Ellya
Prologue
De la Guyenne à la Normandie, il y a un monde. Peu avait réussi à survivre à cette longue chevauchée à travers brumes et brouillards et... Bon. Ils étaient moins d'une dizaine, tous nigauds à bien y regarder, et ils avaient voulu partir en pèlerinage. C'était bien beau... jusqu'à ce que tout parte en vrille. Un arrêt par si, un livre illisible par là, une révélation troublante de l'un, un brigandage de l'autre. Ils étaient en galère.
Et les deux plus faibles s'étaient retrouvés les derniers en lice: la frêle nonnette soumise et son quasi sextagénaire d'époux. Alors pour le plaisir de l'un, l'amour de l'autre, ils avaient opté pour continuer ce pèlerinage sous un angle légèrement différent. Et si l'objectif principal n'était pas perdu de vue, il n'en demeurait pas moins qu'ils allaient prendre leur temps.
En commençant par voguer sur les flots.
Mi juillet 1460 - Taverne louche à Bayeux
La blonde Duranxie fronça son nez à la vue de la chambre qu'ils avaient louée pour la nuit. Les murs puaient l'humidité et la crasse, la jonchée sur le sol n'avait pas dû être changée depuis cinquante ans et la paille du lit semblait moisie. Le détail le plus horrible, dans tout cela, était bien qu'il n'y avait qu'un seul lit. Et une seule chambre.
En un soupir navré, elle déposa les maigres affaires qu'ils transportaient près de la porte. Elle prit place sur une chaise tremblante et sortit de quoi écrire. La plume la démangeait depuis plusieurs heures. Elle hésita longuement sur le destinataire de sa lettre du jour. Elle aurait pu écrire à Diia, sa première et chère filleule, mais songea qu'elle ne ferait qu'attiser sa douleur en agissant ainsi. Quant à la Marmandaise, elle était en famille, au Berry. Demeurait Lara.
Grand Dieu... Me voilà si partagée. Pourtant je l'aime.
Les mots auraient été un supplice à écrire aussi se contenta-t-elle d'opter pour une délicate réponse auprès du Capitaine qui réaliserait son rêve.
Capitàn,
L'idée de mettre les pieds sur votre bâtiment suffit à emplir nos curs de joie, et c'est peu dire. Nous avons même pressé le pas. Demain, nous nous dirigerons vers Honfleur pour vous y attendre.
Il me faut vous dire que nos bourses se sont allégées durant notre pèlerinage et il nous faudra quelques jours pour posséder de quoi vous payer. J'ose espérer que vous n'êtes pas pressé.
Ces quelques jours passés auprès de vous seront, je gage, d'un délice inouï.
Dans l'attente, que Sainte Illinda vous protège,
Ellya de la Duranxie
P.S. Dois-je vraiment mettre de la boue sur mes joues?
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De la Guyenne à la Normandie, il y a un monde. Peu avait réussi à survivre à cette longue chevauchée à travers brumes et brouillards et... Bon. Ils étaient moins d'une dizaine, tous nigauds à bien y regarder, et ils avaient voulu partir en pèlerinage. C'était bien beau... jusqu'à ce que tout parte en vrille. Un arrêt par si, un livre illisible par là, une révélation troublante de l'un, un brigandage de l'autre. Ils étaient en galère.
Et les deux plus faibles s'étaient retrouvés les derniers en lice: la frêle nonnette soumise et son quasi sextagénaire d'époux. Alors pour le plaisir de l'un, l'amour de l'autre, ils avaient opté pour continuer ce pèlerinage sous un angle légèrement différent. Et si l'objectif principal n'était pas perdu de vue, il n'en demeurait pas moins qu'ils allaient prendre leur temps.
En commençant par voguer sur les flots.
Mi juillet 1460 - Taverne louche à Bayeux
La blonde Duranxie fronça son nez à la vue de la chambre qu'ils avaient louée pour la nuit. Les murs puaient l'humidité et la crasse, la jonchée sur le sol n'avait pas dû être changée depuis cinquante ans et la paille du lit semblait moisie. Le détail le plus horrible, dans tout cela, était bien qu'il n'y avait qu'un seul lit. Et une seule chambre.
En un soupir navré, elle déposa les maigres affaires qu'ils transportaient près de la porte. Elle prit place sur une chaise tremblante et sortit de quoi écrire. La plume la démangeait depuis plusieurs heures. Elle hésita longuement sur le destinataire de sa lettre du jour. Elle aurait pu écrire à Diia, sa première et chère filleule, mais songea qu'elle ne ferait qu'attiser sa douleur en agissant ainsi. Quant à la Marmandaise, elle était en famille, au Berry. Demeurait Lara.
Grand Dieu... Me voilà si partagée. Pourtant je l'aime.
Les mots auraient été un supplice à écrire aussi se contenta-t-elle d'opter pour une délicate réponse auprès du Capitaine qui réaliserait son rêve.
Capitàn,
L'idée de mettre les pieds sur votre bâtiment suffit à emplir nos curs de joie, et c'est peu dire. Nous avons même pressé le pas. Demain, nous nous dirigerons vers Honfleur pour vous y attendre.
Il me faut vous dire que nos bourses se sont allégées durant notre pèlerinage et il nous faudra quelques jours pour posséder de quoi vous payer. J'ose espérer que vous n'êtes pas pressé.
Ces quelques jours passés auprès de vous seront, je gage, d'un délice inouï.
Dans l'attente, que Sainte Illinda vous protège,
Ellya de la Duranxie
P.S. Dois-je vraiment mettre de la boue sur mes joues?
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