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[RP] Et Paf ! Ça fait des Chocapics !

Charlemagne_vf
Sortir le carrosse de l'Hôtel Castelmaure est toujours une manœuvre risquée, mais trépidante. En effet, Charlemagne, installé sur la banquette du coche, attend avec impatience le moment où se produira la collision avec tel ou tel mur, ou alors le fin frottis de la porte boisée contre le corps en pierres de taille du portail. A l'extérieur, les voix de quelques serviteurs à la livrée du Nivernais guident le cocher, ce brave homme consciencieux qui, jusqu'alors, n'a fait aucune erreur.
Et c'est là toute la tragédie du Prince. Il savoure la perfection du conducteur, mais il savoure tout autant celle d'un bourreau chargé de le punir de ses imperfections. Or, ce délice n'a pas encore été goûté par l'Aiglon. Les yeux fermés, donc, il perçoit chaque roulement des roues sur le pavé, chaque soubresaut de la voiture sur ce sol irrégulier et citadin. Et comme toujours, inlassablement, ça passe.

A ses côtés, la jeune Altesse est accompagnée de deux gardes. Paris est peu sûre. Il y a d'abord un roublard à la pilosité nette, ancien serf du Nivernais devenu garde sur les tours du Duché. Il avait tapé dans l'oeil du Castelmaure un soir d'inspection, et avait fini affecté à son service permanent. Il était assez sombre pour lui plaire, et lui aussi semblait attendre l'imperfection d'un pauvre bougre pour agir.
Et puis il y a un autre homme, un peu plus éphèbe, et Seigneur en plus. Une vieille dette envers Béatrice, une épée dévouée corps et âme au Prince et à son royal sang. Le genre d'allié sûr. Homme de confiance et d'influence.
Et puis l'éternelle gouvernante, qui jusqu'alors n'était jamais la même. La femme qui sert et qui re-sert, celle qui attrape le moindre grain de poussière venant effleurer l'habit de l'opulent Aiglon.

Le carrosse est passé, donc. Les chevaux n'ont pas trahi leur maître, et les voilà parti dans la capitale aux ruelles plus étroites que les rues, elles même plus étroites que les certains grands axes. Ce jour-là, Charlemagne de Castelmaure a choisi d'aller faire une visite mondaine. Il rejoint sa cousine à l'Hôtel Barbette. Il n'y a pas été invité, mais n'est-il pas d'usage, à une heure correcte, de recevoir ? Et après tout, un Prince va où il veut, il fait le protocole, et le plie à ses voeux. C'est tout.

L'on longe les remparts, St Jacques de l'Hôpital, St Leu et St Gilles, St Sépulcre et le cimetière des Innocents. Tant et tant de Saints, confits en églises, en abbayes, et rôtis en cimetières. Paris est faite de Saints morts et de démons vivants : tout un paradoxe. Et c'est là ! Au croisement entre ledit cimetière des Innocents et la Sainte Opportune que se produit ce que l'on attendait plus.

PAF !

Les chevaux hennissent, le cocher hurle, l'intérieur croule, et, ô merveille, les yeux du Prince, passé la panique de l'imprévu, brillent. Un peu d'aventure dans cette vie si rangée dont jamais il ne se plaindrait ailleurs qu'in petto.


Ouvrez.

A droite, à gauche, qu'importait, mais Charlemagne de Castelmaure voulait sortir. Peut-être était-ce une embuscade, peut-être un simple dérapage sur la chaussée, peut-être un accident des plus communs ? Mais assuré de la présence de ses hommes, le Prince descend, peu craintif, et avise le spectacle...Un carrosse gît presque sur le sien.
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Quiou
A l’inverse de la figure princière, s’il y en a bien une qui ne se soucie ni de la qualité de la chaussée, ni des divers cahin-caha qui vous brisent les os, des soubresauts qui vous mettent en émoi, c’est bien la sociopathe Terreur, regardant sans la moindre ardeur les paysages désolants d’un Paris détestable défiler lentement par devant ses prunelles d’obsidiennes qui abiment et ensorcellent.

Là, dans ce convoi cliquetant et claquetant, dans ce carrosse cerné de quelques cavaliers, aux armes d’or, de sable, de gueules, d’argent, d’une infime touche de sinople et d’azur, unissant sans piété et la Flandre, et la Loyale, et la Dévouée, et les Noldors, dans ce carrosse, donc, se trouve la Deswaard, qui n’aura pas manqué de rabattre sur sa froide carcasse et pour son propre confort une fourrure de loup à même ses genoux.

La sénestre coulisse, la serre décharnée agrippe parfois la pelisse, avant que de seulement la plisser plus avant, comme l’on flatte l’encolure d’un brave animal, d’un féal ou d’un chenapan, tandis que l’esprit, fort, fier, aguerri, s’aventure en d’autres chemins que nul n’aurait l’envie et encore moins la lubie de suivre sans qu’il ne soit bercé par la folie ou de tristes tourments.
La dextre, quant à elle, tient d’une manière fort lâche un mouchoir de qualité, camphré, qu’elle appose de temps en temps aux abords du nez deswaardien, lorsque la putrescence des lieux se fait par trop forte peut être, ou du moins quand tout ce qui est à minima respirable semble ne plus même exister.

Adoncques, notre Misanthrope nationale en séjour en la Capitale, encore une fois, laisse libre le cocher de décider que faire, que choisir, n’éprouvant pas d’appréhension - car il est à croire que la Deswaard ne craint pas - ne ressentant pas même la plus insipide émotion alors que la foule est transcendée, que les marauds et autres lambeaux de la société sont mis de côté pour que place soit faite à son escorte et sa métallique cohorte.

Jusqu’à ce que…
PAF !

Les hennissements des chevaux affolés bousculent le crissement des roues diligentes, cependant que les hommes beuglent, braillent, brament tels les plus virils cervidés en rut à la vue de cet abominable accident mêlant acier, bois, chair et sang.
Car, si du côté du poupon enfant, il semblerait que tout va à peu près bien, il est à noter tout de même que Sa Sombritude aura durement percuté la gracile charpente du chambranle de la porte sous le choc de l’impact, y laissant très nécessairement un
« Vérole »non pas de douleur, mais bien de rage.
Et ça, ça sent l’orage chez la Terreur.

La porte du carrosse s’ouvre donc sous l’action d’un Théobald Von Hardenberg plus inquiet pour la vicieuse et pernicieuse sentence à venir que pour la santé même de sa Dame, qui s’extraie pour l’heure du carnage, qui s’en détache sans trop rien dire, sans même ne rien refléter de ses sentiments sur son visage de glace, d’airain.

Du reste, son prime homme de main la suit alors que, saisissant un pan de sa riche vêture de nuit pour ne point qu’elle trainasse dans la fange et la lie du tout Paris, elle s’avance vers l’autre porte. Par le même temps, elle vient machinalement tapoter l’extrémité droite de ses lèvres soudain chaudes, ou du moins tièdes par l’action d’un bourbillon éloquent, et ce, à l’aide de son immaculé petit carré blanc qui, Ô miracle, sera resté entre les doigts de la dextre désormais fermement serrés depuis l'incident.

Les pupilles s’attardent alors, non pas en premier lieu sur le vil agresseur qui sort de sa tanière, de son gouffre de la mort, mais sur ce mouchoir, soudain coloré d’un liquide carminé, opaque, tout simplement démoniaque.
Ce sont là sa vie, son sang qui perlent magnifiquement d’une minuscule fissure à la commissure.
Puis elles se posent sur le juvénile mignon, plus austères que jamais, redoublant d’attention et jaugeant prestement ce qu’il est.

La voix se fait dure, peut être revêche, mais surtout effroyablement cinglante de neutralité exacerbée cachant bien plus, bien plus que de colériques idées.


Cela faisait longtemps que quiconque n’avait eu l’heur de verser ce qui semble aisément être mon propre sang. Adoncques me dois-je de vous l’offrir présentement, que vous récoltiez ce que votre impudence aura fait couler…

Le bras se tend, relâche le fin tissu.
Le menton se hausse, méprisable et méprisant.

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Jehan.fervac
    Être garde d'un prince de sang, c'est autre chose que surveiller les frontières du Nivernais. & Jehan aimait ça. Il faut le dire, c'est bien plus amusant de surveiller un petit prince arrogant & capricieux que de se geler tout l'hiver durant en haut d'une tour !

    Vous allez surement vous le demander, comment diable un gueux comme Jehan Fervac avait bien put se retrouver propulsé garde personnel de la jeune altesse royale !?

    He bien tout commença un soir d'hiver en l'année 1458, soit deux ans plus tôt, les loups terrorisaient la région, si bien qu'une battue avait été organisée. Vous pensez bien qu'un noble, surtout un prince, ne raterais pour rien au monde une chasse aux loups ! La compagnie de garde de la tour du bourg avait été déployée pour rabattre les bêtes. En formation linéaire, les hommes d'armes frappaient leur bouclier a l'aide de leur épée créant ainsi grand vacarme & grande agitation dans la foret.

    La meute affolée s'était précipitée dans la direction opposée a l'origine du bruit. Dans la direction des hommes a cheval, ceux qui allaient abattre les bêtes sans plus de courtoisie. Les chassés étant suivit de près par les chasseurs, la meute de carnivores se trouva très rapidement encerclée & ainsi débuta le carnage. Flèches & épées s'abattant sans répit sur les bêtes, les gardes y allant surement un peu plus que les autres, eux étaient a pied & se serait mentir de dire que l'homme n'a pas peur du loup.

    Ce fut au retour de la battue que les hommes furent informée d'une inspection, & Jehan a ce moment n'était pas fatalement sous son meilleur jour, les braies & les bottes crottées de boue puante, le tabard ensanglanté d'avoir soutenu une bête éventrée. En bref, il avait plus l'air un brigand revenant d'un quelconque pillage que d'un garde. Curieusement cela semblait avoir plut a la jeune Altesse... ça & peut être aussi son air froid, impassible, son petit sourire moqueur & son regard qui semblait calculer le moindre geste de chacun, comme s'il attendait que quelque chose se passe... Comme un chien qui attends qu'on le siffle avant de l’entraîner dans une chasse.

    Voici comment Jehan Fervac s'était retrouvé coincé dans un carrosse allant grand train a travers les rues de Paris. Ses yeux d'ébènes détaillant les deux hommes qui lui faisait front, l'un jeune & altier, le Prince. L'autre imberbe & gracile, le Seigneur, un autre type qui s'était retrouvé garde au service du prénommé Charlemagne.

    Le brun était perdu dans les méandres de ses pensées, les bras croisés sur sa poitrine quand soudain il fut rappeler a l'ordre d'une façon plus ou moins violente.
    Un bruit de tonner & les voilà tous trois propulsés comme de vulgaires dés dans un gobelet. Ils se retrouvèrent cul par dessus tête sans comprendre ni pourquoi, ni comment. Un grognement de douleur échappa a Jehan, c'était la tête qui avait cogné contre le plafond du carrosse, un peu sonné, le grand garde entendit tout de même la voix de son petit maitre.

    Un coup de botte dans la porte qui s'était retrouvée a la place du plafond, & il n'y avait plus qu'à se hisser par l'ouverture. Les trois gus étant légèrement enchevêtrés, je vous laisse imaginez la scène...

    Mais quand enfin ils furent a l'air libre. Les noires pupilles se promenèrent sur la scène, c'était apocalyptique, les chevaux couchés tentaient de se relever, s'agitant & se blessant avec leurs harnachements, les carrosses couchés sur le flan & les cochés qui avaient disparus.. Ils avaient du voler un peu plus loin...

    Les yeux du garde se figèrent enfin en voyant la propriétaire du second carrosse s'approcher, elle qui saignait légèrement a la lèvre fut d'une froideur cinglante avec le petit maitre. Un grondement sourd s'éleva de la poitrine de Jehan, dieu qu'il n'aimait pas cette odeur de menace qui planait dans l'air, entêtant & indélicate, mais en bon chien de garde, il attendrait le signe de son maitre avant de mordre...

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Charlemagne_vf
De sa hauteur qui n'était toutefois pas bien haute, Charlemagne toisa le visage diaphane qui se présentait à lui. Il ne s'attarda pas même sur le spectacle, et n'écoutait pas plus les bourgeoises offusquées qui sortaient de leurs masures. La mise du Prince en imposait assez pour que l'on ose l'approcher comme le premier gamin que l'on voudrait tirer de décombres quelconques. Les carrosses, eux, pouvaient en dire long sur l'identité de leurs propriétaires, pour l'héraldiste avisé.
D'un Père passionné, et d'une Mère Maréchale d'Arme Impériale en son temps, le jeune Castelmaure aurait pu tirer un enseignement fin. Il n'en fut rien, et il devina juste la noblesse de sa rivale du jour, noblesse qu'il eut deviné à ses gestes, ou même à sa simple possession d'un coche.
Passé l'instant d'étude des ors, sables et autres gueules, l'Aiglon avise le tissu tendu, et ensanglanté. Les paroles de la bougresse, ensuite, achevèrent - ou plutôt commencèrent - d'agacer une Altesse pour qui la journée n'avait pas trop mal commencé. D'ailleurs, quand on ne fait rien, peut-on vraiment dire que les journées se passent mal ?
Les yeux guiséens du Prince imitèrent le mépris de la femelle, avec un incomparable brio, sa posture se dressa un rien, et les sourcils rehaussés, Charlemagne parle. Il déteste parler, pourtant. Ça l'ennuie, ça le fatigue, mais parfois, il le faut.
Un geste aurait suffi pourtant à faire taire tout le monde. Jehan et Anthoyne se jetant sur la donzelle. Mais non, il n'est pas en pays conquis, ici.


Si je suis ravi, Madame, de les avoir versées, je n'ai que faire de trois gouttes de votre sang quand je pourrais en avoir des litres.

La botte vernie avance d'un pas, et se pose sur le linge souillé, et avec dégoût, il observe le blanc teinté de rouge se peindre d'une terre marron. Ce serait presque de l'art. Enfin, le sang de la Deswaard termine sa course entre deux pavés.

Quant à cela. Vous paierez, bien entendu, et veillerez à vous trouver un cocher plus habile.

N'avait-on pas dit que celui du Prince n'a jamais fait d'erreur ? Et qu'était-il advenu de lui d'ailleurs ? Charlemagne n'entendait pas repartir à pied. Il fit donc un geste vers Jehan, mais sans doute pas celui qu'il attendait pour mordre.

Va trouver le cocher, toi.

En attendant, l'Aiglon réfléchirait à son sort. Il hésitait entre la demande d'un franc et honnête témoignage quant au déroulement d'une scène qu'avait vécue le Prince sans la voir, ou alors le faire taire afin d'y gagner une version plus personnelle de l'histoire. Après tout, l'on fait dire n'importe quoi aux morts, et Charlemagne même est un adepte du "Mère disait que", alors que Mère n'avait jamais rien dit de tel.
A son retour et selon son état, l'on aviserait. Il l'aurait peut-être, finalement, sa séance d'arrachage d'ailes de mouches.

Et puisqu'il ne saurait être dit que l'Aiglon manque à la finesse de son rang, le voilà qui, toisant la pâle, se présente.

Au juste. Il convient de m'appeler Altesse Royale.

L'on a vu en ce monde de moins expéditives entrées en matière. L'on a aussi vu des rencontres moins violentes.
Un frisson parcourt l'échine du Prince. Paris est froide. Et, sa confiance le délaissant un infime moment, il s'assure de la présence d'Anthoyne, le Fidèle. Ne sait-on jamais. Elle a des gardes, elle aussi.

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Quiou
L’enfant, le bel enfant parle bien. Il parle durement, il parle sauvagement, tel l’alpha de la meute qui ne plie pas, jamais, et qui n’aspire qu’à voir ce qui est dit être prestement réalisé. Il semble sans âge, malgré sa petitesse, sa jeunesse et cette fragile noblesse. Il parait aussi aguerri que les plus vils, que les grands limiers à l’odorat docile. Et derrière cette immaturité gracile qu’il arbore comme on le fait d’une épée d’apparat ou d’une parure provoquant l’émoi, derrière ce physique bien fait quoiqu’encore dénué du moindre vécu, derrière cette immuable fragilité se cache une âme délicieusement abominable dont on en vit un bref aperçu.
De quoi faire sourire la Deswaard.
D’un appréciable sourire carnassier.

Au Théobald Von Hardenberg, en guise d’homme d’armes raffiné, de glisser alors à l’oreille de sa revêche Dame quelques conseils, quelques digressions qu’il se croit le devoir de susurrer dans sa rocailleuse langue, et ce, en n’omettant pas d’en oublier ses droits. Il faut dire que l’homme connait bien sa maîtresse, ou du moins suffisamment pour savoir qu’une nouvelle proie semble être en train de batailler au bout de l’hameçon, n’ayant plus d’autre choix que de piquer la curiosité, ou de crever sans un mot, sans plus émettre le moindre son.
Dans tous les cas, il nous faut avouer qu'il finissent tous par trépasser.


Ich bitte Sie, Madame…Er ist nur ein Kind.

Ce à quoi notre Chancelière, l’air grave, le maintien ferme et le visage hâve, fait mine de ne rien entendre. A moins qu’elle ne soit par trop absorbée par les délices qui lui sont proposés ce jour, par trop passionnée par ce qui l’entour.
C’est dire qu’un accident ne vous arrive pas souvent, surtout quand on est bien placée, qu’on subit les rouages suavement huilés d’une vie sans envie, qu’on regarde le monde autrement que bercée parmi ordures, fange, dépravation et autres cassures, qu’on se l’approprie, qu’on le façonne, qu’on se crée ses propres microcosmes endiablés, qu’on monte, encore et encore, jusqu’à ne plus rien espérer que mort, insanité et damnation.
Alors…alors on ne fait plus qu’observer.
Jusqu’à ce que la vie, détestable, haïssable, vous assène un coup comme celui-ci.

Elle regarde donc le juvénile écumant, le toise, le jauge, l’examine, dépourvue de scrupule.
Après tout, n’est-il pas qu’un enfant ?
Mais surtout, surtout…Elle est Deswaard, et ça change tout.


Il vous faudra papillonner le bon flamand à l’oreille crasseuse de mon intendant pour seulement aspirer à récupérer ce que vous croyez être votre dû.

En effet, ce n’est pas la Teigneuse qui se complait à jouer à celui qui a la plus grosse – la plus grosse couronne, bien évidemment – car quid de la Magnificence, de la Majesté ou du gueux, si ce n’est qu’elle aime à n’aimer ni les premiers, ni les seconds ? Qu’elle ne se trouve certes pas en l’éther vaporeux d’une bulle céleste, mais peut être en quelques décrépitudes bien plus élogieuses de par leur funeste visées qui ne riment à rien et ne sont guère sensées ?
Adoncques, bien qu’elle puisse avoir quelques inclinaisons à respecter les affres de la diplomatie, elle n’en reste pas moins méprisante vis-à-vis des empaffés, des miséreux, des endimanchés ridiculement adipeux, des saltimbanques de la flagornerie, des lamproies de la médisance et de l’ingénierie.
Elle n’a de maître qu’elle-même et cela lui suffit.


Du reste, les marques effroyables que vous aura laissé celle qui fut Grande trahissent complaisamment votre identité.
Adoncques me dois-je de vous énoncer que, pour ma part, il est préférable de ne guère m’appeler.
Tout simplement.


Stoïque, flegmatique, elle ne chancèle pas, tandis que sa vêture, ses fins tissus et ses envolées nuageuses de courbures s’animent sous l’action d’un vent rafraichissant, d’un souffle impromptu qui fait tressauter et la chevelure innommable, et la fine capeline estimable.

Votre honneur, placé en un piédestal bien plus élevé que le mien, sera certainement tombé plus bas encore. Par fin me faut-il dès lors vous inviter à laver cela d’un combat au premier sang versé dont je vous accorde l’exploit de la prime manche * un coup d'oeil s'en va à étioler le mouchoir irrémédiablement maltraité * quoique je gage que vous ne maitrisez pas même la base des rudiments de l’art de la lame effilée pour pouvoir m’affronter. Nous aurions donc chacun nos champions, si cela vous agrée.

Brève inclinaison du buste, presque imperceptible, alors que l’étroite distance les séparant n’en reste pas moins grande, pas moins immense. Le ton se fait plus bas, comme pour le partage d’une inadmissible confidence qui lancera nécessairement la dance des cinoques, la salterelle entre l’Aiglon et la Misanthrope.

Et nous verrons qui joue le lion de l’agneau.



*Je vous en prie, Madame…Ce n’est qu’un enfant.
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Jehan.fervac
    Jehan était figé tel un chien de chasse a l'arrêt. Il fut soulagé quand son maitre lui ordonna d'aller chercher le cocher. Un sourire mesquin s'étendit par les lippes du garde. Oui, il allait de retrouver. Mais comme a l'habitude, il allait s'arranger pour que l'histoire soit la bonne.

    La dague quittant son fourreau, les bottes claquèrent contre le pavage Parisien. Et voilà le limier sur les traces de sa proie. & il ne fut pas long a la trouver. Les deux cochés étaient l'un avec l'autre. L'un attrapant l'autre au collet, ils étaient moins éduqués que leurs maîtres, mais tout aussi agressifs.


    _Hem.

    Deux regards furax se tournèrent vers Jehan, un sourire machiavélique, un regard vers Baltus, celui-ci le connaissait le Limier. Il recula légèrement, il le connaissait trop bien ce Chien là. Lui & ses crocs. Lui & ses vices. Il inclina le buste, le Baltus.

    _ Je … Je vais rejoindre … Enfin... Je vais …
    _ Oui, c'est ça, va.

    & il ne se fit pas prier, voilà le coché qui retourne vers l'Altesse et son carrosse, ses chevaux qui s'étaient relevés. Il disparut de la vision du Jehan, l'autre resta, planté là, se demandant ce qu'il se passait. Se demandant pourquoi l'autre gugusse avait fuit sans demander son reste.
    Il ne se demanda plus longtemps ce qu'il se passait, il n'en aurait plus le temps, pas plus que l'occasion. Une pointe acérée vient lui cueillir le cœur. Son dernier battement & son dernier soupire furent pour Jehan. Un son délicieux, un son presque musicale. Les roulements de tambours, les battements assourdissant s'assourdirent, les vents se turent au même instant dans une dernière note sublime & délicate pour les oreilles experte du gueux.
    C'était si bon, si bon qu'il en laissa échapper un petit grognement appréciateur.

    L'ennuyant avec ce genre de mort, c'est qu'elles sont généralement sales. Une giclée de sang vint maculée de tabard du garde, un soupire de déception échappa a Jehan, il faut toujours qu'ils gachent tout ces sagouins d'assassinés.
    Un mouvement d'épaule, deux bras qui repousse le corps vers l'égout dans une soudaine contraction des muscles. Il faudrait faire vite. On allait s’apercevoir qu'il n'était pas revenu. Rabattant le tissu sur la blessure, il masqua la marque laissée par la dague, on aurait cru l'homme mort frappé par la foudre alors qu'il n'avait été frappait que par la volonté de fer de Charlemagne.

    Nettoyant sa lame, la rengainant sereinement, il regarda a l'alentour, personne. Fort heureusement. Les badauds étaient en réalité bien plus intéressés par le combat verbale entre les deux têtes couronnées.
    Le chien retourna près de son maitre d'un pas tranquille & assuré, tenant par le col Baltus qui avait bel & bien tenté de se cacher. Il n'arriva que pour entendre l'ultime phrase de la noble. Curieusement elle lui fit hérisser le poil.


    _ Mon maitre. Dit-il, en s'inclinant avec une légèreté qui pouvait surprendre voici votre coché. Le votre, madame, n'a pas survécut a la rudesse de l'impact, il fut gravement blessé, j'ai tenté de l'aider... Sans succès.

    Mentir est un art. Jehan le maitrise. Il venait de camoufler un crime odieux en héroïsme raté. C'est a se demander ce qu'il valait le mieux, être un assassin aguerri ou un sauveur qui ne sauvait rien ? Il venait de justifier la présence de sang sur son tabard, il ne comptait pas s'entendre poser des questions a propos de cette tâche ensanglantée, donc valait mieux pour lui qu'il coupe l'herbe sous le pied au deux nobles. Quoi que son maître le connaisse parfaitement. Jehan ne douta pas un instant qu'il était percé a jour par le prince.

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Charlemagne_vf
De la bouche de ce qui allait se révéler être un intendant flamand, Charlemagne avait bien cru entendre du teuton. Comprit-il toute la teneur du propos ? Non. L'on avait chuchoté, et l'oreille du garçon, toute princière fut-elle, n'avait, au grand dam de son propriétaire, pas encore une ouïe si fine. Toutefois, le mot "Kind", par sa prime consonne sans équivoque, une foutue occlusive sourde, complètement vélaire et un rien explosive, avait été saisi, et le Prince, inondant de son mépris usuel l'Intendant qui pourtant avait pris sa défense, se fendit d'un sec et colérique :

Ich bin nicht einen Kind !*

Parler dans cette langue donnait à la jeune Altesse une autorité sans égale. Il se sentait aussi dur que ces sons quasi nordiques, et un temps infime, son regard aurait pu s'embuer d'une vague nostalgie. Son Duché de Bolchen, bien que situé dans l'Empire Francophone, était une enclave langagière : les serviteurs étaient d'importation orientale, et entendons par là que l'orient n'est pas ottoman, mais volontiers germanique, voire même scandinave. Tous des Ulrich, des Friedrich, des Sigmund, et une vieille Berthe.
Paradoxalement, c'était un Jehan et un Anthoyne qui suivaient le Prince à chacun de ses déplacements : des francs.

La Deswaard, qui n'avait pas trouvé bon de se présenter, y alla enfin de sa diatribe, laquelle fit monter crescendo le rouge aux joues pâles du jeune nivernais. Déjà, elle le défiait de parler le Flamand. Béatrice le parlait, elle. L'on oubliait souvent qu'avant d'être Reine, elle avait été Ambassadrice Bourguignonne en ces terres, et puis Maréchal d'Armes Impérial, entre autres. Malheureusement, elle n'en avait rien laissé à son aîné, pas même les attributs.
Ensuite, la Frigide invoqua ladite défunte : elle osait. La Grande, ce ne pouvait être que la Mère. L'intouchable. La seule femme dans la vie du Prince, et la première à l'avoir déçu par sa mort prématurée. Relation avortée et Oedipe mal dégorgé. Voilà tout le drame du jeune orphelin qui, à peine son Père tué, avait du subir le trépas de sa génitrice.

"Ça" parle d'honneur, et soudain, la scène devient une grosse mascarade, un spectacle pour le tout-venant. Charlemagne se fend d'un sourire narquois. Sait-elle ce qu'est l'honneur ? Lui le sait, puisqu'il sait tout. Il sait du moins ce qui n'a rien à voir avec la notion, et un accident de carrosse ne se règle pas sur la lice.
Toutefois, l'orgueil de l'Aiglon est sans limite, et il sait qu'il ne peut refuser un duel. Il sait aussi ce qu'aurait fait son Père en telles circonstances. Guise, l'Implacable, ne se serait pas laissé entraîner dans la vile manoeuvre : il l'aurait fendue de bas en haut sans plus de discussion. Mais de même qu'il était trop jeune pour se battre, le Von Frayner est trop jeune pour atteindre le chef de son opposante.
Il regarde Anthoyne.


Je ...

Mais il fut interrompu, et nul ne saura jamais ce qu'il serait advenu de Quiou Deswaard sans cela.
Jehan était de retour, Baltus avec lui.
Ainsi donc, le cocher de la Téméraire n'était plus. A dire vrai, si le Prince savait la cruauté et le sadisme ambiant de son Ombre - qui en cela n'avait rien de la noblesse d'un Anthoyne dévoué mais éduqué, et c'était là la différence entre un virtuose sanguinaire et un défenseur acharné - Charlemagne avait toujours la naïveté de croire les paroles du chien. Et au fond, un cocher n'est pas une personne dont on pleure la mort.
Quoi qu'il en fut, la nouvelle devint vite salutaire, le Castelmaure y voyant une parade de choix contre la gêneuse.


Madame, si la Providence a voulu que votre cocher trépasse, c'est que le Très Haut l'a tenu pour responsable de notre situation, je crois. Et s'il n'a pas tenu à revenir d'entre les morts après qu'Aristote le lui eut proposé, c'est sans aucun doute que l'éternité sans corps vaut mieux pour lui que la vie avec la culpabilité d'avoir heurté ma royale personne. Ou alors, son acte ignoble lui a valu la Lune.

Et voilà comment, n'ayant que parcouru le Livre des Vertus, l'on passe pour un parfait petit dévot bien éduqué.

Je ne croiserai pas le fer avec vous.

Lapalissade en règle. Le Prince n'a ni la capacité physique de le faire, ni l'envie, ni le sentiment que l'outrage qui lui est fait le mérite. Après tout, était-il bon pour lui d'accorder une telle importance à une femme qui ne pouvait être à ses yeux qu'une rien du tout ? Les Duchesses étaient tout juste bonnes à être Dames de la Chambre : à moins d'être Reine ou Princesse, Charlemagne n'estimait pas qu'une femme mérite son attention plus de dix minutes. Exceptions étaient faites pour une liste restreinte à quelques dizaines de femelles : amies de Béatrice, vassales, parentes. Elle ne paraissait pas répondre aux critères, et l'Aiglon trouva bon de trancher.

Votre cocher a retourné mon carrosse, mon carrosse a eu raison de votre cocher. Ainsi sommes-nous quittes.
N'est-ce pas Baltus, que tu n'as fait aucune erreur ?


Cette apostrophe à son propre conducteur n'était pas une question. Le pauvre bougre n'avait d'autre choix que d'acquiescer, de toute façon.

Voyez. Si vous n'accordez pas crédit à la parole d'un Prince, peut-être accorderez-vous crédit à celle d'un...laquais.

Et d'ailleurs, Charlemagne se mit à douter de la noblesse de la donzelle. Elle n'était peut-être qu'une demoiselle au service de celle dont le carrosse était armorié, revenant d'une quelconque vidange renaissante : changement des roues ou des chevaux.
Délaissant du regard l'objet de sa colère enfantine, le Prince chercha à nouveau du regard son brave Jehan. Il ne le remercia pas pour un acte qui n'était que normalité.
Une question brûlait les lèvres du Prince désormais : que fait-on, maintenant que nous sommes des piétons ?
L'oeil guiséen avisa les chevaux. Il leur en faudrait quatre. Le cocher suivrait à pied. Et la gouvernante, qu'elle sache ou non chevaucher, devrait faire avec.


Je veux quatre montures.

Et réquisitionner celles de la Vicomtesse était tout à fait envisageable.

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*Je ne suis pas un enfant !
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Popotame
Elle, qui n’avait jamais eu le devoir de s’occuper d’enfants, étant la cadette de la fratrie. Plus habituée à recevoir qu’à donner, elle devra s’habituer à l’inverse. Maintenant elle avait rejoint la ronde des gouvernantes, dont on changeait comme de chemise; mais la demoiselle avait bien l’intention de s‘accrocher même si elle pressentait que la tâche serait rude, et que le gamin, aussi royal soit-il lui, lui donnerait du fil à retordre.

Enfermée dans ses pensées pour résister aux tressautements du carrosse, les horribles ballotements et le désagréable crissement des roues sur les pavés, ainsi qu’aux odeurs déplaisantes qui lui taquinaient le nez, elle jouait avec les cordons de son capuchon, les yeux baissés sur ses genoux.

Sans vraiment comprendre comment, la jeune fille se retrouva projetée sans ménagements et sa tête heurta la portière. Elle reprit connaissance quelques instants plus tard, la portière était ouverte, béante, sur le ciel gris de la ville. Elle se redressa et épongea le mince filet de sang sur son front, avant de s’extirpait du carrosse le plus dignement possible, gênée par ses jupes et par la position peu habituel de la voiture.
La tête lui tournait, la roue du carrosse, couché sur le flan, tournait inlassablement, avec la monotonie des ailes de moulin.

Éléonore tenta en vain d’identifier le blason et considéra la scène ; quel cochet pouvait conduire aussi mal pour produire pareil désordre ? Évidemment, il ne pouvait s’agir du notre ! Ohh ! Quelle mauvaise foi !! Oui… l’exagération devait être une seconde nature chez la brune. Son regard vert d’eau balaya les lieux puis s’illumina d’une lueur de soulagement lorsqu’elle aperçut le petit Prince debout et, visiblement en pleine possession de ses moyens, en pleine joute verbale avec une jeune femme blonde au regard altier qui laissait poindre l’arrogance nécessaire à toute personne de la Haute. La jeune fille se posta à bonne distance des deux têtes couronnées et se délecta de leurs propos emphatiques.

Quand elle entendit l’enfant couronné réclamer des chevaux, la jeune fille sourit, quoi que, son sourire s’effaça aussi vite qu’il était venu : lorsque lui vint l’idée que c’était peut être elle que Charlemagne avait l’intention de faire courir dans la bouillasse nauséabonde ? Elle attendit que quelqu’un fasse un pas pour en faire un à son tour. Elle avait hâte de pouvoir monter sur un cheval car les grosses boîtes roulantes, non merci !
Theobald_von_hardenberg




[ De l’échiquier morbide... Le bras droit entre en action ]


Ombre latente au tableau, le sénéchal reste à sa place toute désignée par la Deswaard. Berger allemand au pied, commandant les cinq cavaliers pour garde rapprochée, attentif au moindre mouvement ennemi ou simple souffle anormal de sa Froideur. Chez sa maitresse, le silence est le langage le plus éloquent de toute sa ténébreuse panoplie. Elle ne parle pas, son corps indique. Les banalités l’écœurent, au moins tout autant que lui, et elle met un point d'égoïsme à ne communiquer avec ses semblables que par maux dits et tortures variées. Une Dame de neige onyx, une pureté de la nuit, un trésor qu'on lui a confié de garder il y a de ça des années...
Alors, quel peut bien être l'intérêt que porte le regard acide sur cet enfant franc de sang royal ?
Il faudrait d'abord soigner cette plaie vilaine qui tâche cette coquille sans âme humaine. Rien à faire. Un murmure osé n'a pas eu plus de succès qu'un ver de terre refusant de fuir face au bec meurtrier d'un corbeau.

Plus surprenant, un jeune coq décide de faire la fine oreille...


Ich bin nicht einen Kind ! 1

A cet instant, le docile homme de main décide de faire autant attention au petit être arrogant se croyant le droit de tourner en ridicule ses racines linguistiques. Ces Francs... Détestables par leur dégoulinant chauvinisme, voilà que même ceux sensés être les plus intelligent à se taire se mettent à faire valoir le peu de confiture que leurs professeurs ont bien voulu tartiner sur leur langue de puceau. Déshonorable rejeton... Sait-il seulement employer avec force et finesse son accent natal avec cette voix de jouvenceau, fragile diapason ? Point. Tu tentes de copier pour mieux te faire valoir, mais voilà ce que tu gagnes à mes oreilles : pitié et colère. Oui, le germain ne supporte pas que l'on se moque de son jargon. Seuls les purs nés sur les terres germaniques ou les plus éminents diplomates peuvent se targuer le droit de l'user... L'Empire a traversé les âges, gravé son histoire sur la roche, et il n'est pas dit qu'un gringalet à peine érudit puisse penser le tourner en cirque !

Ainsi, doucement mais sûrement, Théobald commence à juger le fils d'une Reine, et sa défense pour les dégâts causés. La joute verbale était inéluctable... Petit à petit, elle devient néanmoins amusante pour le bellâtre aux longs cheveux de jais. Sa Dame est trop bonne... Un duel serait de si bon aloi pour départager définitivement qui est de la haute cour, et surtout qui devra vivre pour l'éternité avec la marque de la défaite. Ce n'est qu'au retour d'un des deux limiers, informant de la mort du cocher Noldor, d'un tact désobligeant, suivi de très près par son maître, trop bien heureux d'attraper cette perche dorée au vol, que l'instinct du sénéchal s'éveille. Roulement des épaules, tout cela sent le poisson pourri. Pourquoi, après avoir si bien citée la fatalité du Tout Puissant, ne pas avoir eu la décence - indécence ? - suprême de leur apporter la carcasse du malheureux pour mieux trancher leur "victoire" incontestable du plus habile cocher ? Le servant Castelmaure a d'ailleurs bien mauvaise mine depuis son apparition...
Non. Une vipère siffle. Il faut qu'il aille voir de lui-même.

L'expérience fait un pas, puis se tourne vers son calice à la glaciale parure... Elle aussi n'a pas dû être dupée, mais il il lui faut son aval. L'espoir d'un ordre muet lui a toujours été une difficile épreuve.


Ma Dame...

Il se prosterne à peine, ne guettant aucun regard - qui serait un trop grand intérêt pour sa personne - de l'Obscure, mais un subtil geste... Les paupières parlent d'elles mêmes, d'un battement irrégulier. Ceci peut sembler aux plus débutants clair comme l'eau croupie, cependant chez les dévoués à la Deswaard, s'en est devenu une obligation. Joie et honneur unis en son cœur de serviteur, le sénéchal fait face à la légère cavalerie sous son commandement :

Serrez les rangs à terre et restez proches de nos invités. Soyez sur vos gardes.

Le germain laisse le temps à la manœuvre de se terminer avant de s'approcher finalement du petit homme, entouré de ses deux griffes. S'il veut quatre montures... Il devra être fair-play... Et tenir un peu plus compagnie à sa maitresse. D'ailleurs, Théobald n'en oublie pas ses bonnes manières et se prosterne conformément avant de prendre parole :

Muttersöhnchen 2 . Votre Altesse Royale ne verra donc aucun problème qu'un simple laquais veille à ce que l'adage "La qualité des serviteurs est l'écho le plus significatif de celle de son maitre" soit conforme... Ainsi, le Très-Haut sera, je le souhaite de toute mon humble âme, sanctifié comme se le doit une personne de votre rang.

Des allusions ? Cachées... Il se relève, ne laissant transparaitre aucune émotion, tant habitué au trivium sévèrement éduqué dans son ancienne vie. L'intérieur jubile comme un narquois diablotin, tandis que le corps prend le même chemin du porteur de mauvaise nouvelle. Dans l'idéal, il aurait embarqué le seul cocher vivant pour qu'il lui montre le corps sans vie... Mais il fait confiance à la guerrière et sa garde pour savoir se défendre tels des lions enragés. Tout ce qui se rapproche du Castelmaure moins, le choix est vite vu.

Enfin derrière les cadavres des nobles bêtes et des carcasses des coûteux moyens de transport, le sénéchal réprime une envie soudaine de crier l'alarme. Il n'y a aucun signe du corps d'un malheureux. Son regard se porte sur les badauds environnants. Tous tournés vers le nœud de l'histoire, aucune bouche ne lui sera donc utile, pour peu qu'il lui graisse la patte. Pestant contre l'oiseau de mauvais augure et la malchance, le destitué commence ses recherches dans la boue et la décadence... Moult jurons et râles grognons - dignes de son statut - plus tard, son regard européen capte une forme dans l’égout.


Nicht 3 .

Il ne faut pas longtemps pour que l'expérience de l'art des armes et du corps à corps finissent par mettre à jour la grossière supercherie. Ainsi, le jeune effronté se targuait le droit de jouer avec le Divin, peu lui chaut de déshonorer un Empire voire pire encore... Feue sa Mère. Bien. L'affaire se règlera donc sous la justice de ses prières et de la glaciale Noldor...
Fort de son physique à manier sa plus précieuse alliée collée au dos, le bellâtre traine la vérité jusqu'au petit groupe. Nul besoin de mots, la blessure de main d'homme suffit à elle même.

Échec au Prince.


- 1 : Je ne suis pas un enfant !
- 2 : Enfant gâté.
- 3 : Défection.


*** Musique : Hartigan de John Debney, Graeme Revell et Robert Rodriguez (tirée du film Sin City) ***
Anthoyne
La plus grande crainte pour un homme d’armes est de ne pas pouvoir faire confiance à ses alliés. Pour son plus grand malheur, ce fut le cas pour Anthoyne. Son « frère d’armes », Jehan Fervac, aux cotés duquel il protégeait le Prince, était un de ces alliés. Alors qu’il devait compter sur Jehan pour la protection de son Altesse, le tourangeau le considérait plus comme une personne de plus à surveiller, ce qui ne facilitait pas les choses. Ses airs froids, presque hautains ne plaisaient guère au seigneur. Dès leur première rencontre, Maillé était méfiant envers cet ancien serf. Il semblait instable psychologiquement, cherchant plus l’aventure que la protection d’idéaux. Il semblait plus fidèle à l’adrénaline qu’à son Prince. Anthoyne le comparait à un chien enragé dont on ne connaissait le moment où il allait se retourner contre son maître. Généralement, dans ces cas là, les bêtes étaient violemment abattues. Si cela ne tenait qu’à lui, le nobliot se serait fait un plaisir d’effectuer cette tâche. Mais ce Jehan avait la confiance et peut-être même la sympathie de Charlemagne. Arrivé bien avant Anthoyne, ce dernier ne pouvait agir contre lui, pour le moment. Toutefois, il songeait à en toucher deux mots à son maître.

Dans le carrosse en plein Paris, Anthoyne toisait le chien « enragé » face à lui. Maillé aimait la place qu’il occupait aux cotés de l’Aiglon. Peut-être cela était la preuve d’une plus grande confiance. La Louveterie essaya de ne pas trop extrapoler les pensées du Prince. Toutefois, il devait saluer son audace de s’être assis à coté de l’Altesse au détriment de Jehan malgré l’ancienneté de celui-ci. De cette place, il pouvait l’observer librement, essayer de le comprendre, de savoir ce qu’il lui passait par la tête. Il sentait un désir d’action émaner de son collègue. Pas très rassurant. Peut-être qu’Anthoyne se trompait sur toute la ligne mais il préférait être prudent. Cette place ne lui offrait pas que l’opportunité d’observer l’ « ami » mais également en cas d’attaque du Fervac, Maillé pouvait intervenir rapidement pour protéger son « Carolus Magnus ». Aucune confiance.

Cependant, l’action du jour ne vint pas de Jehan. Le tranquille voyage fut troublé par la tumultueuse rencontre entre deux carrosses. La violence du choc était assez exceptionnelle pour ce type d’accident. Le brouhaha avait attiré de nombreux badauds ce qui ne plut pas à Anthoyne. Alors que le Prince ordonna d’ouvrir la porte du carrosse pour y descendre, le garde demanda aux parisiens présents de s’éloigner de l’attelage. Lorsqu’il mit pied à terre, un second ordre fusa.


«Eloignez-vous, j’ai dit !»

Cette fois-ci, les derniers curieux s’exécutèrent mais restèrent à assez bonne distance pour pouvoir suivre la scène qui se mettait en place. Charlemagne descendit à son tour du carrosse suivi de Jehan. Fichtre, il avait oublié le «chien ». A ne pas réitérer, pensa-t-il.

De l’autre carrosse, s’était extirpé un visage qu’Anthoyne avait déjà croisé auparavant. Une personne qui ne lui avait pas fait bonne impression non plus. Elle était elle-même bien accompagnée, avec plusieurs gardes autour d’elle dont un qui sortait du lot par sa proximité envers sa maîtresse. La première remarque de la noble donna le ton. Le tourangeau était aux aguets. Sait-on jamais.

La haute noblesse parla et le seigneur resta silencieux. Entre deux remarques vindicatives, Charlemagne ordonna à Jehan de trouver le cocher. La Louveterie fut ravi de cette décision, cela faisait moins de personnes à gérer. Vint ensuite l’annonce du duel. Par contre, cette perspective ne plut absolument pas à Anthoyne. Il ne refuserait pas le combat mais ce n’était pas une idée qu’il affectionnait. Surtout que le « champion » de la Vicomtesse n’avait pas l’air d’être un enfant de chœur. Le croisement du fer serait rude. Léger regard de Charlemagne et Le Fidèle comprit. Il acquiesça. Idée déplaisante, certes mais il ne se déroberait pas devant ses devoirs. Le retour, presque comme une fleur, de l’excité de la lame fit forte impression. La nouvelle de la mort du cocher de la vicomtesse changea la donne. La balle était dans le camp du Prince qui sut tirer avantage de la situation. L’idée de poursuivre la route à cheval était plutôt intéressante mais à n’en pas douter, la blonde n’allait pas céder. Il vint s’ajouter à ça, la tenue ensanglantée de Jehan qui n'éveilla pas seulement les soupçons d'Anthoyne. Le seul qui semblait avoir été trompé était Charlemagne. La duperie n’avait pas l’air d’avoir fonctionné sur le sénéchal de la Deswaard. L’opposant et imposant germain s’éloigna à son tour du groupe. A son retour, le tourangeau sentit la tension augmenter. Si cela devait dégénérer, il devait faire confiance au garde du Nivernais. Ce n’était pas une option qui l’emballait mais il devait faire avec. Il jeta un regard à Fervac pour s’assurer que lui aussi avait compris que l’échange verbale pourrait se terminer dans le sang. L’Aiglon, de son jeune âge, ne ressentait peut-être pas les mêmes choses et il préféra prévenir l’enfant. Il se pencha vers lui et murmura :


«Votre Altesse, je n’aime pas la tournure que prend cet échange. Cette femme, aussi noble soit-elle, ne m’inspire aucune confiance. De plus, ils sont en supériorité numérique. Altesse, je vous en prie, restez sur vos gardes.»

Ce n’était pas le genre de remarque qui plaisait au Prince mais un homme averti en vaut deux, paraît-il. Il faut espérer que cet adage concerne également les adolescents gâtés et têtus.


Edit : petites corrections
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Quiou
Il y avait d’abord eu le départ précipité du galeux, le chien fou, celui qui se fout de paraître pour le moins tendancieux, croupissant vers le bas, fatalement accroché par ce qui se fait de mieux en la frénésie et l’effroi.
Il y avait eu par la suite son grand retour, couronné de succès, de fierté, de celle dont s’enorgueillissent et les mœurs, et les vices, se drapant dès lors en de pernicieux atours couleur feu vif.
Il y avait eu diverses interventions, mises en garde et autres compliments d’affliction, tandis que se marient précaution et allégresse, tendresse et raisonnements chargés d’élucubrations dantesques.

Et de tout ceci, de tout cela, la figure deswaardienne, intolérante aux sentiments, de ne rien faire que se complaire en l’alarme tonitruante d’un silence bien placé, en le glas sonnant d’éloquence et de vacuité, jaugeant de-ci de-là ce qui se dit, ce qui est fait, ce qui se meut comme en un échiquier royal, de ceux qui laissent d’innommables traces d’envie, d’ornières de sang et de sillons de lubie.
Puis il y a l’aval, l’assentiment, la bénédiction qui viennent à être mandés à la folle oreille en un murmure d’un fidèle parmi les fidèles, d’un Théobald qu’on aura su ferrer, d’un Von Hardenberg désormais à jamais loyal, comme les étoiles le sont au Saint Enfer, la féale lumière au malsain Astre Solaire.

Adoncques est-ce au tour de la tempête germanique d’élucider la présente affaire, de s’envoler plus loin, véritable tonnerre métallique, pour revenir chargé, trainant cahin-caha l’épave barbotant et luttant en les flots de mélasse, tiré par l’inéluctable vent teuton, fort de son indéniable masse.
C’est le cadavre de la vérité, la vraie, celle qui donnera et tord, et raison à qui de droit, celle qui, implacable, noie les allégations trop vite établies, surnage le naufrage des mensonges aguerris.

La décrépitude et la putréfaction sont dès lors brièvement analysées, le corps du cocher reposant non loin du mouchoir ensanglanté, comme si il était annoncé que point le sort n’avait fini de s’abattre et de raviver les flammes glaciales de l’âtre.


La Providence, vous dites.
Je vois.
Je discerne aisément son infortuné visage.


Elle adressera ce que l’on peut qualifier de regard froid, glacé, à l’intention du Jehan.
Puis, c’est au couperet de la sociopathe Vicomtesse d’alors balayer l’audace et l’hardiesse.


Le sang appelle le sang.

Etait-ce une annonce visant à rappeler que par deux fois, le liquide carminé de Maldeghem, si précieux soit-il, avait coulé de manière fort peu gracile ?
Etait-ce une semonce dont le but premier tendait à n’offrir qu’une unique solution pour le moins acceptable, pour le moins appréciable pour qui se joue de l’autre, pour qui balbutie et se gondole en croyant commettre la moindre faute ?

Tout ceci semble grisant, pétille de volupté, toute cette histoire vibre de ne voir que l’orgueil - et peut être plus - s’entrechoquer ardemment, bouclier contre bouclier, verbiage exacerbé par la haine, la rage, la hargne de celui qui ne veut pas perdre, pas même céder le plus flagrant petit nanomètre, préférant à cela s’embourber dans les excréments de l’entêtement.

Du reste, tout autour de la scène, tels les spectateurs de quelques tragédies grecques, les badauds, ce fléau de la lie parisienne, qui persifflent, qui jugent, qui voient et engrangent, et même qui songent à envisager de prendre parti, l’un étant ravi de voir l’Altesse en position de faiblesse, l’autre, plus à même de croire que l’on ne devrait guère que courber échine et incliner le fessier en une attitude docile face au fils de Reyne.
Et comme si la Terreur, du haut de sa grandeur, avait la capacité de prendre connaissance de tous ces atermoiements, elle poursuit sur un ton ineffable, qui se veut aussi flegme, hivernal, fier que d’accoutumée.


Le tout Paris saura en moins d’une journée les affres de l’incident et se gorgera de le conter à tout va pendant longtemps. Un Prince désarçonnait en bien des aspects par une septentrionale Vicomtesse…Contemplez donc ce tableau qui sera peint d’ici peu.
Quelle injure pour vous et quelle liesse cela causera pour ceux d’en bas, car la lie se gaussera et ressassera cela encore et encore, et peut être même jusqu’à votre mort.
Adoncques, à moins que vous ne vous complaisiez à vous retirer du monde et de sa société pour ne guère souffrir les quolibets et autres marques de cruelles moqueries que l’on ne manquera guère de généreusement vous accorder, je gage qu’il serait enviable de laver cela par l’offre que j’eus l’heur et la bonté de clamer précédemment.


Comme si tu te montrais réellement généreuse, Deswaard, ainsi prête à présenter pour la seconde fois ta suggestion par un profil qu’il se doit d’accepter, telle l’issue tant attendue, telle l’unique porte plausible d’un cul-de-sac que tu t’évertues à créer.
Comme si tu y perdais quelque chose, car désormais quoiqu’il advienne tu gagneras, soit en le voyant tout simplement à nouveau rejeter la proposition, s’éclaboussant de honte et de dépravation, préférant la fuite, la fougue de l’abandon, la peur de la réussite, soit en le confrontant à ses propres valeurs, à ses propres honneurs, jusqu’à le mener en le piège tendu, en tes mandibules endiablées qui se refermeront sur cette chaire distendue.


Pour ce qui est de vos montures…Les deux de votre attelage devraient faire l’affaire, à moins que vous ne les jugiez par trop dilettantes ou qu’elles ne soient par trop trépassées pour combler vos attentes.
En ce cas, je puis vous proposer de vous rendre à quelques rues de là, où j’ai cru voir quelques marchands équipés de ce qu’il vous faut.
Enfin, et si rien ne vous sied, voyons si l’on peut redresser ce fardeau
*désignant par la même son propre carrosse* et de là, je crois pouvoir vous accorder le plaisir que d’aucuns éprouvent à m’accompagner.

Allez viens, je t’emmène (au vent).
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Charlemagne_vf
S'il n'avait eu que faire des apparences, Charlemagne de Castelmaure aurait appelé au sac. Qu'importe le nombre, il aurait demandé leur tête à tous. La hauteur de la Vicomtesse le dégoûtait autant le langage noble de l'Est dans la bouche de la brute.
Le Prince fulminait. La Fortune semblait se rire de lui, et il ne pouvait le supporter. Il était droit, et peut-être jamais son regard n'avait été si prompt à lancer des éclairs. L'on bravait son autorité suprême et l'on restait indifférent à sa superbe, à son rang consacré par le Divin lui-même. Pire, l'on doutait de la parole du mythomane et de son escouade pas plus honnête.
L'homme à l'accent dur s'adressa à lui. Première transgression.
Il évoque sa mère. Mutter, ça veut dire Mère. Comment ose-t-il souiller la pensée de Béatrice de sa langue servile ?
Eut-il été courtois et mesuré que l'Aiglon aurait cessé de l'être. Il voulait qu'on lui porte la gorge du colosse. Il en crevait. Il le voyait décapité, le corps pendant à une corde et la tête plantée sur une pique.
Sans éducation, le Prince aurait craché aux bottes du laquais. Ses paroles ne valaient rien sans que sa Maîtresse n'aie parlé, de toute façon. Que les serviteurs parlent à leurs maîtres et à leurs confrères. Qu'ils laissent les tout puissants entre Dieux.

Le Fils de France dédaigne donc ce garde présomptueux, de même qu'il dédaigne le sien, Anthoyne. En effet, la remarque murmurée par ce dernier ne lui plut pas. Il parlait d'évidences. Qui aurait fait confiance à la Deswaard ? A son molosse ? Jeune, mais pas stupide, Charlemagne répondit à son fidèle par un rejet de la main.
Il voulait les mots de la femelle. Qu'elle parle, ou que son silence soit pris pour un accord.

Elle est maligne, peut-être guidée par l'expérience du monde que l'Héritier n'explore qu'à tâtons, encore. Ainsi, elle était Vicomtesse. Et elle avait décelé le point faible de l'apparence.
Tout n'est qu'affaire de paraître et de masques.
Tout n'est que réputation. Naître Prince vous octroie celle de la hauteur, de la richesse et du pouvoir. Or, une réputation, fut-elle innée, est une chose qui s'entretient, qui se forge encore, qui se confirme, ou qui s'infirme.
Paris est le lieu des grandeurs et des décadences. La Capitale regorge de nobles désargentés et de favoris, de Vicomtes en état de Grâce et de Duchesses en disgrâce, de vieille noblesse agissant dans l'ombre et de parvenus extravagants. Chacun tient sa place, et doit veiller à ne pas la perdre.
L'Infant, entrant dans la cruauté mondaine, n'a d'autre choix que d'honorer le panégyrique qui est fait à ses ancêtres qui ne plièrent jamais. Guise était l'Implacable. Il ne saurait être dit que son fils est un mou.
Elle a raison : il faut expier les fautes par le sang.

Le Castelmaure la défie de son oeil bleu marine. Le Von Frayner réfléchit un instant.
Il n'est guère d'hésitation à avoir quant au champion choisi par la flamande. Le teuton sera son arme, et de choix. Chacun son chien, mais le Prince en a deux.
Anthoyne, le Seigneur dévoué, le Loup. Mais à tout seigneur tout honneur. Il ne saurait lui être fait l'offense de se battre contre un homme à l'extraction fangeuse. Pourtant, noble, il connaît l'art fin des lames, de la joute. Mais il a déjà échoué à sauver un Castelmaure.
Jehan, la brute, le Chien. Il n'a pas d'art : il peint sans souci de la couleur et des mélanges, c'est un virtuose d'avant-garde qui n'a que faire des codes. C'est un sanguinaire. C'est un gueux.

Tout est affaire de stratégie. Choisir le Seigneur qui de ses façons saura surprendre et désarçonner le teuton ? ou préférer le gueux qui, sauvage, n'aura pas la pitié ni la délicatesse des duellistes nobiliaires ?
C'était sans doute sous-estimer le Loup, mais l'Aiglon lui préféra le Chien.
Il ne répondit pas incontinent à la Deswaard, faisant signe au Limier d'approcher.


Tu détruiras son Champion, et tu feras honneur à ton Maître. Tu seras Mon Champion.

C'était faire d'une pierre deux coups. D'une main, il évitait au Louveterie la bassesse d'un combat de roturiers. De l'autre, il faisait de l'Ombre son homme, son représentant, sa main. Evitant le déshonneur à l'un, il honorait l'autre.
Tout est affaire de mesure.
Alors seulement, il avisa la glaciale.


Alors le jugement par les armes. Jehan Fervac se battra en mon nom. Je vous laisse libre de choisir le lieu et le temps.
J'impose un duel au premier sang, selon les anciennes lois de Philippe le Bel :

« Si le vaincu est tué - une maladresse est si vite arrivée - son corps sera livré au témoin, jusqu’à ce que le vainqueur ait déclaré s’il veut lui pardonner ou en faire justice, c’est-à-dire le faire attacher au gibet par les pieds.
Si le vaincu est vivant, il sera désarmé et dépouillé de ses vêtements, tout son harnois sera jeté çà et là par le champ, et il restera couché à terre jusqu’à ce que le vaincu ait pareillement déclaré s’il veut lui pardonner.
Au surplus tous ses biens seront confisqués au profit du vainqueur, après que le vainqueur aura été préalablement payé de ses frais et dommages. »*

Cela vous sied-t-il, Vicomtesse ?
Ou devra-t-on en débattre le temps que vous me meniez à mon Hôtel ?


Car bien sur, le Prince profiterait du carrosse de la Deswaard, mais pas sans un garde à sa droite. Libre aux autres de se battre pour les montures restantes.


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*Librement adapté du règlement de 1306 sur les Duels Judiciaires par Philippe le Bel.
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Jehan.fervac
    Oups. Ça tournait mal. Car voilà que le fin protecteur qui sent un peu la naphtaline qui commence a parler. Soupire. Exaspération. Ça prend trop de temps.

    Alors l'ours croise les bras sur son torse, il gronde doucement. Il menace. Mais c'est parce que il se sent soudainement menacé, l'autre est revenu avec le corps, il dévoilé le mensonge.


    _ Oups...

    Et voilà Jehan qui ricane.
    Dévoilé, mais amusé.
    Ça sent le sang, ça approche. Délicieuse odeur, pleine de promesse. Même pas peur, juste un frisson d'impatience. Que cela vienne !
    Car les nobles reprennent leur discussion, c'est long. Le chien attends pourtant sagement, car il sait qu'il ne sera surement pas la main qui tiendra l'épée, non, parce qu'il faut la noblesse pour défendre le Prince, enfin, c'est ce qu'il choisira surement...
    Il est un peu déçut. Mais enfin, il verra tout de même le spectacle. Il goûtera tout de même a l'odeur du sang.

    Pourtant le geste lui fut adresser, il avança, s'inclina face a son maître. Et hocha la tête.


    _ Je ferrais tout pour vous faire honneur.

    L'homme lige est souriant, d'un sourire affreux & sadique, il l'adresse a ce teuton qui allait apprendre la sauvagerie. Le chien est féroce, & il aime s'amuser avec ses proies, comme le chat joue avec la sourie avant de la croquer toute ronde.

    Un duel au premier sang, juste quelques gouttes ? Ou bien considère-t-on qu'une épée au travers du thorax est un premier sang ? Nous le sauront très vite, très très vite.

    Il faut se préparer, a vaincre ou a mourir, pour le Seigneur & maître.
    La promesse sera tenue. La promesse de donner son sang pour la volonté de Castelmaure sera tenue.

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Quiou
L’énoncé des diverses règles souhaitées n’émeut en rien le caractère tendancieux de la Frigide, malgré leurs obstinations à se montrer irréfutables, à ne tolérer que l’indéniable, ce qui se fait de plus dur, ce qui se fait de plus cuisant pour qui sait ce qu’est la plus petite bribe d’honneur, et pire, pour qui a déjà ressenti ce que provoque la plus grande chance de torpeur aux dépends de toutes fiertés aguerries.

Elle n’a pas peur, la Deswaard. Elle ne craint aisément pas l’issue du prochain combat, ce qu’il adviendra nécessairement, elle ne s’horrifie de rien pour mieux s’assurer le maintien de ce qu’elle doit conserver et, de surcroit, elle croit.
Elle croit en son féal.
Elle croit en son Théobald.

Mais plutôt que de s’épancher plus longuement sur le futur à venir qu’il nous sera plaisant de découvrir, digressons présentement sur ce qui échoira jusqu’en cette fin de journée.


Von Hardenberg…

Ce n’est qu’un souffle, parce qu’il ne s’agit que de cela, qu’il se suffit, que plus ne se mérite pas et que, surtout, le Sénéchal se trouve tout à fait apte à comprendre les subtilités des aléatoires tonalités qui se glissent ça et là, qui coulissent jusqu’à percer les mystères des novices et qui, finalement, indiquent naturellement la volonté sans fin de la Dame de Fer, d’Airain.

Elle escompte bien qu’il se charge lui-même d’activer les hommes d’armes de la mesnie vicomtale pour qu’ils s’escriment à redresser la carcasse du coche, qu’ils s’échinent à rendre stable la subtile anicroche, et tandis qu’ils se mettent à l’ouvrage, qu’ils œuvrent en un désordre valablement agencé, la Terreur s’attarde à nouveau à contempler le malléable petit être, le juvénile gringalet, à peine précoce, tout juste adolescent, écœurant comme tout enfant véloce.


Si cela me sied ? Allons, ne soyez guère à ce point écumant…

C’est qu’il omet de se rappeler qu’elle a elle-même ourdi ce qui vient d’être organisé, qu’il joue son jeu, qu’elle se fiche des règles qui compromettront le vaincu, qui glorifieront le gagnant, qui feront se pâmer et les cœurs perdus, et les âmes victorieuses, et les pleurs ardus.
C’est qu’il omet vivement que jamais rien ne plait à l’Innommable, que rien ne convient, ni la lumière salvatrice qui vient gorger les clameurs hostiles, ni les horreurs ductiles des ornières destructrices.
Mais qu’en sait-il, en vérité ? Ce n’est après tout qu’un marmot mal pensant à l’incomparable naissance, ne devant tout qu’à cela, n’ayant de plus précieux que cette carapace aux aléas miraculeux, que cet état de grâce qui ne connait pas l’effroi.

Elle se détourne de cette vue, tourne le dos au Grand tout à fait menu, pour s’approcher enfin du carrosse qui trône là, redressé, un peu moins flamboyant, un peu moins percutant que d’accoutumée, masse sombre et informe pour une Ombre filiforme.
Elle entre dans l’antre, escomptant bien que le môme la suivra.
De même que son garde et le sien.

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Charlemagne_vf
La boîte qui tenait lieu de carrosse à la Vicomtesse, mais qui avait davantage une allure de corbillard, fut donc prise d'assaut. Charlemagne y monta, Fervac avec lui. Les autres, il n'en avait que faire.
A cheval, à pied, en courant, en marchant. Qu'ils se démerdent. Le Louveterie avait reçu toute autorité sur cocher et gouvernante. Qu'il en fasse bon usage. Pour le plaisir du Prince, il aurait pu rentrer seul.
Malheureusement, cette journée ne semblait pas encline à procurer le moindre plaisir au Fils de France.
Tout puissant dans un coche qui était le sien, fier et droit, armorié d'un Lys d'Or sur fond d'Argent, il se retrouvé cloîtré dans une voiture étrangère, avec une foutue étrangère, dont le Garde, s'il n'avait pas été complètement aliéné, aurait pu faire frissonner la royale échine.

L'on prit le départ. Charlemagne se laissa chanceler. Son laconisme habituel trouva un terrain de jeu parfait à cette occasion. Ne pas parler, ne rien dire.
Après tout, ne disait-on pas que nul ne peut s'adresser à un Prince avant qu'il ne l'ait lui-même autorisé ? Oh certes, l'on ne respectait pas même l'usage avec les Rois, mais le Castelmaure croit qu'il y a encore au monde des gens civilisés.
Pourtant, la face blafarde qu'il avait juste devant lui ne lui avait pas parue des plus formées aux coutumes. Il aurait pu se douter qu'elle n'avait que faire de son rang. Mais il préférait imaginer que si elle ne parlait pas, c'était muée par un immense et profond respect pour sa personne.
Il n'en était sans doute rien.

Bientôt, l'on arriva en vue de l'Hôtel Castelmaure, car l'Infant avait voulu rebrousser chemin.
Il ne servait à rien de se montrer en compagnie d'un rustre flamande - encore qu'il ne sut pas qu'elle était flamande.
La demeure s'élevait, là, et l'on descendit donc du cercueil.

Sans remerciement, le Prince se contenta d'un :


Je ne vous invite pas. Vous aviez sans doute à faire.

Du reste, qui inviterait une femme qui, quelques temps plus tôt, vous provoquait en duel pour une affaire de carrosse renversé ?

Pour le combat. Ecrivez en Nivernais.

Car avec ou sans carrosse, le Fils de France avait soudain ressenti le besoin accru de descendre en ses terres.
Question de régénération, car même si Fervac tenait l'épée, c'était son honneur que l'on allait jouer.

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