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[RP]L'Hostel Particulier des Houx-Rouge

Soren
[Sounds of silence*]

Mon sourcil droit marque mon étonnement en entendant ses paroles. Est-elle vraiment folle? Croit-elle réellement avoir une chance contre moi? Elle est une femme. Je suis un homme. Elle doit bien faire au moins 40 livres de moins que moi. Elle n'est pas habillée pour se battre mais pour danser à un bal. Elle n'a visiblement pas une grande expérience dans le maniement de l'épée et cette arme est bien trop lourde pour elle. Si elle a choisi de frapper fort plutôt que d'esquiver, elle a oublié de s'équiper d'une armure pour absorber les chocs. Non, elle n'est pas prête pour se battre. Et pourtant, le lui faire remarquer serait faire preuve d'un grand déshonneur. Mais y a t-il un honneur à se battre en duel contre elle? Moi contre elle? Je suis un instant désarçonné. Je ne sais comment me comporter. Je n'ai plus le droit de refuser le combat. J'aurais du imaginer que cela aurait pu arriver...mais quand je parlais de la tuer, c'était évidemment par champion interposé.

Je respire profondément et dégaine l'épée. Ma fine lame ne peut rien contre la sienne. Je serais incapable de parer le moindre coup sans risquer de la briser. Mais en aurais-je réellement besoin? Parer n'est pas dans mes habitudes et cela ne risque pas d'arriver aujourd'hui.

Elle se met à tourner autour de moi. Je la suis du regard en me contentant d'esquiver aisément ses frêles attaques. C'est étrange mais j'ai plus l'impression d'être à une mise à mort qu'un à un duel judiciaire. Quelque part, cela m'effraie un peu. Je suis venu ici pour régler une affaire, pas pour assassiner quelqu'un qui ne sait pas se battre. Ce soir, je danse à peine.Je porte quelques attaques pour le forme. Elle ne tient pas bien sa garde. Des ouvertures, il y en a à chaque instant. À chaque instant, je suis capable de toucher son cœur, de le transpercer et d'en finir là. Mais j'ai encore besoin de réfléchir. Je ne sais comment me sortir de cette situation qui commence à me déplaire sérieusement. Elle n'arrivera jamais à me toucher si je ne me laisse pas faire et...je ne vois pas pourquoi j’arrêterais là. D'un autre côté, elle est danoise et noble. Je sais ce que cela veut dire. Je sais que je ne puis arrêter ainsi sans l'offenser gravement. Elle a une dette à payer. Elle le sait. Cette dette passe forcément par la mort de l'un d'entre nous. La mort ou.... Oui! C'est ça! J'ai la solution! Pourquoi n'y ai-je pas pensé avant? Toujours appliquer et rester fidèle à ses principes. Toujours. A la guerre, quel est mon principe? Ne jamais tuer un ennemi. Un homme gravement blessé est plus encombrant pour son camp que mort. J'ai pris l'habitude de blesser. De blesser gravement...sans tuer! Si Albanne est hors de combat, le duel s'arrêtera. Elle lâchera les armes et je pourrais aisément refuser de l'achever si elle me le demande. Si elle est encore en état de parler. Oui, j'ai la réponse et mon regard s'illumine d'une lueur de satisfaction.

Il est temps d'en finir maintenant. Oui! Maintenant, je le peux. Je me décale sur la gauche, passe sous sa lame et vient happer le tissu de sa robe. La porte est grande ouverte. Ce n'est plus une brèche mais une faille. Une faille gigantesque. De la main gauche, je l'attire à moins. Son regard est ancré dans le mien. Les souvenirs affluent dans mon esprit en une fraction d'instant. La rencontre dans la campagne alors que j'étais fou de rage. Ses paroles en danois. Oui, je m'en rappelle maintenant. Sa visite au monastère où je fus soigné. Le bal aux Houx-rouge. St-Aignan...La nuit fatale où tout bascula. Le dernier gouter à la saveur macabre. Tout peut se lire dans mes yeux. On s'est connu Albanne. On s'est apprécié et on s'est détesté. Point final sur une trop brève relation qui a mal viré. Albanne de Castral-Roc, regarde-moi. En cet instant, je te pardonne la carreau qui a atteint Syuzanna. Ma lame s'enfonce d'un coup dans son abdomen, entre les organes. Comme je l'ai fait des dizaines de fois. Sa poitrine est plaquée contre mon torse. Les vibrations de l'acier qui transperce les chairs se propagent dans mon bras, descendent sur mon échine et remontent jusqu'à la pointe de mes cheveux. Je vois la prunelle de ses yeux s'agrandir. Non, ce n'est pas un effet de surprise. Toutes les victimes ont ce regard quand le fluide vital s'échappe de leur corps.

La garde de mon épée bute contre son abdomen. Sa robe de bal se teinte rapidement d'un rouge écarlate qui imprègne également ma chemise par contact. Son corps est transpercé de part en part. D'un geste vif, je retire l'arme et la jette au loin.


- Albanne de Castral-Roc, tu es désormais pardonnée d'avoir mis en danger la vie de Syuzanna NicDouggal.

Je sens son corps s'affaiblir et se retenir à ma poigne de fer. Une pointe de doute nait soudain dans mon esprit lorsque un filet de sang vient couler le long de son menton en provenance de sa bouche. Ai-je raté mon coup?


Bonsoir ténèbres, mon vieil ami,
Je suis venu discuter encore une fois avec toi
Car une vision s'insinuant doucement en moi,
A semé ses graines durant mon sommeil
Et la vision qui fut plantée dans mon cerveau, demeure encore
A l'intérieur, le son du silence

Dans mes rêves agités j'arpentais seul,
Des rues étroites et pavées
Sous le halo d'un réverbère,
Je tournais mon col à cause du froid et de l'humidité
Lorsque mes yeux furent éblouis par l'éclat de la lumière d'un néon,
Qui déchira la nuit et atteignit le son du silence

Et dans cette lumière pure je vis,
Dix mille personnes, peut être plus
Des personnes qui discutaient sans parler,
Des personnes qui entendaient sans écouter
Des personnes qui écrivaient des chansons qu'aucune voix n'a jamais emprunté,
Et personne n'osa déranger le son du silence

Idiots, dis-je, vous ignorez,
Que le silence, tel un cancer, évolue
Entendez mes paroles que je puisse vous apprendre,
Prenez mes bras que je puisse vous atteindre
Mais mes paroles tombèrent telles des gouttes de pluie silencieuses,
Et résonnèrent dans les puits du silence

Et ces personnes s'inclinaient et priaient
Autour du dieu de néon qu'ils avaient créé
Et le panneau étincela ses avertissements
A travers les mots qu'il avait formés
Et le signe dit : les mots des prophètes
Sont écrits sur les murs des souterrains
Et des halls d'immeubles,
Et murmurés à travers les sons du silence

* Simon and Garfunkel
_________________
Albanne
[J'attends le prochain souffle de vent qui m'emportera vers les miens]
(Merci pour cette petite phrase de conclusion, petite Abeille)

Les secondes s'égrènent. Elles deviennent minutes. Et je suis fatiguée. Terriblement fatiguée. L'épée est si lourde ! A quand la délivrance ?
Maintenant.
La douleur qui me traverse de part en part est insupportable. Insupportable. Cela me brûle le ventre. De la tête aux pieds. J'en hoquète. De surprise et de souffrance. Je ne pensais pas que cela put faire si mal.
Il me parle. Me pardonne. Je souris comme je peux, la bouche emplie de sang.
Mais je dois dire encore quelque chose. Je m'agrippe à sa chemise. Déglutis avec peine.


Merci.

Merci de quoi ? De m'avoir pardonné. De m'avoir tué aussi. Je ne pouvais pas rêver plus grand sacrifice que le mien, pour mériter l'amitié de Syuzanna.
A mes côtés, Brume pousse un hurlement. Je m'agrippe encore une dernière fois à Soren.


Donnez... endroit... Brume... vous plait... aime... loup...

Puis je bascule. Je bascule en arrière. A la fois lentement. Et rapidement. Je sens ma tête heurter le sol humide et moelleux de la berge du ruisseau. Ma tiare. Je la sens glisser. Aterrir dans l'eau. Le souffle court, je regarde les frondaisons des arbres. Le ciel est si bleu ! Si bleu. Si bleu...
_________________
Syuzanna.
[Sous mon masque je reste faible *]

– Sur la route de Niort ~ Quelques heures avant l'aube –

Les lettres s’étaient succédées, toutes plus rapides et courtes les unes que les autres. Albanne contre Søren. Elle avait eu beaucoup de mal à le croire. Mais force lui avait été de constater et de comprendre, que son amie ne plaisantait pas. Elle allait à la mort en toute connaissance de cause. Sans remord. Sans peur. Mais peut-être n’était-il pas trop tard ? Si elle faisait vite, peut-être que… Elle effleure ses habits communs du bout des doigts. Pas encore secs. Tant pis, elle mettrait la robe blanche. Pas le temps d’attendre ! Une fois vêtue, elle lance Foghar au galop. Puissent les Dieux la faire arriver à temps.

– Hôtel des Houx-Rouge, Paris –

L'aube succède à la nuit avec une rapidité proche de l'indécence. Jamais un levé de soleil ne lui a paru si rapide. Mais elle est là, enfin. Elle franchit les grilles du domaine en étant certaine d'arriver à temps. Elle démonte en souplesse, et court, jupe relevée, vers le parc. Essoufflée, mais souriante. Elle peut encore tout empêcher. Mais ce qui s'offre à sa vue en dépassant un bosquet d'arbre la glace d'effroi.
Syu dérape dans les graviers, rendue muette par l'horreur de ce qu'elle voit. L'épée de Søren s'enfonce dans le ventre d'Albanne comme dans du beurre. Et la jeune fille s'effondre.


- NON !, hurle la rousse, en bondissant vers sa jeune amie.

Elle dépasse sans les voir, Pattricia et Annette, bouscule sans ménagement le Danois, et se laisse tomber aux côtés de la jeune fille.

- Non, murmure-t-elle, la voix tremblante. Non, non. Ce n'est pas possible.

Doucement, avec d'infinies précautions, elle hisse le buste d'Albanne sur ses genoux, tout en calant sa tête dans le creux de son bras. De sa main libre, elle presse la plaie, tentant d'endiguer le flot de sang s'en échappant. Mais c'est peine perdue, et la rousse le sait, au fond d'elle. L'épé l'a traversé. Un filet de sang coule sur son menton, et ses dents, ainsi que ses lèvres, sont teintées de vermeil. La pupille de ses yeux si bleus est anormalement petite, faisant ressortir encore d'avantage son regard de glace. Un regard qui pour la première fois sans doute, est également baigné de larmes. Le glacier fond. C'est la première pensée cohérente de l'Ecossaise. Le glacier fond...

- Reste avec moi, la supplie-t-elle, secouée de sanglots. J'ai besoin de toi maintenant, j'ai besoin de toi maintenant !

Les yeux bleus de son amie accrochent les siens. Sa chevelure brune, si brillante, flotte dans l’eau. Le teint exsangue ne laisse que peu de doute sur l’avenir de la jeune fille. La rousse se penche d’avantage vers la blessée. Ses cheveux de feu s’éparpillent comme un voile autour du visage des deux amies. La main poisseuse de sang presse plus fort la plaie.

- On va rentrer, je vais te soigner. Tu vas t’en remettre… J'ai des plantes dans mon sac, on va...

Mais la Danoise secoue lentement la tête. L’éclat de ses yeux bleus a déjà disparu. Ses lèvres sont aussi blanches que le reste de sa peau. Elle se met soudain à frissonner. Ses doigts se posent sur la main de Syu. Comme pour l’ôter. Elle semble vouloir dire quelque chose. Délicatement, l’Ecossaise remonte Albanne sur ses genoux, la berçant tendrement, retenant ses sanglots comme elle le peut.

- Ce n’est… plus la peine, Sisi. Je vois déj… à ma f… amille là-b… as.

- Non Albanne, reste avec moi ! J’ai besoin de toi ici ! Ils peuvent attendre ! Reste avec moi ! J’ai besoin de toi maintenant !, s'écrie-t-elle, folle de chagrin.

La Danoise secoue la tête avec lenteur.

- Tu seras heureuse. N’en veux… pas à Se… Seurn. Je s… suis digne de t… toi, maintenant. Et n’oublie pas que je… que je t’aime, Sy… Syuzanna NicDouggal. Son filet de voix comme écorché est de plus en plus faible. T… Tu es la sœur… que je n’ai jamais eue. Main… tenant je suis… libérée.

Et dans un sourire, dans un soupire, elle ferme les yeux. Des yeux qu’elle ne rouvrira jamais.
Le hurlement que pousse la rousse en sentant les doigts froids de son amie glisser lentement, lui transpercent les tympans. Il meurt dans un sanglot plus violent encore. Elle serre son petit corps maigre contre le sien, souillant sa robe blanche, où se dessinent de pourpres marques. Semblable à des fleurs de sang. Comme dans une demi-conscience, elle crie son prénom, l’embrasse sur le front, la blottit contre elle, et pleure. Pleure comme de sa vie, elle n’a jamais pleuré. Le fait qu’Albanne soit morte lui est inconcevable. Elle allait se réveiller, d’un instant à l’autre, elle allait ouvrir les yeux. Et de nouveau retentirait son éclat de rire. De nouveau, elle se moquerait d’elle. Voudrait tout savoir. La peignerait avec soin. Lui raconterait ses voyages. Déplorerait sa mémoire défaillante. Empoignerait sa main pour l’entrainer dans les vallées verdoyantes. Plongerait avec elle dans les flots agités. Lui offrirait une brassée de fleurs sauvages.
Mais non. Elle n’ouvrirait plus ses yeux si bleus. Ne rirait plus jamais. Parce qu’elle n’était plus. Les yeux rouges, Syu lève brusquement la tête vers le Danois. Des yeux fous. De douleur. De haine. D’un désespoir indescriptible.


- Tu l’as tué !, beugle-t-elle. Ce n’était qu’une enfant ! Elle n’avait aucune chance contre toi et tu le savais ! Tu l’as... Tu l'as...

Un sanglot lui ôte la voix, et comme pour la réchauffer, elle serre encore contre elle le corps sans vie de son amie. Détournant son regard, elle berce Albanne avec une sorte de fureur, avant de se calmer brusquement. Brutalement. Et de rester immobile, chantonnant une chanson à voix très basse. Comme pour accompagner la Danoise du seul sommeil dont on ne s'éveille jamais.

- Rachaidh mé 'márach ag dhéanamh leanna fán choill,
Gan choite gan bád gan gráinnín brach' ar bith liom,
Ach duilliúr na gcraobh mar éadaigh leapa os mo chionn,
'S óró sheacht m'anam déag thú 's tú 'féachaint orm anall...
**

Et soudain, prenant conscience de l'intolérable réalité, elle pousse un hurlement. Avant de s'abimer dans des sanglots incontrôlés.


* Now We Are Free - B.O du film Gladiator

** Demain sans petit lit, sans bateau, sans une pincée de gruau
J'irai faire de la bière dans les bois
Seules les feuilles des branches au-dessus de ma tête me servant de draps
Et je penserai que ce sera bien rien que pour toi que je fais tout cela lorsque tu me regarderas de là-bas
Buachaill ón Éirne, The Corrs
--Annette_langlois
C'est comme une effraction de la réalité. Comme ce genre de moment où l'on ne sait plus s'il s'agit d'un rêve, ou de la réalité. Et même quand on se pince, on n'arrive pas à être convaincu que ce qu'on vit est bien vrai. Bien réel.
Elle avait vu l'épée transpercer sa maîtresse. Elle avait vu Albanne tomber. Elle avait vu la rousse sortir de nulle part. Elle l'avait entendu hurler des choses. Des choses qu'elle se refuse à comprendre.
Tu l'as tué. Cela implique qu'Albanne soit morte. Et ce n'est pas possible. N'est-ce pas ?
Mais la rousse ne s'est pas arrêtée là. Elle hurle. Pleure. Se débat contre ce fait. La mort. Sa robe blanche, sa belle robe blanche est souillée du sang de la malheureuse. Albanne avait voulu danser. Mais elle ne connaissait pas cette danse-là. Et elle avait perdu.
Le bon sens de la domestique reprend bien vite le dessus, et malgré ses larmes, elle doit agir. Car il ne sert à rien de bercer une morte. On ne s'éveille pas de ce sommeil-là. Les joues baignées de larmes, elle s'avance vers Syuzanna. Et pose une main sur son épaule, la pressant doucement.


- Madame... Il faut... Il vous faut la lâcher maintenant.

Comment dire ce genre de choses ? Comment consoler une telle peine ? La vérité, c'est encore ce qu'il y a de mieux.

- Cela n'ôtera pas votre chagrin, Madame. Mais elle savait ce qu'il l'attendait. Elle... C'est ainsi qu'elle voulait finir. Le temps... Elle n'avait plus la force... Elle...

C'est bien plus difficile que prévu. Avouer ce genre de choses ? Détentrice du grand secret d'Albanne, elle ? Oui, c'est ce qu'elle est. Et elle doit le dire. L'avouer. Pour éponger les peines. Et faire qu'elle pardonne au grand blond. Ce que sa maîtresse voulait.

- Elle vous a menti. A vous, à la Demoiselle Enigma... A tous. Elle n'a jamais été guéri. Elle n'a jamais été vraiment mieux. Elle prenait des herbes, en grande quantité, pour simuler la forme. Mais...

Elle se racle la gorge, mal à l'aise.

- Elle aurait rendu son âme au Très-Haut avant l'hiver, Dame. Son mal était incurable et elle... voulait simplement mourir dans les honneurs. Comme... tous les Castral-Roc.

Un sanglot lui coupe la voix. Elle avait été contre, elle. Mieux valait, à son avis, partir lentement, retarder la mort le plus longtemps possible. C'était une forme de suicide. Elle ferma les yeux, submergée par l'émotion.

- N'en veuillez à personne... Car qui est responsable de la maladie ? Et votre ami... Ne lui en tenez pas rigueur trop longtemps. Mademoiselle ne l'aurait pas désiré.

La main se fait plus pressante. Mais toujours douce.

- Il faut rentrer maintenant...
Pattricia
[Étrangère...]


- Tu es là, tu regardes la scène, tu sais ce qui se passe mais... tu dissocies chaque évènement alors qu'ils sont tous liés les un aux autres. Tu es en train d'assister à un drame, mais tu ne laisses place à aucune émotion. Question de vie ou de mort ?
- La ferme ! Question de survie mentale !
- Ouais... tellement plus simple de s'interdire de ressentir hein !
- Dans ce qui vient de se passer rien n'est simple...
- Et tu vas faire quoi maintenant ?
- Ce que je sais le mieux faire, être là...


Laissant derrière elle ses voix intérieures, la vindicative file vers le buffet, sort sa flasque, remplit deux verres, ouvre une petite fiole et met quelques gouttes dans un des deux et rejoint le groupe en plein drame. Elle tend le liquide "arrangé" à Annette en montrant du menton Syu et rejoint en quelques pas Soren.

Elle finira par comprendre, puis par accepter, et au final par te pardonner. Mais pour le moment tu bois !

Elle avait parlé d'un ton légèrement monocorde, espérant convaincre Soren sans le brusquer. Patt se tourne et hésite, elle ne sait pas si Syu supportera sa présence étant donné sa complicité dans le drame qui venait de se passer. Alors immobile, elle attend de voir comment Annette s'en sort, soulagée quelque part quand cette dernière leur avoue la véritable raison qui avait poussé Albanne à une telle extrémité.
Syuzanna.
[Le chagrin comporte cinq étapes. Elles nous semblent à tous différentes, mais il y en a toujours cinq : le déni, la colère, les négociations, la dépression, l’acceptation. *]

Le chagrin lui cisaille la gorge. Les sanglots lui enrouent la voix. Mais les larmes se sont taries. C'est à présent au-dessus de ça. Bien au-dessus des larmes. Comme si le point du monde lui était tombé sur les épaules. Elle a l'impression d'être vieille. Plus vieille que les dieux eux-mêmes. Et cette sensation de vide... Un vide profond, sans fin. Un gouffre. Elle revoit derrière ses paupières closes, le sourire si heureux de son amie, se superposer à celui de Duncan, et celui, si rare, de son père. Toujours cette même sensation d'absolue solitude. L'effrondement du monde. De son monde.

Une main se pose sur son épaule. Une voix à son oreille. Albanne malade. Mort inéluctable. Souffrance aténuée par ce coup d'épée. Et quoi ? Elle est censée pardonner là, tout de suite, au meurtrier de son amie ? Se lever, le serrer dans ses bras, et le remercier pour son geste de haute noblesse ? Non ! Lui n'en savait rien, elle en est sûre. Pour lui, il s'est battu en duel et il a vaincu. Elle le hait, en cet instant précis. Lui. Et Albanne aussi. Les plans tordus de la Danoise lui donnent envie de vomir. Au lieu de lui dire... Au lieu de venir à Sarlat, chez elle, se faire soigner ! Elle était partie en Normandie, assez loin pour qu'elles ne puissent se voir.
Un godet surgit soudain dans son champ de vision, et sans vraiment réfléchir, dans une demi-conscience de ses actes, elle s'en saisit et le vide d'un trait. Puis, de sa main pleine de sang, effleure le visage si doux, si beau, de la jeune fille. La lâcher. Non, pas encore. Pas maintenant. Elle se lève néanmoins.


- Chambre, lance-t-elle en les plantant tous là.

A grands pas, serrant contre elle le corps de la défunte, elle s'éloigne. Entrant dans l'hôtel, elle escalade les marches, les unes après les autres, rapidement. Elle ouvre une porte, la première. Celle de son amie.
Le chagrin soudain la prend à la gorge, l'empêche de respirer, la force à s'agenouiller immédiatement. Toutes les affaires de son amie sont là. Sa brosse d'argent. Son miroir. Ses robes. Sa chemise de nuit, jetée en travers du lit. Un flacon de parfum. Un plateau contenant quelques pâtes de fruit. Un portrait la représentant, au-dessus de son lit. Si belle, sur cette peinture. Ses cheveux libres agités par le vent. Ses yeux de glace qui vous mettent mal à l'aise. Son sourire énigmatique. Son teint pâle. Sa beauté si stupéfiante qu'elle en parait irréelle.

- Rachaidh mé 'márach ag dhéanamh leanna fán choill...

Chanter lui redonne un peu de force. Les joues baignées de larmes, elle se relève, et délicatement, comme si elle était simplement endormie, dépose Albanne sur son lit. Lui caressant les cheveux, elle s'assoit à ses côtés.

- Gan choite gan bád gan gráinnín brach' ar bith liom...

Elle doit lui nettoyer le visage. La rendre aussi belle que sur le portrait. Elle se lève, et passe dans la pièce attenante. La salle d'eau. Le baquet est encore plein. Elle se saisit d'un linge, le trempe dans le bac, puis revient près de son amie.

- Ach duilliúr na gcraobh mar éadaigh leapa os mo chionn...

Elle essuie doucement les traces de sang, jusqu'à rendre sa peau aussi pâle que de coutume. Et voilà. On la croirait endormie. N'eut été ce large cercle de sang sur sa robe bleue. Mais pour la changer, il lui faut attendre Annette.

- 'S óró sheacht m'anam déag thú 's tú 'féachaint orm anall...

Sa voix se brise sur les dernières paroles. Le flot de larmes reprend de plus belle. Et étrangement, c'est lui qu'elle appelle. De toutes ses forces, c'est son nom qu'elle hurle. Søren. Le nom de celui qui est responsable de la mort de son amie. Elle l'appelle, l'appelle, l'appelle... Jusqu'à ne plus avoir de voix. Jusqu'à ne plus pouvoir parler. Ni même respirer. Elle l'appelle lui. Parce que malgré tout, malgré son acte odieux, incompréhensible, c'est encore de lui qu'elle a besoin.



* Grey's Anatomy - Réplique complète
Soren
[La grande évasion*]

Il y a des moments où il n'y a tout simplement rien à dire. Mon épée trône dans l'herbe humide, à quelques pieds de moi. La lame est teintée de cette couleur macabre...le rouge sang. Syu est arrivée trop tôt. Jamais elle n'aurait dû venir. Jamais elle n'aurait dû voir tout ceci. Mon cœur se calme peu à peu mais mon corps est parcouru d'un tas d'humeurs guerrières qui se dissipent peu à peu. Je me sens fébrile, déboussolé. Je me sens...comme après une bataille, comme après une boucherie infâme alors que l'on se demande encore comment on a fait pour s'en sortir vivant. Cette fois, ce n'est pas la difficulté ou l'atrocité du combat qui en est la cause, mais bien la proximité de la victime d'avec mes proches, d'avec moi.

Là-haut dans le ciel, les premiers rayons du soleil viennent se refléter contre les multiples fenêtres des houx-rouge. La brume se dissipe à peu à peu. Le jour se lève. Un jour de plus. Pour moi.

Mon regard est posé sur Syu et Albanne. Il n'exprime ni joie, ni peine. Il ne sait d'ailleurs quel sentiment il doit refléter. Le néant peut-être? L'absence de sentiment? Le vide? Je ne regrette rien. Non. Rien. Au fait de moi, je sais que cela devait être fait...même si c'est difficile à accepter. J'ai raté mon coup. J'ai un moment cru qu'elle se sortirait avec une blessure certes grave, mais qu'elle s'en sortirait. J'ai vraiment cru que je n'avais touché aucun organe vital. C'est un acte manqué. J'ai essayé...et j'ai échoué. La danoise est morte et l'écossaise pleure son amie. Elle vient d'assister à la mort de sa meilleure amie, tuée par le bras armé de celui qu'elle s'apprêtait à épouser dans quelques semaines.

Je ne sens la présence de Patt que lorsque celle-ci prend la parole. Elle me tend un verre? Sans rien dire, je l'avale et je fracasse le contenant vide contre le sol.


- Je vais avoir besoin de plus qu'un verre aujourd'hui Patt.

Syu emporte la victime avec elle et entre dans la batisse. De ce qui vient de se passer, ne reste sur les lieux qu'une épée à fine lame, une chemise tâchée de rouge et une flaque macabre d'un liquide visqueux. Combien de temps est-ce que je reste ainsi à fixer cette flaque? Je ne saurais le dire.

- M'attends-tu Patt? Il faut que je parle à Syu. Ensuite, j'ai envie de m'enfermer dans une chambre et de me saouler jusqu'à en perdre conscience.

Pour être capable de survivre à une bataille violente sans perdre la tête, il faut être capable d'oublier. Ne pas penser à ce qui vient d'arriver. La boisson est souvent la meilleure des médecines pour cela. On boit, on oublie...et on n'y pense plus. Jamais. Trop cogiter et c'est la folie qui nous guette.



* Patrick Watson - The Great Escape
_________________
--Annette_langlois
Encore secouée par l'évènement, et la violence du chagrin de la rousse, Annette met un temps à réagir une fois la jeune femme partie. L'homme et la femme encore là discutent ensemble, mais la domestique n'écoute qu'à moitié. Elle se remémore ce que sa maîtresse lui a demandé de faire une fois disparue. Hochant la tête, elle s'avance vers les deux encore présents.

- Excusez-moi, braves gens... Je.. J'ai pour mission la lecture du testament et je dois également m'occuper de la mise au caveau de ma... de feue ma maîtresse.

Un brin de panique envahit ses traits. Elle tourne un regard suppliant vers Dame Pattricia. Elle-même n'a aucune connaissance en ce domaine, et ce sacré notaire a pris la poudre d'escampette, la laissant gérer seule cette étrange situation.

- Serait-il possible de nous réunir dans le petit salon pour... la lecture... du testament ?

Puis, à l'adresse du grand blond :

- Et, Sieur, vous serait-il possible d'aller chercher votre Dame ? Et de faire mander... la jeune fille brune, Damoiselle Enigma ?

Un jappement la fait soudain sursauter. Brume. Qu'a dit Albanne à ce sujet ? Elle hoche la tête en se souvenant. Demande de l'aide à Syuzanna, Søren, Enigma, ou Pattricia. Décidément, ses derniers actes en tant que domestique ne sont pas de tout repos. Car, oui, en perdant sa maîtresse, elle a également perdu son emploi. A moins que l'héritier des Houx ne l'engage ? Mais qui est l'héritier des Houx ? Elle a bien les noms des bénéficiaires, mais ne connait pas la teneur du testament. Une moue légère se dessine sur ses lèvres, puis elle reprend le fil de sa mission.

- Dame Pattricia, accepteriez-vous de servir de témoin ? Pour assurer à tous que le sceau n'a pas été rompu et que le testament n'a pas été modifié ? S'il vous plait ?
Soren
Le loup. Son loup! Ses dernières paroles avaient été pour lui. " Aime… loup". Je n'ai aucun doute là-dessus. Pour posséder un animal sauvage et vivre ainsi en sa compagnie, il faut l'aimer. Et beaucoup! Plus que les hommes? Bah! La question n'a plus vraiment d'importance maintenant. Je ne sais ce qu'il va devenir d'ailleurs, ce loup! L'animal est habitué à la présence des hommes. Le relâcher dans la nature? Ne risque t-il de se faire attraper et tué dans une battue? Le garder avec moi? Il n'en reste pas moins un animal à l'instinct sauvage. Il est capable de tout dans une période rage intense. Ouais! Suis-je moins aussi un animal sauvage accoutumé à la présence humaine? Pas toujours très capable de vivre en compagnie de mes semblables…ni capable de me défendre seul là où la loi du plus fort s'applique? Un soupir lourd s'échappe de mes lèvres. Mes sourcils se froncent à la recherche de réponses à d'hypothétiques questions. Ma bouche se plisse. Je ne suis plus à l'aise ici. J'ai besoin de quitter cet endroit. Et vite!

La servante me sort de mes idées. Un testament? Faut-il encore que j'assiste à ça? Vraiment? J'ai le sang d'Albanne sur ma chemise et je dois me présenter à l'ouverture de son testament? Je regarde Patt comme si elle était ma mère, comme si j'attendais d'elle un conseil devant cette proposition si…incongrue? Je me retourne à nouveau vers la servante.


- Je vais chercher damoiselle NicDouggal. Quand à dame Enigma, je ne sais où elle se trouve… Mais qu'on en finisse! Et vite!

Je prends la direction par laquelle Syu a disparu, mais je m'arrête quelques pas plus loin. Sans me retourner, j'ajoute à l'attention de Annette.

- Ayez l'obligeance de m'apporter de votre alcool. Qu'importe sa nature. Je veux du fort! Le plus fort que vous ayez!

[Aux Houx-rouge - Devant la chambre occupée par Syuzanna]

J'ai mis un peu de temps à trouver où Syuzanna s'était réfugiée avec la dépouille mortelle de son amie. De couloir en couloir. De porte en porte. J'ai fini par me laisser guider au bruit des pleurs… et de la chanson. Il n'y a plus qu'une porte, une seule, qui me sépare d'elle. Mais en cet instant, c'est aussi un grand vide qu'il y a entre nous. Ce vide, je l'ai creusé moi-même. Par un coup d'épée. Un seul. Je suis venue, mais je ne sais pas quoi lui dire. D'ailleurs, y a t-il vraiment quelque chose à dire? A expliquer? Comment peut-on expliquer à sa promise que l'on vient de donner la mort à l'une de ses meilleures amies? Non, je crois qu'on ne peut pa. Enfin… Je ne peux pas. Je ne suis pas assez doué avec les mots pour cela.

Je toque trois fois à la porte. Des petits coups secs. Ni trop faibles, ni trop forts.


- Syuzanna? C'est…

Qui suis-je au fait? Ton compagnon? Celui que tu avais promis d'épouser? Un danois? Celui qui a occis Albanne?

- C'est…

Celui qui malgré tout est convaincu qu'il se devait d'agir ainsi, et qui le referait au besoin… Lorsque ce carreau a transpercé ton abdomen Syu, quelque chose a détruit. De manière irrémédiable. Quelque chose de bien plus fondamental que la chair.

- …C'est Søren!

Ce nom sonne faux à cet instant… Il sonne comme un mélange de françois et de danois.
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Syuzanna.
[Les lumières te guideront à la maison
Et enflammeront tes os
Et j'essairai ... de te réparer. *]


Le calme après la tempête. Les larmes ont définitivement disparues. Leurs empreintes sont pourtant toujours là. Les yeux brodés de rouge, les paupières gonflées, les lèvres vermeilles. Et cette tristesse dans le regard, insondable.
A genoux devant le lit de la défunte, elle la contemple sans trop la voir, absorbée par ses pensées. Par les aveux de la domestique. Morte avant l'hiver.
Mais pourquoi, Albanne ? Pourquoi ne pas me l'avoir dit ?

Des coups répétés à la porte la tire de ses songes étranges. L'importun s'annonce. Søren. Aussitôt, elle se lève. Immédiatement, elle va ouvrir. Et il est bien là. Elle hésite entre le frapper ou s'effondrer dans ses bras. Entre lui hurler dessus ou rester silencieuse. Elle le regarde un long moment, de son regard grave qui lui est si peu coutumier. Il est encore plein du sang de la Danoise. Quelque chose gronde soudain en elle. Le meurtrier qui vient contempler son oeuvre ? Mais cette pensée est aussitôt chassée. Elle n'a pas le courage, pour le moment, d'être en colère.

Et une image, soudain. Albanne vainqueure. Søren battu. Et par conséquent, mort. La brune serait morte juste ensuite, de les mains de celle qui la pleure en cet instant. Albanne était son amie. Mais Søren n'est-il pas bien plus que cela ? Le seul à qui je pourrais pardonner. Tout pardonner. N'a-t-elle pas écrit ces mots ?
Ce n'est pas la manière dont elle est morte qui la terrasse. Mais sa mort elle-même. Ce ne sont pas ses derniers mots qui lui cisaillent le coeur. Mais les traits apaisés qu'elle affichait en les prononçant. Ce n'est pas son regard vide qui la font hurler de douleur. Mais l'émerveillement qui les animait à la dernière seconde. Ce n'est pas Albanne que Syu plaint. Mais les vivants qu'elle laisse derrière elle, qui devront apprendre à exister sans elle. N'aurait-elle pas été tout aussi dévastée si elle avait été emportée par la maladie ? Sans doute que si. L'amie lui manque. Lui manquera toujours. Et c'est tout ceci, ajouté à l'épuisement qu'elle ressent, qui la font agir calmement.


- Entre, lance-t-elle enfin, la voix éraillée.

La robe blanche. Pleine du sang de son amie. Perdue à jamais, elle aussi. Rien n'ôte le sang des tissus.
Elle se laisse glisser contre le lit, épuissée. Vidée de toute énergie. Levant les yeux vers lui, elle tapote le sol à ses côtés.


- Viens.

Et alors qu'il s'assoit à son tour, elle pose la tête sur son épaule. Sa main s'empare de la sienne. Ses doigts s'emmêlent aux siens. Ses paupières se ferment, et de nouveau, le silence.
Plus tard viendra le temps de la colère. Pour l'instant, à cette minute précise, elle a simplement besoin de réconfort. Et de savoir que malgré ce qu'il vient de se passer, il est encore là.


- Jure-moi que tu ne me laisseras jamais.


* Fix you - Coldplay
Pattricia
[J'veux du soleil... *]

Le godet vole dans les airs et va s'écraser les dieux savent où. Elle ne lui répond pas que le but n'était pas de l'enivrer, mais juste de lui permettre de revenir parmi eux et surtout d'éviter qu'il ne parte dans une de ses humeurs sombres qui lui sont si préjudiciables, ainsi qu'aux autres, à quoi cela aurait-il servi qu'elle lui dise tout ça. Peut-être a t-elle baragouiner un truc incompréhensible. Par contre, elle lui a montré le buffet dressé avec moult bouteilles, mais il ne la regardait déjà plus, perdu dans l'observation du loup. Le loup... Une idée lui vient mais elle verra ça plus tard.

Évidemment qu'elle va l'attendre, il ne croit tout de même pas qu'elle a accepté d'être témoin d'une telle tragédie pour ensuite le planter là. Patt hoche la tête, ne voyant pas quoi rajouter de plus face à son désarroi.
Mais Annette est là, et bien là, témoin impuissant, comme la rousse, d'une danse macabre qui venait de se jouer sous leurs yeux. Que dit-elle ? La lecture du testament ? Là... maintenant ? Témoin ? Encore !!!


Oui... bien sûr...

La vindicative serre sa cape autour d'elle, parcourue de frissons malgré l'aube estivale. Sur le pavé de la cour une tâche sombre marque l'endroit où Albanne est tombée et quand les jades se lèvent vers le ciel, les nuages sont curieusement plutôt nombreux, comme rassemblés pour parer de tristesse cette tragique matinée. Le nez au vent, comme à la recherche d'un peu d'air pur, la môme au loup lance un appel silencieux. J'veux du soleil !!!

* J'veux du soleil Au p'tit bonheur
Soren
[On ne jette pas le coffre au feu parce que la clef est perdue*]

Elle a pleuré. Celui se voit sur son visage. Ces marques là ne trompent pas. Elle me fait signe d'entrer et m'appelle à ses côtés. Je passe ma main autour de ses bras et je ne dis rien. Pas un mot. Instants de silence complet. Instants de rapprochement entre nous deux. Soutien mutuel.

Elle a pleuré. Je ne savais même pas qu'elle en était capable. J'en doutais fortement. Les souvenirs affluent en moi une nouvelle fois. Le concours de bière, le pied écrasé volontairement…ou pas, la rencontre fortuite au chat perché chez Marjo…rencontre qui me valut une colère phénoménale d'un autre côté, mon insistance à lui faire comprendre qu'elle n'est pas un homme et qu'elle ne peut se comporter indéfiniment comme tel, l'essayage d'un robe blanche et le retour à ses habits de chasseuse. Oui, elle a pleuré comme le font les femmes en pareille circonstance. Les hommes eux ont une autre façon de supporter le deuil. Je la mettrais en pratique sitôt rentré à l'hôtel de la Force. Il n'y a rien à dire, rien à faire. Il faut que le temps fasse sont oeuvre. Patt a raison. Sa plaie à vif se refermera avec le temps. Quand à moi, ce sera une cicatrice de plus dont mon âme se couvrira.

Est-ce que je regrette ma rencontre avec Albanne? Non. On ne peut passer son temps à regretter le passé. Il ne faut jamais regretter. Jamais. Il faut savoir apprécier les bons moments et passer outre les obstacles…même si ceux-ci sont hauts et difficiles à franchir. Avoir conscience d'avoir fait ce qui devait être accompli. C'est ça qui me mène. C'est ça qui me mènera toujours.

Combien de temps sommes-nous restés ainsi? Je ne peux le dire. La notion du temps qui passe est un concept qui s'étire et contracte sous l'effet de nos sentiments. Le temps est une dimension personnelle. Un jour peut paraitre une éternité pour l'un et un simple instant pour un autre. Je ne sais où Syuzanna se situe actuellement. D'ailleurs, je ne sais plus du tout où nous nous situons l'un par rapport à l'autre. Il y a quelque temps encore, elle était comme un coffre de bois précieux. Je connaissais la moindre petite rainure dans le grain du bois. Je savais exactement où se trouvait les arceaux de métal, je devinais sans aucune peine les rondeurs des clous qui les fixaient sur le coffre. Les yeux fermés, je savais où appuyer pour déclencher le mécanisme d'appuyer. Je connaissais la combinaison secrète pour le refermer sans bruit. Aujourd'hui tout est...flou, différent. J'ai l'impression que le coffret à changé de forme, qu'il me faut de nouveau l'approcher, le découvrir, le...réapprendre.


- La servante nous attend dans la salle de réception.

Une phrase, une seule, prononcée sur un ton qui frôle celui d'un simple murmure. Elle n'a pas prononcé mon prénom en entrant. J'ai hésité et opté pour la même manière. Quand on ne connait pas un coffret, il vaut mieux être prudent...sous peine de déclencher un mécanisme moins amical qu'un simple clic.Quelques instants plus tard, nous faisons notre apparition dans la salle de réception des Houx-rouge. Il reste encore une étape à cette pénible journée.

* Proverbe breton
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--Annette_langlois
Ils étaient tous là. Annette se racla la gorge. Son dernier acte en tant que servante. Ensuite, elle devrait chercher du travail ailleurs... ou retourner aux champs, dans son Limousin natal qu'elle avait fui en espérant trouver mieux ailleurs. Oh, elle avait trouvé. Mais aujourd'hui, elle venait de perdre.

- Bien, je... Je vais donc lire le testament.

Elle montra à Dame Pattricia, le velin dont le sceau de cire était intact. Puis le brisa nettement. Fallait-il qu'elle le lise à voix haute ? Quelle fasse circuler le papier ? Elle opta pour la première solution, et déchiffra chacun des mots à voix lente :

- D'Albanne Pelletier de Castral-Roc, Duchesse des Terres-Blanches au Danemark, fait aux Houx-Rouge à Paris, le 8 août de l'an 1460. Saine d'esprit et de corps. Ouais, ça, ça reste à voir...Aux héritiers. A Syuzanna NicDouggal, fille de William MacDouggal et de Siùsaid NicGregor de Ruthemberg, Chef du Clan MacDouggal, je lègue le domaine des Houx-Rouge, la moitié de mon argent, ainsi qu'un médaillon pour elle, et un autre pour sa fille Eilidh. Effectif dès après son mariage avec Soren MacFadyen Eriksen.
A condition d'un mariage avec le Sieur Zolgan, et uniquement avec cet homme, Damoiselle Enigma se verra remettre un quart de ma fortune, la totalité de ma garde-robe, et la totalité de mes bijoux exceptés ceux légués à Syuzanna précédement nommée. Si un mariag entre Enigma et Zolgan n'était pas conclu, les biens reviendraient à Eilidh, fille de Syuzanna.
Au Sieur MacFadyen Eriksen, je lègue le reste de ma fortune pécuniaire, ainsi que le coffre contenant les feuillets arrachés du Livre des Vertus. La clef a disparu.
Les Terres-Blanches auront pour héritière Birgit de Castral-Roc, le jour de sa majorité.
Et c'est signé Albanne Pelletier de Castral-Roc, Duchesse des Terres-Blanches.


La servante releva le nez, puis posa le parchemin sur la table basse, examinant les convives de cette sinistre cérémonie. Ses yeux revinrent se poser sur la Dame rousse.

- Mademoiselle m'avait confié ceci, également, pour vous, Damoiselle NicDouggal.

Elle déposa sur ses genoux un rouleau de parchemin, puis recula lentement.

- Je vous serais gré de prévenir la Damoiselle Enigma pour son éventuelle part d'héritage.

Cachant son émotion, elle s'empressa d'ouvrir la porte d'une armoire, et d'en extirper une bouteille d'alcool de prune. Ce qu'elle avait de plus fort. Et, pour l'y avoir gouté, fort, ça l'était. Ç'aurait décapé des latrines !
Elle servit un verre à chacun, puis s'enfila le sien cul sec.


- Voilà. Avez-vous besoin d'autre chose ?
Syuzanna.
[Et j'ai besoin de toi, et tu me manques, et maintenant je me demande... Si je pouvais tomber dans le ciel, penses-tu que le temps passerait encore, car tu sais que je voudrais marcher sur mille miles, si je pouvais simplement te voir ce soir. *]

Comment est-elle arrivée là, elle ne s'en souvient pas vraiment. Il y avait eu le silence de la chambre mortuaire. Il y avait eu sa main sur ses bras. Puis elle avait fermé les yeux. Et il lui avait dit qu'Annette les attendait. Elle avait eu envie de le laisser aller seul. Elle voulait rester là. Ne pas la laisser seule. Avant de comprendre qu'Albanne ne l'était plus. Elle avait retrouvé les siens. Si elle restait, c'était au final, qui serait restée seule. Seule dans une pièce hantée par la vie de la Danoise. Elle avait donc dû se lever. Marcher. Descendre les escaliers. Traverser les couloirs. Pousser une ou deux portes. Repérer un siège. S'y asseoir.

Et pendant que la domestique parle, elle essaye de se remémorer ces gestes-là. De revoir les peintures sur les murs. De réentendre les pas de Søren derrière elle. Ou devant elle ? Voit-elle sa silhouette en plissant les yeux ? Est-ce sa chevelure blonde qui danse devant ses yeux ? Le soupire de sa respiration ? Est-ce lui qui la guide, ou elle qui le précède ? Impossible de s'en souvenir.
Elle ne sort de sa torpeur que lorsque la domestique pose sur ses genoux un rouleau de parchemin. L'ouvrir ? Oui. Il le faut. Savoir, tout savoir, tout de suite. Elle rompt le sceau. Lit une fois. Ne comprend rien du tout à l'assemblage de lettres qui danse sous ses yeux. Se concentre. Et comprend enfin. L'explication. Les adieux. La demande ultime. Lui pardonner à elle. Ne pas en vouloir à Søren. Il est innocent ! Le bras armé de son suicide. Puis la supplique. Accepter le testament. Elle relève brusquement le nez.


- J'hérite des Houx-Rouge ?

Je n'en veux pas. Elle est bien tentée de le dire. Pourquoi respecterait-elle une volonté alors que la sienne n'avait pas été entendue, ni même écoutée ? Ce ne sont pas toujours les mêmes qui doivent obéir, accepter.
Mais que deviendrait-il, cet hôtel, si elle ne donnait pas son accord ?
Pour toute réponse, elle hoche la tête. Soit. Elle aurait le temps d'y réfléchir ensuite. Plus tard !
Brusquement, elle se lève, avale d'un trait le verre d'alcool.


- Je dois y aller.

Ce sont ses seuls mots. Les derniers qu'elle prononce avant de les regarder un par un. Elle contemple longuement le Danois, avant de s'en détourner. Sans les saluer plus que cela, elle ouvre la porte. Et quitte les Houx-Rouge. Sans se retourner.


* A thousand miles - Vanessa Carlton
Soren
[Une page se tourne...]

C'est une drôle d'ambiance. Je n'ai jamais assisté à l'ouverture d'un testament. Je suis mal à l'aise. Sans cesse, à chaque mot écrit par Albanne et lu par la servante, me reviennent en tête des images sordides: le visage d'Albanne au moment où mon épée se fraie un chemin dans ses entrailles. C'est un peu comme si ma vie reste coincée sur cet instant, comme si elle boucle encore et encore sur le même instant.

Je ne porte pas attention à ce qui se dit jusqu'au moment où j'entends qu'on prononce mon prénom. Le mien? Mais qu'est-ce qu'il fait là? Mon esprit fait un léger retour en arrière. De l'argent et un coffret contenant les feuillets arrachés du livre des vertus? Mais...pourquoi? Savait-elle lorsqu'elle a écrit ces mots que je serais celui par lequel elle trépasserait? Sans doute.... Alors quoi? J'ai soudain l'impression d'être un voleur. J'arrive, je tue, je prends. Je me sens mal à l'aise, mais comment refuser? On ne peut qu'acquiescer aux dernières volontés d'un mort. Je regarde un à un les personnes qui m'entourent. A l'énoncé de ce testament, j'ai l'impression de les entendre tous, un par un : tueur...tueur...TUEUR!

Je n'ai même pas touché à une goutte du verre qui est posé devant moi. Je l'ai complètement oublié, déstabilisé par le discours que je viens d'entendre. Syu se lève. Elle me regarde. Je n'aime pas ce que je vois dans ce regard. Oh non! Cela contraste énormément avec ce que j'ai ressenti dans la chambre mortuaire. La peine insurmontable est submergée par un autre sentiment. Un sentiment que je ne connais que trop bien. Une colère....Une colère froide, complètement intériorisée. J'aurais préférée qu'elle éclate, cette colère, qu'elle se décharge sur moi, qu'elle vide son sac haineux une bonne fois pour toute. Tout plutôt que cette attitude.

La voilà maintenant qui part. Sans rien ajouter. Sans même me dire un au-revoir. L'atmosphère est lourde. Un mort...un départ...une haine. Je regarde longuement Pattricia. Me juges-tu aussi? Suis-je aussi pourri que j'en ai l'air? Que ces hommes qui m'ont donné la vie et qui m'ont élevé? Je me lève à mon tour et je m'adresse à la servante.


- Je passerai prendre le coffre plus tard. Je...Je suis fatigué. J'ai besoin de repos.

Je jette un coup d’œil à la vindicative en me demandant si elle va me suivre. Oui, il est temps de partir.
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