Drahomir
Nuit profonde à Paris, les méandres tumultueux de la capitale font silence, et ce, dans le but d'écouter le cri de rage qui fait trembler les murs d'un hôtel particulier.
Ce qu'il avait de Particulier, justement, c'est qu'il appartenait à Drahomir Vadikra, Tchèque de naissance et de vie, apparut il y à quelques jours à peine en France.
Drahomir, appelé dans son pays l'ours de Prague, était un homme à la carrure imposante. Gigantesque, le torse comme un tronc de chêne centenaire, les cuisses épaisses, les bras tout autant, l'on décelait au premier coup d'oeil l'homme fait de roc. Et cela, malgré le fait qu'il avait présentement soixante ans révolus et qu'il souffrit d'un embonpoint certain.
Les traits austères, coupés à la serpe, marqués de nombreux sillons, désignaient l'homme de caractère et de rigueur. Ses cheveux savamment tirés en arrière et attachés avec soin -et ceci malgré une calvitie importante- comme sa barbe parfumée, taillée, brossée, dénotaient eux, un homme qui malgré les méandres de l'âge voulait encore porter beau.
Un militaire, sans aucun doute. Et c'était vrai.
Longtemps colonel des armées de Prague, il avait gardé ce sobriquet et appréciait se faire appeler ainsi. Autre déformation professionnelle, son goût prononcé à donner des ordres comme son obsession à tout vouloir parfaitement rangé alentour.
Il ne supportait pas de voir des bottes mal huilées, comme des frusques mal portées.
Et ce qui le mettait en rage, ce jour d'hui, c'était belle et bien que deux des raisons de sa venue en France n'étaient plus.
Ses deux filles, parties assez jeunes à la mort de leur mère -une Française que le vieil homme avait su séduire et avec qui il avait vécu dans sa jeunesse- étaient mortes.
L'une se nommait Kali, et après moult recherches, s'avérait trépassée, laissant derrière elle plusieurs bâtards. L'autre, Jenifael, semblait également morte. Les deux enfants qui défiaient jadis son autorité, qui avaient regagné la France pour fuir sa rigidité militaire, mortes, sans un mot, sans un au revoir.
Ses bâtardes, à lui, disparues.
Heureusement, lui restait sa cadette, issue de son unique mariage, qui ne le quittait pas d'une semelle et qui devait être enfermée quelque part dans l'hôtel.
Mariage heureux d'ailleurs pour l'homme, qui avait aimé, toute sa vie durant, une autre Française, Anne Duchatelet, morte de vieillesse il y a peu.
Le veuf déambule encore quelques pas dans son salon avant de laisser choir sa masse dans un fauteuil.
Et de déclamer, pour lui même.
Encore quelques grommellements avant qu'un Persan pure race, blanc comme neige et à l'oeil mesquin vienne se nicher sur les genoux du vieux colosse qui passe une main lourde dans son pelage.
Réflexion faite, il sonne son unique valet, Français, qui accourt.
La voix rocailleuse aux accents de l'est se tait, le Vadikra est déjà ailleurs, dans sa nouvelle vie Française.
Ce qu'il avait de Particulier, justement, c'est qu'il appartenait à Drahomir Vadikra, Tchèque de naissance et de vie, apparut il y à quelques jours à peine en France.
Drahomir, appelé dans son pays l'ours de Prague, était un homme à la carrure imposante. Gigantesque, le torse comme un tronc de chêne centenaire, les cuisses épaisses, les bras tout autant, l'on décelait au premier coup d'oeil l'homme fait de roc. Et cela, malgré le fait qu'il avait présentement soixante ans révolus et qu'il souffrit d'un embonpoint certain.
Les traits austères, coupés à la serpe, marqués de nombreux sillons, désignaient l'homme de caractère et de rigueur. Ses cheveux savamment tirés en arrière et attachés avec soin -et ceci malgré une calvitie importante- comme sa barbe parfumée, taillée, brossée, dénotaient eux, un homme qui malgré les méandres de l'âge voulait encore porter beau.
Un militaire, sans aucun doute. Et c'était vrai.
Longtemps colonel des armées de Prague, il avait gardé ce sobriquet et appréciait se faire appeler ainsi. Autre déformation professionnelle, son goût prononcé à donner des ordres comme son obsession à tout vouloir parfaitement rangé alentour.
Il ne supportait pas de voir des bottes mal huilées, comme des frusques mal portées.
Et ce qui le mettait en rage, ce jour d'hui, c'était belle et bien que deux des raisons de sa venue en France n'étaient plus.
Ses deux filles, parties assez jeunes à la mort de leur mère -une Française que le vieil homme avait su séduire et avec qui il avait vécu dans sa jeunesse- étaient mortes.
L'une se nommait Kali, et après moult recherches, s'avérait trépassée, laissant derrière elle plusieurs bâtards. L'autre, Jenifael, semblait également morte. Les deux enfants qui défiaient jadis son autorité, qui avaient regagné la France pour fuir sa rigidité militaire, mortes, sans un mot, sans un au revoir.
Ses bâtardes, à lui, disparues.
Heureusement, lui restait sa cadette, issue de son unique mariage, qui ne le quittait pas d'une semelle et qui devait être enfermée quelque part dans l'hôtel.
Mariage heureux d'ailleurs pour l'homme, qui avait aimé, toute sa vie durant, une autre Française, Anne Duchatelet, morte de vieillesse il y a peu.
Le veuf déambule encore quelques pas dans son salon avant de laisser choir sa masse dans un fauteuil.
Et de déclamer, pour lui même.
- -Dieu, me voila seul, veuf et père en deuil.
Encore quelques grommellements avant qu'un Persan pure race, blanc comme neige et à l'oeil mesquin vienne se nicher sur les genoux du vieux colosse qui passe une main lourde dans son pelage.
Réflexion faite, il sonne son unique valet, Français, qui accourt.
- - Jean, fais chercher ce petit fils que je ne connais pas, et fais le mener jusqu'ici.
La voix rocailleuse aux accents de l'est se tait, le Vadikra est déjà ailleurs, dans sa nouvelle vie Française.