Minah
[Une ville, une rue, quelque part dans le Maine]
La manchote se traînait, morose. Elle tendit le moignon de son bras droit devant elle, fermant les yeux, pour imaginer le vent glisser entre ses doigts.
Même un mois après leur disparition, elle les sentait toujours. Ils grattaient, ils picotaient, il étaient engourdis.
La gueuse oubliait souvent que son bras n'était plus là. Régulièrement, elle tentait d'attraper les objets avec cette main invisible. Chaque tentative se soldait par une chute fracassante dudit objet.
Rapidement, elle cessa son jeu morbide. Il n'y avait que les enfants pour rêver à quelque chose qui n'existait pas.
Elle, elle ne pouvait plus. C'était presque une adulte. Et les adultes avaient toujours des choses ''plus intéressantes'' à faire.
Mais Minah n'avait rien de mieux pour s'occuper. Et à vrai dire, elle n'arrivait plus à s'intéresser à rien.
Ni aux pitreries en taverne, ni aux gens qui l'entouraient, ni même à une bonne chope de bière ce qui était le plus inquiétant.
On le lui avait déjà reproché, qu'elle avait changé. Qu'elle ne savait plus rire. En fait, elle n'allait pas bien.
Comment pouvait-elle aller bien ?
Elle avait vu le monstre des Miracles, son bras dans la fange, les morts à Vendôme, le rat dans le cimetière.
Et elle avait commencé à comprendre qu'il y avait quelque chose de pourri dans ce monde. Cette constatation la déprimait terriblement.
Elle aurait aimé qu'il y ait quelque chose autour d'elle qui ne s'écroule pas.
Son pied heurta quelque chose.
C'était petit et ça ne bougeait plus. Minah baissa les yeux. Un pigeon mort.
La fille aux dents cassées le ramassa, le serra contre elle. Ce geste étrange la réconforta. L'animal était doux et terriblement léger.
La vie l'avait quitté, il n'y avait pas à attendre un sale coup de sa part, il ne pouvait rien lui arriver de pire, sinon se désintégrer un peu. Minah s'en trouva fort satisfaite.
Tendant l'oiseau crevé devant elle, elle le secoua un peu pour faire battre ses ailes.
On va ben s'entendre, toi et moi.
Et la voilà qui file, qui court dans la rue sans regarder devant, son pigeon à bout de bras.
Ce qui devait arriver arriva. Tête la première, elle s'écrasa contre un passant.
'Ttention ! Z'allez abîmer Rodolphe !
Oui. Parce que le pigeon avait déjà un nom.
Levant la tête, lil effronté, elle loucha sur la personne qui avait eu l'outrecuidance de se mettre sur son chemin.
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La manchote se traînait, morose. Elle tendit le moignon de son bras droit devant elle, fermant les yeux, pour imaginer le vent glisser entre ses doigts.
Même un mois après leur disparition, elle les sentait toujours. Ils grattaient, ils picotaient, il étaient engourdis.
La gueuse oubliait souvent que son bras n'était plus là. Régulièrement, elle tentait d'attraper les objets avec cette main invisible. Chaque tentative se soldait par une chute fracassante dudit objet.
Rapidement, elle cessa son jeu morbide. Il n'y avait que les enfants pour rêver à quelque chose qui n'existait pas.
Elle, elle ne pouvait plus. C'était presque une adulte. Et les adultes avaient toujours des choses ''plus intéressantes'' à faire.
Mais Minah n'avait rien de mieux pour s'occuper. Et à vrai dire, elle n'arrivait plus à s'intéresser à rien.
Ni aux pitreries en taverne, ni aux gens qui l'entouraient, ni même à une bonne chope de bière ce qui était le plus inquiétant.
On le lui avait déjà reproché, qu'elle avait changé. Qu'elle ne savait plus rire. En fait, elle n'allait pas bien.
Comment pouvait-elle aller bien ?
Elle avait vu le monstre des Miracles, son bras dans la fange, les morts à Vendôme, le rat dans le cimetière.
Et elle avait commencé à comprendre qu'il y avait quelque chose de pourri dans ce monde. Cette constatation la déprimait terriblement.
Elle aurait aimé qu'il y ait quelque chose autour d'elle qui ne s'écroule pas.
Son pied heurta quelque chose.
C'était petit et ça ne bougeait plus. Minah baissa les yeux. Un pigeon mort.
La fille aux dents cassées le ramassa, le serra contre elle. Ce geste étrange la réconforta. L'animal était doux et terriblement léger.
La vie l'avait quitté, il n'y avait pas à attendre un sale coup de sa part, il ne pouvait rien lui arriver de pire, sinon se désintégrer un peu. Minah s'en trouva fort satisfaite.
Tendant l'oiseau crevé devant elle, elle le secoua un peu pour faire battre ses ailes.
On va ben s'entendre, toi et moi.
Et la voilà qui file, qui court dans la rue sans regarder devant, son pigeon à bout de bras.
Ce qui devait arriver arriva. Tête la première, elle s'écrasa contre un passant.
'Ttention ! Z'allez abîmer Rodolphe !
Oui. Parce que le pigeon avait déjà un nom.
Levant la tête, lil effronté, elle loucha sur la personne qui avait eu l'outrecuidance de se mettre sur son chemin.
RP ouvert à qui veut !
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