Iris.
- "Oui je t'aimais, oui, mais
Je suis venu te dire que je m'en vais"*
L'heure était venue.
Le temps n'était plus le même, les jours ne se ressemblaient plus, et Petit Bolchen avait perdu toute son essence. Pour elle, du moins. D'ailleurs, qu'était-elle devenue, elle, maintenant ? Rien. Sa vie avait changée, son handicap l'avait tué. Elle n'était plus que l'ombre d'elle-même, plus qu'une âme errante dans un endroit qu'elle ne reconnaissait plus. Nyam n'avait plus toute sa tête, 'Nore gardait le silence, Suzanne était partie, Zoé suivait son frère... Et Judas s'était marié. Et elle ? Elle restait simple servante, simple esclave au service d'une femme qu'elle ne connaissait pas et d'un homme qu'elle n'intéressait plus. Et c'était surement le plus douloureux...
Elle se souvenait encore de ses caresses et de son souffle, elle priait pour les retrouvait mais n'avait plus que sa voix pour vibrer. Jusqu'au mariage. Et depuis ce jour fatidique, la Soumise savait qu'il ne reviendrait plus à elle. Peut-être qu'elle se trompait, après tout elle ne voyait pas les regards du Déchu, mais ses autres sens valides ne trouvaient plus d'autres signes prouvant qu'il tenait encore à elle... Oh Judas ! As-tu oublié nos aventures ? Te souviens-tu de notre amour ? Non, tu as connu trop de femmes, tellement plus fortes que moi ! Dont l'Anaon... Elle lui a tourné la tête, et depuis sa rencontre avec la Roide, l'Iris disparaissait...
Et là, elle disparaîtrait pour de bon...
Estelle, peux-tu m'aider à ranger ceci, s'il te plait ?
Son amie, blonde et plus jeune encore qu'elle, s'approcha de son lit. L'Iris l'avait faite rentrer en secret alors que Judas était absent. Les filles dormaient encore et Estelle eu donc tout le loisir d'entrer dans le domaine du Von Frayner pour préparer les affaires de l'aveugle. Depuis longtemps elle savait que la fleur voulait partir, elle comprenait sa souffrance et avait trouvé un endroit où l'amener, où la débarrasser de sa dépendance. Elle s'était approchée du lit à la demande de l'Iris et attrapa ce qu'elle lui tendait : un collier qu'elle avait toujours vu autour de son cou, raz-du-cou en cuir... Une merveille de bijou.
"En es-tu bien sure ?"
Oui, il faut bien que je commence par ça...
L'Iris sourit à son amie. Zoé l'avait aidé à être plus forte, et retirer ce collier était symbolique pour elle, preuve que la jeune rousse avait bien commencé son travail. Estelle rangea donc le collier dans un coffret de bois et le mis au plus profond de la besace. Iris possédait peu d'affaires mais si elle pouvait ne plus sentir ce bijou sous ses doigts, elle ne s'en porterait que mieux. Les autres affaires furent rangées et il ne restait plus que quelques petits détails à régler. C'est ainsi qu'Estelle se posa au bureau et prit vélin, plume et encre pour écrire ce qu'Iris lui dicterait.
Judas.
Je m'en veux de partir comme cela, au petit matin, dans le plus grand secret. Mais je sais parfaitement que si l'un ou l'une de vous étiez là, la chose serait plus difficile.
Je ne veux plus être un fardeau. Je ne veux plus subir cette vie non plus. Alors je pars, me réfugier ailleurs. Je pars, loin, pour me retrouver, pour me libérer de cette vie qui n'est pas la mienne et qui, finalement, ne l'a jamais été. Je ne te remercierai jamais assez de m'avoir sauvé, mais je ne supporte plus le prix à payer aujourd'hui. J'ai essayé, pourtant.
Prends soin des filles, chérit les comme tu ne les as jamais chéri. Rends-toi compte, je t'en prie Judas, de l'avantage que tu as, avant qu'elle ne se rendent compte, elles aussi. Embrasse-les pour moi, raconte-leur qu'il a fallu que je me rende ailleurs, trouves une solution comme tu l'as toujours fait. Ne leur dit pas que je suis morte, ce ne sera pas le cas, mais dis-leur que je les aime.
Prends soin de toi également, Judas, et saches que malgré tout, je t'aurai toujours aimé.
Mais aujourd'hui la douleur ne m'est plus supportable.
Adieu.
Iris.
Dicter ces mots la fit pleurer. Estelle, émue, n'eut plus qu'à porter cette lettre dans le bureau du VF avant de revenir chercher l'aveugle. Elles firent enfin le tour des chambres, pour qu'Iris embrasse une dernière fois les filles endormies, avant de descendre. Les mains de la Soumise glissaient sur chaque mur, chaque bibelot de Petit Bolchen, lui rappelant tous les souvenirs qu'elles s'étaient créés ici. Et c'est avec une boule à l'estomac qu'elle ouvrit la porte d'entrée... Elle n'eut pas à se retourner pour offrir un dernier regard à Petit-Bolchen, son infirmité lui servait aujourd'hui. Mais sa main se resserra autour du bras d'Estelle.
Emmène-moi, loin d'ici.
Et ce fut le seul acte de bravoure qu'Iris eut effectué tout au long de sa vie. Le seul qu'elle osa et le seul qu'elle ne regrettera jamais.
Elle était libre.
* S.Gainsbourg.
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