Edern
Ô temps ! Ô moeurs ! Son témoin lui est arraché, sa parole confisquée ! Jusqu'où iront-ils, ces suppôts de l'expéditif ? Quand cesseront-ils de tricher avec leur propre justice ? Si ce procès est perdu d'avance, quel est donc l'intérêt de cette mascarade ? Pourquoi avoir choisi d'aussi piètres acteurs alors que la pièce s'annonçait passionnante ? Pour quelle obscure raison le public ne proteste-t-il pas contre cette infamie, si ce n'est cette Moulinoise sorcière et pourtant juste aperçue du coin de l'oeil ? Comment la médiocrité a-t-elle pu se faire maîtresse de ce tribunal ?
Peu de choses ont le don d'énerver le Fou. Mais qu'on le prive de ses mots, de son public... une colère froide, si rarement vécue, prend possession de son corps et de son esprit. La tranquille folie lui laisse la place avec rage, rage de son échec, rage d'une victoire à venir.
Le silence ! On veut l'y plonger, l'y noyer, l'y oublier. Étouffer ce trouvère qu'on ne saurait écouter, effacer le parchemin de ses mots qu'on ne saurait lire. Ils ne sont ni les premiers, ni les derniers à souhaiter sa disparition. Qu'ils s'y cassent tous les dents, ces fidèles de la paix silencieuse !
Cette fois, le juge est jugé. Pas en bien. Qu'il écrase son poing sur sa table en bois, qu'il trépigne donc tant qu'il le peut. Il est une plaidoirie dont il se souviendra, et peut-être même plus. Les phrases affluent dans l'esprit d'Edern, toutes plus éclatantes de haine les unes que les autres. En l'espace de quelques secondes seulement, c'est tout un duché qui récolte son dégoût. Bourbonnais-Auvergne, prends garde à ton règne.
On l'a fait se rasseoir. On l'autorise à se lever de nouveau. Il se saisit au passage de son couvre-chef noir et l'enfonce avec force sur son crâne. Preuve d'irrespect, manière aussi d'éviter que la folie dansante de son regard brun ne se remarque. Trois pas en avant vers Alethea qui est revenue elle aussi.
Trop difficile de retenir le feu qui couve... le tribunal va s'embraser. L'explosion est finalement contenue par l'intervention du témoin bâillonné, dont la voix calme temporairement la fureur destructrice du Fou.
Je sais que vous avez fait le choix de la plume et que jai même pu vous croiser en pleine rue, plume à la main, demandant des signatures. Je ne pense pas vous avoir déjà vu avec une épée en revanche.
Léger signe de tête en direction dAlethea, accompagné dun petit sourire de reconnaissance. Il dirige à présent toute ses capacités contre laccusation et le jugement, à supposer quils ne soient pas confondus. Le jeu continue bien que les objectifs ne soient plus les mêmes.
Si les yeux du Fou sont dans l'ombre, on peut distinguer la sécheresse de ses mots, taillés à la serpe dans le roc de la poésie.
Vérité fut délivrée malgré deux fiers sots
Echangez la sottise contre de lesprit
Utilisez donc ce quon nomma un cerveau
Lisez vos lois, des préjugés faites amnésie
Eclaircissement par prévôt fut dutilité
Rayez de vos accusations la violence
Il nest pour moi quune arme qui nest pas lépée
Et que cela plaise ou non à vos excellences !
Ose donc faire ton réquisitoire, procureur. Le Fou t'attend.
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Peu de choses ont le don d'énerver le Fou. Mais qu'on le prive de ses mots, de son public... une colère froide, si rarement vécue, prend possession de son corps et de son esprit. La tranquille folie lui laisse la place avec rage, rage de son échec, rage d'une victoire à venir.
Le silence ! On veut l'y plonger, l'y noyer, l'y oublier. Étouffer ce trouvère qu'on ne saurait écouter, effacer le parchemin de ses mots qu'on ne saurait lire. Ils ne sont ni les premiers, ni les derniers à souhaiter sa disparition. Qu'ils s'y cassent tous les dents, ces fidèles de la paix silencieuse !
Cette fois, le juge est jugé. Pas en bien. Qu'il écrase son poing sur sa table en bois, qu'il trépigne donc tant qu'il le peut. Il est une plaidoirie dont il se souviendra, et peut-être même plus. Les phrases affluent dans l'esprit d'Edern, toutes plus éclatantes de haine les unes que les autres. En l'espace de quelques secondes seulement, c'est tout un duché qui récolte son dégoût. Bourbonnais-Auvergne, prends garde à ton règne.
On l'a fait se rasseoir. On l'autorise à se lever de nouveau. Il se saisit au passage de son couvre-chef noir et l'enfonce avec force sur son crâne. Preuve d'irrespect, manière aussi d'éviter que la folie dansante de son regard brun ne se remarque. Trois pas en avant vers Alethea qui est revenue elle aussi.
Trop difficile de retenir le feu qui couve... le tribunal va s'embraser. L'explosion est finalement contenue par l'intervention du témoin bâillonné, dont la voix calme temporairement la fureur destructrice du Fou.
Je sais que vous avez fait le choix de la plume et que jai même pu vous croiser en pleine rue, plume à la main, demandant des signatures. Je ne pense pas vous avoir déjà vu avec une épée en revanche.
Léger signe de tête en direction dAlethea, accompagné dun petit sourire de reconnaissance. Il dirige à présent toute ses capacités contre laccusation et le jugement, à supposer quils ne soient pas confondus. Le jeu continue bien que les objectifs ne soient plus les mêmes.
Si les yeux du Fou sont dans l'ombre, on peut distinguer la sécheresse de ses mots, taillés à la serpe dans le roc de la poésie.
Vérité fut délivrée malgré deux fiers sots
Echangez la sottise contre de lesprit
Utilisez donc ce quon nomma un cerveau
Lisez vos lois, des préjugés faites amnésie
Eclaircissement par prévôt fut dutilité
Rayez de vos accusations la violence
Il nest pour moi quune arme qui nest pas lépée
Et que cela plaise ou non à vos excellences !
Ose donc faire ton réquisitoire, procureur. Le Fou t'attend.
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