Charlemagne_vf
Sortir le carrosse de l'Hôtel Castelmaure est toujours une manuvre risquée, mais trépidante. En effet, Charlemagne, installé sur la banquette du coche, attend avec impatience le moment où se produira la collision avec tel ou tel mur, ou alors le fin frottis de la porte boisée contre le corps en pierres de taille du portail. A l'extérieur, les voix de quelques serviteurs à la livrée du Nivernais guident le cocher, ce brave homme consciencieux qui, jusqu'alors, n'a fait aucune erreur.
Et c'est là toute la tragédie du Prince. Il savoure la perfection du conducteur, mais il savoure tout autant celle d'un bourreau chargé de le punir de ses imperfections. Or, ce délice n'a pas encore été goûté par l'Aiglon. Les yeux fermés, donc, il perçoit chaque roulement des roues sur le pavé, chaque soubresaut de la voiture sur ce sol irrégulier et citadin. Et comme toujours, inlassablement, ça passe.
A ses côtés, la jeune Altesse est accompagnée de deux gardes. Paris est peu sûre. Il y a d'abord un roublard à la pilosité nette, ancien serf du Nivernais devenu garde sur les tours du Duché. Il avait tapé dans l'oeil du Castelmaure un soir d'inspection, et avait fini affecté à son service permanent. Il était assez sombre pour lui plaire, et lui aussi semblait attendre l'imperfection d'un pauvre bougre pour agir.
Et puis il y a un autre homme, un peu plus éphèbe, et Seigneur en plus. Une vieille dette envers Béatrice, une épée dévouée corps et âme au Prince et à son royal sang. Le genre d'allié sûr. Homme de confiance et d'influence.
Et puis l'éternelle gouvernante, qui jusqu'alors n'était jamais la même. La femme qui sert et qui re-sert, celle qui attrape le moindre grain de poussière venant effleurer l'habit de l'opulent Aiglon.
Le carrosse est passé, donc. Les chevaux n'ont pas trahi leur maître, et les voilà parti dans la capitale aux ruelles plus étroites que les rues, elles même plus étroites que les certains grands axes. Ce jour-là, Charlemagne de Castelmaure a choisi d'aller faire une visite mondaine. Il rejoint sa cousine à l'Hôtel Barbette. Il n'y a pas été invité, mais n'est-il pas d'usage, à une heure correcte, de recevoir ? Et après tout, un Prince va où il veut, il fait le protocole, et le plie à ses voeux. C'est tout.
L'on longe les remparts, St Jacques de l'Hôpital, St Leu et St Gilles, St Sépulcre et le cimetière des Innocents. Tant et tant de Saints, confits en églises, en abbayes, et rôtis en cimetières. Paris est faite de Saints morts et de démons vivants : tout un paradoxe. Et c'est là ! Au croisement entre ledit cimetière des Innocents et la Sainte Opportune que se produit ce que l'on attendait plus.
PAF !
Les chevaux hennissent, le cocher hurle, l'intérieur croule, et, ô merveille, les yeux du Prince, passé la panique de l'imprévu, brillent. Un peu d'aventure dans cette vie si rangée dont jamais il ne se plaindrait ailleurs qu'in petto.
Ouvrez.
A droite, à gauche, qu'importait, mais Charlemagne de Castelmaure voulait sortir. Peut-être était-ce une embuscade, peut-être un simple dérapage sur la chaussée, peut-être un accident des plus communs ? Mais assuré de la présence de ses hommes, le Prince descend, peu craintif, et avise le spectacle...Un carrosse gît presque sur le sien.
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Et c'est là toute la tragédie du Prince. Il savoure la perfection du conducteur, mais il savoure tout autant celle d'un bourreau chargé de le punir de ses imperfections. Or, ce délice n'a pas encore été goûté par l'Aiglon. Les yeux fermés, donc, il perçoit chaque roulement des roues sur le pavé, chaque soubresaut de la voiture sur ce sol irrégulier et citadin. Et comme toujours, inlassablement, ça passe.
A ses côtés, la jeune Altesse est accompagnée de deux gardes. Paris est peu sûre. Il y a d'abord un roublard à la pilosité nette, ancien serf du Nivernais devenu garde sur les tours du Duché. Il avait tapé dans l'oeil du Castelmaure un soir d'inspection, et avait fini affecté à son service permanent. Il était assez sombre pour lui plaire, et lui aussi semblait attendre l'imperfection d'un pauvre bougre pour agir.
Et puis il y a un autre homme, un peu plus éphèbe, et Seigneur en plus. Une vieille dette envers Béatrice, une épée dévouée corps et âme au Prince et à son royal sang. Le genre d'allié sûr. Homme de confiance et d'influence.
Et puis l'éternelle gouvernante, qui jusqu'alors n'était jamais la même. La femme qui sert et qui re-sert, celle qui attrape le moindre grain de poussière venant effleurer l'habit de l'opulent Aiglon.
Le carrosse est passé, donc. Les chevaux n'ont pas trahi leur maître, et les voilà parti dans la capitale aux ruelles plus étroites que les rues, elles même plus étroites que les certains grands axes. Ce jour-là, Charlemagne de Castelmaure a choisi d'aller faire une visite mondaine. Il rejoint sa cousine à l'Hôtel Barbette. Il n'y a pas été invité, mais n'est-il pas d'usage, à une heure correcte, de recevoir ? Et après tout, un Prince va où il veut, il fait le protocole, et le plie à ses voeux. C'est tout.
L'on longe les remparts, St Jacques de l'Hôpital, St Leu et St Gilles, St Sépulcre et le cimetière des Innocents. Tant et tant de Saints, confits en églises, en abbayes, et rôtis en cimetières. Paris est faite de Saints morts et de démons vivants : tout un paradoxe. Et c'est là ! Au croisement entre ledit cimetière des Innocents et la Sainte Opportune que se produit ce que l'on attendait plus.
PAF !
Les chevaux hennissent, le cocher hurle, l'intérieur croule, et, ô merveille, les yeux du Prince, passé la panique de l'imprévu, brillent. Un peu d'aventure dans cette vie si rangée dont jamais il ne se plaindrait ailleurs qu'in petto.
Ouvrez.
A droite, à gauche, qu'importait, mais Charlemagne de Castelmaure voulait sortir. Peut-être était-ce une embuscade, peut-être un simple dérapage sur la chaussée, peut-être un accident des plus communs ? Mais assuré de la présence de ses hommes, le Prince descend, peu craintif, et avise le spectacle...Un carrosse gît presque sur le sien.
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