Judas
Non loin de Vincennes, août 1460.
L'homme a fuit son escorte, femmes et suivantes il les a toutes laissées aux bons soins de Courceriers. Le Maine leur siéra bien, ce calme... Terrible. Perpétuel. Un mot laissé sur la couche du limier, quelques lignes concises à l'arrière gout d'alibi. Mais pour cette fois le seigneur n'a pas menti, appelé à Vincennes aux chasses royales l'homme s'est réjoui poliment de cette aubaine le poussant à fausser compagnie à toutes ces femmes qui animent à elles seules l'ennui mortel de son fief suzerain. Le temps de gagner au sud son point de rendez-vous il se trouve une taverne, en quête de jeux d'argent et de cartes. La tête n'est pas aux putains, il les dépasse sans même les regarder, mais où est-elle d'ailleurs..? Se postant à une table il mande du vin, oh ce n'est pas Bourgogne mais ça ira, ça ira... Attirée par les soiffards qui ouvrent leurs bourses pour quelques chopes, Judas croit reconnaitre une diseuse de bonne aventure, sans s'y attarder. L'écu brillant l'aurait délogée de ses routes esseulées, c'est qu'on croirait presque ses jupons danser, là juste à coté... La compagnie du vin n'est pas mauvaise, pourtant l'homme écoute ses prophéties hasardeuses un pingre sourire pointant à peine... Elle a du talent la sorceresse des soirs d'ennui. Laissons courir, l'ichor coûte plus cher mais sa compagnie est bien moins volatile. Les hommes ces nigauds s'y laisse noyer de trop, et ça a finalement le mérite de le distraire. Ils sont là, non loin.
Et leurs lèvres semblant dire... Enjôlez-moi, enjôlez-moi!
Il la regarde.
Vous êtes douée. Et j'ai connu tant et si peu ces charmes évanescents qu'ils m'ont laissé la faim de ceux que l'on ne rassasie jamais. Enjôlez-moi cette nuit, point par votre corps, ce corps que je connais déjà, cet insipide recommencement lorsque ce n'est pas Roide qui me l'offre! Charmez mes yeux, flouez mon esprit, flagornez ma personne et faites moi croire à vos boniments; si charmants. Je vous le promet je boirais vos paroles, je vous le jure, je me ferai parjure. Vendez-moi du rêve pour oublier que j'en manque tant depuis qu'elle est partie, depuis qu'elle a fait de ma vie... Une coursive poussiéreuse aux passantes hagardes et aux mots échardes où je me laisse écorcher. Une pauvre danseuse... Qui vend ses sourires pour quatre sous la nuit, et qui rit de douleur aux premières lueurs. Je saurai écouter. Laissez-moi vous regarder.
Voilà que ses yeux semblent dire... Enjôlez-moi, enjôlez-moi!
Je laisserai vos mains lire dans les miennes que l'on dit bien lisse pour des temps si durs, voyez je jouerai le jeu et ne relèverai pas que c'est vous qui vous jouerez de moi. N'ayez crainte, je ne vous offrirai pas même l'occasion d'être repentante, je resterai sage en dilettante. Vous m'envolerez dans un de vos palais, un de ceux dont vous avez le secret! Ne mentez pas, je sais que vous en détenez les clefs, là quelque part sous votre corset, enjôlez-moi, vous ne comprenez pas... Sous vos airs de Grande Reyne des troquets, faites-moi dire "Assez!", allez, venez me rassasier. De vos cartes, de vos fards, je veux tout savoir. Le beau et le laid qui vous mène à mes pieds, ou peut-être à mon cou, je vous en prie asseyez-vous. Ne riez pas, ce soir je vous serai fidèle. Profitez, l'occasion est bien trop belle. J'aimerai vous dire que nous sommes céans pour l'amusement, mais on ne s'amuse pas avec ces choses là, non ma dame, même si vous ne l'êtes pas, je ne tente que de semer mon tourment. Ce vilain qui me suit, me poursuit, celui-ci le faquin qui s'invite dans mon lit. Dites-moi qu'il n'est que le fruit de mon tortueux esprit, j'approuverai! Je serai votre obligé. Pour quelques deniers.
Enjôlez-moi, juste un peu, juste pour moi.
_________________
IRL PARIS: 29 septembre. Go topic des IRL!