Gypsi
Comme un vent irrésistible, la vie suit ses courbes et file... vers l'avant.*
Bourgogne, an 1460 après l'auréolé
Une silhouette encapuchonnée s'avance dans une ville. En plein jour, au milieu de tous les passants, sous la douce chaleur du soleil, on ne la remarque pas. Entourée entièrement dans une cape miteuse, grise, poussiéreuse et trouée, elle se fraye un chemin, comme elle peut, entre les étales du marché, les gens grouillants de part et d'autres. Discrète. Et quelque peu perdu. La vie n'avait jamais été réellement tendre avec elle, comme c'était le cas pour bien des hommes du petit peuple. Elle n'avait jamais été tendre, et elle était vicieuse et sombre à présent. Fourbe, elle plaçait sous ses pas hésitants et incertains des obstacles invisibles. Elle mettait des branches à hauteur de son visage, qui venait griffer sa peau avidemment, la prenant par surprise. Elle plaçait sur sa route des passants pressés et innatentifs aux autres, qui bousculaient tout sans prendre gare à rien ni personne. La société...
Tout entouré dans sa cape, on ne voyait rien de la personne qui marchait ainsi, lentement, approximativement, vers une direction qu'elle même semblait ignorer. Elle cherchait vraisemblablement à s'éloigner de la place centrale, se fiant davantages aux sons qu'à la vue. De toute part on la poussait, la bousculait, et chaque passant avait généralement la même réplique :
Nan mé !!! Vou' p'vez pas fair' att'tion gue...
Et généralement, la silhouette s'éloignait sans un mot, sans attendre la fin de la réplique, dénuée d'intérêt. Elle finit par parvenir à sortir de la place principale du village. La Bourgogne était une terre animée. Et libre. Pourtant, la jeune femme ne s'y sentait pas à sa place. Elle ne se sentait à sa place nulle part depuis ce fameux jour où elle avait vécut un des pires moments de son existence, dans une forêt du sud... Elle leva un instant le nez vers le ciel, laissant sa capuche dévoiler son visage. Des traits fins, des cheveux longs, et bruns, des yeux fermés. Femme. Des yeux fermés, qui restait la plupart du temps fermés. Aveugle. Fatale réalité qui la gardait en permanence plongée dans le nord, depuis plusieurs mois maintenant. Changée, elle avait bien changée depuis ce jour là. Depuis cette attaque. Des yeux fermés pour une femme aveugle. Fermés, mais pas crevés.
Elle tente de se rapprocher d'un bord de la route. Comme elle le peut. Ses yeux s'ouvrent, dévoilant la noirceur de ses pupilles. Une voix fluette franchit ses lèvres, douce et mélodieuse, comme tout autant menaçante. Elle fixe du regard, un point imaginaire et s'adresse à un homme passant à côté d'elle :
Excusez-moi... ! Vous êtes d'ici ? Connaissez-vous une taverne calme dans l'coin ?
La réponse est donnée, consise. Un remerciement plus tard, la jeune femme s'asseoit sur le sol, au bord de la rue, attendant... Refermant les yeux, ramenant sa capuche sur son visage. Un petit garçon, d'une dizaine d'année à peine s'approche alors d'elle. Il lui attrape la main et elle se relève sans échangé plus de mots qu'il ne faut. Finalement, il la conduit dans la taverne indiquée, où elle s'installe à une table, vide, s'affalant un peu contre le dossier, commandant une pinte en posant un écu sur la table devant elle. La capuche est légèrement relevée, permettant d'apercevoir ses lèvres, qui viennent boire quelques gorgée du breuvage. Elle attend... que le temps passe.
Tu ne devrais pas rester dans de tels endroits Jolan. Va jouer dehors. Pas trop loin, et revient dans un moment. Et ne disparaît pas sans rien dire comme l'autre jour !
Un mélange de sévérité et de gentillesse. Elle qui détestait tant les enfants devait avouer qu'elle avait plus que besoin du petit en ce moment. Il la guidait à travers les méandres des villes. Il était discret, et peu bavard face à elle. Aussi commençait-elle à l'apprécier. Et si elle était toujours méfiante et parfois cassante c'est qu'elle ne voulait pas trop s'accrocher, comme elle ne voulait pas qu'il s'attache trop. Se protéger et le protéger. A sa façon... La porte s'ouvrit, et des pas résonnèrent dans la taverne. Elle attendrait quelque temps dans cette taverne le retour de Jolan, et essayerait de demander si une auberge peu chère se trouvait non loin de là...
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Bourgogne, an 1460 après l'auréolé
Une silhouette encapuchonnée s'avance dans une ville. En plein jour, au milieu de tous les passants, sous la douce chaleur du soleil, on ne la remarque pas. Entourée entièrement dans une cape miteuse, grise, poussiéreuse et trouée, elle se fraye un chemin, comme elle peut, entre les étales du marché, les gens grouillants de part et d'autres. Discrète. Et quelque peu perdu. La vie n'avait jamais été réellement tendre avec elle, comme c'était le cas pour bien des hommes du petit peuple. Elle n'avait jamais été tendre, et elle était vicieuse et sombre à présent. Fourbe, elle plaçait sous ses pas hésitants et incertains des obstacles invisibles. Elle mettait des branches à hauteur de son visage, qui venait griffer sa peau avidemment, la prenant par surprise. Elle plaçait sur sa route des passants pressés et innatentifs aux autres, qui bousculaient tout sans prendre gare à rien ni personne. La société...
Tout entouré dans sa cape, on ne voyait rien de la personne qui marchait ainsi, lentement, approximativement, vers une direction qu'elle même semblait ignorer. Elle cherchait vraisemblablement à s'éloigner de la place centrale, se fiant davantages aux sons qu'à la vue. De toute part on la poussait, la bousculait, et chaque passant avait généralement la même réplique :
Nan mé !!! Vou' p'vez pas fair' att'tion gue...
Et généralement, la silhouette s'éloignait sans un mot, sans attendre la fin de la réplique, dénuée d'intérêt. Elle finit par parvenir à sortir de la place principale du village. La Bourgogne était une terre animée. Et libre. Pourtant, la jeune femme ne s'y sentait pas à sa place. Elle ne se sentait à sa place nulle part depuis ce fameux jour où elle avait vécut un des pires moments de son existence, dans une forêt du sud... Elle leva un instant le nez vers le ciel, laissant sa capuche dévoiler son visage. Des traits fins, des cheveux longs, et bruns, des yeux fermés. Femme. Des yeux fermés, qui restait la plupart du temps fermés. Aveugle. Fatale réalité qui la gardait en permanence plongée dans le nord, depuis plusieurs mois maintenant. Changée, elle avait bien changée depuis ce jour là. Depuis cette attaque. Des yeux fermés pour une femme aveugle. Fermés, mais pas crevés.
Elle tente de se rapprocher d'un bord de la route. Comme elle le peut. Ses yeux s'ouvrent, dévoilant la noirceur de ses pupilles. Une voix fluette franchit ses lèvres, douce et mélodieuse, comme tout autant menaçante. Elle fixe du regard, un point imaginaire et s'adresse à un homme passant à côté d'elle :
Excusez-moi... ! Vous êtes d'ici ? Connaissez-vous une taverne calme dans l'coin ?
La réponse est donnée, consise. Un remerciement plus tard, la jeune femme s'asseoit sur le sol, au bord de la rue, attendant... Refermant les yeux, ramenant sa capuche sur son visage. Un petit garçon, d'une dizaine d'année à peine s'approche alors d'elle. Il lui attrape la main et elle se relève sans échangé plus de mots qu'il ne faut. Finalement, il la conduit dans la taverne indiquée, où elle s'installe à une table, vide, s'affalant un peu contre le dossier, commandant une pinte en posant un écu sur la table devant elle. La capuche est légèrement relevée, permettant d'apercevoir ses lèvres, qui viennent boire quelques gorgée du breuvage. Elle attend... que le temps passe.
Tu ne devrais pas rester dans de tels endroits Jolan. Va jouer dehors. Pas trop loin, et revient dans un moment. Et ne disparaît pas sans rien dire comme l'autre jour !
Un mélange de sévérité et de gentillesse. Elle qui détestait tant les enfants devait avouer qu'elle avait plus que besoin du petit en ce moment. Il la guidait à travers les méandres des villes. Il était discret, et peu bavard face à elle. Aussi commençait-elle à l'apprécier. Et si elle était toujours méfiante et parfois cassante c'est qu'elle ne voulait pas trop s'accrocher, comme elle ne voulait pas qu'il s'attache trop. Se protéger et le protéger. A sa façon... La porte s'ouvrit, et des pas résonnèrent dans la taverne. Elle attendrait quelque temps dans cette taverne le retour de Jolan, et essayerait de demander si une auberge peu chère se trouvait non loin de là...
*Pierre Bottero, Ellana
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