[Faire une virée à cinq, toutes les cinq sur le chemin]
Prenez cinq donzelles, et non des moindres ; aussi terribles que belles, forcément. Ajoutez à cela cinq montures carrément à tomber délégance
tada ! Vous avez nos cinq louves ; oh, je vous arrête tout de suite si vous les confondez avec un groupe de bulots, elles nen sont pas, bien plus anciennes quelles sont. Lascives et séductrices ; dangereuses et manipulatrices, les chemins soffrent leur galopée, route après route, chemin après chemin. Les walkyries
cest juste des sales copieuses. Déjà cétait de vierges guerrières, alors rien quen ça, la différenciation est plus quaisée.
[Je n'ai pas peur de la route
Faudrait voir, faut qu'on y goûte
Des méandres au creux des reins
Et tout ira bien
Le vent l'emportera]*
Un voyage, un de plus. Les affaires sont soigneusement rangées, judicieusement sélectionnées, et Zéphyr, préparé. Un sourire laccompagne comme elle le brosse avant de le seller ; le tout beau est encore à faire du gringue à la jument de Marie, à défaut dintéresser celle de Sergueï, Lada, qui ne lui offre pas le moindre regard. Cest amusée que la Miel caresse le flanc de lanimal, et lui murmure, réconfortante :
- Mon pauvre vieux pépère, hein ? Elle joue dans une autre catégorie, cest une Novgorod, on ne lapproche pas comme ça. Et je te signale que tu es amoureux dIronie, vil conquis qui ne résiste pas à la tentation
Mais je te comprends
Cest une Novgorod...
Tout est chargé, finalement, et létalon, mené au dehors, bien que ses yeux traînent encore derrière lui, comme il tente plusieurs fois de tourner la tête à lendroit de Lada. Un sourire se dessine aux lèvres dune Lady qui lève les yeux vers une fenêtre encore faiblement éclairée, à létage de la Meute Assoiffée. Elle le comprend ce cheval
Elle ne le comprend que trop bien.
[Ton message à la grande ourse
Et la trajectoire de la course
A l'instantané de velours
Même s'il ne sert à rien
Le vent l'emportera
Tout disparaîtra
Le vent nous portera]
Cette nuit daoût est, à linstar de celles qui ont précédé cest là peut-être un petit signe de départ -, traversée de tracées détoiles qui, par moments, balafrent le ciel dune flèche dor scintillante. Cest bon signe à une Miel un peu superstitieuse ; elle voit là le clin dil dâmes chères disparues, qui saluent dune bénédiction céleste cette nouvelle chevauchée. Dailleurs, double salutation, la lune est rousse, ce soir, flamboyante.
[La caresse et la ripaille
Cette plaie qui nous tiraille
Le palais des autres jours
D'hier et demain
Le vent les portera]
Tant de choses ont changé pour lex-juge, lex procureur, lex-tellement-de-choses bourguignonne. Si certaines choses perdurent, comme en témoigne la large brûlure à son bras, les auréoles brunies de sa poitrine ou bien cette légère cicatrice à son bas ventre, Lady a été mère et le reste ; lanneau à son doigt a disparu, seule persiste la marque blanchie de ce que le soleil na pas atteint la peau sous le métal pendant tant dannées
Daucuns notent tout-de-même que dorénavant, la trace est moins voyante, brunie et sestompera pour jamais, dans peu de temps. Cest ainsi ; les belles promesses et les engagements souvent ségarent au rythme des ans, à la valse de labandon, ou de la trahison. Sa nouvelle famille, elle nest pas décevante, et cela tient assurément à son système matriarcal : sa meneuse est délicieuse.
[« Frénétique »** en bandoulière
Senteurs dozone dans l'atmosphère
Des fiacres pour les galaxies
Et mon tapis volant lui
Le vent l'emportera
Tout disparaîtra
Le vent nous portera
Ce parfum de nos années mortes
Ceux qui peuvent frapper à ta porte
Infinité de destin
On en pose un, qu'est-ce qu'on en retient?
Le vent l'emportera]
Le souvenir parfois se fait doux, parfois se fait amer, mais chacun le saura : « Et la mer et lamour ont lamer pour partage, /Et la mer est amère, et l'amour est amer, / L'on s'abîme en l'amour aussi bien qu'en la mer, / Car la mer et l'amour ne sont point sans orage. »***. Nul océan à lhorizon que celui des vastes étendues herbées qui sétendent aussi loin que peut se porter le regard ; elle regarde devant, le passé nest pas demain. Trop dhier déjà ont réduit les possibles lendemains, et cest à cur et à corps perdus que la Miel se jettera, se lancera à ce que lavenir lui offre, avec la certitude néanmoins que le compagnon éternel sera blondin blondine serait plus judicieux. Où quelle aille, Lady sera ; où quelle demeure, la Miel stationnera. Natasha lui a offert ce que nul autre lavait fait jusqualors : patience, écoute, compréhension, tendresse, loyauté et coup de pied au derrière, lorsquil le fallait ! Cest dailleurs elle quelle a rejoint, derrière elle quelle chevauche maintenant, sans mot dire, comme la Platine reste silencieuse. Quelques regards échangés aux comparses, un sourire malicieux aux lèvres, et ce sera donc en chanson, graveleuses et paillardes, que le chemin passera.
[Pendant que la marée monte
Et que chacun refait ses comptes
J'emmène au creux de mon ombre
Des poussières de toi]
Larrivée à Embrun pour récupération des biens infernaux ne sest pas déroulée comme prévu, malgré une pause joyeuse dans une taverne, à lécart des remparts ; musique, chanson toujours, robe de soirée et duo sororal pour la seule spectatrice qui compte et comptera jamais : le bonheur dêtre ensemble, cest tout. Tout est calme, tout est doux, et pourtant, le souvenir dune joue rugueuse, dune main calleuse, dun regard ardent et dun bras puissant ne la quitte pas ; on ne voyage jamais aussi soin que par lesprit et cest avec toi, qui te reconnaîtras, que les instants de sommeil sont passés, au moins en songe
et loin dêtre sages.
*Noir Désir, Le vent nous portera, modifié parfois avec une certaine liberté, par souci de cohérence toute médiévale.
**Nom de l'épée de Ladyphoenix
***Marbeuf, "Et la mer et l'amour ont l'amer pour partage".
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