Grimoald
- [Une petite cave abandonnée dans l'un de ces faubourgs miteux de la capitale limousine...]
- « Adèle n'est pas morte, Maman.
Une petite cave abandonnée dans l'un de ces faubourgs miteux de la capitale limousine.
L'on y accédait pour l'heure par une sorte de soupirail dont les barreaux avaient été si rongés par le temps et la rouille qu'ils n'étaient déjà plus depuis bien des lustres.
C'était là, dans ces faubourgs où règne la puanteur et les ivrognes, que le jeune Grimoald avait repéré ce soupirail et cette petite cave désaffectée par une belle après-midi de Juillet.
Ces crises n'étaient point passées. Des crises, il y en avait moins qu'en Touraine. Mais des crises, il y en avait, encore et toujours.
Jusqu'à présent, il n'y en avait eu qu'une seule. Mais à coup sûr, il y en aura encore.
- « Aujourd'hui, c'est Dimanche, tu sais. Je me suis fait propre. J'ai même brosser mes cheveux... Tout seul !
La Colère, c'est ainsi qu'il La nommait. La Colère qui autrefois ne faisait que l'assombrir.
La Colère qui, à présent, pouvait par moment le rendre comme Fou.
Il lui fallait un repaire, un refuge.
A Tours, durant sa petite fugue, il en avait un : cette taverne malfamée qu'il appelait « La Ciguë ».
Mais ici, à Limoges, il n'en avait pas de repaire. Il n'avait aucun refuge.
Un refuge, voilà bien ce qu'il lui fallait contre les crises, contre la Colère, contre cette Colère qui à présent le rendait Fou.
Un refuge contre la Folie. Un refuge pour Elle, un refuge pour qu'Elle puisse s'exprimer, un refuge pour qu'Elle se libère à l'abri des regards.
- « Oh ! Eh puis, Curé ou pas... J'irai à la messe ! Je ne sais où il se trouve, s'il est absent ou s'il n'a encore cuvé son vin de la dernière messe, mais... Pardon, Maman...
Ce refuge, ce sera son refuge : refuge contre la Folie, contre l'Angoisse de cet enfant meurtri.
Ce refuge, ce sera son refuge : refuge pour la Vengeance d'un homme en devenir qui émerge doucement en lui, refuge pour un petit vengeur...
Grimoald, c'était l' éternelle Enfance et l'Innocence. Grimoald, c'était la Souffrance et la Vengeance.
La Folie... Comment avait-il pour Lui échappé si longtemps ?
La Folie arrivait doucement, mais lentement. Elle était là, presque imperceptible. Mais elle était bien là, telle une vipère cachée sous un rocher...
- « Tu sais, je ne suis pas Seul, Maman. Victoire et Madame Aldraien s'occupent bien de moi. Je ne suis pas toujours très sage... Je fais même beaucoup de bêtises.
Oh ! Je t'en prie, n'aie pas honte de moi. Tes amies, là-haut, elles doivent sûrement dire que je suis insupportable. Moi je ne les aime pas. Elles sont pas belles et elles pincent les joues ! ... Pardon, Maman...
Cette cave abandonnée, cette antre lugubre à l'abri des regards et des oreilles indiscrètes... ce sera son repaire.
C'est là-bas qu'il ira lorsque viendra, à l'avenir, la Colère.
Cette cave abandonnée, nul autre que lui-même n'en aura, pour l'heure, connaissance.
Il ira seul, car sa Folie naissante, il la savait dangereuse.
Du mal aux Chiens, ceux-là même qui ont volé son cur pur, son cur d'Avant.
-« Tu sais, Maman... Si je fais encore des bêtises, j'ai peur qu'elles s'en aillent, qu'elles ne veuillent plus de moi. Je ne veux plus être tout seul, Maman. J'ai peur, parfois.
Mais du mal, il ne veut pas, il ne veut plus en faire à ceux qu'il aime, à ceux pour qui il éprouve une profonde reconnaissance, un amour d'Enfant.
Est-ce simplement par crainte de faire souffrir quelques êtres qui lui sont chers ? Non, il y a autre chose encore.
Sans doute est-ce également par cette crainte plus terrible encore. Cette Angoisse, cette Angoisse qui pouvait le renforcer dans sa Folie.
Cette Angoisse, c'était la peur que ces êtres chers ne finissent par l'abandonner.
- « Tu me manque, Maman... Tu me manque tous les jours. Je voulais pas que tu partes, moi. Je... Pardonne-moi, Maman. Je t'en prie... Pardonne-moi.
Les Autres, ils disent que ce n'est pas de ma faute si tu es morte. Moi je sais bien que c'est des Mensonges.
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