Afficher le menu
Information and comments (0)
<<   1, 2, 3, 4   >   >>

Info:
Unfortunately no additional information has been added for this RP.

[RP] C'est d'ici que je vous écris...

Terwagne_mericourt
C'est d'ici de ce nid,
Que je vous dis ma vie
Tous mes dénis, mes envies.
(Calogero)


[Orléans, le 18 juillet 1460, non loin d'un énervant bien trop attachant :]


Il avait déjà quitté le campement lorsqu'elle ouvrit les yeux, mais elle ne s'en inquiéta pas. Il avait sans doute des choses à faire en ville, des transactions à effectuer, des marchés à conclure, et tout un tas d'autres choses au sujet desquelles elle ne savait rien.

Ils avaient entrepris ce voyage ensemble, quatre jours plus tôt, mais elle ne ressentait pas le besoin d'en apprendre plus sur ses affaires à lui. Tout ce qui lui importait, c'était de profiter de ce sentiment de liberté et de repos qu'elle ressentait enfin, et aussi de profiter de sa présence à lui, du moins quand son humeur était agréable et non acerbe.

Et en pensant à son humeur, elle sourit pour elle-même en se souvenant du sourire qu'elle avait put apercevoir sur ses lèvres la veille, à Montargis... Son premier vrai sourire depuis leur rencontre! Le premier qui ne ressemblait pas à une grimace du coin des lèvres! Le premier qu'il ne s'était pas senti obligé de retenir!

Décidément, ils se ressemblaient tous deux bien plus qu'il n'y paraissait... Son côté agressif à elle n'était rien de plus et rien de moins que son côté mufle à lui : une armure pour se protéger, pour cacher leur peur de s'attacher, pour faire fuir les gens avant de trop les apprécier.

Quittant le campement à son tour, elle se promena un long moment dans les rues et ruelles de la ville, repérant quelques échoppes, puis décida de profiter des quelques heures de repos qu'il lui restait avant de reprendre la route dans la soirée pour faire une chose qu'elle n'avait que bien trop repoussée... Donner de ses nouvelles à un ami très cher à son coeur.

Elle regagna donc l'endroit où tous deux avaient posés leur affaires, juste à la sortie de la ville, et y trouva deux messagers ailés qui semblaient s'impatienter de la trouver. Sans les faire attendre d'avantage, elle les déchargea de leur fardeau respectif et ouvrit la première missive, souriant au fur et à mesure de sa lecture.

Mise de bonne humeur par cette lecture, elle décida de lui répondre sans tarder, histoire de le taquiner elle aussi.


Citation:
Cher K,

On s'habitue à tout? Et bien j'espère sincèrement que vous ne vous habituerez pas trop rapidement à moi. Je n'ai pas envie de devenir comme une vieille habitude dont on n'a plus vraiment conscience.

Quoi qu'il en soit, je suis ravie d'apprendre que nous ne repartons pas ce soir mais restons quelques temps à Orléans. Je vais pouvoir mettre cette journée à profit pour écrire à quelqu'un de très cher à mon coeur et pour faire quelques emplettes. Avec un peu de chance vous me trouverez moins mal fagotée à votre retour, même si je ne me fais aucune illusion sur le fait que cela pourrait vous tirer quelque compliment, je commence à trop bien vous connaitre que pour encore me faire des illusions, rassurez-vous.

Je vous retrouverai donc ce soir au campement pour vous faire profiter de mes râleries, qui semblent vous plaire bien plus que mes... Je vous laisse énumérer, vous avez bien plus d'imagination que moi.

A ce soir!

Terry


Une fois le pli confié à un volatile, elle décacheta la seconde missive, et cette fois la lecture ne la fit pas sourire, mais bien pester à haute voix.

Non mais quel culot !!!

Mais bien sûr, c'est moi la responsable!
Moi qui ne vous ai pas donné de mes nouvelles!
Moi qui vous ai oublié!

Moi qui... Moi qui... Moi qui...

Kernos! Celle-là c'est la meilleure!
Moi qui trop heureuse d'avoir retrouvé Kernos vous ai oublié... Il n'y a pas de Kernos! Plus de Kernos! Pas de retrouvailles! Juste des promesses non tenues une fois de plus! Juste un choix de rester en Lyonnais-Dauphiné en me faisant espérer à nouveau!

Mais vous, Aim' ?
N'est-ce pas vous qui êtes parti sans même prévenir?
Vous qui trop occupé à roucouler avec Aliénor en avez oublié notre amitié?


Se rendant brusquement compte qu'elle était en train de parler à voix haute et que si jamais son compagnon de voyage arrivait il risquait de la prendre pour une folle, elle se tut, se mordit la lèvre, et poussa le vélin chiffonné dans sa besace.

Il attendrait! Il était hors de question qu'une fois de plus elle le fasse passer avant le reste! Et surtout avant son amitié pour un homme qui bien plus que lui méritait qu'on lui écrive!

Prenant le temps de se calmer malgré tout, elle sirota un verre de calva emporté dans ses bagages (la bouteille et le verre, dans les bagages, pas le calva dans un verre), puis prit de quoi écrire à celui dont elle ne désespérait pas de le voir devenir son vassal le plus rapidement possible.


Citation:
Très cher Jim,


J'imagine que vous devez vous demander pourquoi je ne vous ai pas encore donné de mes nouvelles depuis ce merveilleux jour de juin que nous avons partagé à Paris et dont j'ai gardé précieusement chaque instant en mémoire.

Oui, ces moments partagés sont sans contexte ceux que je me remémore avec le plus de plaisir les soirs où j'ai besoin de chaleur, d'amitié, de réconfort, d'espoir.

Pourquoi ne vous ais-je pas écrit plus tôt? A dire vrai j'espérais pouvoir vous donner une date pour la cérémonie que nous unirait, et n'ayant point de nouvelle de Dauphiné - le héraut - j'attendais afin de pouvoir vous l'annoncer en vous donnant de mes nouvelles.

Malheureusement, les semaines passent, et je n'ai toujours aucune réponse de sa part... J'ai écrit de nouveau, et je croise les doigts qu'enfin j'obtienne une date. Ne voulant point continuer à repousser le moment où je vous donnerais de mes nouvelles et en prendrai des vôtres, je vous écris sans plus attendre, mais en continuant à espérer impatiemment.

Je vais bien! Fort bien, même!

Après quelques semaines d'investissement en Champagne en participant à la protection d'une ville, après une participation aux élections ducales là-bas, j'ai décidé de laisser un homme m'entraîner sur les routes du Royaume.

Je ne vous parlerais pas de lui, je risquerais de ne pas être très objective, et vous de votre côté devez le rester le concernant, puisqu'il me semble que vous êtes le procureur en charge de l'audience dans laquelle il est partie prenante.

Je ne vous dirai donc rien de lui, si ce n'est qu'il est aux antipodes de tout ce dont doivent rêver les demoiselles fragiles et romantiques, qu'il a plus de traits communs avec les ours qu'avec les hommes que j'ai l'habitude de fréquenter, mais surtout qu'il me permet de retrouver ce sentiment de liberté qui me manquait tant en l'absence de voyage.

Nous nous trouvons actuellement à Orléans, et j'ignore où nous irons ensuite, mais peu m'importe. Pour la première fois depuis longtemps j'ai l'impression de ne pas avoir besoin de réfléchir, de décider, d'hésiter, et cela me fait un bien fou.

Je n'ai pas oublié ma promesse d'une journée ensemble où c'est moi qui vous ferrais découvrir un tas de distractions, mais je n'ai guère la possibilité de me rendre à Paris pour le moment. Ne m'en voulez pas, surtout.

Avec toute mon amitié et mon impatience de vous voir devenir mon vassal,
Terry


Une fois cela fait, elle sirota un second verre, puis reprit la missive de l'ébouriffé, la relut, pestant autant qu'à la première lecture, bien décidée à le faire patienter avant d'obtenir réponse.

Les boutiques et échoppes de la ville méritaient bien plus son attention que lui...


[Cheffe Aldraien
Merci de baliser correctement votre RP & bon jeu.]

_________________

Je voudrais que la terre s'arrête pour descendre.(Gainsbourg)
Terwagne_mericourt
[Orléans, le 18 juillet 1460, en attendant un énervant :]


Le soir ne doit pas commencer à la même heure pour tout le monde... C'est en tous cas la conclusion à laquelle était arrivée Terwagne ce soir-là, tandis qu'elle continuait à occuper seule leur campement.

"Ce soir encore, je resterai au campement... ". C'était bel et bien ses mots dans la missive qu'il lui avait adressée en début d'après-midi.

Bof!
Tant pis!

Elle avait assez attendu en vain d'autres hommes dans sa vie que pour gâcher sa soirée à s'impatienter sur l'arrivée de celui-ci. S'il arrivait avant qu'elle ne s'endorme et bien tant mieux, et si il n'arrivait pas avant qu'elle ne rejoigne Morphée, et bien tant pis!

De son côté, elle avait bien assez de choses à faire pour occuper sa soirée, à commencer par écrire à Aimelin, à présent qu'elle était un peu moins énervée sur lui.


Citation:
Seigneur d'Etampes,


Vos espoirs seront comblés : votre missive m'a trouvée en excellente santé, du moins physiquement. Emotionnellement ? Et bien je l'étais également, juste avant de parcourir vos courbes encrées. Et je le serai sans doute à nouveau après avoir achevé la rédaction de cette lettre que je vous adresse.

Mais parlons de vous, voulez-vous? Après avoir lu votre missive je dois bien vous avouer que je m'inquiète pour votre santé mentale, et pas qu'un peu. Je m'inquiètes à un tel point que si je ne craignais pas de l'angoisser outre mesure, j'écrirais même à Aliénor pour lui conseiller de vous emmener consulter quelque médicastre.

La raison de mes inquiétudes ? Votre perte de mémoire flagrante, mais aussi votre perte de toute notion du temps.

Vos propos concernant notre dernière entrevue en taverne me portent en effet à croire que vous êtes amnésique, je vous le confirme. A moins bien entendu que la seule raison de vos souvenirs erronés ne soit le fait que vous ne m'ayez pas écoutée ce jour-là... Pour ma part, je préfère vous accorder le bénéfice du doute à ce sujet et croire que vous m'écoutiez.

Bref, je me permets donc de vous rafraichir la mémoire et de rectifier ce que vous pensez être la réalité... Je ne vous ai nullement dit que je quittais la Champagne ou Sainte Ménéhould ce jour-là, je vous ai juste annoncé que j'avais mis mon champs en vente afin de me libérer de toute entrave et pouvoir voyager ensuite. Il n'était donc nullement question de voyager dans l'immédiat, mais bien de vous prévenir de cette éventualité dans les semaines qui suivraient, aucun champs ne se vendant dans l'heure ou la semaine me semble-t-il. Je voulais vous préparer à un futur départ, par amitié à défaut d'autre chose.

Pour tout vous dire je ne suis d'ailleurs partie de Sainte Ménéhould que bien des mois plus tard,... Il y a quatre jours pour être précise.

Mais vous?
M'avez-vous avertie de votre départ? Non!
M'avez-vous écrit pour me dire de ne pas m'inquiéter si je ne vous voyais plus? Non!

De mon côté je m'y suis prise à l'avance, quand du vôtre vous avez simplement fait comme si je n'existais pas, ou plus, comme si cela ne me regardait pas... Imaginez-vous l'effet que cela m'a fait lorsque je l'ai appris par hasard de la bouche d'un inconnu? Je me suis sentie oubliée, voila! Tout comme je me sens oubliée depuis lors, en l'absence de toute nouvelle de votre part.

De mon côté, je ne vous ai pas oublié, non! Malheureusement d'ailleurs! Parce que si tel avait été le cas j'aurais sans doute connu bien moins de nuit d'insomnie et d'incompréhension, bien moins de périodes de larmes aussi.

Pour le reste, puisque vous y faites allusion en m'accusant de vous avoir oublié depuis mes retrouvailles avec lui, et bien sachez que non, je n'ai pas retrouvé Kernos. Je ne l'ai pas revu depuis ma cérémonie d'investiture! Il est reparti en Lyonnais-Dauphiné en me promettant de revenir de suite après, et je ne l'ai jamais vu arriver depuis lors.

J'ai fini par cesser de croire et d'espérer, cesser d'attendre. Je n'ai que trop longtemps et trop souvent cru des hommes qui ne cherchaient qu'à se jouer de mes sentiments, mais ce temps est révolu à présent. J'ai décidé de profiter de ma liberté, dans tous les sens du terme.

J'ai donc quitté la Champagne il y a quatre jours à présent, en compagnie d'un homme que je ne connais encore que très peu mais qui a au moins comme qualité de ne pas tenter de me bercer de belles paroles, que du contraire. Je suis certaine que vous ne l'aimeriez pas, vous n'avez jamais apprécié les hommes dont j'aimais la compagnie, quelles que soient leurs qualités ou leurs défauts, le simple fait que j'aime passer du temps avec eux vous suffisant à les cataloguer comme dangereux et mal intentionnés.

Quoi qu'il en soit, sachez que malgré ma mauvaise humeur à votre égard, je suis soulagée de vous savoir toujours heureux avec Aliénor, et j'espère qu'elle est elle-même réellement heureuse. Elle le mérite, et mon amitié à son égard est toujours bien présente en moi.

Soyez aimable de lui transmettre mes salutations et mes voeux de bonheur, ainsi que mes voeux de réussite dans la carrière de juriste où je ne doute pas qu'elle soit à sa place.


En souvenir de notre "lien",
Terwagne


Une fois que cela fut fait, elle s'empara de la pomme qu'elle avait achetée sur le marché quelques heures plus tôt et y plongea les dents avec appétit.

Cela aussi, c'était un changement... Un changement qu'elle n'espérait plus depuis des années... Retrouver enfin l'appétit et l'envie de manger des choses dont le goût lui plaisait!

Elle termina le fruit, regrettant presque qu'il ne fut pas plus gros, ou même mieux d'en avoir acheté un second, puis regagna sa couche et s'y étendit sur le dos, le regard posé sur les étoiles.

Tant pis pour Kelso... Il n'aurait pas droit à ses taquineries ce soir!
Et puis après tout, peut-être avait-il trouvé meilleure compagnie que la sienne.

_________________

Je voudrais que la terre s'arrête pour descendre.(Gainsbourg)
.jim.
Angers le 19 juillet 1460

Depuis quelques jours, le rouquin procureur vagabondait en Anjou, accompagnant son épouse qui souhaitait revoir le lac d'Angers où était né leur amour.

Le voyage avait été un peu décevant car le lac était maintenant peuplé d'inconnus qui ne leur laissaient guère de place. Ils étaient donc repartis pour la Flèche dans l'espoir d'y croiser le parrain de la belle Anna mais avaient de nouveau fait chou blanc.

S'occupant comme il pouvait, attendant l'ouverture des portes pour prendre la route de Saumur, le jeune homme avait troqué ses élégants autours habituels pour un déguisement de vagabond.

Les officiers royaux n'étaient pas en odeur de sainteté en Anjou et s'ils avaient quelque mémoire, certains nobles arrogants devaient se souvenir de la manière dont il les avait traînés en Justice.

Il rasait donc les murs pour se rendre au relais de poste, ayant laissé des instructions à un collègue avocat à Thouars pour faire suivre le courrier à son appartement d'Angers.

Là, on lui remit un pli cacheté récemment arrivé. Il l'ouvrit rapidement, anticipant un courrier du chancelier et ne put retenir une exclamation de joie en découvrant la prose de Terry.

Cachant le pli dans ses vêtements, il se rendit jusqu'à son appartement et relut la missive plusieurs fois pour être sûr de ne pas en avoir perdu une miette.

Il y avait des petits plaisirs simples dans la vie et recevoir une lettre d'une amie, c'était comme mettre à mort verbalement un brigand en pleine salle d'audience, il ne s'en lassait pas.

Attrapant une plume et de l'encre, il s'assit devant son écritoire et entreprit de répondre.

Citation:
Très chère Terry,

Votre amitié est un trésor que je chéris et garde en permanence près de mon coeur.

Le souvenir de cette belle journée de juin ne me quitte jamais vraiment et il m'arrive même de m'interrompre en plein réquisitoire en pensant à mes pitreries ce jour là.

Mon épouse dit que je suis un pitre et je pense qu'elle a raison, je suis né pour divertir les autres et je tiens à grand honneur d'avoir pu vous rendre le sourire ce jour là.

Les nouvelles que vous me donnez me ravissent. Je vois que vous avez retrouvé la qualité principale qui nous rend vraiment vivants: la curiosité.

Vous partez donc sur les routes avec un repris de justice? Si je n'avais pas deviné de qui il s'agit pour avoir moi-même requis la relaxe dans son affaire, je devrais vous gourmander.

Norf, Terry, les délinquants sont-ils les seuls à trouver grâce à vos yeux?

Permettez cette taquinerie de la part d'un ami car je serai votre ami toujours et tant que vous le voudrez.

Vous êtes donc présentement en Orléans? C'est une région que je n'ai jamais eu l'heur de visiter, je vous le confesse. Elle doit sans doute être très jolie, s'agissant d'une des villes préférées des rois capétiens.

Je vous y rejoindrais bien mais je ne voudrais point troubler votre relation naissante avec ce messire aux manières d'ours qui vous rend néanmoins heureuse.

Je croise les doigts pour que cet homme là réalise la chance qu'il a d'être votre compagnon de voyage et peut-être davantage si vous l'attendez.

Je vous prie de ne point vous tourmenter du silence du héraut du lyonnais-Dauphiné.

Je connais vos intentions et sais qu'elles sont bonnes et généreuses.

Le jour venu, je vous prêterai serment d'aide et de conseil. En attendant, je vous fais serment d'amitié.

Puissiez-vous continuer à parcourir les routes du royaume aujourd'hui en paix et sans doute un jour, nos routes se croiseront de nouveau.

Pour ma part, je vous dirai simplement que je me trouve actuellement à Angers, ville où je possède un appartement.

J'y ai accompagné mon épouse qui se languissait de revoir le lac où notre amour a vu le jour.

La ville a peu changé mais je me fais discret dans cette contrée indépendantiste. Dans quelques jours, j'irai rendre visite à une amie très chère que vous connaissez sans doute, Linon d'Orient.

Malgré nos divergences... politiques... je lui garde toute mon amitié et je veux l'en assurer.

Après quoi nous retournerons à Thouars d'où nous partirons sans doute pour la Rochelle afin de passer l'été à la mer.

Je vais devoir conclure cette lettre car les portes de la ville se ferment et je dois la quitter ce soir-même.

Dans l'attente du plaisir immense de vous revoir, recevez Terry, toute mon amitié.

Jim


Il replia la lettre puis cacheta le pli alors que la porte de l'appartement s'ouvrait sur son épouse, la belle Anna. Le jeune homme l'enlassa puis l'embrassa fiévreusement.

Vite mon amour, il nous faut quitter cette ville ce soir mais avant de partir, je dois trouver un de ces emplumés porteurs de missives!

A sa question muette il répondit.

J'ai reçu cette lettre de Terry et tu sais que je ne fais jamais attendre une dame. Peut-être pourrai-je te la présenter un jour, je suis sûr que vous vous plairiez.

Il conclut l'échange d'un sourire taquin avant de refermer la porte derrière lui et de prendre la route de Saumur
Aimelin
[Vendome, pays de tranquilité, le 17 juillet]

Car Le Temps, lui n'attend pas,
Non Le Temps, c'est ce moment là.
Oh, Le Temps, lui n'existe pas.
Non, Le Temps, est ce que tu en feras,
Ce que tu en feras.
(Téléphone – Le temps)



Depuis les environs du 21 mai qu'ils avaient quitté la Champagne en toute hâte, avec Aliénor, le jeune gars n'avait eu loisir de s'ennuyer. Des rencontres intéressantes, d'autres étranges, d'autres désagréables, ça c'était le lot des voyages et il y était habitué surtout après deux mandats de connétable où il avait croisé la plume avec toutes sortes de personnes.

Bien entendu, en tant qu'ébouriffé il était parti sans un mot, parce que lui aussi avait des choses qui tournaient dans sa tête, lui aussi avait parfois les idées plus grises que bleues, et parce que lui aussi était humain avec ses forces et ses faiblesses et que depuis son arrivée en Champagne, il n'avait pas vraiment pris le temps de vivre. Si Aliénor n'avait pas croisé sa vie ce jour de mars aux joutes des grandes écuries, sans nul doute qu'il ne serait pas à Vendôme aujourd'hui à s'inquiéter pour une petite rouquine de neuf ans qui était entrée dans sa vie comme un tourbillon sur une place enneigée, et l'avait réchauffé doucement.
Il avait eu peur ce jour là en recevant le courrier de Marine. Peur qu'elle ait fait comme lui à Vae, qu'elle ait fait le mauvais choix ou du moins un choix qui la poursuivrait tout au long de sa vie. Il n'était pas son père, il n'était pas son frère, mais il se sentait un peu de tout ça.

Il avait laissé sa fonction de capitaine des douanes en avertissant la vice duchesse de son départ, avait écrit à Agnès dont l'armée était stationnée vers Conflans, lui disant qu'il allait passer avec Aliénor et qu'ils espéraient ne pas être découpés en rondelles. Son amie l'avait rassuré et les deux jeunes gens s'étaient mis en route pour arriver six jours plus tard au Mans.

Et là il avait fallu se rendre à l'évidence, Marine allait bien, ne voulait prendre qu'une mairie, et leur avait avoué au bout de quelques discussions :


Bhé ! j’voulais vous voir !

Et pendant ce temps, il pestait. Il n'avait toujours pas écrit à Dotch, n'avait pas donné de nouvelles à sa soeur depuis leur arrivée au Mans, et n'avait toujours pas écrit à Terwagne, qui même si elle avait quitté le duché ou dormait chez les soeurs, comme il le pensait, ne lui pardonnerait surement pas ce fait. Il avait encore en mémoire les reproches à propos d'une missive de Kernos qu'il avait oubliée. Incroyable cet ébouriffé qui en couchant au chateau pour sa fonction qui l'accaparait, n'avait pas été capable de faire suivre un courrier à quelqu'un qui ne donnait pas signe de vie !

Terwagne… sans doute l’avait elle oublié de toute façon vu le peu de nouvelles qu'il avait d'elle, c'est à dire aucune. Mais sans doute était ce de sa faute à lui puisque de toute façon tout était toujours de sa faute. Il attribuait ce côté qu'il détestait chez elle, au fait qu'elle n'avait pas eu ce qu'elle voulait avec lui. Elle s'était effacée devant Aliénor au tout début de leur relation, alors que le jeune homme était persuadé que la blondinette ne voulant aucun attachement, s'envolerait au premier beau parleur.

Comme quoi, on pouvait être intelligent et idiot.

Il n'avait pas honte d’avoir été attiré par Terwagne au premier regard, ce jour de janvier 58 où son regard à elle s'était posé sans cesse sur l'anneau qu'il faisait tourner entre ses doigts alors qu'il devait témoigner pour la blonde Célénya. Cet anneau qui était tout un symbole, et un lien qui le reliait à son amour Dancetaria depuis l’été 57. Après le procès, la Juge et le témoin avaient chacun regagné leur vie, tout en commençant à tisser ce fil qui il l'espérait ne se casserait jamais. Quelques missives et puis leurs retrouvailles en janvier 59 encore à la Cour d'Appel. Et puis cette salle d'archives. Que n'avait il dû retenir ses mots et ses gestes ce jour là. Il avait perdu Dance en juillet, et elle avait Kernos dans son coeur et leurs courriers étaient les seuls échanges qui les firent discuter après les toits enneigés de Paris. Il s'était résigné et de toute façon une vicomtesse officier royal, il ne fallait pas rêver !

Et puis le destin s'était amusé avec lui, qui avait décidé de ne plus s'attacher à personne après la mort de Dance, en lui faisant croiser la fille de son amie feu Magdeleine. Il n'avait pas eu d'intention particulière en se rendant en Champagne fin mars, seulement celle de retrouver la blondinette et de pouvoir continuer à parler de ce passé qui les hantait tous les deux. Et puis l'attirance, la promesse de ne pas se faire de promesses, Aimelin s'était laissé vivre pensant que ça ne serait qu'une aventure de quelques jours ou semaines. Et c'est à ce moment là, en juin, que son amie la Vicomtesse arriva à Troyes, et c'est à ce moment là que les tensions et les incompréhensions commencèrent.
Il ne l'avait pas oublié, ho non, il n'avait pas mis ses sentiments dans une boite scellée et il mit un certain temps et un temps certain à se rendre compte que Terry n'était pas seulement venu retrouver un ami et son épaule, mais nourrissait des sentiments pour lui. Il avait été heureux, puis inquiet puis angoissé.
D'un côté la blondinette de l'autre la brune tempête. Pouvait il aimer deux femmes et demander à l'une de n'être que dans l'ombre ? S'il n'avait pas été attaché à la blonde champenoise, sans doute aurait il été bien plus facile de pouvoir donner à Terry ce qu'elle désirait. Mais le destin s'amusait à se jouer de lui. Aimer deux femmes sans en blesser aucune, sans savoir le temps que ça durerait. Fallait il être un rêveur idéaliste pour oser le penser.

Quoi qu’il en soit, pour l'heure, il avait un courrier à faire et il s'y colla.

Citation:
Vendome le 17 juillet 1460


Terry,

J’espère que cette missive vous trouvera en bonne santé.

La dernière fois que je vous ai vu en taverne à Sainte Ménéhould, vous m’avez annoncé votre départ, tandis que vous discutiez de la Chancellerie avec Aliénor. Je n’ai osé vous demander si vous alliez rejoindre Kernos après sa venue à Paris et puis j’ai ensuite appris que vous étiez au couvent.

Et puis mi mai, j’ai reçu missive de la petite Marine, cette gamine de neuf ans rencontrée sur cette place enneigée en janvier, et pour laquelle j’éprouve une affection sans borne. Telle une petite sœur, elle me fait tourner la tête et me fait inquiéter. Elle m’a appelé à l’aide et j’ai abandonné mon poste de capitaine des douanes champenois afin d’aller au Mans avec Aliénor.
En évoquant Aliénor, sans doute aviez vous raison sur elle. Elle est bien plus importante à ma vie que je ne veux le laisser penser, même si vous êtes là parce que je ne suis pas de ces hommes qui renient les personnes qu’il aime, surtout lorsqu’elles ont votre sourire… et mêmes vos yeux lorsque vous me faites des reproches.
J’espère que vous gardez en vous nos discussions à Etampes ou ailleurs, nos courriers qui pour moi ont toujours été sincères et le seront toujours et j’espère surtout que nous nous croiserons encore parce que si vous comptez vous débarasser de votre ébouriffé en disparaissant dans les couvents ou en faisant silence, vous n’êtes pas au bout de vos peines.

Je ne sais combien de temps nous serons sur les chemins, notre voyage prenant du retard à cause d’une armée dirigée par un incapable, et qui a laissé la petite Marine pour morte sur le bord du chemin sans se soucier d’elle. Nous sommes donc sur Vendome encore quelques jours le temps de son rétablissement et ensuite je rêve d’aller voir ma suzeraine, cette amie que je n’ai vu depuis tant de mois hormis furtivement à votre cérémonie.
Peut être que lorsque je vous écrirai vous serez encore au couvent ou en voyage, comme vous nous l’aviez dit mais je sais que le pigeon vous trouvera avant de me revenir avec ou sans nouvelles.

J’ai hélas l’habitude que les personnes chères à mon cœur ne soient pas près de moi, comme Kawa, ma sœur partie sur les chemins depuis des mois. C’est ainsi mais si je ne les vois pas elles sont là dans mon cœur et vous y êtes aussi, je vous interdit d’en douter. Et de toute façon vous ne me donnez pas de nouvelles, donc sans doute m’avez-vous déjà oublié depuis que vous avez retrouvé Kernos, comme je vous l’avais dit, souvenez vous.

Je fais le vœux que cette missive vous trouve en parfaite santé, et surtout sereine et heureuse.

Votre ami l’ébouriffé
Jamais bien loin de vous en pensées.

Le pigeon prit son envol et le jeune Etampes pria pour le salut de son âme avant de prendre à nouveau sa plume pour écrire à sa Suzeraine. Ne pas lui dire qu’il venait sinon ça ne serait plus une surprise.

S’il avait sû à ce moment là que ses courbes encrées déclencheraient la rage de Terwagne, il aurait prié pour son salut à lui et non celui de l’emplumé voyageur.

_________________

Merci aux merveilleuses rpistes avec qui je joue
Terwagne_mericourt
[Orléans, le 19 juillet 1460, au creux d'un campement :]


C'est la mélodie du vent jouant avec le tissus qui la protégeait du froid nocturne qui la tira du sommeil ce jour-là. Le soleil était déjà bien haut dans le ciel, et il promettait de ne pas être avare de caresses durant les heures qui suivraient, ce qui lui tira à elle un sourire malgré la nuit affreuse qu'elle venait de passer.

Aucune trace de Kelso dans les parages... Il devait déjà être parti, à moins qu'il ne soit simplement pas rentré ceci-dit. Elle n'en avait pas la moindre idée, et l'esprit bien trop occupé par d'autres tracas pour commencer à s'interroger à ce sujet.

Prenant le temps de chasser de sa caboche les derniers relents du cauchemar qui lui avait tenu compagnie durant une bonne partie de la nuit, elle resta un instant assise sur sa couche, étirant d'abord ses jambes, puis ses bras, se faisant la réflexion que sa peau avait déjà changé un peu de couleur depuis qu'elle avait cessé de vivre recluse dans des chambres d'auberge. Avec un peu de chance, si son appétit retrouvé restait quelques temps, ses formes commenceraient elles aussi à revenir. Sait-on jamais...

Cette pensée la fit sourire, et elle se dit que cela aussi c'était un grand changement chez elle... Elle n'était plus pessimiste du matin au soir et du soir au matin. Elle recommençait à voir le bon côté des choses, et ça c'était un sacré grand pas en avant, même si cela ne concernait pour l'instant que des choses idiotes, secondaires, futiles.

Elle finit par quitter sa couche, faire un brin de toilette, se vêtir, et décida d'aller voir en ville si la commande qu'elle avait passée la veille était prête. Mais avant cela, elle rédigea une brève missive à celui avec qui elle voyageait.


Citation:
Bien le bonjour à vous !

J'ignore si vous avez finalement rejoint le campement cette nuit, puisque je ne vous y ai vu ni avant de m'envoler vers le pays des songes, ni en ouvrant les yeux ce matin. Quoi qu'il en soit, et où qu'elle aie eu lieu, j'espère que la nuit vous aura été douce et agréable.

La mienne le fut moyennement, les rêves l'ayant désertée pour laisser la place aux cauchemars, sans doute en raison de l'énervement qui fut mien suite à la lecture d'une certaine missive reçue hier. C'est étrange la vie, quand enfin on réussit à faire son deuil il faut toujours que quelque chose vienne nous rappeler notre douleur, notre colère, notre faiblesse aussi et surtout.

Mais laissons-là ce courrier perturbateur de mon humeur, je suis certaine que cela ne vous intéresse pas vraiment.

Je ne sais si nous levons le camps ce soir, et j'attendrai de vos nouvelles pour plier bagage ou non. Pour ma part, je compte occuper ma journée en me renseignant sur la mode orléanaise. J'ai aperçu hier quelques étoffes qui m'ont donné envie de voir l'effet qu'elles auraient sur mon teint pâle.

Terry


Une fois ce courrier terminé, elle l'abandonna au campement, dans un endroit bien visible, puis prit la direction de la ville, bien décidée à occuper le plus possible sa journée, ne serait-ce que pour s'empêcher de penser à Aimelin et son courrier de la veille, mais pire encore à cet autre qu'il lui avait remis en mémoire... Kernos!

Kernos et ses promesses!
Kernos et ses mensonges! *

Parce que oui, la raison pour laquelle elle en voulait le plus à Aimelin, au fond, c'était cela : il avait mis le doigt sur sa plus profonde blessure, sur sa plus grande déception, sur cette mélodie de jadis devenue requiem.

Kernos... Son "ut"...

Les heures passèrent, les étoffes achetées s'empilèrent, les écus dépensés s'additionnèrent, mais rien n'y fit. Il était dans chacune de ses pensées, dans chacun des soupirs qu'elle laissa lui échapper, derrière chaque juron qu'elle adressa à chaque marchand maladroit la bousculant accidentellement, dans chacune des morsures qu'elle infligea à sa lèvre inférieure ce jour-là.

On a beau décider de tourner la page, on ne choisit pas d'effacer les mots, et encore moins les maux.

Contrariée, elle finit par renoncer à encore dépenser le peu de fortune qu'elle avait emportée pour ce voyage et regagna le campement. Il fallait qu'elle déverse sa colère sur un vélin, qu'elle lui dise à quel point une fois de plus il l'avait déçue, trahie, blessée, et à quel point elle avait décidé de changer, par sa faute. Et dès l'en-tête le ton fut donné.


Citation:
A Kernos Rouvray, Baron de Mévouillon, Seigneur de Glandage,
De Terwagne Méricourt, Vicomtesse d'Orpierre, Dame de Taulignan, dicte l'Opportuniste du Lyonnais-Dauphiné,


Près de quarante jours et quarante nuits se sont écoulés depuis l'annonce de votre arrivée prochaine, et telle sœur Anne je n'ai rien vu venir. Ni vous, ni même une lettre me prévenant d'un quelconque retard.

Je présume que vous comprendrez donc aisément que lassée d'une énième attente en vain, achevée par un ultime espoir brisé, j'aie renoncé à tenir mes promesses à mon tour.

En très peu de mots, et de façon très limpide je l'espère, je vous écris donc pour vous annoncer deux choses :

- J'ai quitté sainte Ménéhould et la Champagne... Nul besoin de vous y rendre donc si vous veniez à vous souvenir de vos promesses, ce dont je doute.

- Je ne me balade plus sans sous-vêtement en attendant une ardeur physique de votre part en lieu et place d'une ardeur épistolaire qui n'a comme qualité que de retomber comme un soufflé raté.

A part cela? Et bien après avoir enfin ouvert les yeux sur le fait que non, vous ne quitterez jamais ce duché où je vous ai fait Baron et que vos terres ont bien plus de valeur à vos yeux que ce que vous nommiez à tord l'amour, j'ai décidé de cesser d'être idiote et sentimentale, de cesser d'être dupe des hommes dans votre genre, de cesser d'être celle que vous avez rencontrée il y a bien longtemps à présent, et décidé d'épouser le comportement d'une vraie opportuniste... Prendre à bras le corps ce que la vie a à m'offrir, prendre le meilleur de chaque chose et de chaque rencontre.

Voila pourquoi j'ai décidé de profiter pleinement de la liberté qui est mienne, en voyageant en bonne compagnie, sans rien espérer, sans rien attendre, en profitant simplement des avantages.

Ne cherchez pas en Champagne la raison de ce changement radical, elle n'est que de votre fait à vous. A défaut de m'avoir rendue heureuse, vous aurez au moins réussi à me rendre moins humaine.


L'Opportuniste.


Elle scella, et se leva pour partir en quête d'un messager. Mais ce fut l'un d'eux qui la trouva, et non l'inverse, lui tendant une missive confiée par Jim... La journée n'était pas totalement gâchée.

Après avoir confié à l'homme la missive à l'intention de Kernos, elle se dirigea vers sa couche, pour y lire les mots de son plus cher ami.



(* : voir "Quelques maux d'amour")
_________________

Je voudrais que la terre s'arrête pour descendre.(Gainsbourg)
Terwagne_mericourt
[Orléans, le 19 juillet 1460, un plus tard dans la journée :]

Une missive en amenant une autre, la lettre de Jim ne fut pas la seule qu'elle eut à lire en regagnant sa couche. En effet, posée sur celle-ci l'attendait une lettre de son compagnon de voyage, lettre lui expliquant son absence nocturne, mais lui annonçant également qu'il viendrait la chercher dans la journée pour faire les boutiques ensemble, avant de passer la soirée tous deux avec les étoiles pour seule compagnie.

Ce programme lui convenant, elle n'y répondit que par quelques mots tracés à la hâte, puis se plongea dans sa réponse à son futur vassal.


Citation:
Très cher ami,


Vous avez décidément le don de me faire sourire, et votre taquinerie concernant celui avec qui je trace la route n'aura pas déroger à la règle.

Notez que pour être tout à fait franche, il m'arrive moi-même de me poser la question concernant mon attrait pour "les mauvais garçons"... Je doute que le Duc en question apprécie que je parle de lui en ces termes, ceci-dit, et je compte sur votre discrétion.

Concernant l'Orléans, c'est un duché cher à mon coeur, puisque c'est là que tout a commencé pour moi... A Montargis pour être plus précise. J'y ai sans doute écrit une des plus belles pages de ma vie, puisque c'est là que j'ai rencontré l'amour la première fois, là que j'ai appris à jouer de la flûte, là que j'ai acheté mon premier chapeau et mes premières bottes... Montargis, c'est le goût de la nostalgie douce.

Pour en revenir à ma relation avec ce messire qui m'accompagne en ce moment, ne vous leurrez point, je n'envisage absolument pas que nos liens deviennent plus étroits, trop étroits, j'ai déjà suffisamment donné à d'autres, à tord et à travers d'ailleurs.

Et si jamais l'envie vous prenait de venir nous rejoindre en compagnie de votre épouse, sachez que j'en serais ravie. Je n'ai pas encore l'heure de la connaitre, mais je ne doute pas qu'elle soit remplie de qualités, et qu'elle me plairait beaucoup.

Quoi qu'il en soit, je comprends parfaitement que vous ayez d'autres projets, rassurez-vous. Et puis qui sait, mes pas à moi me mèneront peut-être dans la direction vers laquelle vous vous dirigez vous-même... Pour l'heure j'ignore totalement quand et pour où nous allons reprendre la route, et comme j'aime les surprises je n'ai même pas l'intention d'interroger l'ours à ce sujet je vous avoue.

Je prie que votre voyage à vous se passe sans encombres, et me réjouis de vous revoir, à Paris ou ailleurs...

Votre amie,
Terry


------------------------------------------

[Orléans, le 19 juillet 1460, beaucoup beaucoup plus tard dans la journée :]

Deux soirs d'affilée... Cela faisait deux soirs qu'il lui donnait rendez-vous et lui faisait finalement faux bond! Si la première fois elle ne s'en était nullement offusquée, y avait à peine prêté attention, ce soir elle était de bien moins bonne humeur et donc fort logiquement beaucoup moins tolérante avec ce genre de grossièreté qu'elle cataloguait d'ailleurs de manque de respect envers sa personne.

Il avait un faible pour les lapins... Soit, il n'allait pas être déçu! Elle aussi elle savait chasser! Aussi bien le lapin que le beau gibier!

Elle décida de commencer par le lapin, au sens propre, et se dirigea vers la campagne, et plus précisément un petit bois qu'elle avait repéré non loin de leur campement... Les lapins devaient y avoir élu domicile. Elle réussirait bien à en débusquer un avant le lever du jour.

Après quelques jurons, quelques égratignures à force de ramper dans les bosquets, quelques coups dans le vide, elle finit par réussir à en assommer un, à coup de pierre. Certes ça n'était pas là le grand art de la chasse, mais tout ce qui comptait c'était le résultat... Et le résultat, il était là, dans sa main! Un beau lapin bien gros - quoi que... il devait être malade vu le peu de réaction qu'il avait eu face à la pierre - qu'il ne lui restait plus qu'à déposer sur la couche de Kelso. Ca lui ferrait de la compagnie quand enfin il se déciderait à rejoindre le campement.

Elle? Elle elle ne serait plus là, elle serait partie en ville, aurait trouvé une taverne où la compagnie ne serait point trop mauvaise, et où peut-être elle aurait l'envie de chasser avec d'autres armes que les cailloux...

_________________

Je voudrais que la terre s'arrête pour descendre.(Gainsbourg)
Kernos
[Champagne, le 20 juillet 1460, au vent mauvais*]

Appuyé sur le mur de façade de la maison vide de Terwagne Méricourt, Kernos griffonna quelques mots sur un morceau de parchemin usé autant que lui-même. Cela faisait plus de dix jours qu'il chevauchait sans repos pour gagner Sainte-Ménéhould et faire choux blanc... ou presque, s'il n'y avait pas eu ce message.

On en serait découragé à moins que ça... Pas lui, hélas. A croire qu'il en éprouvait quelques plaisirs malsains et inconscients. Espoir et souffrance ne sont pas deux moyens comme un autre de se sentir vivant?


Citation:
Terwagne,

Ta lettre ne me trouva point en Lyonnais-Dauphiné auquel j'ai tourné le dos il y a plusieurs jours pour me rendre en Champagne... C'est donc malheureusement déjà à Sainte-Menehould que j'ai appris que tu n'y étais plus... Au fond, c'est bien mérité.

Je ne te contredirai pas, tu as raison à mon propos. Je ne suis qu'un égoïste et encore maintenant je me comporte comme tel en cherchant après toi malgré tout.

Je n'ai aucune excuse à te donner pour cela, je t'ai trop fait sans doute pour te demander pardon. J'aimerai juste te donner quelque chose avant de te laisser à ta liberté au combien méritée, afin que tout finisse enfin.

D'un imbécile.




*Voir "Quelques maux d'amour"
_________________
Aimelin
[Vendôme, une missive reçue… réactions]

"Ecris-moi, si t'as les yeux fontaine
Ecris-moi si t'as le coeur cailloux
Je serais jusqu'au bout de ma peine
Au rendez-vous"

(P. Bachelet – Ecris moi)


Ce sera le caillou. La sentence était tombée.

Votre Honneur !
Mesdames et messieurs les jurés !
Et toute la clique.
Cet homme est coupable !
Il a osé m’oublier moi celle qu’il n’a pas réussi à avoir !
... enfin c’est le contraire mais c’est pas grave… qu’on le jette dans nos geôles et qu’on ne lui donne pas de plume surtout, il serait capable de trouver le moyen de se pendre avec !!

grummmblll !! Ca n’était qu’un mauvais rêve, il allait se réveiller. Les mots couchés avec tant de colère sur la missive qu’il avait dépliée, un sourire sur les lèvres, venaient de lui sauter au visage, et ça faisait bigrement mal, se cognant contre ses tempes dans un vacarme assourdissant qui résonnait dans son crâne et lui avait retiré illico le sourire de ravi de la crèche qui s’était affiché en reconnaissant l’écriture de son amie.

Les amies c’était sacré, les amies c’était important, les amies.. c’était…


Non d’un emplumé à couronne !!!

Parce que les couronnes il n’aimait pas ça l’ébouriffé et qu’il aimait encore moins qu’on ai la berlue en le voyant une couronne sur la tête. Est-ce qu’il avait une tête à porter une couronne ? Ho pas celle du roy rassurez vous… c’était une fonction bien trop dangereuse où les jours étaient comptés, pour qu’il s’y risque. Et puis roi de la France, il avait bien d’autres ambitions, à commencer par être heureux. Parce qu’il était persuadé que l’on ne pouvait être roy ou reyne de toute façon, en étant totalement heureux. Mission impossible, folie et chimère !

Il replia la missive brusquement, pour ne pas dire rageusement, comme pour empêcher ces maudits mots de lui sauter à la figure mais la déplia à nouveau pour être sûr qu’il n’avait pas rêvé, subissant aussitôt un nouvel assaut qui le fit grimacer amèrement.

Mais qu’avait il fait au Très Haut pour mériter tel châtiment ? D’accord il était parti sans avertir mais était ce une raison pour critiquer sa santé mentale ?

Retour arrière dans sa tête tandis qu’il repensait à leur dernière discussion à Sainte Ménéhould, dans l'"Auberge des petits cailloux". D’ailleurs il n’y en avait pas eu vraiment de discussion, elle ne parlait qu’à Aliénor. Chancellerie blabla, travail blabla et re blabla, comme à chaque fois qu’elles se croisaient. Qu’elles étaient bavardes ces femmes !
Il avait du mal à croire que c’était lui qui les avait présentées. Et puis il n’avait pas rêvé en se souvenant qu’elle comptait partir. Bon peut être ne l’avait elle pas dit, mais vendre ses champs c’était la même chose, elle comptait reprendre les voyages et ça elle le leur avait dit. A moins que les coups reçus lors de l’attaque par cette armée champenoise lui ai dérangé l’esprit et ôter ses souvenirs.

Il leva les yeux vers Altaïr
ma santé mentale est en danger, tu le savais toi ? regardes ! elle l’a marqué là qu’elle s’inquiétait … et pas qu’un peu !

Et les "pas qu’un peu" de la vicomtesse il les connaissait. Pas droit à l’erreur et là c’était grave, l’ébouriffé avait décroché le pompom des "pas qu’un peu", il avait gagné le droit de rejouer au jeu : viens ici que je te latte !

Il se leva de son balot de paille et se mit à parler seul, comme pour donner raison à la Vicomtesse concernant son mental.


Dois je montrer cette missive à Aliénor ? il n’en était pas très fier de ce courrier, et ça le mettait en colère et vu son état d’énervement des tensions risquaient de se créer entre eux deux. Il allait donc régler ça tout seul, comme un grand garçon qu’il était.

Je n’ai pas envie de créer des tensions à cause d’une ami… d’une … d’une fem… à cause .. d’une... d’une…... d’une emmerdeuse !!

Le mot avait été lâché, la colère sortait, l’étalon s’était même arrêté de machouiller son avoine, alors ne parlons pas des mouches qui s’étaient mises au garde à vous dans un coin de l’écurie. S’il ne s’était mis que rarement en colère apres elle, cette fois-ci elle avait lancé le bouchon un peu loin Mauricette* !

Une emmerdeuse oui voila ce qu’elle est !
ma santé mentale mais elle se porte bien ma santé mentale et je suis loin d’être fou !


Tout en pestant il faisait les cent pas, passant et repassant devant son étalon s’arrêtant pour le prendre à témoindis moi que c’est une emmerdeuse qui se venge de ce qu’elle n’a pas pu avoir mais dis le moi ! si toi tu ne le dis pas qui va le dire !

Grimace. Pour sûr que si Altaïr se mettait à parler c’est que la santé mentale du jeune Etampes était à soigner de toute urgence.

Non ne réponds pas, surtout pas…

regard suspicieux vers l’animal qui avait repris son machouillement d’avoine, avant de continuer ses cent pas et d’ajouter

Ecoutes ça ... "Je ne vous ai nullement dit que je quittais la Champagne ou Sainte Ménéhould ce jour-là, je vous ai juste annoncé que j'avais mis mon champs en vente ……… Il n'était donc nullement question de voyager dans l'immédiat, mais bien de vous prévenir de cette éventualité dans les semaines qui suivraient..."

Il s’arrêta à nouveau face à l’animal

Non mais tu entends ça comme elle me parle ?
D’accord c’est une amie, d’accord l’est vicomtesse, d’accord l’est u.. mais c’est une emmerdeuse !
Et pas la peine de prendre sa défense je te connais toi les femmes tu fais leurs quatre volontés
un ton plus bas sur le ton de la confidence .. et tu as tort, parce qu’elles savent se servir de ça.

En souvenir de notre "lien"… elle m’a même rayé de ses amis.

Il devait lui répondre, mais quoi. Ces mots étaient clairs, elle lui en voulait, et elle avait renié leur amitié, leur lien. Et puis si lire les mots qu’il glissait sur parchemin la mettait en rage, devait il vraiment répondre. Et d’un autre côté ne pas répondre c’était faire profil bas, ne pas la respecter et ça il n'en avait pas envie, quoi qu'elle puisse penser de lui.

Il se laissa retomber lourdement sur son balot de paille, soupirant, regardant cette missive qui venait d’égayer salement sa journée, murmurant doucement.


Je pensais que j’étais quelqu’un d’important pour elle, elle m’a eu dit que j’étais l’un de ses plus chers amis.
Et puis là, pfffuutt plus rien. Balayés tous ces mois, balayés tout nos échanges, toutes nos discussions.


Il repensa à l’anneau qu’il lui avait donné à Etampes, le jour où elle était venue chercher une épaule.

Pourvu qu’elle ne l’ai pas jeté. Il est si important pour moi… si important.

Alors il allait lui répondre, ne serait ce qu’un dernier échange et ensuite il respecterait son choix. Mais il allait répondre ce qu’il pensait et ne la ménagerait pas.

Il y avait des choses qui faisaient bien trop mal pour que l'on ne se mette pas en colère.



* clin d'oeil à une certaine pub de viennois
_________________

Merci aux merveilleuses rpistes avec qui je joue
.jim.
Thouars le 24 juillet 1460

Le rouquin était revenu chez lui. Après quelques heures de repos, il reprit ses activités habituelles de vile spéculateur, vidant consciencieusement le marché de Thouars de tout ce qu'il contenait de blé bon marché afin de le transformer en farine et de le vendre avec une plus value plus que correcte.

Comme toujours, il s'attelait à cette tâche avec une énergie qui forçait l'admiration, convainquant tous les cultivateurs de blé de lui vendre le fruit de leur récolte tout de suite plutôt que d'attendre plusieurs jours pour vendre plus cher.

Il était justement en train de négocier une transaction près de son domaine d'Yzernay lorsqu'un messager vint lui apporter une lettre. Brûlant d'impatience d'ouvrir le pli, il doubla son offre et emporta l'adhésion du paysan.

Il lut et relut la missive, dévorant chaque lettre, se délectant de la prose de Terry. Le contenu de la missive le fit sourire plus d'une fois, c'était tout Terry de partir à l'aventure comme cela.

Il parcourut rapidement les quelques centaines de mètres qui le séparaient de son manoir, grimpa l'escalier quatre à quatre et s'installa à son bureau.
Il tailla ensuite précautionneusement sa meilleure plume et la plongea dans l'encre.

Citation:

Ma très chère amie,

Vous lire me cause toujours autant de plaisir, presqu'autant que de rire aux éclats en votre compagnie.

Puis-je vous demander où vous vous trouvez à présent? De mon côté j'ai regagné Thouars avec mon épouse où nous coulons des jours paisibles.

Bien sûr la perspective de vous revoir m'incite à sauter en selle sans plus attendre mais pour vous rejoindre à Orléans, je dois traverser la Touraine... Charmant duché gouverné par des gens qui m'ont voué à la damnation éternelle depuis que j'ai fait relaxer Altaiir.

Quelque chose me dit que ces gens ne se contenteraient pas de m'infliger un châtiment post-mortem si je foulais le sol de leur province.

Il y a bien sûr la possibilité de contourner par le Limousin mais ça risque d'être long. D'ici que j'arrive, vous ne serez sans doute plus à Orléans.

Il me serait sans doute plus facile de vous rejoindre si vos pas vous conduisaient vers le Maine, l'Alençon ou l'Anjou.

De mon épouse, je vous dirais qu'elle est très honorée et intimidée que vous souhaitiez faire sa connaissance. Elle qui ne connaît pas les grands de ce royaume a peur de faire une bévue en vous rencontrant.

Cependant, je suis sûr que vous l'aimeriez beaucoup.

J'ai bien noté que vos relations avec messire Kelso ne sont point intimes. J'espère néanmoins qu'il vous est un agréable compagnon de voyage et vous témoigne les égards qui vous sont dus sans quoi je devrai le gourmander lorsque je le rencontrerai.

En tant que votre futur vassal, je ne peux qu'être sensible à ce genre d'attentions.

Nous arrivons au coeur de l'été et chaque jour passé en la Cour d'appel me fait penser à vous... Je m'attends à vous voir interrompre un témoin irrespectueux d'un coup de maillet, sourire maternellement à un jeune officier, lâcher un "Norf" après avoir dit une bêtise.

je vous taquine, Terry, les Norf dans votre bouche ne sont point interjections mais citations.

Oui j'ai la nostalgie de ces beaux jours où je vous croisais tous les jours... mais j'ai cependant la consolation de vous savoir heureuse sur les routes enfin libre de vos entraves, libre d'aller où bon vous semble.

Peut-être même votre coeur s'ouvrira un jour à nouveau pour un prétendant méritant? Qui sait?

Je conclus cette lettre en vous assurant de ma plus profonde amitié et de mon désir de vous revoir, dussé-je braver les ignobles tourangeaux.

Votre dévoué ami,

Jim


Il relut sa lettre, la plia puis la cacheta aux armes du cerf d'Yzernay avant de se promettre de la remettre au premier colporteur qui passerait, ces gens là étant connus pour acheminer le courrier
Aimelin
[Vendôme, le 24 juillet - une missive reçue… riposte]

"Tu vois, c´est presque rien
C´est tellement peu
C´est comme du verre, c´est à peine mieux
Tu vois c´est presque rien...
C´est comme un rêve, comme un jeu
Des pensées prises dans des perles d´eau claire"
(Cabrel - Presque rien)



Il y avait des choses qui faisaient bien trop mal pour que l'on ne se mette pas en colère.

Le jeune Etampes était rentré sans mot dire dans la jolie chambre d’auberge qu’ils occupaient avec Aliénor, s’était installé au petit bureau près de la fenêtre, soulagé que la jeune femme ne soit pas là parce qu’il n’avait pas envie d’expliquer son visage soucieux et fermé, qui reflétait sa colère pour qui le connaissait. Il avait ensuite sorti son nécessaire pour écrire et s’était appuyé nonchalamment sur le dossier du fauteuil, ses mirettes grises posées sur les arbres que balayait une légère brise.

Par quoi commencer ? que dire sans froisser la susceptibilité de Terwagne. De toute façon, sa susceptibilité serait déjà froissée en reconnaissant l’écriture sur le parchemin, alors autant ne pas ménager ses troupes et foncer au combat en soldat courageux. Après tout il avait été garde comtal, l’élite des soldats, il avait été soldat également, il avait affronté les pires dangers, alors affronter une tempête l’aguérirait à la navigation. Et le bon côté des choses, c’est qu’il pourrait au moins faire profiter Marine de son expérience, puisque la petite rouquine rêvait de devenir pirate.

Il regarda le parchemin et commença par faire glisser la plume désignée volontaire pour laisser libre court à sa colère.

Terry … non.
Terwagne … non plus.
Bha après tout, si l’on te jette une braise, renvoie la aussi sec pour ne pas qu’elle te brule la main. Tiens, ça ferait une bonne devise ça. Il faudrait qu’il y réfléchisse.
    Vicomtesse,

C’était mieux. Le début était trouvé restait à trouver la fin.
    Aimelin

… pas mal.
il ajouta néanmoins une petite pique significative.
    Aimelin,
    Celui dont les courbes encrées vous mettent en rage.
Petit sourire satisfait. C’était bien ça… après tout elle ne lirait peut être pas la missive alors autant qu’elle voit ce qu’il en était avec sa signature. Maintenant restait à combler le vide entre Vicomtesse et Aimelin. C’était là que les choses se compliquaient. Et s’il l‘envoyait comme ça ? sans rien écrire. La bonne blague ! Il eût un petit rire nerveux tandis que dame plume se mettait à l’œuvre, n’ayant d’autre choix de toute manière. Et il n’avait pas l’intention de jouer le parfait toutou, toujours gentil, poli, compréhensif, se perdant en compliments afin de ne point fâcher son interlocutrice. Il n’avait jamais été un cireur de chausses et il n’allait pas commencer aujourd’hui. La franchise, c’était sa seule arme depuis toujours, celle qui faisait qu’on l’aimait ou qu’on le détestait.
    Quel bonheur de recevoir de vos nouvelles !

    En effet, n’ayant nul signe de vie de votre part depuis bien des semaines, je suis heureux de voir que vous vous portez bien, du moins côté caractère.
    Tout d’abord je tiens à vous rassurer sur ma santé mentale afin que vous ne vous fassiez plus de soucis inutilement.

    Je suis fou et bien fou, je l’ai toujours été !
    La vie sans folie ne serait rien alors je le suis et de toute mon âme.

    Mais le résultat est néanmoins là, vous êtes partie en voyage, donc j’avais raison, même si cela vous déplait fortement.

… et toc.
Il imaginait le regard coléreux de Terwagne à ce moment là, ce qui le fit sourire malgré tout.
    Je ne vous ai pas averti non… j’ai eu tort
    Je ne vous ai pas écrit non plus, parce qu’il y a des moments où la vie nous dépasse, mais je comptais le faire. D’ailleurs je l’ai fait récemment… bien mal m’en a pris. Ce qui m’incite à penser que j’aurais du m’abstenir.

    Je n’ai aucune excuse… d’accord.

    Mais je ne mérite pas cette missive emplie d’ironie et de reproches. Je passerai sur les piques acerbes que vous vous plaisez à m’envoyer avec vos allusions sur votre compagnon de voyage dont je me fiche éperduement. Tant que vous êtes heureuse, je n’en demande pas plus, mais serai prêt à le latter sévèrement , qu’il soit gueux ou roy, s’il vous causait quelques chagrins.

Tsss, un moment de faiblesse et il sourcilla. Lui avait elle écrit un seul mot gentil sur sa missive ? non ! et lui voila qu’il en glissait un soupçon. Incorrigible ! Il fallait être bien plus ferme.
    Ai-je une seule fois user du fait que vous étiez Vicomtesse et de surcroit Officier Royal pour vous demander quelconque faveur ?

Il laissa sa plume en suspent tentant de faire retomber la colère qui montait à nouveau à mesure qu’il écrivait. Leur discussion à Etampes tournait dans sa tête. Ce soir là ils avaient discuté comme souvent, avec sincérité. Il avait mis tout ce qu’il avait en lui d’amour inavoué pour lui dire que ce jour là à la CA il avait vu le juge, et puis dans les minutes qui avaient suivi, il avait vu la femme et son regard posé sur sa main. Seule une femme pouvait avoir ce regard, un juge s'en serait moqué et aurait fait fi de ce geste. Et puis elle ne le trouvait pas si idiot que ça. Elle le lui avait dit :

Vous n'êtes pas lisse, loin de là... Si vous l'étiez, jamais je n'aurais posé mon regard sur vous, je n'aime pas les gens plats et lisses.

Avait il changé à ce point qu’elle le rejette comme un mal propre ? Depuis qu’il avait demandé à Aliénor si elle voulait des demains et des surlendemains, il ne cessait de penser à Terwagne, à ce qu’elle penserait. Serait elle heureuse pour lui ? Une idée lui avait traversé l’esprit mais il ne savait pas comment elle le prendrait. Aujourd’hui il savait, elle refuserait vu le ton de cette missive.
Ses pensées tournèrent autour de l’anneau qu’il avait déposé au creux de la main de la jeune femme ce soir là :
"il a créé notre rencontre, l’une des plus belles de ma jeune vie, et pour ça je le remercie et je vous l'offre, c'est un bout de moi. Mettez le au fond d'un sac ou chez vous et quand ca ne va pas il sera là, juste pour vous, pour vous rappeler bien des choses si je ne suis pas près de vous à ce moment là."

Il resta quelques secondes le regard posé sur le parchemin, avant de reprendre toujours colère le cours de ses phrases, comme si rien ne pourrait l’apaiser malgré la mélancolie qui s’était emparé de lui.
    Avez-vous pénurie de plumes pour ne pas m’avoir donné nouvelles depuis ce temps ? Si je n’avais écris il y a quelques jours en auriez vous fait autant ?

    N’avez-vous pas dit que j’étais l’un de vos plus chers amis ? Je me souviens de cette fois où vous êtes venue à Etampes, après avoir donné votre démission à la Cour d’Appel. Vous m’avez dit ces mots : "si il existe dans ce Royaume une personne capable de m'aider, cette personne ne peut être que vous".

    Je n’ai pas oublié cette discussion alors que je voyais les larmes rouler sur vos joues. Ce qui aujourd’hui semble n’être que des mots emportés par la tempête et qui se sont fracassés sur les rochers, en bas de cette falaise dont vous aviez peur de chuter.

    Suis-je donc aujourd’hui à vos yeux, un simple idiot qui a eu le tort de tomber amoureux de vous et qui s’est retrouvé entre deux jeunes femmes, sa raison l’obligeant à choisir lorsque son cœur lui criait le contraire ?

    ai-je maintenant si peu de valeur à vos yeux ?
    Malgré cette blessure que vous avez causée par vos mots acerbes, je n’ai moi point changé d’avis sur vous, sur ce que vous êtes et ne renierai jamais ce lien qui nous relie.

    Il est surprenant pour ne pas dire blessant, de constater que de "beaucoup", je passe à "presque rien" dans votre cœur.

    Déversez donc votre colère sur moi si ça peut vous apaiser, et permettez moi d’être en colère après vous.
    Je souhaite bonne chance à ceux qui aujourd’hui sont des "beaucoup" à vos yeux, et qui demain seront peut être simplement des "presque rien".

    Ainsi va la vie


    Aimelin
    Celui dont les courbes encrées vous mettent en rage.
Il stoppa sa plume, le souffle court, comme s’il avait crié ces mots d’une traite, tandis que sa tête bourdonnait. Etait il allé un peu fort avec elle ? après tout elle l’avait laminé par ses mots et elle ne méritait qu’un juste retour des choses, même s’il trouvait sa lettre bien trop gentille. Il tenta de calmer la colère qui ne faisait qu’ouvrir un peu plus la blessure qu’elle avait causée par ces mots.
Il laissa à nouveau son regard s’échapper au dehors secouant la tête lorsque les images des derniers mois se mirent à défiler devant ses yeux.

Faire partir cette missive, ne plus la relire au risque de la rouler en boule. Elle allait voir la Vicomtesse, si elle pouvait se jouer de lui !

Et tandis qu’il regardait disparaitre à l’horizon le satané volatile, une phrase qu’il avait dite à Terwagne résonnait encore dans sa tête : et que jamais le temps n’abime ce qui nous lie de quelque façon que ce soit.

Il avait aujourd’huil la certitude que rien ne durait, que rien n’était éternel, que toutes les promesses du monde n’empêcheraient jamais un petit caillou de se glisser dans un rouage, et que les promesses que l’on pouvait faire un jour ou l’autre s’évaporaient comme neige au soleil.

Si quelqu’un avait observé ses prunelles grises d’un peu plus près à ce moment là, il aurait peut être pu y voir un léger voile qui trahissait ce qu’il ressentait… à moins que ce ne soit ce maudit petit air qui tournait autour de lui et et qui traitreusement avait déposé quelques poussières dans ses yeux.

_________________

Merci aux merveilleuses rpistes avec qui je joue
Terwagne_mericourt
[Orléans, le 20 juillet 1460, autour de la dépouille d'un lapin :]


Quand la majorité des couples se disputent en se servant d'un enfant comme d'un bouclier ou d'une arme pour blesser l'autre, Kelso et Terwagne avaient de leur côté choisi bien plus original... un lapin!

C'est ainsi qu'après avoir massacré l'animal et en avoir déposé la dépouille sur la couche de son compagnon de voyage, après être allée se calmer en taverne, la Vicomtesse avait eu le déplaisir en rentrant de trouver la dépouille non plus sur sa couche à lui mais bien sur la sienne, non plus à poil mais bien vêtue de ses propres vêtements à elle, mais pire encore tenant un message entre ses oreilles. Un message écrit de la main de Kelso, très bref, très percutant, très abject... "La, même un lapin est mieux fagoté que vous.".

Charmant... Digne d'un goujat!

C'est donc remplis de rancune l'un envers l'autre que les deux apôtres - on se demande bien quelle bonne nouvelle ils comptaient annoncer et à qui, d'ailleurs - décidèrent néanmoins de reprendre la route ensemble, s'arrangeant pour ne se croiser qu'à l'heure du départ.

Mais là encore ils décidèrent d'être bien plus originaux que la majorité des couples, et au lieu de les séparer avant même qu'ils aient été réellement unis par un autre lien que celui de "compagnons de voyage", le lapin mort et déguisé les fit se rapprocher, et pour la première fois ils partagèrent une soirée et une nuit faite d'échanges agréables, de confidences, et de biens d'autres choses encore. La pente était entamée...



[Gien, 21 et 22 juillet 1460, quand le lapin est bel et bien enterré :]

De ces deux jours passés dans cette ville dont il n'y a rien à dire, ni en bien ni en mal, Terwagne se souviendrait surtout de l'énervement où la mit un certain courrier reçu. Un courrier signé de la main de Kernos...

Tuer un lapin à coup de cailloux provoque-t-il le réveil d'un fantôme? Cette question lui traversa l'esprit, il faut bien l'admettre, et elle se demanda si en faisant ce geste elle n'avait pas reproduit quelque rituel païen sans le vouloir.

Quoi qu'il en soit, elle ne croisa que fort peu le Duc Kelso durant ces deux jours, lui-même étant fort occupé par ses tractations commerciales, et elle en fut presque soulagée. Non pas qu'elle n'aie pas éprouvé, à de maintes reprises, l'envie d'échanger avec lui sur tout et sur rien, mais simplement parce qu'elle n'avait pas envie qu'il remarque sa contrariété et l'interroge à ce sujet. De Kernos, elle n'avait plus envie de parler, pas plus qu'elle n'avait envie de lui répondre, et encore moins envie de le laisser gâcher ses têtes-à-têtes avec celui qui l'avait emmenée sur les routes.

Kernos avait bel et bien réussi à la perdre à force de jouer avec sa patience, à force de ne pas tenir ses promesses surtout.

Elle lui répondrait, plus tard, lui accorderait cette entrevue qu'il souhaitait, par respect pour ce qu'ils avaient partagé jadis, mais il était hors de question qu'il vienne chambouler leur plan d'itinéraire à Kelso et elle.



[Sancerre, le 23 juillet 1460, là où le coeur s'emballe :]

Sancerre... Sancerre et son lot de souvenirs... Sancerre et les pages jamais vraiment tournées... La mort de Zeltraveller à deux jours de leurs noces à Montargis... Maleus et Hugoruth, les erreurs de choix, les sacrifices faits, les promesses non tenues de Hugo, l'abandon en Lyonnais ensuite...

Tout lui était revenu en mémoire, à la Vicomtesse, et quand une femme s'ouvre de ses états d'âme et de ses souvenirs à un homme, quand c'est homme soudain devient son confident et s'ouvre en retour, il n'est pas loin le moment où les coeurs eux aussi se décident à s'ouvrir...

Pour la première fois, tous deux avaient abordé autrement que vaguement le sujet du mariage de Kelso, pour la première fois il s'était ouvert à elle de ce qu'il ressentait, de ce qui le rongeait, et puis, surtout, pour la première il avait abordé la question de l'après... De ce lien qui devenait chaque jour plus fort entre eux mais que chacun des deux taisait, se refusait à admettre non seulement à l'autre mais également à lui-même.

Alors, après les coeurs, se furent les mains qui s'ouvrirent, avant que les lèvres ne les imitent... Une nouvelle fois, Sancerre servait de décor aux battements de coeur de la Méricourt.

Sancerre, terre de deuil, terre de renouveau, terre d'histoire à écrire.

_________________

Je voudrais que la terre s'arrête pour descendre.(Gainsbourg)
Terwagne_mericourt
[Cosnes, le 24 juillet 1460, quand la légèreté cède sa place à l'angoisse, aux angoisses :]


Cosnes n'était qu'une étape, ni plus ni moins, avant de rejoindre Tonnerre et puis de retourner en Champagne.

Cosnes c'était une journée de plus pour apprendre à se connaitre, pour continuer ce qui avait pris une nouvelle tournure à Sancerre.

Cosnes, c'était une journée commencée dans la douceur et la tendresse nées la veille, c'était aussi de nouveaux aveux, de nouvelles confidences.

Mais Cosnes, c'était aussi et surtout une ville que Terwagne quitta le coeur rempli d'angoisse, et pour cause...

Quelques années auparavant, c'était sur cette même route qu'ils allaient parcourir, celle reliant Cosnes à Tonnerre, que la Vicomtesse avait frôlé la mort suite à sa rencontre avec l'armée de Jackfarell, sur cette même route qu'elle avait hérité de la première empreinte de lame sur et dans son ventre, de cette blessure dont elle restait persuadée qu'elle l'empêcherait d'être mère un jour, à moins d'un miracle.

Alors oui, au moment de plier bagage, après s'être ouverte de ces souvenirs précis à celui avec qui elle partageait désormais bien plus qu'un itinéraire de voyage, elle avait peur. Peur que ce voyage ne tourne au drame comme cette nuit où son sang avait coulé dans le fossé.

Mais en plus de cette angoisse, il y avait aussi dans le coeur et la tête de la Méricourt la peur de ce qu'aurait comme issue l'entrevue que Kelso devait avoir juste avant le départ avec un procureur écclésiastique au sujet de ses désirs d'annulation de mariage... Oui, elle avait peur que cette entrevue ne se passe pas bien, qu'elle ne soit que le prémisse d'une mauvaise nouvelle, d'un arrêt sur image, d'un retour en arrière.

Si elle avait su ce qui les attendait tous deux...



[Tonnerre, le 25 juillet 1460, quand les peurs ne sont pas infondées :]

Cette route était-elle maudite? La parcourir devrait-il toujours être synonyme de sang, de blessure, de croix sur le rêve de maternité?

Lorsqu'elle reprit connaissance, Terwagne en était en tous cas persuadée. Son corps était couvert de sang, sa chemise déchirée, ses biens envolés, jusqu'au dernier écu, et son ventre ouvert pour la troisième fois... Maudite! Elle était maudite! Jamais elle ne serait une femme à part entière! Jamais elle ne pourrait donner la vie! Jamais elle ne connaitrait le sentiment d'avoir réussi sa vie en la donnant à un enfant!

Bien plus que physiquement, c'était mentalement qu'elle allait mal, au fond. Même si il fallait bien avouer que son corps avait sacrément morflé cette nuit-là, et que son état était tout de même alarmant.

A quelques pas d'elle, qu'il parcourut tant bien que mal en rampant, Kelso avait lui aussi été la cible des deux agresseurs croisés en pleine nuit. Lui non plus n'avait plus rien, lui aussi était sous le choc, même si c'était beaucoup moins qu'elle.

Et ce qu'il lui annonça n'était pas pour l'aider à aller mieux, que du contraire... L'entrevue de la veille avait été catastrophique, et la conclusion en était qu'il n'y avait aucune raison valable à une demande d'annulation de mariage et que Kelso devait "essayer" de rendre ce mariage concret, "essayer" de le vivre avant de vouloir s'en libérer si jamais tout cela se soldait par un échec.

Le petit nuage où Terwagne flottait depuis deux jours venait de disparaitre pour la laisser s'écraser dans une réalité bien abjecte... Jamais elle n'aurait d'enfant, et Kelso allait retourner en Orléans pour rejoindre son épouse et "essayer". Cette simple expression lui donnait envie de rire nerveusement tant c'était ridicule, grotesque, absurde. Comment peut-on parler "d'essayer de consommer un mariage"? Pour se marier, dans la tête de Terwagne, il fallait avant tout aimer. Et lorsque l'on aime, on ne doit pas faire d'effort pour désirer aimer de tout son être - corps et âme -, c'est l'un des fondements de l'amour

Mais le comble du comble, c'est qu'en plus il lui conseillait "d'essayer elle aussi avec Kernos"! Elle s'étouffa, avant d'exploser, avant de laisser les mots franchir ses lèvres, en cascade, en torrent, en aveux, en incompréhensions,... Le tout entremêlé de larmes.


Je présume qu'en effet l'annulation n'est pas possible, je ne le nie pas.
Je ne pensais juste pas que vous ferriez... que vous tireriez aussi rapidement, simplement, brusquement, un trait sur ce qui commençait si bien.

Je suis trop naïve, je sais...

Et vous, vous avez l'air certain que demain vous aurez oublié vos envies et les miennes, et réussirez à vous investir pour essayer.


Il l'avait alors interrompue, lui expliquant qu'il s'agissait uniquement d'une tentative, et que si celle-ci échouait, alors l'annulation serait possible ensuite.

Mais cela ne changeait rien au fait qu'il lui conseillait d'essayer ailleurs elle aussi, et c'était bel et bien cela qui la mettait le plus hors d'elle-même.


Et d'ici là? je suis sensée faire quoi?
Tirer un trait de mon côté?
Espérer égoïstement que ça ne marchera pas?

Je suis juste... perdue, voila!
Tout se bouscule en moi...
Dois-je attendre en espérant?
Dois-je faire un trait, prendre le risque de m'engager ailleurs et de ne plus être libre si un jour vous l'étiez pour de bon? M'en mordre alors les doigts?


Entre deux de ses phrases, lui essayait de la convaincre, lui expliquant qu'elle devait essayer de s'engager ailleurs, qu'il ne souhaitait pas faire l'égoïste en lui faisant miroiter une annulation dont il n'était pas certain de pouvoir l'obtenir, et encore moins quand. Que cela serait très mal placé de sa part comme attitude.

Mais elle ne parvenait plus à retenir les mots, qui continuaient à affluer, encore et encore.


Je ne vous avais rien dit, parce que je voulais mettre toutes les chances de notre côté, nous donner une vraie chance...

Kernos m'a écrit...
Je n'ai pas répondu, parce que je ne voulais pas qu'il se mette entre vous et moi!

J'ai ignoré son courrier... ça ne signifie rien, pour vous?
Depuis Orléans, je sais qu'il est en Champagne et me cherche là-bas, et je n'ai pas fait demi-tour, j'ai fait ce que nous avions prévu vous et moi.

Peut-être ne devrais-je pas dire ce qui va suivre, peut-être le prendrez-vous mal, comme souvent, mais... j'ai besoin d'être franche jusqu'au bout avec vous... Et où vous verrez quelque chose de péjoratif, de laid, je voudrais que vous compreniez l'aveu surtout, l'importance de la confiance que j'avais en vous, et même en nous....

Dire que penser ou lire Kernos ne me fait plus ni chaud ni froid serait mentir, parce que oui il a laissé son emprunte en moi, je l'ai aimé d'un amour terrible, devenu aussi cruel que ce qu'il n'était brûlant jadis... Et j'ai toujours été sûre que personne ne parviendrait à l'effacer, à me faire briser le dernier lien qui me liait à Kernos.

Mais vous... Vous!

Oui, j'ai cru, et hier encore, que si un seul homme pouvait me donner la force de le briser, ce fantôme de lien, c'était bien vous, et vous seul! Juste vous!


Alors, il s'était livré, avouant que lui aussi y avait pensé, l'avait espérer, qu'il était aussi perdu qu'elle, mais qu'il n'avait pas le choix, qu'il devait "essayer". Et la discussion s'était close sur ces quelques mots terribles...

Je suis trop perdue pour y voir clair.
Vous me renvoyez vers lui, et je crois que c'est le pire qui pouvait arriver.

Je vais m'effacer, pour vous donner une chance d'y arriver, et je présume que lorsque je croiserai Kernos en Champagne, je gèrerai nos retrouvailles bien différemment que ce que je le pensais hier encore... pas avec la même force, pas avec la même certitude de pouvoir être heureuse ailleurs, sans lui, loin de lui.


Aucun des deux n'avait repris la route ce soir-là, leur état de santé et de fatigue ne le leur permettant pas...


[Tonnerre, le 26 juillet 1460, quand le mot dilemme prend tout son sens :]

La journée avait commencé par une très brève missive qu'il lui avait adressée, lui demandant si elle avait reçu réponse du prévôt ou du procureur concernant la plainte déposée contre leurs agresseurs, lui disant son inquiétude pour son état de santé, et la prévenant également du fait qu'il reprenait la route le soir-même, avec elle si elle le désirait.

Alors, elle lui avait écrit, une première fois immédiatement, et une seconde fois tard dans la soirée.


Citation:
Très cher Kelso,


De mon côté, j'ai reçu réponse du Procureur, à qui j'avais écrit hier. Peut-être aurais-je également du écrire au Prévôt, ceci-dit...

Concernant le déplacement que vous comptez entreprendre dès ce soir, je dois bien vous avouer que je suis hésitante, et ce pour plusieurs raisons... Mais je vous tiendrai informé de ma décision avant que vous ne preniez la route de toute façon.

Plusieurs raisons, disais-je donc...

Premièrement, mon état de santé, parce que vous aviez raison, cette blessure n'est pas si légère que je ne l'avais cru au départ. Aurais-je assez de force pour voyager? Jusque Conflans, sans doute, oui, mais jusque Montargis j'en doute. J'ai besoin de reprendre des forces, et de me faire soigner correctement.

Deuxièmement, je ne sais si c'est une bonne idée que je vous accompagne là où vous retrouverez votre épouse... Ne serait-ce pas une façon de m'imposer? Je suis perdue, tout comme hier, je ne vous le cacherai pas.

Ma nuit fut-elle bénéfique pour moi? Je ne pense pas, non. Dire le contraire serait vous mentir, et c'est bien la dernière des choses que j'ai envie de faire avec vous au fond... vous mentir. Je ne vous cacherai donc pas que bien plus que cette attaque et les blessures physiques qui en découlent, l'annonce du résultat de votre entrevue avec le procureur écclésiastique m'a profondément chamboulée, et trotté en tête toute la nuit... J'ai repensé à cette lettre tout au début, où vous posiez la question de savoir si notre rencontre n'aurait servi à rien puisque de toute façon nous allions nous séparer...

Je pense à vous...


Terwy.


Citation:
Très cher vous,


Mon état ne s'est guère amélioré au cours de la journée, et sans vouloir être critique, je me demande très sérieusement si le médicastre qui est sensé me soigner est compétent. Il se contente de regarder ma plaie en grimaçant, comme si ses froncements de sourcils allaient effrayer l'infection et l'empêcher de s'installer.

Je sais que la route sera pénible, et peut-être même me serra fatale, mais j'aimerais vraiment que vous me rameniez en Champagne, où les médicastres doivent sans conteste être bien plus capables qu'en Bourgogne. J'ai déjà survécu à deux entailles au moins aussi profonde au même endroit, celle-ci pourra bien attendre un jour de plus avant que je ne m'alite pour de bon.

Et puis, surtout, il y a une autre raison que l'incompétence du gredin bourguignon qui se fait appeler médicastre...

La vérité c'est que si nos chemins doivent se quitter, que ça soit pour quelques semaines, quelques mois, ou à jamais - dieu que cette pensée m'effraie - j'aimerais qu'ils le fassent sur cette terre où ils se sont croisés, emmêlés pour quelques jours.

J'aimerais vous tenir la main durant encore quelques pas au moins dans ce duché où la parenthèse s'était ouverte : la Champagne.

Je vous attendrai donc ce soir à l'heure du départ que vous avez prévu, et suis confiante puisque vous m'escorterez jusqu'à "notre" duché.


Terwy



La réponse du Duc ne s'était pas faite attendre, et elle constituait sans conteste la plus belle lettre qu'elle aie reçu signée de sa plume. Une lettre dont l'en-tête à elle seule lui avait rendu espoir... "Ma Terwy", avait-il écrit... Une lettre où il lui disait avoir bien réfléchi durant la nuit, mais également qu'il avait pris la décision de mettre carte sur table avec son épouse, d'arrêter de lui mentir et de se mentir à lui-même, et puis, surtout, c'était une lettre où il lui disait que le fait qu'il la dépose en Champagne ne constituait pas un adieu, juste un petit à bientôt.

Elle y avait cru, et lui aussi sans doute, du moins elle le pensait et même le pensa durant plusieurs jours.

_________________

Je voudrais que la terre s'arrête pour descendre.(Gainsbourg)
Terwagne_mericourt
[Conflans, le 27 juillet 1460, l'heure d'un "petit à bientôt" :]

La route pour rejoindre la Champagne n'avait pas été fatale à Terwagne, mais l'avait néanmoins vidée encore un peu plus du peu d'énergie qu'il lui restait. Aussi, après avoir consulté un médicastre digne de ce nom, avait-elle résolu de dormir quelques heures.

Quelques heures, oui, mais qui furent au final bien plus nombreuses que ce qu'elle ne l'avait cru au départ. Et lorsque enfin elle rouvrit les yeux, le soleil avait déjà fait place à la lune.

Sur sa table de chevet, quelqu'un avait déposé trois missives, sur lesquelles elle reconnut les sceaux de Aimelin, de Jim, et de Kernos, mais qu'elle n'eut pas le temps de décacheter et lire de suite, la porte s'ouvrant sur Kelso, qu'elle accueillit avec un soupir de soulagement. Elle avait craint d'avoir dormi si longtemps qu'il ne soit déjà parti sur la route qui le ramènerait en Orléans et à son épouse.

Soulagement, tristesse, espoir, crainte pourtant,... Ses sentiments étaient chamboulés, et malgré tous ses efforts, tous leurs efforts à tous deux d'ailleurs, leurs sens ne tardèrent pas à suivre l'exemple des sentiments.

La pente était devenue vertige, précipice, où les bonnes résolutions de sécurité avaient bien du mal à parler plus fort que les envies, à se frayer un chemin pour retenir les gestes.

Ce ne fut qu'au prix d'un effort dont elle commençait à ne même plus se croire capable, que la Vicomtesse réussi à ce que le mot "consommation" ne s'inscrive pas dans leur relation. Il s'en était fallu de peu, mais comme elle le lui avait dit alors, en guise de baissé de rideau, elle ne voulais pas de raisons de lui en vouloir les soirs où elle désespérerait de le voir revenir.

Il avait compris, et était parti sur un "A très vite" qui lui avait rempli le coeur d'espoir et de foi.

Le lendemain, elle lui adressait une lettre...


Citation:
A vous,

C'est étrange, quelques lieues à peine nous séparent depuis cette nuit, et j'ai l'impression de vous sentir si loin déjà... Une autre ville, un autre duché, une autre vie sans doute aussi.

J'espère que votre voyage nocturne s'est déroulé pour un mieux, et que... Je ne sais au juste ce que je souhaite pour vous au sujet de ce voyage, pour être franche. Je souhaite votre bonheur, de cela je suis certaine, mais je me demande si le reste de mes espoirs concernant l'issue de cette union n'est pas uniquement égoïste. Je devrais penser à vous, espérer pour vous uniquement, mais j'ai bien du mal à ne pas espérer ce qui m'arrangerait moi.

J'ai passé la nuit à me demander si j'avais bien fait de reprendre mes esprits hier en vous poussant à partir avant de trop succomber à ce feu que je sentais naître et croitre en moi... Moralement, j'ai eu raison, sans doute oui, mais je ne peux m'empêcher de craindre que vous m'en vouliez, tout comme je ne peux m'empêcher de repenser à cette douceur remplie de frissons dans laquelle je me sentais si... si moi, vivante, libre.

Je regrette! Je regrette d'oublier par moment vos chaînes, mais je regrette bien plus encore d'être si impuissante à les accepter et les respecter. Je suis bien trop faible en face de vous, en face de nous, et le pire c'est que j'y prend plaisir à ces pêchés.

Vous me manquez, et je n'ai pas encore trouvé le courage de répondre à Kernos, qui m'a de nouveau écrit hier soir de plus. Il se trouve à Conflans, et je suppose que je ne pourrais pas fuir une entrevue.


Je pense à vous, de tout mon être.

Terwy.


------------------------------

[Conflans toujours, le 30 juillet 1460 :]

Deux longues journées s'étaient écoulées depuis le départ de Kelso, et la troisième en était déjà aux deux tiers, et toujours aucune nouvelle de sa part... Aucun courrier, pas même une réponse au sien, qu'il devait pourtant avoir reçu rapidement vu le peu de distance séparant les deux villes.

Cela ne lui ressemblait pas, ça devait être un mauvais présage! Jamais depuis leur rencontre il n'était resté plus d'un jour sans lui écrire, parfois pour rien même. Leur correspondance avait toujours été régulière, quotidienne, alors que le lien qu'ils partageaient était alors bien peu de choses en comparaison de ce qui les unissait à présent.

Terwagne ne comprenait pas, ou plutôt avait peur de trop bien comprendre... Peur de se résoudre à accepter ce que de plus en plus elle voyait comme une évidence : les retrouvailles avec son épouse s'étaient mieux déroulées que prévu, l'essai était conclu et concluant, il ne reviendrait pas...

C'est dans cet état d'esprit qu'elle se trouvait lorsqu'elle reçut la convocation du Procureur de Bourgogne, lui annonçant qu'ils avaient interceptés les deux angevins l'ayant agressée et volée, l'ouverture du procès, et le besoin d'entendre son témoignage au plus vite si son état de santé le lui permettait.

Elle irait! Même si sa santé était encore plus que fragile!

Elle se mit donc immédiatement à préparer son départ, ramassant le peu d'affaires qu'elle avait dans la chambre d'auberge qu'elle occupait depuis quelques jours, et tomba sur les trois courriers auxquels elle n'avait toujours pas répondu... Celui de Aimelin et celui de Jim attendraient qu'elle se sente suffisamment forte pour écrire plus de trois lignes.

Celui de Kernos eut au final plus de chance, quoi que...


Citation:
Baron,


Vous avez raison, je paraissais dolente lorsque vous m'avez aperçue en compagnie du duc Kelso, et le suis toujours depuis lors. Pour tout vous dire je suis même dans un bien piètre état depuis plusieurs jours, suite à une attaque que j'ai subie de la part de deux malfrats angevins sur cette route qui décidément me porte malheur, celle qui sépare Cosnes de Tonnerre.

J'ai rejoint la Champagne au surlendemain de cette agression, sans le sous, dépossédée de tous mes biens, mais surtout marquée d'une troisième balafre au niveau du ventre. S'il me restait quelque infime espoir d'être mère un jour, celui-ci s'est envolé cette nuit-là. Mais que vous importe tout cela, au fond? Rien sans doute.

Quoi qu'il en soit, si vous désirez toujours me rencontrer pour me donner ce "quelque chose avant de me laisser à ma liberté afin que tout finisse enfin", pour reprendre vos mots, sachez que je chercher une escorte pour repartir à Tonnerre dès ce soir, afin d'y témoigner dans le procès ouvert à l'encontre de mes agresseurs. cela ne me rendra ni la santé ni l'espoir, mais au moins j'aurais servi la justice jusqu'au bout.

A vous de voir...

Terwagne Méricourt

_________________

Je voudrais que la terre s'arrête pour descendre.(Gainsbourg)
Kernos
[Conflans-les-Sens, le 27 juillet 1460, coup du sort]

Kernos avait quitté Montargis aussi vite qu'il n'y était arrivé, poursuivi par trop de fantômes qui n'étaient pas tous siens. Il s'était échoué à Conflans, comme l'épave qu'il était, cherchant juste un répit dans sa chute... Il en avait bien besoin, mais le repos, tout comme le reste de sa vie, lui échappa.

Le problème de la dérive, c'est que l'on ne sait jamais quand elle s'achève. Trop de chose se bousculait à travers lui pour qu'il puisse, ne serait quelques secondes, reprendre souffle. La fièvre... Terwagne... les regrets... les douleurs charnelles... Terwagne... l'idée de la mort... les souvenirs... Terwagne... encore et toujours elle qui donnait la main à la ribambelle de ses tourments, tournoyant, avançant et reculant en cadence dans cette grande farandole.

Il déboucha ce qui restait de sa bouteille. Grand Dieu, qu'il aurait aimé être ivre plutôt que fou... Mais le Créateur Tout Puissant ne lui laissait pas ce loisir: le calva était presque tari.

Alors il chercha de quoi troubler ses lamentations. Une nuit de veille sur les murs de cette cité dont il ignoré tout, jusqu'au nom de ses habitants.

La nuit lui paru étonnement presque belle à ses yeux, moins terne que ces derniers mois. Etait-ce l'effet de l'alcool, ou bien de la maladie? Il s'en moquait. Pour une fois, il était seul sous la lune. Tout n'était que silence, bonne et saine solitude...

Qui y avait-il de différent?

Ses errements étaient toujours bien présents. La brûlure lancinante de sa blessure lui mordait toujours l'épaule. Kernos n'était toujours pas en paix avec lui-même.

Alors d'où venait ce changement dans l'atmosphère?

Etait-ce de guetter comme il avait fait presque toute sa vie sur les remparts qui le rassurait? Etait-ce le fait d'être un étranger pour des inconnus plutôt que pour les siens? Ou bien de faire autre chose que poursuivre égoïstement la femme qu'il ne cessait d'aimer?

Il l'ignorait, et c'était mieux ainsi. Pourquoi chercher à comprendre, après tout? S'il perçait se mystère, celui-ci laisserait place à nouveau à sa réalité pathétique... autant profiter de cet instant incompréhensible et serein.

Combien de temps s'était écoulé? Les premières lueurs de l'aube crevaient déjà l'épaisse toison de la nuit, annonçant le petit matin d'un jour nouveau.

Kernos s'étira prudemment pour éviter que la plaie ne s'ouvre à nouveau. En contrebas, deux cavaliers approchaient sur la route conduisant aux portes de la ville. Deux ombres grandissant dans la pénombre, se détachant progressivement du tableau de la nature s'éveillant paresseusement. Il les suivi négligemment du regard, pour tromper l'ennui et la lassitude qui le gagnaient à nouveau. Quoi de plus banal?

L'un des cavaliers semblait recroquevillé sur sa monture... la fatigue sans doute d'une longue chevauchée nocturne. Il continua à les suivre du regard, dans quelques secondes, ils passeraient juste à ses pieds avant de gagner l'entrée de Conflans... Encore un pas ... ça y est!

Kernos resta bouche bée... Etait-ce la fatigue qui lui faisait prendre ses obsessions pour la réalité? Il se frotta les yeux vivement, regarda à nouveau... non, il ne s'était pas trompé, il ne pouvait se tromper, malgré la distance, malgré l'obscurité s'attardant, il ne pouvait confondre, ni oublié qu'il avait tant de fois admiré, caressé dans des nuits plus sombres encore... Terwagne.

Il se colla contre les créneaux, déjà elle s'éloignait en compagnie du cavalier qui l'accompagnait. Il avait envie eu envie de crier son nom, mais sa voix s'était brisée au fond de sa gorge, ne laissant échapper de ses lèvres qu'un murmure audible que pour lui-même.


Terwagne...


Il se précipita de l'autre côté du chemin de ronde pour la regarder s'engouffrer entre les maisons. Elle tenait à peine en selle. Son coeur bondissait dans sa poitrine, tambourinant son excitation, son inquiétude, sa folie à lui en briser les côtes. Il avait envie de bondir à sa poursuite, mais ses jambes se dérobaient sous lui... Comme si son corps et son esprit se déchiraient entre deux envies contradictoires... Il n'avait plus le droit, il ne le méritait pas.

Tiraillé entre ses désirs et sa culpabilité, Kernos resta là, bien après qu'elle est disparue dans la ville. La seule concession qu'il trouva entre ses deux camps qui se disputaient sa réaction et sa volonté, fut de prendre la plume.


Citation:
Terwagne,

Des remparts, je t'ai vu ce matin franchir les portes de Conflans.

Vacillante sur ta monture comme l'aube naissante, je n'ai osé t'appeler, seulement te murmurer... je ne suis qu'une ombre et ne souhaitais pas importuner ta compagnie. Seulement, tu m'as semblé bien dolente, aussi ai-je pris la plume pour m'enquérir de ton état.

Libre à toi de me répondre ou non, sache simplement que je suis présent ici si tu le souhaites.

K...


Puis, il attendit.

_________________
Terwagne_mericourt
[Tonnerre, le 31 juillet 1460, voyage au coeur des cendres :]

"Est-ce que toi aussi ça te bouleverse
Ces quelques cendres que l'on disperse ?
(Miossec - Tonnerre de Brest)



Kernos n'avait pas tardé à répondre à son "invitation", si tant est que l'on puisse appeler de la sorte les mots qu'elle lui avait adressés. Et c'est ainsi que tous deux prirent la route, ensemble de corps, et uniquement de corps, n'échangeant pas un traitre mot. Elle, elle n'avait pas envie de lui parler, et cela se sentait à des lieues à la ronde.

Quiconque connait un minimum la Vicomtesse sait à quel point elle est incapable de cacher ce qu'elle ressent, et ce jour-là, ou plutôt cette nuit-là, elle ne fut pas différente. Son visage fermé et froid comme celui d'une statue de marbre invitait à tout sauf à la contrariété, à tout sauf au dialogue.

Ils quittèrent donc la Champagne silencieux, et entrèrent dans Tonnerre toujours aussi silencieux, la Méricourt tenant les brides de sa monture d'une main, l'autre posée sur son ventre qui la faisait atrocement souffrir, même si cette douleur-là n'était rien en comparaison de celle qui lui martelait les tempes tandis que les souvenirs affluaient.

Souvenirs récents, de l'agression subie quelques jours plus tôt à peine... Souvenirs plus anciens, de la première attaque qu'elle avait subie près de Tonnerre également... Et entre les deux, souvenirs du voyage qu'elle avait fait là-bas avec Kernos à l'époque de leur amour partagé, enflammé, mais désormais consumé et dont les cendres finissaient de se disperser.

Toujours silencieuse, elle entra dans la première auberge que leurs pas croisèrent, demanda deux chambres, lui tendit une des deux clés, et garda l'autre. Une montée d'escaliers plus tard, elle refermait derrière elle la lourde porte, l'abandonnant dans le couloir.

Elle avait des courriers à écrire...

Elle commença par trois lignes adressées au Procureur de Bourgogne, le prévenant de son arrivée et du fait qu'elle se tenait à sa disposition quand il le désirerait.

Une fois cette première missive scellée, elle prit le temps de relire la dernière lettre reçue de la part de Aimelin, et y répondit, moins longuement et moins durement qu'elle ne l'aurait fait si elle n'avait pas frôlé la mort quelques jours plus tôt. On a beau dire, les évènements nous changent, et l'état d'esprit dans lequel nous sommes modifie bien plus nos courriers que le choix de l'encre ou de la plume ne le feront jamais.


Citation:
Messire l'ébouriffé,


J'ai bien reçu votre dernier courrier, qui m'a trouvée en bien meilleure santé que ce que je ne le suis à présent.

Cette missive ne sera sans doute pas très longue, et aura tardé à vous parvenir, mais n'y voyez nulle autre raison que le fait que j'aie frôlé la mort il y a à présent huit jours, sur la route qui relie Cosnes à Tonnerre. Vous comprendrez donc aisément que je ne sois point en état, ni physiquement, ni psychologiquement, de remplir ce vélin, que ce soit de colère ou d'excuses, que ce soit d'attaques ou de contre attaques.

Je suis lasse, Aim'... Tellement lasse de tous ces cris, de tous ces coups, de toutes ces incompréhensions, de toutes ces tensions.

Je repense quelques fois avec nostalgie à l'époque où tout semblait si simple entre vous et moi, et tout cela me parait si loin. Tellement loin.

Avons-nous donc tant changé tous les deux? Ou bien avons-nous frôlé de trop près ce précipice que pour ne pas être capables d'y repenser à présent sans ressentir de frustration?

Je l'ignore, mais si c'est le cas je regrette de m'en être approchée, et aurais préféré rester sur ce sentiment qui était mien, qui était nôtre, en quittant une certaine salle d'archives à Paris.

Non, je n'ai pas oublié...


Terwagne.


Le meilleur pour la fin? Oui, c'était sa devise ce jour-là. Rien d'étonnant donc à ce que le dernier courrier qu'elle rédigea fut celui adressé à son futur vassal.

Citation:
Très cher ami,


A l'heure où vous recevrez cette missive, j'imagine que vous vous demanderez depuis de nombreux jours pourquoi je ne vous ai toujours pas répondu. La raison n'en est malheureusement pas un emploi du temps trop chargé, ni même le fait que je vive d'amour et d'eau fraiche enfermée avec un homme qui fait battre mon coeur.

J'aurais préféré cela à la réalité, ceci-dit, mais on ne choisit pas, et la réalité est bien moins agréable ou passionnante.

La raison de ce temps mis à vous répondre est en fait à chercher dans mon état de santé depuis un peu plus d'une semaine à présent. Je ne suis pas retombée malade, rassurez-vous au moins sur ce point-là, et pour tout dire j'avais même retrouvé l'appétit et quelques formes depuis notre dernière rencontre, mais j'ai malheureusement été victime d'une agression nocturne, suivie d'un vol, de la part de deux angevins, alors que je me rendais à Tonnerre après avoir quitté Cosnes. J'ai tout perdu cette nuit-là, y compris le faible espoir qu'il me restait d'être mère un jour, puisque la cible de leur lame fut mon ventre.

Le Duc Kelso, qui m'accompagnait comme vous l'aviez bien compris, a lui aussi été blessé cette nuit-là, et sans lui pour me ramener en Champagne consulter un médicastre digne de ce nom, je ne sais si je serais encore en vie aujourd'hui.

Quoi qu'il en soit, je me remets doucement de cette agression et de mes blessures, surtout morales vous l'aurez compris, et ai du reprendre la route de Tonnerre hier soir, afin de témoigner dans le procès qui se tient actuellement à l'encontre de mes agresseurs.

C'est étrange, pour la première fois de ma vie je vais voir la justice depuis l'autre côté du décor... Cela me fait une impression bien difficile à expliquer, et me fait également repenser à tout ce qui me manque de la Cour d'Appel, à commencer par vous tous avec qui j'aimais tant travailler.

J'espère de tout coeur que de votre côté tout va pour le mieux, et que la vie nous permettra de nous revoir bientôt.

En parlant de coeur, vous aviez raison... Le mien s'est à nouveau ouvert, mais je ne suis vraiment pas certaine que cela soit une bonne chose. Le destin ne semble pas prometteur à ce niveau-là.

Je vous envoie toutes mes amitiés, ainsi qu'à votre épouse.


Terry


Et au moment où elle scellait ce dernier courrier, un messager vint lui remettre une missive qu'elle commençait à désespérer de recevoir, signée de la main de celui qui ne quittait plus ses pensées... Kelso.
_________________

Je voudrais que la terre s'arrête pour descendre.(Gainsbourg)
See the RP information <<   1, 2, 3, 4   >   >>
Copyright © JDWorks, Corbeaunoir & Elissa Ka | Update notes | Support us | 2008 - 2024
Special thanks to our amazing translators : Dunpeal (EN, PT), Eriti (IT), Azureus (FI)