Gnia
"Tout dépend du hasard, et la vie est un jeu." Jean de Rotrou
Je crois avoir déjà maintes fois souligné que l'on ne devrait jamais laisser une femme s'emmerder. S'il fallait un exemple de plus pour souligner toute la véracité de cet adage une fois appliqué au cas Saint Just, le voici.
[Quelque part dans la pampa entre Orléanais et Bourgogne - Tripot dit des Trois Chats Borgnes, plus communément connu sous le nom de "Chez Pépette"]
Les cartes furent reposées, faces contre le bois patiné de la table. Un regard circulaire aux gueules cassés qui composaient cette table ronde qui n'avait rien de chevaleresque si ce n'est l'odeur. Quoique l'image n'était pas des meilleures pour décrire le charmant fumet qui composait l'atmosphère du tripot. Une touche de bière rance, une fragrance aigrelette de sueur, une senteur puissante de ferme, plutôt coté étable, bauge et écurie que celui du potager.
Lorsque ce fut à son tour de miser, elle glissa devant elle une petite pile de pièces représentant une somme rondelette non sans siffler entre ses dents à l'adresse de son voisin
Enlève ta sale paluche d'ma cuisse ou j'te saigne comme un porc...
Pas un regard pour le téméraire cadavre en devenir, juste pour les cartes retournées sur la table, exposant sans pudeur leurs atours prometteurs. Quelques éclats de voix détournèrent un instant l'attention de la Saint Just. On s'empoignait à propos de triche au dés, plus loin. Son escorte ne semblait pas être du nombre, le tenancier avait déjà libéré son gros bras qui attendait que ça dégénère pour entrer dans la danse. Aussi elle reporta son attention sur ses propres camarades de jeu, espérant tout de même que le Vairon saurait se tenir à distance de l'alléchant combo constitué de boisson, drogue, sexe et jeu, afin qu'elle puisse, elle, en profiter. Elle ne l'avait pas vraiment prévenu des tenants et aboutissants véritables de cette virée qui se devait discrète, se contenant d'appuyer sur ce point et sur le fait qu'elle avait besoin d'une paire de bras supplémentaires et si possible dissuasifs, mais elle ne s'en inquiétait pas outre mesure. Elle saurait remercier l'effort et le silence à leur juste valeur, il suffisait de leur en fixer une, ultérieurement.
Le nouveau tour de mise avait vu quelques adversaires se coucher, mais elle n'y était plus vraiment, observant, assise à une table, le dos vouté, une silhouette. Un visage qui dénotait dans l'amas des raclures que la Vie voulait bien laisser végéter dans son ombre et qui composait la faune du lieu. Probablement que son minois abîmée mais trop propre dénotait tout autant, mais depuis le temps qu'elle prisait ce genre de lieux et la compagnie des gens de petite vertu, la Saint Just avait appris à se tailler une place dans ce genre de décor.
Presque trop beau malgré un visage qui semblait raviné par une profonde tristesse, quelque chose de familier qu'elle n'arrivait pas à définir. Bref sa curiosité était piquée au vif, aidée par l'étrange torpeur procurée par l'épaisse fumée de la pipe qu'elle avait consommé plus tôt dans un discret salon à l'étage et la douce ivresse du vin qui commençait à la griser.
Elle soupira lorsque le dernier adversaire, irréductible, tenta le tout pour le tout et refusa de plier. Avec un petit claquement de langue teinté de mépris, elle jeta, sans le découvrir, son jeu avec nonchalance et lui abandonna la partie. Son esprit était déjà ailleurs.
Elle se leva non sans omettre de toiser d'un regard mauvais son voisin pervers et se dirigea vers la table du solitaire, glissant tout de même un regard à la recherche d'un autre, bicolore. Elle ne l'avait pas encore trouvé qu'elle payait d'une pièce un godet de vin qu'une matrone faisait passer judicieusement sous son nez, puis elle s'affala sur le banc de l'autre côté de la table, mais pas tout à fait en face. Et sans gêne aucune, elle commença à le dévisager, l'oeil probablement déjà flou, sachant que tôt ou tard une réaction, quelle qu'elle soit, allait fuser.
On s'connait ?
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Je crois avoir déjà maintes fois souligné que l'on ne devrait jamais laisser une femme s'emmerder. S'il fallait un exemple de plus pour souligner toute la véracité de cet adage une fois appliqué au cas Saint Just, le voici.
[Quelque part dans la pampa entre Orléanais et Bourgogne - Tripot dit des Trois Chats Borgnes, plus communément connu sous le nom de "Chez Pépette"]
Les cartes furent reposées, faces contre le bois patiné de la table. Un regard circulaire aux gueules cassés qui composaient cette table ronde qui n'avait rien de chevaleresque si ce n'est l'odeur. Quoique l'image n'était pas des meilleures pour décrire le charmant fumet qui composait l'atmosphère du tripot. Une touche de bière rance, une fragrance aigrelette de sueur, une senteur puissante de ferme, plutôt coté étable, bauge et écurie que celui du potager.
Lorsque ce fut à son tour de miser, elle glissa devant elle une petite pile de pièces représentant une somme rondelette non sans siffler entre ses dents à l'adresse de son voisin
Enlève ta sale paluche d'ma cuisse ou j'te saigne comme un porc...
Pas un regard pour le téméraire cadavre en devenir, juste pour les cartes retournées sur la table, exposant sans pudeur leurs atours prometteurs. Quelques éclats de voix détournèrent un instant l'attention de la Saint Just. On s'empoignait à propos de triche au dés, plus loin. Son escorte ne semblait pas être du nombre, le tenancier avait déjà libéré son gros bras qui attendait que ça dégénère pour entrer dans la danse. Aussi elle reporta son attention sur ses propres camarades de jeu, espérant tout de même que le Vairon saurait se tenir à distance de l'alléchant combo constitué de boisson, drogue, sexe et jeu, afin qu'elle puisse, elle, en profiter. Elle ne l'avait pas vraiment prévenu des tenants et aboutissants véritables de cette virée qui se devait discrète, se contenant d'appuyer sur ce point et sur le fait qu'elle avait besoin d'une paire de bras supplémentaires et si possible dissuasifs, mais elle ne s'en inquiétait pas outre mesure. Elle saurait remercier l'effort et le silence à leur juste valeur, il suffisait de leur en fixer une, ultérieurement.
Le nouveau tour de mise avait vu quelques adversaires se coucher, mais elle n'y était plus vraiment, observant, assise à une table, le dos vouté, une silhouette. Un visage qui dénotait dans l'amas des raclures que la Vie voulait bien laisser végéter dans son ombre et qui composait la faune du lieu. Probablement que son minois abîmée mais trop propre dénotait tout autant, mais depuis le temps qu'elle prisait ce genre de lieux et la compagnie des gens de petite vertu, la Saint Just avait appris à se tailler une place dans ce genre de décor.
Presque trop beau malgré un visage qui semblait raviné par une profonde tristesse, quelque chose de familier qu'elle n'arrivait pas à définir. Bref sa curiosité était piquée au vif, aidée par l'étrange torpeur procurée par l'épaisse fumée de la pipe qu'elle avait consommé plus tôt dans un discret salon à l'étage et la douce ivresse du vin qui commençait à la griser.
Elle soupira lorsque le dernier adversaire, irréductible, tenta le tout pour le tout et refusa de plier. Avec un petit claquement de langue teinté de mépris, elle jeta, sans le découvrir, son jeu avec nonchalance et lui abandonna la partie. Son esprit était déjà ailleurs.
Elle se leva non sans omettre de toiser d'un regard mauvais son voisin pervers et se dirigea vers la table du solitaire, glissant tout de même un regard à la recherche d'un autre, bicolore. Elle ne l'avait pas encore trouvé qu'elle payait d'une pièce un godet de vin qu'une matrone faisait passer judicieusement sous son nez, puis elle s'affala sur le banc de l'autre côté de la table, mais pas tout à fait en face. Et sans gêne aucune, elle commença à le dévisager, l'oeil probablement déjà flou, sachant que tôt ou tard une réaction, quelle qu'elle soit, allait fuser.
On s'connait ?
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