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[RP fermé] Le Tournel revêt son habit de fête

Actarius
Les sifflements aigus du balbuzard s’estompèrent. Pour un instant, alors, un infime instant, le calme enveloppa le Castel du Tournel. Même dans la grande salle pourtant agitée de vives discussions peu auparavant, le silence s’installa marquant la préciosité, la rareté de ce moment, où la sauvage vallée du Lot se taisait. La bulle éclata soudainement. Assis sur ce qui s’apparentait à un trône, le Seigneur des lieux avait quitté sa posture pensive et regardait désormais l’homme qui lui faisait face. Zo, tonna-t-il sans ménagement dans sa langue d’oc. Un mot difficilement traduisible qui représentait la volonté d’avancer, de progresser. Car le temps pressait désormais, le retour en arrière, les errements n’étaient plus possible, il fallait poursuivre l’ouvrage déjà commencé et l’achever avant le dix-neuvième jour d’août. Une journée, c’était tout ce qu’il avait à offrir durant cette semaine-là et il comptait bien l’étendre au maximum pour superviser l’avancée des travaux d’aménagement. L’homme s’inclina respectueusement et quitta la pièce sans se faire prier. Quant au Comte, il demanda à un serviteur de faire venir les trois personnes qui l'avaient accompagné pour cette éphémère étape tourneloise. La première était l'élue de son coeur, la belle Ingeburge qui avait offert un soutien formidable pour la mise en place des réjouissances. La deuxième sa fille adoptive qui aurait un rôle important à jouer durant l'événement. Assurément, on pouvait y décéler une volonté de se rapprocher de la désormais demoiselle, seul vestige d'une famille décimée par la mort. Elle avait l'âge de prendre un époux et les festivités offriraient un moment idéal pour la dévoiler au "monde", au sein duquel le Phénix espérait bien qu'elle trouvât un homme à son goût. La troisième sa protégée, la jeune et pétillante rousse qui ne quittait plus que rarement le sillage du régnant.

L'homme qui venait de quitter la pièce n’était autre que Joan, le fidèle et rusé intendant du domaine. Plus que sceptique sur le délai accordé, celui-ci avait transmis ses réserves en toute franchise, mais il s’était heurté à un mur. L’Euphor ne voulait aucun accroc, aucune réserve, il n’aspirait qu’à une chose : offrir des festivités qui feraient date et il escomptait bel et bien mettre tout en œuvre pour parvenir à ses fins. Ainsi, avait-il balayé les problèmes de manque de main d’œuvre de sa ferme poigne en ordonnant que les gens de Villefort à Florac fussent tous mobilisés pour l’événement et en évoquant des sanctions contre les réticents. Toutes les forces se devaient d’être réunies pour déboiser et agrandir le champ de verdure qui se transformerait bientôt en village de toiles au pied de la forteresse. Saint-Julien serait au cœur de l’entreprise, il s’agissait de rendre le bourg moins austère, de transformer les demeures réquisitionnées pour accueillir quelques privilégiés en véritables havres de paix, confortables et accueillants. Un soin tout particulier serait pris pour la seule auberge du village. Bientôt, celle-ci passerait à l’heure bourguignonne et recevrait la plus précieuse des invitées, la Prinzessin. Elle ne manquerait de rien, elle serait reine en sa demeure provisoire, elle serait impératrice en son domaine et bien plus encore. Car le Phénix ne voulait en aucun cas qu’elle le crût ingrat, alors qu’elle avait été d’une aide plus que précieuse pour l’organisation. Sans doute cela expliquait-il également l’intransigeance du Cœur d’Oc toujours soucieux de la rendre fière de lui.

L’idée qu’il ne la méritait pas vraiment demeurait lancinante en son esprit. Elle avait la grâce, la beauté et la contenance d’une déesse, il avait la maladresse, les traits burinés et l’emportement d’un rustre. Depuis des mois, il cherchait à lui plaire de toutes les manières possibles et imaginables pour l’homme gauche qu’il demeurait, mais il échouait trop souvent, se déchirant comme l’écume sur la falaise. Oh oui ! Il voulait saisir cette occasion, la surprendre, la satisfaire et ne surtout pas la décevoir. Impression qu’il portait depuis leurs premiers échanges hors de la maison royale. Assurément, ces festivités revêtaient une importance capitale dans sa poitrine frémissante d’amour. Son regard balaya un instant la salle vide et il la vit. Souriante, heureuse d’être là avec lui, près de lui. Une scène douce d’un repas partagé, d’un moment simple, complice et entier. Sans peur, sans regret, sans remord. Il cligna des yeux et retrouva malgré lui la solitude de cette grande salle trop souvent déserte, trop souvent orpheline de vie et de partage. Il déplia sa silhouette cependant qu’un sourire triste se dessinait sur son faciès marqué par le temps. Machinalement, ses bras se croisèrent dans son dos et il commença de faire les cent pas en attendant que la porte s’ouvrît. Empli encore de son évasion chimérique, il fut petit à petit ramené à la réalité par l’émergence des obligations qui l’attendaient. Le Comté… pourquoi donc s’était-il engouffré encore dans la brèche du devoir ? Il aurait pu lever définitivement le pied et ne vivre plus que pour elle. Oui, ces festivités étaient capitales. Elles seraient son hommage, ses excuses et sa déclaration. Pour elle. Rien que pour elle.

La porte s’ouvrit…

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Melisende_
Sur demande, enfin disons plutôt sur ordre de son père, Mélisende avait quitté Mende pour accompagner ce dernier jusqu'à Montpellier. Ils avaient fait le voyage en compagnie de Dame Isora, une charmante Dame croisée plusieurs fois en taverne à Mende et de la jeune Ella, nouvelle protégée de son père. C'était une jeune fille pétillante et pleine de vie, qui était en adoration devant le Magnifique. Mélisende n'avait rien de précis à reprocher à la fillette, elle était très gentille, mais la jeune d'Euphor ne pouvait pas s’empêcher d'être jalouse en la voyant, elle était proche de son père, sous sa protection. Mais de quel droit passait-il autant de temps avec elle alors qu'autrefois il avait eu des enfants qu'il avait beaucoup trop souvent délaissés pour se consacrer à SON comté? La petite n'y était pour rien, c'était comme cela. C'est à son père que Mélisende aurait dû en vouloir, mais il était plus facile pour la jeune fille d'en vouloir à Ella. Les deux demoiselles que seules quelques années séparaient auraient pu devenir des amies mais au lieu de cela, Mélisende faisait son possible pour l'éviter. C'est une des raisons pour laquelle la blonde au regard émeraude s'ennuyait de toute son âme à Montpellier malgré sa nouvelle fonction de Rectrice.

Mélisende fut ravie lorsque son père lui parla des festivités qu'il voulait organiser au Tournel et encore plus quand ce dernier lui expliqua qu'il aimerait beaucoup qu'elle remette elle-même les récompenses lors des joutes. Ce serait ses premières joutes, jamais encore elle n'avait assisté à pareil évènement et encore moins au côté de son père. Elle était très impatiente.

C'est donc avec empressement que la demoiselle d'Euphor partit retrouver le Phénix lorsqu'un serviteur vint la prévenir qu'elle était attendue. C'est dans sa posture favorite, les mains croisées dans le dos que Mélisende découvrit son père après avoir ouvert doucement la porte. Sans dire un mot, ne voulant pas le déranger, elle attendit qu'il se retourne.

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Lacoquelicot


    Assise en tailleur dans l’épaisseur des murs, la jeune Ella contemplait d’un regard triste les joutes se préparer aux alentours du castel. La gamine n’arrivait pas encore à ce réjouir de ce retour au Tournel. Trop court. Trop inattendu. Elle s’était contenté de suivre comme à l’accoutumée sans un mot de plus. Recourbée sur elle-même, le coude planté dans son genou, la joue fermement ancré dans sa paume, la Coquelicot laissa s’envoler un lourd soupir. D’ici quelques jours tous un tas de personnes allaient envahir ce qu’elle considérait comme son "chez elle" et elle n’arrivait pas encore à savoir si elle devait s’en réjouir ou non. Il faut dire que la Frêle n’était pas vraiment taillé pour les mondanités et les festivités à venir sonnaient de nouveaux comme une mise à l’épreuve. A l’instar du repas avec la Princesse ou de la visite à Random, la rousse aurait de nouveau cette sensation étrange qu’on observe et juge chacun de ses gestes. Elle n’aimait pas cela… La Fleur pensait à tous cela lorsqu’on frappa doucement à sa porte. Elle n’eut pas à répondre que le loquet cédait déjà et la porte grinçait douloureusement pour laisser passer la tête d’un page de la mesnie du Tournel.

    Damoiselle Ella, sa Seigneurie vous attend dans la grande salle.

    Pour toutes réponses, la protégée inclina la tête avant de reporter un instant son regard d’émeraudes sur la scène qui se jouait au bas des remparts. Une tente semblait prendre forme, mais le temps lui manquait pour admirer la scène. Dépliant lentement ses longues jambes maigrichonnes, Ella quitta la fenêtre pour rejoindre le sol. Vêtue simplement, mais d’une robe à sa taille cette fois ci, la morveuse jeta un coup d’œil dans le miroir d’étain poli qui ornait le mur. La sombre princesse était dans les murs, et la jeune fille ne souhaitait pas se heurter à elle comme lors de leur première rencontre. Non pas que les humeurs de la Montjoie lui fasse grand-chose pour le moment, mais froisser l’Ingeburge revenait à froisser son senher. Et ça plus que tout autre chose, la rousse enfant ne le souhaitait guère. La Fleur avait donc pris particulièrement soin de sa tenue et sa coiffure ce matin-là. Une natte lui tirait douloureusement les cheveux et sa robe empêchait le moindre mouvement. «C’est signe que tout est parfait!» avait argué Eulalie, un sourire en coin.

    Laissant son reflet aux bras de Psyché, la Protégée passa la porte et entreprit de descendre au rez-de-chaussée. Evitant soigneusement le grand escalier d’apparat et ainsi les rencontres hasardeuses, la gamine préféra passer par les cuisines et en profita pour mettre le nez dans les casseroles. Si sa nouvelle vie était faite de règles et de contrariété, elle avait aussi l’avantage de lui remplir l’estomac de mets délicieux… Une main gourmand s'empara d'un petit gâteau, et la rousse poursuivit sa route vers la grande salle.

    ***

    Debout les bras dans le dos, le satrape semblait attendre son monde. La rousse le trouva tendu, ou fatigué. Elle n’aurait su dire si c’était l’un ou l’autre. Attrapant le pan de sa robe, la Coquelicot fit quelques pas vers le centre de la pièce, en prenant soin de ne pas croiser le regard de Melisende. Si la guerre n’était pas ouvertement déclarée entre les deux jeunes filles, ce n’était pourtant pas un grand amour entre elle. La plus jeune reprochant secrètement à son ainée, son statut d’officielle et le snobisme incompréhensible dont elle semblait vouloir faire preuve à l’encontre de sa cadette. Le courant ne passait pas entre Mélisende d’Euphor et Ella "de Toute-courte". Blessure secrète. C'est ainsi qu'on l’avait présenté au cours de danse pour la noblesse.

    S’arrêtant à une distance raisonnable du Phenix et sa fille,
    la môme esquissa une révérence, avant d’ajouter...

    Bonjorn, votre Seigneurie. Mélisende.

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Image: Jenifer Anderson - Texte: La rue Kétanou
Actarius
Et il se retourna naturellement. Sourire aux lèvres, il accueillit sa fille, la bâtarde de feue son épouse comme si son propre sang avait coulé dans ses veines. Cela avait-il tant d'importance ? Dans les lois évidemment, mais dans les faits, dans leur histoire commune, non. Il avait été père dès cette naissance. Pas un bon père, trop occupé qu'il était avec ses affaires, mais père tout de même un peu. D'un signe, il l'invita à approcher après l'avoir chaleureusement saluée. Puis, arriva la protégée, le symbole de sa volonté inconscient de rédemption pour toutes les fautes qu'il avait commise avec ses propres enfants. Là encore, il se montra avenant et agréable, loin de certains portraits qu'on faisait hâtivement de lui.

Je suis heureux de vous voir, venez, dit-il de sa voix rayonnante tout en approchant d'une des fenêtres de la grande salle. Celle-ci, étroite, donnait sur une pente raide et rocheuse. En regardant en face, légèrement sur la droite, on tombait immanquablement sur la clairière, celle où se hérisseraient bientôt une petite cité de toiles sur laquelle flotteraient de nombreux oriflammes apportant avec eux plus de couleurs que la vallée n'en avait sans doute jamais connues - du moins réunies en un si "petit" espace. De là, où ils se tenaient, perchés dans leur logis, on voyait déjà les bûcherons s'activer sur le pourtour du futur campement. Les chênes s'écroulaient à rythme régulier. Ils étaient travaillés sur place, puis quittaient le lieu sur des charrettes en partance pour l'est. Les convois s'arrêteraient à Villefort, plus grande ville de la Vicomté traversée par l'antique voie Régordane. De là, le bois serait confié à des cortèges plus imposants qui prendraient la route du sud, celle de Montpellier où la marchandise serait stockée en attendant la fin des travaux sur l'arsenal. Car ceux-ci signifieraient, le début de la construction de la caraque de guerre du Phénix. Ainsi, donc l'agrandissement de la clairière par le déboisement ne resterait pas inutile. Le bois aurait une utilité bien précise.

En suivant des yeux le chemin qui menait au campement, on tombait immanquablement sur une foule de travailleurs, usant de pioches et de pelles pour faire de ce chemin, une route praticable pour les attelages qui ne manqueraient pas d'arriver dans quelques jours. Plus bas encore, on entrevoyait par delà le branchage éparse de coriaces et fiers conifères juchés sur les pentes de l'éperon la pâture. Là encore des gens s'affairaient. Ils érigeaient un enclos tout autour de ce grand espace où les montures reprendraient des forces sous les soins attentifs d'une vingtaine de palefreniers qui arriveraient de toute la Vicomté et même d'ailleurs.

Voyez, observez attentivement et n'oubliez pas. Les gens pensent parfois qu'organiser de grandes festivités se fait d'un claquement de doigts. Regardez tous ces travailleurs, regardez leurs efforts. Voilà, au-delà des salaires qu'il faudra verser, le véritable coût de telles réjouissances. Lorsque vous prendrez plaisir à accueillir nos invités, plaisir à les rencontrer, à partager avec eux des moments joyeux, alors pensez à ces gens. Ne les traitez jamais avec mépris, soyez souriantes et généreuses avec eux, soyez justes aussi. Car ce sont eux qui font la richesse de ses terres, ce sont à eux que nous devons la nôtre. Un mauvais seigneur ne pourrait exiger tant d'efforts. Ne l'oubliez pas, conclut-il pensif. Au fil de sa tirade, son esprit s'était détaché, avait vagabondé d'images en images jusqu'au jeune soldat, élevé un soir d'été au rang de Seigneur. Les années avaient passé, les idéaux s'étaient parfois estompés, parfois les avaient-ils piétinés. Ce prix-là, il était douloureux de le payer, mais il l'avait fait et pas toujours dans de nobles desseins. Pourtant, les regrets, les remords, il n'en nourrissait. Il avait suivi sa voie et s'en était parfois détourné. Simplement.
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Ingeburge
A l'extérieur du château, la duchesse d'Auxerre commençait à souffrir le martyr. Cela devait faire une heure, voire deux qu'elle était exposée au soleil qui implacablement continuait son ascension jusqu'au zénith. La luminosité irritant ses yeux pâles, les rayons mordant sa peau alabastrine, la chaleur l'enserrant davantage à chaque minute écoulée promettaient de la rendre malade. Pourtant, vaillamment, elle demeurait sur le terrain qui accueillerait lice, campement et taverne afin de superviser les derniers travaux de terrassement. Le terrain étant en pente, il avait été décidé d'installer le champ-clos perpendiculairement à celle-ci et et pour renforcer l'astuce, on remuait maintenant la terre pour combler des trous, égaliser la surface, modifier le relief de l'aire en quelque sorte afin que le champ fût parfaitement plat. Les travaux achevés, viendrait la phase de construction de la tribune et de la lice. Mais l'on n'en était pas là et Ingeburge, préoccupée par les délais à tenir observait le travail des ouvriers qui avaient été mis à sa disposition. Certains étaient expérimentés, d'autres non, ce dernier contingent était constitué des villageois de la région sommés par le seigneur des lieux de participer aux préparatifs. Ainsi, régulièrement informée par les contremaîtres, elle restait là, donnant de temps à autre des directives.

Il fallait qu'elle bouge, à rester immobile ainsi, elle allait attraper mal. Elle se détourna de la scène et se dirigea à pas lents vers une zone où l'on entassait tout le bois destiné aux constructions éphémères. Une partie avait été commandée il y a deux mois car certains besoins étaient spécifiques; à vrai dire, depuis juin elle savait que des joutes se tiendraient sous son égide et le nécessaire avait été entrepris dès cette date : un tournoi n'était pas faisable du jour au lendemain, il fallait être fou pour croire le contraire et profane pour supposer que la Ligue des Joutes ne tenait pas son calendrier suffisamment longtemps à l'avance. Ainsi donc, quand Actarius d'Euphor avait accédé au trône languedocien, la date et le lieu avaient déjà été arrêtés et enregistrés depuis longtemps par le Maître de Ligue, les commandes impératives déjà passées. Le reste du bois provenait de l'abattage des arbres auquel il avait fallu procéder pour agrandir le terrain qui serait le cœur du vicomté durant les quelques jours que dureraient les festivités. Des scieurs de long, des menuisiers, des charpentiers de grande et petite cognée et des huchiers étaient à l'ouvrage pour effectuer les dernières transformations et les ultimes ajustements, ils seraient rejoints sous peu par une foule d'ouvriers qui dresseraient les installations selon les plans arrêtés.

Alors qu'elle soupirait une nouvelle fois tout en s'épongeant un front devenant moite, un valet vint la trouver. En quelques mots, celui-ci lui signifia la volonté de son maître et pour toute réponse, la duchesse d'Auxerre tourna la tête vers le château dominant la vallée du Lot, là-haut, sur son promontoire. Un frisson la parcourut à l'idée de devoir retourner dans l'antre où il l'attendait. Bien évidemment, la requête qui sonnait davantage comme une exigence n'avait rien d'étonnant, c'était le Phœnix qui recevait et elle n'était là que pour s'assurer que le tournoi se déroulerait dans les règles dans l'art. Il avait besoin d'être informé, il en avait le droit et même le devoir et cette invitation impérieuse à le rejoindre tempérait quelque peu l'impression troublante qu'elle avait depuis qu'elle était revenue, celle qu'ici, elle pouvait tout demander, comme si elle avait été la maîtresse de maison. Les moyens mis à sa disposition étaient considérables, bien plus que ceux nécessaires et ce n'était jamais sans malaise qu'elle s'adressait désormais à la domesticité tourneloise. Ce valet qui guettait une réponse la gênait, c'était bien beau de les prendre lui et ses semblables pour du mobilier, elle ne pouvait plus s'empêcher de penser qu'ils avaient leur propre opinion sur le lien qui l'attachait à leur seigneur.

Alors, rester là ou monter au castel? Elle ne savait ce qui était le mieux pour elle, souffrir de la chaleur entretenue par un soleil traître et meurtrier ou alors succomber sous l'ardeur du regard de l'Euphor. Dans un cas comme l'autre, ce ne serait que douleur et malaise, étouffement et fièvre. Mais au moins, dans le nid du Phœnix, elle serait à l'ombre : plus de rayon solaire qui rougit le teint et davantage de fraîcheur. Et puis, elle ne serait pas seule. Posant sa main en visière au-dessus de ses yeux, elle observa les alentours. Ayant trouvé celui qu'elle cherchait, elle l'appela :

— Miguaël, nous montons au château.
Le domestique avait sa réponse.

A pas lents, elle se dirigea vers son frison et se fit aider de deux Lombards pour monter en selle. Et tout aussi lentement, elle avança pour rejoindre le chemin qui la mènerait à la forteresse.

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[Indispo pas prévue, rattrapage en cours.]
Miguael_enguerrand
Le Tournel ? Il trouvait ce nom bien étrange et avait essayé à maintes reprises de définir son origine. Y avait-il quelque chose qui tournait en ce vicomté ? Il n'avait rien vu de tel. A moins que ce ne soit les têtes ? Assurément oui, quelques têtes avaient tourné. Ne serait-ce que celle du maître des lieux dont on lui avait conté l'attitude à l'égard de sa Marraine, sûrement espérait-il entrer au club très select des personnes ayant droit de poser la main sur elle. Le jeune garçon avait conscience qu'il était l'un des uniques dépositaires de ce droit, mais l'idée d'en jouer ou de devenir possessif ne lui était jamais venue à l'idée. Ce n'était pas dans son caractère et aucune expérience de de sa courte vie n'avait rendu salutaire un tel comportement.
Mais pourquoi le Tournel ? Peut-être était-ce un mot qui provenait de la même étymologie que "tournoi". Mais pourquoi les premiers habitants du lieu avaient-il eu l'idée de le nommer ainsi ? Savaient-ils que ses clairières étaient propices aux tournois ?


Les drôles d'idées s'étaient envolées, et à leur place était à l’œuvre l'amical caractère du jeune bourguignon.
Miguaël s'amusait depuis quelques dizaines de minutes déjà à se lier d'amitiés avec quelques ouvriers du chantier. Il avait réussi à pousser l'un d'eux à abandonner son ouvrage pour s'amuser au duel avec des épées en bois. D'autres ouvriers, qu'il avait aussi réussi à distraire de leur ouvrage, lui avait dit que c'était un bon bretteur. L'éternel argument était, et il faisait toujours mouche, que le jeune garçon se trouvait être le filleul de la presque maîtresse des lieux, de celle qui régissait tout. Les menaçait-il ainsi ? Il ne savait pas, l'important était qu'il gardait toujours le sourire et son humeur joyeuse.

D'ailleurs, Ingeburge l'appelait et il accourut, lâchant rapidement son épée et remerciant son compagnon de fortune. Il s'essuya le front et en souriant à la Duchesse à cheval :


Oh Marraine ! Tu as vu comme il fait chaud et comme le soleil s'étend !
Sont-ce les âmes de nos proches qui nous éclairent et qui réchauffent notre peau ? Je crois que mes parents m'irradient beaucoup !


Après qu'on l'ait, lui aussi aider à monter sur son canasson, il ajouta :

Tu as l'air de souffrir de la chaleur Marraine, j'espère que le château est resté frais ! Allons-nous visiter le maître des lieux ?

Arrêtons-le maintenant ou il pourrait l’assommer davantage encore que le soleil ne le faisait déjà !
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Lacoquelicot


    [Dans la grande salle…]


    Bien que le vicomte lui sourit et que l’accueil fut chaleureux, le cœur de la rousse demeura quelques peu en berne au fond de sa poitrine. Depuis le début du mandat d’Actarius, Ella se sentait cruellement seule. Une sensation étrange l’étreignait bien malgré elle, résultat de nombreux petits rien qui avaient fini par former un grand tout. Le manque de racines et d'attaches pesaient sur ses épaules désormais voutées. Il y avait eu le départ de Mende, les aurevoir avec Déa et Franc, la vision heureuse (et quotidienne) de la famille Von Frayner, l’absence de l’Euphor, et ce «Ella de toute courte» qui résonnait encore douloureusement entre ses tempes. Toute ces gouttes d'eau avaient finies par faire débordé le vase de sa solitude. Dans cette grande salle du Tournel, les sourires d’Ella n’étaient plus que des ombres et la jeune fille était devenue bien plus silencieuse qu’avant.

    La voix chaude du Vicomte les invita a s'approcher Doucement, la frêle s’approcha de la fenêtre à la demande du Pair de la fenêtre et Ella contempla le paysage qui s’étendait jusqu’à l’horizon. L’esgourde capta vaguement les paroles du Phénix sans pour autant les imprimés vraiment. La faute à ce trouble qui accaparait toute son attention… Tout à côté de sa main, Ella pouvait sentir celle du Vicomte et bien loin de s’intéresser au bois qu’on coupait et aux gens dont elle n’aurait jamais la responsabilité, l’enfant se demandait si elle pouvait… si elle avait le droit… si oser serait pardonné. Dans sa caboche malmenée, le murmure du souvenir retentit : «Pas en publique, pas avec des inconnus». C’était donc possible, en théorie?

    Prenant son courage à une main, et gardant les yeux fermement planté dans le lointain décor, La Fleur glissa sa paume contre celle d’Actarius, et encra doucement ses doigts aux siens sans un mot. La jeune fille cherchait par là ce petit lien de rien du tout qui lui manquait tellement depuis ces dernières semaines... Bientôt la foule envahirait le domaine et de nouveau la distance s’imposerait d’elle-même. Alors tant qu’elle le pouvait, Ella voulait profiter de cette proximité. Et pour que tout cela paraisse anodin, et qu’aucun regard interrogateur ne se pose sur elle, la rousse tendit l’index de sa main libre vers l’extérieur.


    Y a deux cavaliers qui arrivent.

    Parfaite diversion, non ? C’est du moins ce qu’elle espérait...

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Image: Jenifer Anderson - Texte: La rue Kétanou
Actarius
Une main glissa dans la sienne. Le Mendois masqua sa surprise et pressa tendrement la petite menotte avant de la relâcher. De tels gestes, il n’en avait pas accordés à sa fille ou trop rarement pour qu’il se risquât à la blesser en se montrant trop proche de sa protégée. Cruel sans doute, mais nécessaire. Ainsi donc, la diversion ne fonctionna pas tout à fait. Elle eut même l’effet inverse que celui qui avait été escompté puisque toute l’attention du Comte se reporta sur ces cavaliers que l’on voyait désormais en contre-bas, approchant de la grande porte, la première des sept. Son regard s’attacha naturellement à la Prinzessin. Ce devait être la première fois qu’il la voyait en selle. Il eut l’impression de la redécouvrir encore, elle qui savait si bien surprendre le grand naïf un peu bourru que les années n’avaient pas assagi.

La contemplation de cette déesse amazone plongea le seigneur des lieux en une éphémère rêverie. L’image quasi conquérante que lui renvoyait cette chevauchée le projeta vers un futur commun. Lui, dans le costume de l’époux aimant et admiratif observant cette « reine » incomparable, Grâce incarnée, revenant au Castel après une cavalcade dans le domaine. Son imaginaire poussa même jusqu’à le transporter à ses côtés, lui aussi perché sur sa monture. Qu’il était bon de se laisser bercer par ces promesses interdites encore, de plus en plus prégnantes cependant. Il se détourna de la fenêtre et sourit aux deux demoiselles. Son Altesse est de retour.
Ella, veille à ce que de l’eau fraîche citronnée soit préparée, ordonna-t-il avec gentillesse. Avec cette chaleur, Son Altesse et son filleul doivent avoir grand soif et moi aussi d’ailleurs. Ce filleul justement, le doux Miguaël. Le Comte se souvenait du jeune homme, de ce rapprochement initié entre lui et Jehanne Elissa. L’affaire ne s’était pas conclu, il gardait toutefois un excellent souvenir de ce garçon prévenant et un peu philosophe.

D’un geste, il fit comprendre à un serviteur qu’il s’agissait d’aller accueillir le détachement, puis se ravisa, céda à son impulsion et sortit en personne après avoir demandé à « ses » demoiselles d’attendre. La porte se referma, tandis qu’il accélérait le pas pour déboucher finalement dans la cour. Les deux cavaliers ne tardèrent pas à apparaître et furent reçus par un Euphor solaire. Empressé, il se rapprocha des montures, emporté, il offrit son aide à la Prinzessin, puis au jeune homme.
Venez, Ella a dû faire préparer de quoi vous rafraîchir. Les nouvelles sont bonnes votre Altesse, glissa-t-il tout en cheminant vers la grande salle, porté par un enthousiasme encore décuplé par cette proximité agréable. Organiser ces festivités avec elle le ramenait un peu plus d’une année auparavant. Le sacre, les cérémonies, les efforts communs, la collaboration, les premiers échanges, puis ce sentiment, éclatant un beau jour sans prévenir. Malgré toutes les divergences qui avaient pu survenir, les incompréhensions, les querelles, il ne se retournait qu’avec bonheur sur ce chemin déjà parcouru ensemble et aspirait à le poursuivre avec elle. Peu importait la direction, les circonstances et les obstacles, il voulait avancer avec elle.
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Ingeburge
Et stupidement, Ingeburge regarda vers le ciel et ce qui devait arriver arriva : elle fut tout à fait éblouie, comme si ses yeux pâles ne souffraient déjà pas assez de la luminosité importante baignant les lieux. Mais la question de Miguaël l'avait surprise et sans même y réfléchir, elle avait haussé le menton et tâché de contempler la voûte céruléenne. Se laisser avoir comme ça, c'était bien idiot mais elle ne s'était toujours pas faite aux questions incessantes de son filleul et il lui arrivait bien souvent d'être prise au dépourvu ou de réagir en dehors du bon sens. Comme à l'instant. Il lui fallut quelques secondes pour s'en remettre, clignant des yeux pour essayer d'y voir pour le coup moins clair. Tout lui semblait blanc autour d'elle et il était heureux qu'ils n'aient pas encore commencé à avancer.

Alors, étaient-ce les âmes montées au paradis solaire qui les éclairaient et réchauffaient? Tous les défunts acceptés sur le soleil après leur mort contribuaient-ils à alimenter la puissance, la lumière et la chaleur de l'astre du jour? Encore une question à laquelle elle n'avait pas de réponse, encore une interrogation digne de Miguaël. Si en certaines occasions, elle faisait comme si ou usait de la mauvaise foi pour ne pas être prise par défaut, avec le Louveteau, il n'en était rien. Celui-ci aurait pu être l'un des rares à se targuer de faire tomber les défenses d'Ingeburge. Aussi, comme elle ne savait pas, elle le dit simplement :

— Je ne sais si les âmes de nos proches nous éclairent et nous réchauffent.
Et comme souvent depuis que leurs conversations avaient repris, elle s'exprimait davantage, faisant part tout haut de ses réflexions :
— Ce que je pense en revanche, c'est qu'ils nous observent et veillent sur nous. Ils sont bien placés pour le faire et leur bienveillance à notre égard ne peut s'être éteinte avec leur disparition. Après tout, ils évoluent dans le sillage du Très-Haut qui est bonté, amour, mansuétude; ils ne peuvent qu'être nos protecteurs dans leur éternité. Je suis donc persuadée Miguaël que d'une manière ou d'un autre, tu peux ressentir l'amour de tes parents. Peut-être est-ce la chaleur, peut-être est-ce la lumière. C'est en tous les cas quelque chose.

Son filleul désormais en selle, Ingeburge prit la tête de la petite colonne. La route était relativement plate au commencement mais s'inclinerait rapidement pour une dénivellation qui gagnerait en importance au fur et à mesure de la progression. Rênes bien en mains, la duchesse d'Auxerre ouvrit la marche, non sans voir indiqué à Miguaël :
— Nous serons mieux au château, c'est certain. Le comte va nous recevoir et ne manquera pas de nous faire servir en breuvages frais.
Et pour couper court tant sur le sujet de l'Euphor que pour assurer que la Petite Merveille se concentrerait sur la montée, alla jouta aussitôt :
— Accroche-toi bien, le sentier va vite s'escarper.


Parvenus devant l'unique porte de la face nord de la forteresse du Tournel, ils dominaient maintenant le Lot qui se déroulait à leurs pieds en un ruban azuré et sinueux. L'escalade n'avait pas été de tout repos et Ingeburge n'aspirait qu'à une chose : se rafraîchir. Le voile blanc qu'elle avait posé sur sa tête collait à ses tempes et elle sentait le goût légèrement salé de la sueur sur ses lèvres. Oui, se rafraîchir, avant le reste. On les fit entrer puis accéder à la cour et la duchesse d'Auxerre eut la mauvaise surprise de constater que le comte du Languedoc les y attendait. Son mécontentement s'accrut quand il doubla les Lombards pour l'aider à mettre pied à terre et, une fois au sol, elle se décala rapidement, grommelant un remerciement uniquement commandé par la politesse. Alors, elle fit comme d'habitude quand elle estimait que le Phœnix allait trop loin, perdait la raison, elle se plongea dans un mutisme, défavorable augure. Et elle était d'autant plus insatisfaite qu'avec cet accueil surprise, elle perdait la possibilité de solliciter une servante pour pouvoir se délasser et se rendre plus présentable. Il fallait en effet se rendre tout de suite dans la grande salle où à boire leur serait servi et où leur seraient révélées ces « bonnes nouvelles » évoquées succinctement par leur hôte.

La grande salle, donc. Il y faisait frais, bien plus frais mais elle, bouillait. La chaleur extérieure, le mécontentement et ce monde dans la pièce qui la condamnerait à se débarbouiller en public. Mélisende et Ella, la fille et la protégée. De l'une et de l'autre, elle ne savait rien, juste ce qu'Actarius avait bien voulu consentir à indiquer entre deux prières de reconsidérer ce qu'il adviendrait de leur relation ou entre deux querelles. C'était en ces instants où leurs vies respectives s'immisçaient entre eux qu'elle mesurait à quel point leurs sentiments étaient égoïstes : il n'y avait rien au monde qui existât en dehors de leur duo et là résidait notamment le danger de ce lien par trop exclusif, le secret ayant renforcé ce déni de l'existence des autres et du reste du monde. De quelques mots, elle salua ce pan méconnu de l'existence du Phœnix :

— Mes demoiselles, le bonjour.
Et ces quatre mots devaient représenter le tiers de tout ce qu'elle avait bien pu adresser aux deux jeunes filles, sachant qu'elle n'avait jamais parlé à celle qui des deux était blonde.

Attrapant la main de son filleul, elle se dirigea ensuite vers une aiguière placée dans un coin et repérée quand elle était entrée. Là, tout en se débarrassant du bandeau d'orfèvrerie qui enserrait son front et retenait sa huve, elle invita le garçonnet à se laver les mains et le visage. Puis, elle fit de même, plongeant avec bonheur les mains dans l'eau fraîche. Elle sécha ses joues humides et tamponna ensuite sa face d'une eau de fleurs contenue dans un flacon qu'elle venait d'extraire de l'aumônière pendue à sa ceinture. Déjà, elle se sentait mieux. Ce qui avait été ôté de sa tête resterait à côté du broc d'eau, elle reprendrait voile et bandeau en quittant les lieux. Se saisissant à nouveau de la main du Louveteau, elle revint au centre de la pièce puis s'y immobilisa, plaçant son filleul devant elle et posant ses mains sur les épaules de celui-ci. Enfin, parce qu'elle n'avait pas le temps d'attendre que le maître des lieux lui signifiât les motifs de cette convocation, elle lança tout de suite la conversation :

— Vous souhaitiez m'entretenir d'une question particulière, Votre Seigneurie.
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[Indispo pas prévue, rattrapage en cours.]
Actarius
L'avantage d'avoir une nature bonhomme et enthousiaste était que l'esprit évacuait tous les signes de contrariété pourtant évidents pour éviter de refroidir le coeur. Las, il y avait un gros inconvénient. Celui d'exaspérer la "victime" et à plus forte raison lorsqu'il s'agissait de l'implacable Prinzessin. Ainsi, sans vraiment faire attention à la réaction qui lui était pourtant connue, il persista à rayonner envers et contre tout, souriant encore et encore, s'attendrissant même de voir les salutations adressées à ces deux demoiselles. Ces bonnes dispositions s'étaient raréfiées depuis quelques mois et se restreignaient le plus souvent aux moments partagés avec la Bourguignonne. Hors de ce cadre particulier, le Coeur d'Oc s'était quelque peu endurci. Il demeurait convivial, mais était devenu bien plus intransigeant. Il s'agaçait plus facilement de certaines attitudes, mais paradoxalement se laissait bien moins souvent emporté par ses colères. Toujours franc et direct, il pouvait se montrer parfois très rude. Son séjour parisien ne l'avait pas métamorphosé, il l'avait instruit sur la nature essentielle de certains actes, de certains reproches. Il avait assisté à tant de choses poussées à leur paroxysme qu'il réagissait simplement différemment et avec bien moins de complaisance.

Mais là, il était à des années de ce côté plus "gris". Il était chaleur, il était convivialité exacerbée. Il observa avec patience le petit rituel de lavement et attendit, le visage cordial que la Froide lui fît face et lui parlât pour faire résonner à nouveau son accent chantant.
Tout à fait, Votre Altesse. Les travaux avancent bien et sous peu nous pourrons compter sur encore plus de bras. La Vicomté est vaste et certains de mes gens sans doute trop éloignés du Tournel ne se sont pas encore laissés porter par l'enthousiasme présent ici. Cela va changer. De Florac à Villefort, de nouveaux travailleurs vont arriver pour finaliser la préparation de l'événement, poursuivit-il sans se départir de son ton enjoué. Ce n'est pas tout. Les réserves seront bientôt pleines, les boissons et la nourriture pourront être servies en abondance. Les aménagements avancent bien également à Saint-Julien et au Castel pour accueillir les invités de marque. Tout devrait être prêt dans les délais.

Il s'interrompit alors, approchant une nouvelle fois de la fenêtre. Tandis que son regard glissait sur la clairière, il ajouta un peu plus bas. Ces festivités feront date. Le colosse se retourna vers les personnes présentes. Depuis que ce fief m'a été octroyé, je n'avais jamais vu un pareil ouvrage se mettre en place, tant d'ardeur se déployer dans cette vallée encore sauvage. Dans quelques jours, elle vivra au rythme des réjouissances. Nous sommes à l'aube d'instants qui ne s'oublieront pas ici, la main d'œuvre, les tisserands, les bergers, les fromagers et les vignerons... Il y avait de l'émotion dans cette voix, celle d'un homme qui voyait une grande entreprise prendre corps en s'émerveillant devant l'élan commun, en redécouvrant les ressources insoupçonnées de ses terres et de ses gens. Il y avait de l'amour aussi, celui de sa terre.

La noblesse engendrait bien des devoirs et des obligations, parfois astreignants. Mais elle pouvait devenir mère de fierté et en ces instants, elle le fut.
Je comptais faire un petit tour du côté de Saint-Julien pour inspecter l'avancée avec Mélisende et Ella. Vous plairait-il de m'y accompagner après avoir pris un petit rafraîchissement et vous être reposée un peu ? La question s'adressait évidemment à la Duchesse d'Auxerre et son filleul, sur lesquels s'étaient posés ses yeux de Sienne.
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Ingeburge
Le visage fermé, la duchesse d'Auxerre fixait le comte du Languedoc tout en écoutant celui-ci lui apporter des informations dont elle n'avait que faire. Elle se doutait bien, pour en avoir croisé des représentants dans la clairière dont elle supervisait l'aménagement, que le maître des lieux avait fait battre le rappel de toute la populace du coin. Pour le ravitaillement, elle était également au courant, son travail de supervision lui permettant aussi d'avoir vue sur l'une des routes principales. Les charrettes se succédant les unes aux autres, elle les avait aperçues; ce que l'on en déchargeait sans discontinuer, également. Quant à cette émotion qu'il afficha en parlant de sa terre, elle tâcha de ne pas se laisser contaminer par elle et de ne pas s'attendrir. Ce n'était pas tant qu'il parlât autant, qu'il la renseignât sur des matières dont elle était déjà édifiée, non. C'était autre chose et cela rejoignait ce malaise qu'elle connaissait depuis son retour au Tournel, cette impression que tous ces gens auxquels elle ne commandait pas et auxquels elle ne souhaitait pas commander agissaient avec elle avec la certitude qu'elle était en droit et légitimité de le faire.

Et cette sensation se voyait brutalement renforcée par cette scène qui se jouait devant ses yeux et à laquelle le Phœnix semblait vouloir à toute force l'intégrer. Il y avait eu cet accueil déplacé dans la cour, comme s'il était normal qu'il l'accueillît au lieu d'attendre qu'elle vînt jusqu'à lui. Il y avait aussi la présence de sa fille et de sa protégée, pièces d'une existence à laquelle elle était étrangère et qui recréait une intimité dans laquelle elle était propulsée. Il y avait ensuite cette liberté de ton devant ces deux personnes de son entourage, il ne cachait rien ainsi et si Ella savait depuis le souper de Montpellier, qu'en était-il de Mélisende? A cet instant, ce n'était pas l'idée de voir ce secret qui n'en était plus un depuis qu'il s'était échappé de l'étrange duo qu'ils formaient s'ébruiter davantage qui la préoccupait. C'était en fait l'impression qu'Actarius forçait les choses, provoquait sa chance alors que depuis des semaines, il la négligeait. Alors? Cette petite scène familiale laissant entrevoir une réalité qu'elle avait tout à fait ignorée la fit se tendre. La proposition d'aller visiter le bourg de Saint-Julien « en famille » acheva de la cabrer.

Alors elle se débattit. Oh, sans violence, simplement à sa manière mais elle ne se laissa pas faire, voyant l'enfermement la guetter, refusant un rôle qu'elle avait connu par le passé mais simplement parce qu'elle avait une mission à s'accomplir, celle de s'élever et de concrétiser les espérances de ses parents. A quel jeu l'Euphor s'adonnait-il? Elle ne voulait pour sa part pas s'y prêter et après avoir hésité sur la manière de repousser une proposition dont elle ne voyait que l'indécence, elle répondit d'une voix neutre :

— J'ai encore beaucoup à voir, Votre Seigneurie, je ne puis participer à cette visite que vous projetez. Du reste, je ne sais que je ne suis pas de bonne compagnie.
Ses yeux se posèrent sur les deux jeunes filles, la rousse déjà vue, la blonde inconnue et pas si éloignée par l'âge d'elle-même. Elle se sentait comme une intruse.
— Mon filleul en revanche sera ravi de venir avec vous et saura s'entendre avec Mélisende et Ella.
Puis, doucement, elle se pencha vers Miguaël et lui demanda, son visage éclairé d'un sourire qui était plus que rare :
— Qu'en dis-tu? te plairait-il d'effectuer une promenade avec Sa Seigneurie? Tu t'amuseras sûrement davantage qu'avec moi.
Ses doigts se saisirent légèrement menton du Louveteau et elle le regarda tendrement pour tâcher de s'apaiser.
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[Indispo pas prévue, rattrapage en cours.]
Miguael_enguerrand
Le jeune garçon avait écouté les explications d'Ingeburge et n'en sortait pas vraiment convaincu. Pourquoi les adultes avaient-ils perdus toute forme d'espoir bienfaisant ? Lorsqu'une chose était inconnue et qu'il fallait spéculer sur son explication, pourquoi se cantonnaient-ils toujours à chercher l'explication la plus fade ? La réalité n'était pourtant que très peu souvent terne ! Miguaël, lui, préférait les explications simples mais pleines d'espoirs, pleines d'espérance et d'optimisme. Comme il priait pour que l'âge ne le fasse pas devenir pessimiste, pour qu'il lui reste cette flamme qui caractérise soit la jeunesse, soit un comportement allant du génie à la folie. Le génie lui irait très bien, s'il avait le choix.

Sa Marraine s'évertuait souvent à couper court à des sujets essentiels, indispensables et omniprésents. Comme s'il suffisait de changer de discussion pour que l'esprit de Miguaël soit diverti. Comme si on pouvait effacer des sujets si importants d'un revers de manche. Elle avait gagné cette fois-ci. Elle avait gagné seule. Le garçon était convaincu qu'ils gagneraient tous les deux le jour où elle livrerait ce qu'elle a sur le cœur. Mais il avait aussi appris de sa Marraine que toute initiative devait venir de sa part. Pour autant, il ne lui était pas impossible de pousser en ce sens, de l'amener doucement à baisser sa garde. Lui n'était pas un amoureux transi ou un amoureux des titres qui essaierait de la vaincre, sûrement pouvait-il alors espérer la faire parler ?
Le garçon était philosophe. Il avait été à bonne école.

Le Comte était venu l'aider, il ne comprenait pas pourquoi le régnant d'un grand comté venait aider un jeune garçon qui n'avait pas encore passé la majorité. La perplexité rapidement effacée, un sourire apparut.


Votre Grandeur, je suis très heureux de vous revoir. Le temps est loin de la fois où nous nous sommes rencontrés, dans cette taverne.

Il avait suivi les deux adultes qu'il regardait d'un air inquisiteur. Il savait très bien qu'ils se connaissaient plutôt bien, mais leur comportement en devenait étrange, suspect même. Les vers du nez leur seraient tirés.

Mesdemoiselles.

Il avait incliné la tête pour accompagner le mot. L'idée de leur demander leurs prénoms commençait tout juste à germer qu'on le tirait par le bras. Ce n'était pas que l'idée de se passer de l'eau sur le visage lui déplaisait, mais le faire ainsi, dans une salle avec d'autres personnes et, qui plus était, des jeunes filles d'à peu près son âge, était gênant. Malgré sa réticence première, il avait suivi sa Marraine parce que c'était du bon sens.
Après ces ablutions, Ingeburge l'emmena de nouveau au devant du maître des lieux et le plaça dans une situation à laquelle il n'était pas habitué. Devant sa Marraine, les mains de cette dernière sur ses épaules, il était en première ligne. Se protégeait-elle ainsi ?
Actarius avait conté tout un tas de choses dont il n'avait saisi qu'une chose : il était fier. Puis à la fin une question et les réponses inattendues de sa Marraine.
Miguaël ne comprenait pas très bien à quel jeu elle jouait, elle semblait irritée, voire courroucée, et même si ces mauvais sentiments n'étaient pas dirigés contre lui, il en était une victime collatérale.

Alors qu'elle lui avait saisi le menton, il posa ses mains par dessus celles d'Ingeburge et scrutant ses yeux, il lui répondit doucement :


Je suis venu en Languedoc pour être avec toi.

Débrouilles toi donc avec ça ! Je ne suis pas de la chair à canon.
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Lacoquelicot


    Oh oui, cruel. Le mot convenait parfaitement au geste de l’Euphor. Doucement, le Vicomte l’avait laissé mêler ses doigts aux siens. L’air de rien, paume contre paume, Ella avait cru gagner en importance. Se sentant presque devenir fille. Ce qu’elle n’avait jamais été pour personne... La sensation était agréable, et un sourire semblait vouloir germer aux coins de ses lèvres. Il était impressionnant de voir, et pire de ressentir, ce dont était capable une main qui enserre la vôtre dans un silence parfait. Alors que vous regardez dans la même direction, vous vous sentez invincible, invulnérable. Vous avez l’étrange impression que rien n’est insurmontable. L'instant devient parfait, cristallin... Mais s’il est une chose bien plus forte que tout cela, c’est bien le cataclysme que vous ressentez quand votre main est lâchement abandonnée. Repoussée comme une malpropre alors que vous vous appliqué à être parfaite. A ce moment-là, alors que le Magnifique s’emballe pour sa sombre invitée, le cœur de la Protégée fissure douloureusement.

    Le Vicomte n’offrit aucune explication, et encore moins d’excuse. Certain dirons qu’il n’a pas en faire, c’est lui le boss après tout… Ils n'ont pas tord, mais peu importe. La jeune fille ne chercha même pas à se battre, ce n’est pas dans son caractère. On ne l'avait pas élevé comme ça. Et tandis que l’esprit tente de se faire une raison, un ordre est lancé d’une voix douce.
    Ella, veille à ce que de l’eau fraîche citronnée soit préparée. Avec cette chaleur, Son Altesse et son filleul doivent avoir grand soif et moi aussi d’ailleurs. C’est vrai que faire de la citronnade ça remonte le moral… L’effort, à cet instant, était surhumain pour qu’aucun soupire ne s’échappe de ses lèvres pour venir la trahir. Et c’est avec la raideur d’un manche à balais que la rouquine s’éclipsa en cuisine pour l’eau citronnée de «Mâdâme». Je t'en ficherai moi de la citronnade ! La voilà relayée au simple rôle de servante au gré des humeurs du Pair.

    La porte des cuisines est poussé, et l’intérieur de sa joue mordu férocement, pour dissoudre la colère qui fait briller ses yeux. Les quelques personnes présente ont eut l’intelligence de ne pas commenter alors que la demoiselle s’acharne de toute ses forces à réduire les agrumes en bouilli. Une oreilles attentive aurait alors put percevoir quelques «Holly Excrement» marmonné tout bas. Laissez Ella trop seule n’était pas une bonne chose, qu'on se le dise... Ce ne fut qu’une fois l’esprit calmé et la citronnade bien - trop - acidulée, que la demoiselle retourna dans la grande salle du Tournel. Sur son visage, aucune tension palpable ou si peu. Pourtant dans la vaste pièce, ne restait plus que Melisende, parfaitement sage… Ou était il?


    ***

    Au dehors, dans la cour, le Vicomte en personne s’en était allé accueillir la Froide et un jeune garçon encore inconnu au bataillon. Geste agaçant au possible pour la Fleur. La vision du Coquelicot est obscurcit par bien des sentiments en cet instant. Colère. Jalousie. Envie. Pourquoi donc donner tant d’importance à cette Montjoie qui ne souriait pas, ou si peu, et qui semblait toujours se mécontenter de chaque chose; quand elle, maigre rousse, se montrait en permanence sous son meilleur jour dans l’unique but de pouvoir glisser sa main dans la sienne? S’il y avait bien un sentiment que la Coquelicot se découvrait depuis peu, et ne supportait pas, c’était sa jalousie. Ella enrageait et n’y pouvait rien, hormis garder le silence et le sourire...

    Le trio ne tarda pas à faire son entrée. Contraste saisissant. Si l’Actarius rayonnait, l’Ingeburge semblait dans un mauvais jour. Encore. Et entre les tempes de la rousse, une vilaine petite voix se mit à murmurer qu’un soupçon de ciguë dans la citronnade n’aurait peut-être pas été plus mal… Vilaine protégée que voilà. Elle en avait presque mal de voir l’Euphor se plier en quatre pour lui plaire alors qu’elle crachait presque ouvertement dans la soupe. Plus que d’envier les attentions qu’Actarius portait à la Glaciale, c’était de voir qu’elle ne semblait pas en vouloir, qui blessait le plus l’égo déjà malmenée de la jeune Protégée. Mais les ablutions finirent, coupant nettes les méditations malsaine de la fillette, qui se plia aux salutations d’usages, avant d’écouter dans un silence parfait la conversation qui eut lieu.


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Image: Jenifer Anderson - Texte: La rue Kétanou
Actarius
Rayonnant, c'était bel et bien le mot qui aurait le mieux défini l'Euphor en ce moment. Visiblement à son aise et joyeux, il avait approché de la table et rempli les verres vénitiens, privilèges de sa richesse et preuve que la péninsule "voisine" n'engendrait pas que des mercenaires sans scrupule ni parole, des artistes débauchés, mais également des artisans de qualité. Si on l'avait cependant mis face à cette contradiction, engoncé dans sa mauvaise foi, il aurait simplement rétorqué que toute généralité avait ses exceptions et que dans l'ensemble les gens des Provinces italiennes restaient des bougres. Bien loin de ces pensées tranchées qui le caractérisaient souvent, le Phénix volait en des cieux de quiétude. Il se trouvait là entouré de ce qu'il avait de plus cher et il en venait à croire que cette scène deviendrait un jour une réalité quotidienne. Mener une vie simple, ainsi qu'elle l'avait décrite dans sa missive, entouré de leurs proches, unis... un doux rêve.

Même le refus courtois de la Prinzessin, puis celui du jeune homme, ne l'affectèrent pas plus que cela. Bien entendu, il aurait préféré être en sa compagnie, mais elle était là, chez lui et il lui importait grandement qu'elle fût à son aise et non contrainte d'agir contre son envie. Elle avait laissé derrière elle sa Bourgogne, elle avait abandonné son quotidien, sa vie même pour trouver un homme le plus souvent absent. La frustration devait être importante, l'impression d'être laissée de côté également. Il en avait conscience, si bien qu'il se montrait plus prévenant encore de coutume lors des moments passés ensemble. Mais ceux-ci avaient pris une tournure différente, ils ne se trouvaient plus que rarement en face-à-face. Toujours, ou presque, rôdaient désormais une ou des personnes à proximité de leur cercle d'intimité. Cette étape dans leur relation était rendue d'autant plus délicate que les circonstances, les responsabilités qu'il avait décidé d'embrasser provoquaient une distance à l'exact opposé de la proximité engendrée par l'ouverture de leur petite sphère à d'autres.


Très bien, Votre Altesse, Mon jeune seigneur. Sur ces mots, il saisit un verre et en but le contenu d'une rasade. Son minois devint hâve. Il reposa le contenant et porta son poing jusqu'à sa bouche pour étouffer un léger toussotement. Je crois que nous allons refaire un peu d'eau citronnée, celle-ci est ma foi un peu âcre. Et ce n'était rien de le dire, qu'avaient donc fait les serviteurs ? Car oui, le Mendois n'imaginait pas un instant qu'Ella avait "confectionné" elle-même ce jus d'amertume concentrée. L'incident n'entama pas pour autant sa bonne humeur et il reprit. Votre Altesse, j'ai omis de vous le demander, votre visite à la clairière vous a-t-elle satisfaite ?
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Ingeburge
Il était dit que deux des hommes de sa vie qui ce jour étaient réunis en cette pièce avaient décidé de la tourner en bourrique.

Miguaël Enguerrand d'abord, son filleul, sa petite merveille, qui s'était saisi de ses mains et qui de son air bien sérieux lui avait répliqué qu'il était venu en Languedoc pour être avec elle. En clair, il refusait sans le dire frontalement sa proposition de le laisser avec le vicomte du Tournel et l'entourage de celui-ci. En d'autres circonstances, l'assistance aurait pu voir une Prinzessin fondre tout à fait et quitter ce masque de froideur qu'elle n'arborait pas en son intimité mais ils n'étaient pas seuls et elle était un peu vexée, oui, de voir sa porte de sortie claquer brusquement à son nez. Si elle ne s'était attendue à pareille répartie, elle ne pouvait faire fi du caractère explicite de celle-ci, elle ne pouvait faire comme si elle ne l'avait entendu : Miguaël ne voulait pas se séparer d'elle, la privant ainsi d'une retraite plus ou moins acceptable. Tâchant de faire bonne figure, elle se redressa lentement, non sans gratifier le Louveteau d'un léger sourire et d'un « soit » qui indiquait qu'elle n'insisterait pas plus avant. Ses mains reprirent leur place sur les épaules du garçon qu'elle plaçait à nouveau entre elle et les autres. L'autre.

Actarius d'Euphor ensuite, le vicomte du Tournel, l'adversaire qui fidèle à son tempérament se montrait bonhomme et positif. Le refus poli et distant qu'il venait d'essuyer ne semblait pas l'affecter et il était clair qu'il s'accommodait mieux de ce non qu'Ingeburge lui avait opposé qu'elle de celui de Miguaël. Elle aurait pu en être soulagée, elle aurait pu se détendre puisqu'il ne s'offusquait ni insistait mais il n'en était rien. Malgré l'impression qu'elle avait de ne rien savoir de lui, sur son passé, sur ses goûts, sur ses activités, sur tout ce qui avait fait de lui l'homme qu'il était, elle parvenait désormais à cerner son caractère et elle savait d'expérience qu'il ne désarmait pas facilement. Il voulait la voir à défaut pour le moment de l'avoir, c'était certain et de ce fait, il ne se laisserait pas abattre si facilement, il trouverait autre chose pour la retenir dans ses rets. Il trouva. Se glissant dans la peau de l'hôte parfait, il servit chacun, poussa le sens du détail à goûter le breuvage pour en commander un autre, celui-ci n'étant pas à son goût. A être demeurée en plein cagnard, Ingeburge avait grand soif. Pourquoi ne pas patienter un peu? Du reste, il lançait un nouveau piège en détournant la discussion sur le chantier. A cela, elle était obligée de répondre, après tout, c'était bien la raison de sa présence en cette pièce et au-delà, au Tournel. Elle n'était là que parce qu'elle devait arbitrer les joutes; il lui plaisait en tous les cas de le croire, s'évitant ainsi de nouveaux tourments. Pourtant, ce fut dans le piège qu'elle trouva le salut. Elle dit :

— Comme j'ai pu vous l'indiquer, j'ai beaucoup à voir, Votre Seigneurie, je ne suis donc en mesure de vous fournir un compte-rendu d'impressions qui ne sont que partielles.

Puis, désireuse d'emprunter au plus tôt la voie de secours qui se matérialisait devant ses yeux, elle poussa son avantage, non sans devoir se montrer un brin insolente :
— Et comme j'ai à faire et que vous ne semblez pas avoir quoi que ce soit à m'apprendre, je retourne sur le terrain, Votre Seigneurie.
La nuque se cassa en deux dans un salut respectueux :
— Votre Seigneurie, mes demoiselles.

S'éloignant de son filleul, elle tendit la main à celui-ci puis tourna les talons. A s'enfuir ainsi, elle oublia voile et son bandeau d'orfèvrerie restés près de l'aiguière.
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[Indispo pas prévue, rattrapage en cours.]
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