Colhomban
Le brun faisait escale à Lyon depuis quelques jours quand une lettre lui fût adressée. C'était insensé comme on arrivait toujours à le retrouver, même dans la campagne la plus reculée des royaumes... Il fit fi de cette bizarrerie épistolaire et s'enquit du courrier qui manqua de le faire choir par terre.
Sur l'enveloppe une calligraphie que trop connue avait dessiné son nom en toutes lettres. Il en caressa le grain, fronça les sourcils et l'ouvrit d'un mouvement sec emprunt d'un manque de patience.
Sur l'enveloppe une calligraphie que trop connue avait dessiné son nom en toutes lettres. Il en caressa le grain, fronça les sourcils et l'ouvrit d'un mouvement sec emprunt d'un manque de patience.
Citation:
Col,
Que deviens-tu?
J'espère que tout va pour le mieux pour toi.
Je te souhaite le meilleur...
Notre fille grandit bien et te ressemble.
Elle n'est pas bavarde malheureusement, j'espère entendre sa voix sous peu.
Prends soin de toi...
Nominoée et So.
Que deviens-tu?
J'espère que tout va pour le mieux pour toi.
Je te souhaite le meilleur...
Notre fille grandit bien et te ressemble.
Elle n'est pas bavarde malheureusement, j'espère entendre sa voix sous peu.
Prends soin de toi...
Nominoée et So.
Elle avait osé... Osé ! La rage lui fit changer la missive en boulette. Et c'est un geste maladroit qui évita au papier, ainsi réduit en boule, une disparition par le feu, puisqu'une torsion heureuse du poignet lui fit heurter le bord de la cheminée. Conscient de son erreur, Colhomban se rua sur la lettre pour en étudier le papier.
Grattant, scrutant, humant, léchant même (et oui...) il finit par retourner le parchemin dans tous les sens, mais n'en devina pas pour autant la provenance. La frustration vint à gagner et au bout de plusieurs jours de doute, de colère, de tristesse, d'abattement, de circonspection, de résignation, il décida à son tour de prendre la plume.
Il traça les premiers mots de ses pensées sur un parchemin de qualité moyenne portant l'écu de la police lyonnaise, puisqu'un brigandage fortuit l'avait conduit à la prévôté de Vienne.
Citation:
Sorianne,
Sorianne... Cela me fait drôle de ne pas écrire "chère" juste avant. Mais doit-on chérir une voleuse d'enfant ? Tu pensais m'amadouer avec tes lettres. Les empreintes d'une fille adorée que je n'aurai pas vu grandir. Les phrases grandiloquentes entretenues par un soupçon de culpabilité. Qu'as-tu fait ? Qu'est-ce qui t'a pris ? Doit-on vraiment croire que tu as toute ta tête ?
Tu m'as rongé, éreinté, fatigué, épuisé, décharné, picoré, rendu un peu d'espoir avec ta précédente lettre pour me relaisser dans une solitude sans fin. Tu m'as essoré, puis étendu comme une vieille carpette. Tu as marché sur moi, couru, dansé même. Tu m'as ensuite plié, rangé dans un coin comme une vieille paire de bas de laine. De temps en temps tu m'as ressorti, comme on caresse un vieux souvenir. Une poupée de chiffon, lustre d'une enfance passée. Te rends-tu compte de ce que tu m'as fait ? Réalises-tu que dans tes bras, depuis presque 6 mois, mon joyau s'endort ? Et que dans les miens je brasse le vide ?
Je ne t'en veux pas. Enfin plus vraiment. N'ai-je pas fait de même ? Mais passerons-nous le reste de notre vie à nous voler notre fille tour à tour ? Doit-on continuer cette guerre ? Ne devrait-on pas parler ?
Oui PARLER. Tu dois me parler. Je l'écris en toutes lettres, car le problème à ce jour ne vient plus de moi. Parle moi, raconte moi, dis moi ce que tu as vécu. Quand ta mémoire t'a fait défaut comment m'as-tu retrouvé. Qu'as-tu vécu ensuite ? Et là, où es-tu allée ?
Je t'en ai voulu. J'aurai aimé serrer ton cou jusqu'au dernier souffle. Lancer toutes les polices du pays à ta recherche. J'aurai aimé te voir expier, souffrir, brûler de cette solitude que ressente les parents qui ont perdu leur enfant. Au lieu de quoi encore une fois je suis contraint de penser à toi, d'espérer, et d'attendre.
D'attendre ma fille et la femme que j'aime.
Que j'aime...
J'aime...
Je t'aime...
Bien piètres mots après tout cela.
Tu pourrais me planter un poignard dans le coeur qu'il battrait toujours pour toi.
Cinq années après, je ne changerai pas le jour où je t'ai enlevé sur Angoulême.
Prenons le temps Sorianne.
Chère Sorianne.
Colhomban
Sorianne,
Sorianne... Cela me fait drôle de ne pas écrire "chère" juste avant. Mais doit-on chérir une voleuse d'enfant ? Tu pensais m'amadouer avec tes lettres. Les empreintes d'une fille adorée que je n'aurai pas vu grandir. Les phrases grandiloquentes entretenues par un soupçon de culpabilité. Qu'as-tu fait ? Qu'est-ce qui t'a pris ? Doit-on vraiment croire que tu as toute ta tête ?
Tu m'as rongé, éreinté, fatigué, épuisé, décharné, picoré, rendu un peu d'espoir avec ta précédente lettre pour me relaisser dans une solitude sans fin. Tu m'as essoré, puis étendu comme une vieille carpette. Tu as marché sur moi, couru, dansé même. Tu m'as ensuite plié, rangé dans un coin comme une vieille paire de bas de laine. De temps en temps tu m'as ressorti, comme on caresse un vieux souvenir. Une poupée de chiffon, lustre d'une enfance passée. Te rends-tu compte de ce que tu m'as fait ? Réalises-tu que dans tes bras, depuis presque 6 mois, mon joyau s'endort ? Et que dans les miens je brasse le vide ?
Je ne t'en veux pas. Enfin plus vraiment. N'ai-je pas fait de même ? Mais passerons-nous le reste de notre vie à nous voler notre fille tour à tour ? Doit-on continuer cette guerre ? Ne devrait-on pas parler ?
Oui PARLER. Tu dois me parler. Je l'écris en toutes lettres, car le problème à ce jour ne vient plus de moi. Parle moi, raconte moi, dis moi ce que tu as vécu. Quand ta mémoire t'a fait défaut comment m'as-tu retrouvé. Qu'as-tu vécu ensuite ? Et là, où es-tu allée ?
Je t'en ai voulu. J'aurai aimé serrer ton cou jusqu'au dernier souffle. Lancer toutes les polices du pays à ta recherche. J'aurai aimé te voir expier, souffrir, brûler de cette solitude que ressente les parents qui ont perdu leur enfant. Au lieu de quoi encore une fois je suis contraint de penser à toi, d'espérer, et d'attendre.
D'attendre ma fille et la femme que j'aime.
Que j'aime...
J'aime...
Je t'aime...
Bien piètres mots après tout cela.
Tu pourrais me planter un poignard dans le coeur qu'il battrait toujours pour toi.
Cinq années après, je ne changerai pas le jour où je t'ai enlevé sur Angoulême.
Prenons le temps Sorianne.
Chère Sorianne.
Colhomban
Surpris il scruta sa lettre un instant. Il s'était abandonné à l'écriture, et sa main avait tracé pour lui le ressenti qui pesait sur son coeur. Ainsi donc...
Le nobliau laissa sa lettre à la providence, et s'en retourna "douter" au poste de la prévôté.
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