le baluchon chez tes parents, le cheval dans une écurie. Tu le nourris, jusqu'à ce que je revienne les chercher et le tour est joué...
Cette voix c'était Aristote qui l'envoyait ! C'était pas dieu possible... Rien que ca, prendre un baluchon et un cheval et les cacher... Et soudain, le gamin posa sur la voix un regard suspicieux.
- Heu... qui me dit que vous me paierez vraiment pour tout cela et que vous vous enfuirez pas sans rien me donner ?
Il était futé le gamin, elle l'avait senti en l'observant jouer, et c'était très exactement ce qu'il fallait pour cette entreprise : un gamin débrouillard et finaud qui saurait déjoué l'attention. C'est alors qu'elle lui montra une bourse replète.
- Tu voix cela, je t'en donne la moitié maintenant et quand je reviendrai chercher ce qui m'appartient tu en auras le double. Chuchote moi à l'oreille l'endroit où tu crèches et file. Mais n'oublie pas : souffle mot à personne de tout cela.
Gaultier s'exécuta. Il se retrouva avec les rênes du cheval dans une main et le baluchon dans l'autre. Pour lui c'était visiblement jour de paie et sans même à avoir à travailler
Le gamin en était là à se remémorer les souvenirs. Tandis qu'à lintérieur, la voix se changeait et s'habillait de noir de la tête aux pieds, tout en chantonnant** :
- Et il y a des mots que je ne dirai pas, Tous ces mots qui font peur quand ils ne font pas rire
Qui sont dans trop de chansons et de livres. Je voudrais vous les dire, Et je voudrais les vivre
Je ne le ferai pas, Je veux, je ne peux pas. Je suis seule à crever, et je sais où vous êtes. J'arrive, attendez-moi, nous allons nous connaître. Préparez votre temps, pour vous j'ai tout le mien...
Mais si tu crois un jour que tu m'aimes, Ne crois pas que tes souvenirs me gênent, Et cours, cours jusqu'à perdre haleine,Viens me retrouver...
Lorsque le gosse sera bien vieux, il pourra raconter à ses petits enfants, l'histoire de cette femme qui un jour était venue le voir afin qu'il participe à l'enlèvement d'un homme. Quoi de plus romanesque et de plus extravaguant que cela...
Enfin, sa dernière discussion en taverne avec Lestat avait eu raison d'elle. Elle se demandait encore ce que c'était que cette histoire de forêt. Elle y allait souvent comme du coté du lac d'ailleurs. Elle ne pouvait pas savoir qui se trouvait en forêt en même temps qu'elle ou pas. Surtout quand elle n'y voyait personne. Elle finissait par être lasse, des crises de jalousie de l'Automne, même quand elle se tenait loin de tous. Il suffisait que le hasard la mette en présence de Johann en taverne pour que cela tourne à une énième crise. Deux minutes en taverne avec Zyv pour faire une transaction, ainsi que se restaurer, et cela devenait affaire d'état. Elle rencontrait pas hasard un ami avec qui elle partageait le goût de la littérature, et il se montrait hostile envers lui. Elle faisait une plaisanterie sur Mâcon, ville morte, dans laquelle elle avait fini par compter les rats et les cafards, et une plaisanterie plus tard de l'ami en question, cela se retournait contre elle. Comme si elle avait le pouvoir contrôler les paroles des uns et des autres aussi maladroites fussent elles. Une pichenette amicale sur la joue devenait crime de lèse majesté.
Elle lui avait été fidèle, elle n'avait pas cherché à revoir Johann comme elle l'avait promis. Elle ne voyait pas ce qu'elle pouvait faire de plus et ne se sentait pas l'âme d'une recluse non plus. Elle s'était rendue compte qu'à chaque fois que Johann traînait dans la ville, Lest était à laffût. Elle-même se fichait éperdument de savoir qui côtoyait les autres tavernes ou pas, n'ayant pas des yeux de lynx et surtout ayant bien d'autres chats à fouetter. L'amour de l'Automne devenait la prison de la jeune fille, quant à lui il s'enfermait dans ses propres obsessions. Elle n'en pouvait plus. Elle ne pouvait rien faire contre ce manque d'assurance. Elle ne pouvait pas aller contre sa propre nature sociable. Elle ne lui demandait pas non plus de changer. Aussi la seule solution qui s'offrait à eux désormais était de continuer leur route chacun de leur coté. Elle savait qu'elle blesserait son compagnon mais elle ne voyait pas d'autres moyens. Il était le premier à reconnaître qu'ils n'avaient que peu de points communs et il souffrait de plus en plus de cette situation. Elle en était chaque jour plus consciente, malgré tous leurs efforts pour réduire le fossé, voire le gouffre qui les séparait. Elle voulait ainsi leur éviter une scène de rupture pathétique et déchirante. Aussi la seule solution qui s'offrait à eux était de continuer leur route chacun de leur coté, et pour elle de fuir.
Enfin prête Audefledis, sortie de l'écurie accompagnée de son cheval. Elle tendit au gamin la bourse qu'elle lui avait promis, sans un mot et se pencha pour lui déposer un baiser sur le front. Le gamin rosissait, d'avoir si grosse bourse entre les mains ou simplement sous l'effet de surprise du baiser de la dame aux yeux améthystes.
- Prends soin de toi petit ! Et souviens toi... tu ne m'as jamais vue...
Elle enfourcha son cheval à cru, tapa légèrement du talon sur les flancs de l'animal et se mit au triple galop en direction du village et de la taverne où elle comptait bien commettre son délit.
*/** Message Personnel : Françoise Hardy
Le gamin faisait le guet devant la porte de l'écurie de la ferme familiale. Ça lui rappelait le moment ou en train de jouer au jeu de la sentinelle avec les autres gamins du village, alors qu'il s'apprêtait à chanter « un, deux, trois soleil ! » collé contre le mur d'une ruine, il avait entendu une voix s'adresser à lui provenant de l'autre coté.
- Psitt ! Petit ca te dirait de l'argent facilement gagné !?
« Argent facilement gagné ? » Elle en avait de bonne la voix. Tout gueux qu'il était, le petit n'y vit là que le moyen de rapporter à ses parents un subside pour les aider.
- Ben... Ca dépend, faut que je fasse quoi ?
Et les autre gosses de s'impatienter, se demandant ce qu'il fichait collé face au mur, sans taper ni compter.
- Gaultier ! Qu'est ce que tu fous !? Tu as donné ta langue au chat... t'sais plus compter ?
Et le gosse de leur répondre en se retournant :
- Deux secondes, je vais me soulager !
Ni une, ni deux, voilà le gosse courant de l'autre côté de la ruine et se retrouvant face à la voix devant qui il reste tout penaud, puis risqua un :
- Faut que je fasse quoi ? Pas un truc illégal j'espère... parce que sinon je vais prendre une soufflante par mes parents... Pis mon père l'est point commode hein... l'a le ceinturon facile.
La voix se mit à sourire attendrie, elle s'accroupit devant lui afin d'être un peu plus à sa hauteur et mit ses deux mains sur les épaules du gamin.
- Tu vois ce balluchon par terre à mes pieds, et le cheval derrière moi ? Je veux juste que tu les prennes avec toi. Tu caches le baluchon chez tes parents, le cheval dans une écurie. Tu le nourris, jusqu'à ce que je revienne les chercher et le tour est joué...
Cette voix c'était Aristote qui l'envoyait ! C'était pas dieu possible... Rien que ca, prendre un baluchon et un cheval et les cacher... Et soudain, le gamin posa sur la voix un regard suspicieux.
- Heu... qui me dit que vous me paierez vraiment pour tout cela et que vous vous enfuirez pas sans rien me donner ?
Il était futé le gamin, elle l'avait senti en l'observant jouer, et c'était très exactement ce qu'il fallait pour cette entreprise : un gamin débrouillard et finaud qui saurait déjoué l'attention. C'est alors qu'elle lui montra une bourse replète.
- Tu voix cela, je t'en donne la moitié maintenant et quand je reviendrai chercher ce qui m'appartient tu en auras le double. Chuchote moi à l'oreille l'endroit où tu crèches et file. Mais n'oublie pas : souffle mot à personne de tout cela.
Gaultier s'exécuta. Il se retrouva avec les rênes du cheval dans une main et le baluchon dans l'autre. Pour lui c'était visiblement jour de paie et sans même à avoir à travailler
Le gamin en était là à se remémorer les souvenirs. Tandis qu'à lintérieur, la voix se changeait et s'habillait de noir de la tête aux pieds, tout en chantonnant** :
- Et il y a des mots que je ne dirai pas, Tous ces mots qui font peur quand ils ne font pas rire
Qui sont dans trop de chansons et de livres. Je voudrais vous les dire, Et je voudrais les vivre
Je ne le ferai pas, Je veux, je ne peux pas. Je suis seule à crever, et je sais où vous êtes. J'arrive, attendez-moi, nous allons nous connaître. Préparez votre temps, pour vous j'ai tout le mien...
Mais si tu crois un jour que tu m'aimes, Ne crois pas que tes souvenirs me gênent, Et cours, cours jusqu'à perdre haleine,Viens me retrouver...
Lorsque le gosse sera bien vieux, il pourra raconter à ses petits enfants, l'histoire de cette femme qui un jour était venue le voir afin qu'il participe à l'enlèvement d'un homme. Quoi de plus romanesque et de plus extravaguant que cela...
Enfin, sa dernière discussion en taverne avec Lestat avait eu raison d'elle. Elle se demandait encore ce que c'était que cette histoire de forêt. Elle y allait souvent comme du coté du lac d'ailleurs. Elle ne pouvait pas savoir qui se trouvait en forêt en même temps qu'elle ou pas. Surtout quand elle n'y voyait personne. Elle finissait par être lasse, des crises de jalousie de l'Automne, même quand elle se tenait loin de tous. Il suffisait que le hasard la mette en présence de Johann en taverne pour que cela tourne à une énième crise. Deux minutes en taverne avec Zyv pour faire une transaction, ainsi que se restaurer, et cela devenait affaire d'état. Elle rencontrait pas hasard un ami avec qui elle partageait le goût de la littérature, et il se montrait hostile envers lui. Elle faisait une plaisanterie sur Mâcon, ville morte, dans laquelle elle avait fini par compter les rats et les cafards, et une plaisanterie plus tard de l'ami en question, cela se retournait contre elle. Comme si elle avait le pouvoir contrôler les paroles des uns et des autres aussi maladroites fussent elles. Une pichenette amicale sur la joue devenait crime de lèse majesté.
Elle lui avait été fidèle, elle n'avait pas cherché à revoir Johann comme elle l'avait promis. Elle ne voyait pas ce qu'elle pouvait faire de plus et ne se sentait pas l'âme d'une recluse non plus. Elle s'était rendue compte qu'à chaque fois que Johann traînait dans la ville, Lest était à laffût. Elle-même se fichait éperdument de savoir qui côtoyait les autres tavernes ou pas, n'ayant pas des yeux de lynx et surtout ayant bien d'autres chats à fouetter. L'amour de l'Automne devenait la prison de la jeune fille, quant à lui il s'enfermait dans ses propres obsessions. Elle n'en pouvait plus. Elle ne pouvait rien faire contre ce manque d'assurance. Elle ne pouvait pas aller contre sa propre nature sociable. Elle ne lui demandait pas non plus de changer. Aussi la seule solution qui s'offrait à eux désormais était de continuer leur route chacun de leur coté. Elle savait qu'elle blesserait son compagnon mais elle ne voyait pas d'autres moyens. Il était le premier à reconnaître qu'ils n'avaient que peu de points communs et il souffrait de plus en plus de cette situation. Elle en était chaque jour plus consciente, malgré tous leurs efforts pour réduire le fossé, voire le gouffre qui les séparait. Elle voulait ainsi leur éviter une scène de rupture pathétique et déchirante. Aussi la seule solution qui s'offrait à eux était de continuer leur route chacun de leur coté, et pour elle de fuir.
Enfin prête Audefledis, sortie de l'écurie accompagnée de son cheval. Elle tendit au gamin la bourse qu'elle lui avait promis, sans un mot et se pencha pour lui déposer un baiser sur le front. Le gamin rosissait, d'avoir si grosse bourse entre les mains ou simplement sous l'effet de surprise du baiser de la dame aux yeux améthystes.
- Prends soin de toi petit ! Et souviens toi... tu ne m'as jamais vue...
Elle enfourcha son cheval à cru, tapa légèrement du talon sur les flancs de l'animal et se mit au triple galop en direction du village et de la taverne où elle comptait bien commettre son délit.
*/** Message Personnel : Françoise Hardy