Ingeburge
L'esprit d'Ingeburge était plein de la poule délinquante qui avait établi son campement sur son tabouret. Bien sûr c'était avec une joie ineffable mais bien cachée - qu'elle voyait l'atelier qu'elle venait d'inaugurer se remplir elle qui avait tant craint que l'opération n'accouchât d'un échec. Mais ce gallinacée en son perchoir improvisé était en train de gâter sa bonne humeur bien cachée elle aussi. Depuis qu'elle avait retrouvé cette satanée bestiole, ou plutôt depuis que celle-ci n'avait rien fait d'autre que de la narguer en réapparaissant soudainement et en signalant ostensiblement sa présence, elle songeait au moyen de l'appréhender sans causer de dégâts à la nouvelle installation. Une poule dans un atelier d'artiste, c'était une catastrophe et Ingeburge redoutait les bêtises que pourrait commettre l'insolent volatile. Les parchemins vierges étaient serrés dans leurs coffres de rangement, il n'y avait que peu d'éléments déposés sur la table destinée à préparer les couleurs mais sur le pupitre, une esquisse avait été accrochée. Et puis, matériel et biens rangés ou non, une poule pouvait de toute façon tout ruiner, ne serait-ce qu'en déféquant partout ou en se mettant à picorer tout et n'importe quoi. La Prinzessin avait pourtant été ferme avec les domestiques qui avaient disparu car elle avait eu la bonne idée de leur donner congé : les poules devaient rester dehors, et elle-même qui ne connaissait rien aux animaux de la basse-cour avait tâché de faire comprendre aux oiseaux que non, ils ne pouvaient pas pénétrer et évoluer dans l'atelier et qu'ils avaient un joli cabanon et un jardin assez vaste pour y faire des trucs de poules. Las, Ingeburge avait vite compris qu'il n'allait pas de ses poules comme de ses chiens de chasse : pas d'obéissance, pas de soumission, que de la rébellion et de la criminalité galopante... ce qui n'était, elle en était soudainement frappée, rien d'autre que le portrait de son foutu vassal, Theudbald de Malhuys, seigneur d'Irancy.
Aussi, le concours entre Malkav de Vampérià et Gabrielle Blackney qui venait d'entrer et qu'elle reconnaissait pour avoir voyagé avec elle sans pour autant lui avoir jamais adressé la parole pour savoir lequel des deux avait la plus longue titulature la laissa insensible et non parce qu'elle était effectivement insensible et qu'elle était tout autant hors concours question litanie nobiliaire. Il n'y en avait que pour la poule et l'élaboration d'une stratégie pour se débarrasser de la bête sauvage. La voix juvénile au dehors quémandant une piécette ne la tira pas plus de ses pensées, de toute façon, elle n'avait jamais d'argent sur elle, ou pas grand chose, elle avait un intendant pour payer ce qu'elle dépensait sans avoir jamais à palper le moindre écu. La question était en fait de savoir comment chasser l'intruse tout en restant digne. Il fallait aussi pouvoir la surprendre sans qu'elle n'anticipe rien, au risque qu'elle se carapate en une zone encore plus sensible. Fort heureusement, ça ne volait pas ces machins-là et la duchesse d'Auxerre reprenait espoir à mesure que le mépris grandissait, elle était, sur le papier, en position de force. A condition d'être prête à toucher l'indésirable. Un frisson désagréable lui parcourut l'échine, cette perspective la dégoûtait et amenuisait de fait cette supériorité qu'elle avait pensé posséder.
La porte s'ouvrit à nouveau, pour livrer passage à la dame de Counozouls et à une gamine. Malkav et Gabrielle échangeaient toujours, attendant certainement qu'elle daigne répondre à propos de ce blason à redessiner ou la finalité de l'atelier. Le théâtre d'un massacre, voilà ce qu'elle aurait pu indiquer, en ajoutant qu'elle doutait que le sang du volatile pût servir à confectionner les gueules rutilantes de Rochefort d'Oc, de Bagnols et des Vampérià, même si Dieu sait qu'elle pouvait utiliser des choses bien peu ragoûtantes pour élaborer ses couleurs. La mission était donc, plus que jamais, de mettre fin au règne délétère de la pondeuse. Aussi, ouvrit-elle enfin la bouche pour indiquer après qu'Ariana se fût excusée :
Il y a une poule sur mon tabouret.
La voix avait été froide, et légèrement outrée, l'attentat était de toute façon manifeste. Doucement, elle se tourna vers la criminelle et tendit un index bagué vers cette dernière.
Si elle reste là, je ne pourrai rien dessiner du tout.
Le plan avait été parfaitement ficelé : la poule sauterait, ça c'était certain et elle n'aurait même pas besoin de la toucher pour ce faire. Ses yeux pâles passèrent de l'un à l'autre des quatre personnes entrées dans l'atelier. Restait à savoir qui s'érigerait en adversaire de la poule du chaos.
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[Oui, à la bourre, je sais. ]
Aussi, le concours entre Malkav de Vampérià et Gabrielle Blackney qui venait d'entrer et qu'elle reconnaissait pour avoir voyagé avec elle sans pour autant lui avoir jamais adressé la parole pour savoir lequel des deux avait la plus longue titulature la laissa insensible et non parce qu'elle était effectivement insensible et qu'elle était tout autant hors concours question litanie nobiliaire. Il n'y en avait que pour la poule et l'élaboration d'une stratégie pour se débarrasser de la bête sauvage. La voix juvénile au dehors quémandant une piécette ne la tira pas plus de ses pensées, de toute façon, elle n'avait jamais d'argent sur elle, ou pas grand chose, elle avait un intendant pour payer ce qu'elle dépensait sans avoir jamais à palper le moindre écu. La question était en fait de savoir comment chasser l'intruse tout en restant digne. Il fallait aussi pouvoir la surprendre sans qu'elle n'anticipe rien, au risque qu'elle se carapate en une zone encore plus sensible. Fort heureusement, ça ne volait pas ces machins-là et la duchesse d'Auxerre reprenait espoir à mesure que le mépris grandissait, elle était, sur le papier, en position de force. A condition d'être prête à toucher l'indésirable. Un frisson désagréable lui parcourut l'échine, cette perspective la dégoûtait et amenuisait de fait cette supériorité qu'elle avait pensé posséder.
La porte s'ouvrit à nouveau, pour livrer passage à la dame de Counozouls et à une gamine. Malkav et Gabrielle échangeaient toujours, attendant certainement qu'elle daigne répondre à propos de ce blason à redessiner ou la finalité de l'atelier. Le théâtre d'un massacre, voilà ce qu'elle aurait pu indiquer, en ajoutant qu'elle doutait que le sang du volatile pût servir à confectionner les gueules rutilantes de Rochefort d'Oc, de Bagnols et des Vampérià, même si Dieu sait qu'elle pouvait utiliser des choses bien peu ragoûtantes pour élaborer ses couleurs. La mission était donc, plus que jamais, de mettre fin au règne délétère de la pondeuse. Aussi, ouvrit-elle enfin la bouche pour indiquer après qu'Ariana se fût excusée :
Il y a une poule sur mon tabouret.
La voix avait été froide, et légèrement outrée, l'attentat était de toute façon manifeste. Doucement, elle se tourna vers la criminelle et tendit un index bagué vers cette dernière.
Si elle reste là, je ne pourrai rien dessiner du tout.
Le plan avait été parfaitement ficelé : la poule sauterait, ça c'était certain et elle n'aurait même pas besoin de la toucher pour ce faire. Ses yeux pâles passèrent de l'un à l'autre des quatre personnes entrées dans l'atelier. Restait à savoir qui s'érigerait en adversaire de la poule du chaos.
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[Oui, à la bourre, je sais. ]