Grayne
De la relativité de la confiance et des bonnes idées chez les gueuses aux pieds sales.
Le soleil est déjà prêt à pointer le bout de son nez, faiblard et rougeot en cette matinée de printemps. Recroquevillée derrière un buisson épais, la fripouille tâte ses gencives en sang pour s'assurer qu'il ne manque pas une nouvelle dent à l'appel. A part celle déjà tombée quelques semaines plus tôt sur les terres lyonnaises, elles sont toutes là. Grayne crache avec dédain une gerbe de salive rougie sur le sol humide.
Quelle poisse ! Marmonne-t-elle en massant son bras douloureux.
La nuit a été longue et la journée qui l'attend ne le sera pas moins. C'est ce qui arrive quand ce qui semble une bonne idée tourne à la position fâcheuse. Elle se redresse et passe doucement sa tête au-dessus des feuilles. La vieille cahute décrépie qui leur avait servi d'abris pendant la nuit se tenait plus loin, la légère fumerolle du feu de fortune s'élevant encore de ce qu'il reste de la cheminée.
A coup sûr, celui qui jusqu'il y a quelques heures était son partenaire devait encore s'y trouver, et sans le moindre doute, l'épée tendue prête à braver le danger.
Oui, la finaude crapule est bien dans une position fâcheuse. Elle s'allonge sur le sol, sa robe déjà crasseuse s'imprégnant un peu plus de le boue forestière.
Raah ! Putain de chiure !
Elle porte rapidement ses mains à sa bouche en se maudissant de jurer plus vite que son ombre. Elle reste alors immobile quelques instant, attentive au moindre bruit aux alentours. Rien n'est perdu non, ça c'est sûr ! Mais il va falloir être sacrément rusée pour se sortir de ce bourbier. Ou bien avoir les pognes un peu plus dures. La fatigue lui tire les membres. Dormir juste quelques minutes...
La journée va être bien longue...
Ses paupières lasses se ferment une seconde.
L'ennui est quelque chose qui ne sied pas bien au teint de la donzelle. Et si cet ennui prend racine dans une ville aussi morne que triste, il n'en faut pas plus pour jeter Grayne dans le tourbillon des décisions brusques. Il en faut une pour démarrer, comme la proposition d'un quasi inconnu croisé quelques fois autour d'une chope de partir en rapine sur les chemins par exemple... Pour que l'amour des surprises et de l'imprévu la tire en avant comme le bas d'une jupe prise dans la roue d'une charrette.
Et après des semaines à tourner en rond, errant mollement dans les rues de Blois en rongeant son frein, autant dire qu'il fallait une bonne dose quantité de décisions aussi brutales que non réfléchies pour satisfaire la soif de nouveauté de la donzelle édentée.
La nuit tombée, ils attendaient, légèrement abrité sous ce qui restait de toit d'une vieille bicoque en bord de route. La route était largement fréquentée. Ils n'auraient pas eu de mal à trouver badaud en vadrouille à qui soutirer piécettes ou même charriote. Le brun un peu bourru qui lui tenait lieu de nouvel acolyte alla se reposer quelques minutes, Grayne prenant son tour de surveillance.
Et là, ce fût pire quune envie de pisser.
La donzelle ne voyais plus que la bourse accrochée sous le mantel de lhomme allongé. Elle brillait à ses yeux comme une insolente lanterne en pleine nuit. Peu importe si elle contenait un denier ou quelques écus, il lui fallait faire sienne cette bourse impudente !
Ni une ni deux, Grayne s'approche à pas de loup du brun endormi. Une main se glisse doucement sous le mantel et tâte doucement la ceinture, l'autre la rejoignant rapidement, un petit couteau à la main pour trancher la lanière récalcitrante.
Comme quoi, lhonnêteté, la confiance et les bonnes idées sont toutes trois des choses toutes à fait relatives.
Et dun geste vif, le brun ouvre l'il et saisit le poignet coupable. Un poing vole, en plein dans la mâchoire de la détrousseuse. Grayne tente de se débattre et de répliquer, mais surprise, c'est seulement un autre coup dans le bras qui lui tombe dessus. Pas folle, et sachant très bien que le brun ne dors jamais loin de son épée, c'est en détalant comme un lièvre vers l'orée des bois que la donzelle répliqua cette fois. Penaude et endolorie, c'est une Grayne attrapée la main dans le sac, qui imaginait la rage de son acolyte, cachée et tapie dans la boue.
Elle ouvre à nouveau les yeux. Le soleil ne sest pas encore tout à fait levé, tant mieux, elle n'a pas du dormir longtemps.
Oui, la journée va être longue, et la partie n'est pas encore finie...
Le soleil est déjà prêt à pointer le bout de son nez, faiblard et rougeot en cette matinée de printemps. Recroquevillée derrière un buisson épais, la fripouille tâte ses gencives en sang pour s'assurer qu'il ne manque pas une nouvelle dent à l'appel. A part celle déjà tombée quelques semaines plus tôt sur les terres lyonnaises, elles sont toutes là. Grayne crache avec dédain une gerbe de salive rougie sur le sol humide.
Quelle poisse ! Marmonne-t-elle en massant son bras douloureux.
La nuit a été longue et la journée qui l'attend ne le sera pas moins. C'est ce qui arrive quand ce qui semble une bonne idée tourne à la position fâcheuse. Elle se redresse et passe doucement sa tête au-dessus des feuilles. La vieille cahute décrépie qui leur avait servi d'abris pendant la nuit se tenait plus loin, la légère fumerolle du feu de fortune s'élevant encore de ce qu'il reste de la cheminée.
A coup sûr, celui qui jusqu'il y a quelques heures était son partenaire devait encore s'y trouver, et sans le moindre doute, l'épée tendue prête à braver le danger.
Oui, la finaude crapule est bien dans une position fâcheuse. Elle s'allonge sur le sol, sa robe déjà crasseuse s'imprégnant un peu plus de le boue forestière.
Raah ! Putain de chiure !
Elle porte rapidement ses mains à sa bouche en se maudissant de jurer plus vite que son ombre. Elle reste alors immobile quelques instant, attentive au moindre bruit aux alentours. Rien n'est perdu non, ça c'est sûr ! Mais il va falloir être sacrément rusée pour se sortir de ce bourbier. Ou bien avoir les pognes un peu plus dures. La fatigue lui tire les membres. Dormir juste quelques minutes...
La journée va être bien longue...
Ses paupières lasses se ferment une seconde.
L'ennui est quelque chose qui ne sied pas bien au teint de la donzelle. Et si cet ennui prend racine dans une ville aussi morne que triste, il n'en faut pas plus pour jeter Grayne dans le tourbillon des décisions brusques. Il en faut une pour démarrer, comme la proposition d'un quasi inconnu croisé quelques fois autour d'une chope de partir en rapine sur les chemins par exemple... Pour que l'amour des surprises et de l'imprévu la tire en avant comme le bas d'une jupe prise dans la roue d'une charrette.
Et après des semaines à tourner en rond, errant mollement dans les rues de Blois en rongeant son frein, autant dire qu'il fallait une bonne dose quantité de décisions aussi brutales que non réfléchies pour satisfaire la soif de nouveauté de la donzelle édentée.
La nuit tombée, ils attendaient, légèrement abrité sous ce qui restait de toit d'une vieille bicoque en bord de route. La route était largement fréquentée. Ils n'auraient pas eu de mal à trouver badaud en vadrouille à qui soutirer piécettes ou même charriote. Le brun un peu bourru qui lui tenait lieu de nouvel acolyte alla se reposer quelques minutes, Grayne prenant son tour de surveillance.
Et là, ce fût pire quune envie de pisser.
La donzelle ne voyais plus que la bourse accrochée sous le mantel de lhomme allongé. Elle brillait à ses yeux comme une insolente lanterne en pleine nuit. Peu importe si elle contenait un denier ou quelques écus, il lui fallait faire sienne cette bourse impudente !
Ni une ni deux, Grayne s'approche à pas de loup du brun endormi. Une main se glisse doucement sous le mantel et tâte doucement la ceinture, l'autre la rejoignant rapidement, un petit couteau à la main pour trancher la lanière récalcitrante.
Comme quoi, lhonnêteté, la confiance et les bonnes idées sont toutes trois des choses toutes à fait relatives.
Et dun geste vif, le brun ouvre l'il et saisit le poignet coupable. Un poing vole, en plein dans la mâchoire de la détrousseuse. Grayne tente de se débattre et de répliquer, mais surprise, c'est seulement un autre coup dans le bras qui lui tombe dessus. Pas folle, et sachant très bien que le brun ne dors jamais loin de son épée, c'est en détalant comme un lièvre vers l'orée des bois que la donzelle répliqua cette fois. Penaude et endolorie, c'est une Grayne attrapée la main dans le sac, qui imaginait la rage de son acolyte, cachée et tapie dans la boue.
Elle ouvre à nouveau les yeux. Le soleil ne sest pas encore tout à fait levé, tant mieux, elle n'a pas du dormir longtemps.
Oui, la journée va être longue, et la partie n'est pas encore finie...