Soren
[Sounds of silence*]
Mon sourcil droit marque mon étonnement en entendant ses paroles. Est-elle vraiment folle? Croit-elle réellement avoir une chance contre moi? Elle est une femme. Je suis un homme. Elle doit bien faire au moins 40 livres de moins que moi. Elle n'est pas habillée pour se battre mais pour danser à un bal. Elle n'a visiblement pas une grande expérience dans le maniement de l'épée et cette arme est bien trop lourde pour elle. Si elle a choisi de frapper fort plutôt que d'esquiver, elle a oublié de s'équiper d'une armure pour absorber les chocs. Non, elle n'est pas prête pour se battre. Et pourtant, le lui faire remarquer serait faire preuve d'un grand déshonneur. Mais y a t-il un honneur à se battre en duel contre elle? Moi contre elle? Je suis un instant désarçonné. Je ne sais comment me comporter. Je n'ai plus le droit de refuser le combat. J'aurais du imaginer que cela aurait pu arriver...mais quand je parlais de la tuer, c'était évidemment par champion interposé.
Je respire profondément et dégaine l'épée. Ma fine lame ne peut rien contre la sienne. Je serais incapable de parer le moindre coup sans risquer de la briser. Mais en aurais-je réellement besoin? Parer n'est pas dans mes habitudes et cela ne risque pas d'arriver aujourd'hui.
Elle se met à tourner autour de moi. Je la suis du regard en me contentant d'esquiver aisément ses frêles attaques. C'est étrange mais j'ai plus l'impression d'être à une mise à mort qu'un à un duel judiciaire. Quelque part, cela m'effraie un peu. Je suis venu ici pour régler une affaire, pas pour assassiner quelqu'un qui ne sait pas se battre. Ce soir, je danse à peine.Je porte quelques attaques pour le forme. Elle ne tient pas bien sa garde. Des ouvertures, il y en a à chaque instant. À chaque instant, je suis capable de toucher son cur, de le transpercer et d'en finir là. Mais j'ai encore besoin de réfléchir. Je ne sais comment me sortir de cette situation qui commence à me déplaire sérieusement. Elle n'arrivera jamais à me toucher si je ne me laisse pas faire et...je ne vois pas pourquoi jarrêterais là. D'un autre côté, elle est danoise et noble. Je sais ce que cela veut dire. Je sais que je ne puis arrêter ainsi sans l'offenser gravement. Elle a une dette à payer. Elle le sait. Cette dette passe forcément par la mort de l'un d'entre nous. La mort ou.... Oui! C'est ça! J'ai la solution! Pourquoi n'y ai-je pas pensé avant? Toujours appliquer et rester fidèle à ses principes. Toujours. A la guerre, quel est mon principe? Ne jamais tuer un ennemi. Un homme gravement blessé est plus encombrant pour son camp que mort. J'ai pris l'habitude de blesser. De blesser gravement...sans tuer! Si Albanne est hors de combat, le duel s'arrêtera. Elle lâchera les armes et je pourrais aisément refuser de l'achever si elle me le demande. Si elle est encore en état de parler. Oui, j'ai la réponse et mon regard s'illumine d'une lueur de satisfaction.
Il est temps d'en finir maintenant. Oui! Maintenant, je le peux. Je me décale sur la gauche, passe sous sa lame et vient happer le tissu de sa robe. La porte est grande ouverte. Ce n'est plus une brèche mais une faille. Une faille gigantesque. De la main gauche, je l'attire à moins. Son regard est ancré dans le mien. Les souvenirs affluent dans mon esprit en une fraction d'instant. La rencontre dans la campagne alors que j'étais fou de rage. Ses paroles en danois. Oui, je m'en rappelle maintenant. Sa visite au monastère où je fus soigné. Le bal aux Houx-rouge. St-Aignan...La nuit fatale où tout bascula. Le dernier gouter à la saveur macabre. Tout peut se lire dans mes yeux. On s'est connu Albanne. On s'est apprécié et on s'est détesté. Point final sur une trop brève relation qui a mal viré. Albanne de Castral-Roc, regarde-moi. En cet instant, je te pardonne la carreau qui a atteint Syuzanna. Ma lame s'enfonce d'un coup dans son abdomen, entre les organes. Comme je l'ai fait des dizaines de fois. Sa poitrine est plaquée contre mon torse. Les vibrations de l'acier qui transperce les chairs se propagent dans mon bras, descendent sur mon échine et remontent jusqu'à la pointe de mes cheveux. Je vois la prunelle de ses yeux s'agrandir. Non, ce n'est pas un effet de surprise. Toutes les victimes ont ce regard quand le fluide vital s'échappe de leur corps.
La garde de mon épée bute contre son abdomen. Sa robe de bal se teinte rapidement d'un rouge écarlate qui imprègne également ma chemise par contact. Son corps est transpercé de part en part. D'un geste vif, je retire l'arme et la jette au loin.
- Albanne de Castral-Roc, tu es désormais pardonnée d'avoir mis en danger la vie de Syuzanna NicDouggal.
Je sens son corps s'affaiblir et se retenir à ma poigne de fer. Une pointe de doute nait soudain dans mon esprit lorsque un filet de sang vient couler le long de son menton en provenance de sa bouche. Ai-je raté mon coup?
Bonsoir ténèbres, mon vieil ami,
Je suis venu discuter encore une fois avec toi
Car une vision s'insinuant doucement en moi,
A semé ses graines durant mon sommeil
Et la vision qui fut plantée dans mon cerveau, demeure encore
A l'intérieur, le son du silence
Dans mes rêves agités j'arpentais seul,
Des rues étroites et pavées
Sous le halo d'un réverbère,
Je tournais mon col à cause du froid et de l'humidité
Lorsque mes yeux furent éblouis par l'éclat de la lumière d'un néon,
Qui déchira la nuit et atteignit le son du silence
Et dans cette lumière pure je vis,
Dix mille personnes, peut être plus
Des personnes qui discutaient sans parler,
Des personnes qui entendaient sans écouter
Des personnes qui écrivaient des chansons qu'aucune voix n'a jamais emprunté,
Et personne n'osa déranger le son du silence
Idiots, dis-je, vous ignorez,
Que le silence, tel un cancer, évolue
Entendez mes paroles que je puisse vous apprendre,
Prenez mes bras que je puisse vous atteindre
Mais mes paroles tombèrent telles des gouttes de pluie silencieuses,
Et résonnèrent dans les puits du silence
Et ces personnes s'inclinaient et priaient
Autour du dieu de néon qu'ils avaient créé
Et le panneau étincela ses avertissements
A travers les mots qu'il avait formés
Et le signe dit : les mots des prophètes
Sont écrits sur les murs des souterrains
Et des halls d'immeubles,
Et murmurés à travers les sons du silence
* Simon and Garfunkel
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Mon sourcil droit marque mon étonnement en entendant ses paroles. Est-elle vraiment folle? Croit-elle réellement avoir une chance contre moi? Elle est une femme. Je suis un homme. Elle doit bien faire au moins 40 livres de moins que moi. Elle n'est pas habillée pour se battre mais pour danser à un bal. Elle n'a visiblement pas une grande expérience dans le maniement de l'épée et cette arme est bien trop lourde pour elle. Si elle a choisi de frapper fort plutôt que d'esquiver, elle a oublié de s'équiper d'une armure pour absorber les chocs. Non, elle n'est pas prête pour se battre. Et pourtant, le lui faire remarquer serait faire preuve d'un grand déshonneur. Mais y a t-il un honneur à se battre en duel contre elle? Moi contre elle? Je suis un instant désarçonné. Je ne sais comment me comporter. Je n'ai plus le droit de refuser le combat. J'aurais du imaginer que cela aurait pu arriver...mais quand je parlais de la tuer, c'était évidemment par champion interposé.
Je respire profondément et dégaine l'épée. Ma fine lame ne peut rien contre la sienne. Je serais incapable de parer le moindre coup sans risquer de la briser. Mais en aurais-je réellement besoin? Parer n'est pas dans mes habitudes et cela ne risque pas d'arriver aujourd'hui.
Elle se met à tourner autour de moi. Je la suis du regard en me contentant d'esquiver aisément ses frêles attaques. C'est étrange mais j'ai plus l'impression d'être à une mise à mort qu'un à un duel judiciaire. Quelque part, cela m'effraie un peu. Je suis venu ici pour régler une affaire, pas pour assassiner quelqu'un qui ne sait pas se battre. Ce soir, je danse à peine.Je porte quelques attaques pour le forme. Elle ne tient pas bien sa garde. Des ouvertures, il y en a à chaque instant. À chaque instant, je suis capable de toucher son cur, de le transpercer et d'en finir là. Mais j'ai encore besoin de réfléchir. Je ne sais comment me sortir de cette situation qui commence à me déplaire sérieusement. Elle n'arrivera jamais à me toucher si je ne me laisse pas faire et...je ne vois pas pourquoi jarrêterais là. D'un autre côté, elle est danoise et noble. Je sais ce que cela veut dire. Je sais que je ne puis arrêter ainsi sans l'offenser gravement. Elle a une dette à payer. Elle le sait. Cette dette passe forcément par la mort de l'un d'entre nous. La mort ou.... Oui! C'est ça! J'ai la solution! Pourquoi n'y ai-je pas pensé avant? Toujours appliquer et rester fidèle à ses principes. Toujours. A la guerre, quel est mon principe? Ne jamais tuer un ennemi. Un homme gravement blessé est plus encombrant pour son camp que mort. J'ai pris l'habitude de blesser. De blesser gravement...sans tuer! Si Albanne est hors de combat, le duel s'arrêtera. Elle lâchera les armes et je pourrais aisément refuser de l'achever si elle me le demande. Si elle est encore en état de parler. Oui, j'ai la réponse et mon regard s'illumine d'une lueur de satisfaction.
Il est temps d'en finir maintenant. Oui! Maintenant, je le peux. Je me décale sur la gauche, passe sous sa lame et vient happer le tissu de sa robe. La porte est grande ouverte. Ce n'est plus une brèche mais une faille. Une faille gigantesque. De la main gauche, je l'attire à moins. Son regard est ancré dans le mien. Les souvenirs affluent dans mon esprit en une fraction d'instant. La rencontre dans la campagne alors que j'étais fou de rage. Ses paroles en danois. Oui, je m'en rappelle maintenant. Sa visite au monastère où je fus soigné. Le bal aux Houx-rouge. St-Aignan...La nuit fatale où tout bascula. Le dernier gouter à la saveur macabre. Tout peut se lire dans mes yeux. On s'est connu Albanne. On s'est apprécié et on s'est détesté. Point final sur une trop brève relation qui a mal viré. Albanne de Castral-Roc, regarde-moi. En cet instant, je te pardonne la carreau qui a atteint Syuzanna. Ma lame s'enfonce d'un coup dans son abdomen, entre les organes. Comme je l'ai fait des dizaines de fois. Sa poitrine est plaquée contre mon torse. Les vibrations de l'acier qui transperce les chairs se propagent dans mon bras, descendent sur mon échine et remontent jusqu'à la pointe de mes cheveux. Je vois la prunelle de ses yeux s'agrandir. Non, ce n'est pas un effet de surprise. Toutes les victimes ont ce regard quand le fluide vital s'échappe de leur corps.
La garde de mon épée bute contre son abdomen. Sa robe de bal se teinte rapidement d'un rouge écarlate qui imprègne également ma chemise par contact. Son corps est transpercé de part en part. D'un geste vif, je retire l'arme et la jette au loin.
- Albanne de Castral-Roc, tu es désormais pardonnée d'avoir mis en danger la vie de Syuzanna NicDouggal.
Je sens son corps s'affaiblir et se retenir à ma poigne de fer. Une pointe de doute nait soudain dans mon esprit lorsque un filet de sang vient couler le long de son menton en provenance de sa bouche. Ai-je raté mon coup?
Bonsoir ténèbres, mon vieil ami,
Je suis venu discuter encore une fois avec toi
Car une vision s'insinuant doucement en moi,
A semé ses graines durant mon sommeil
Et la vision qui fut plantée dans mon cerveau, demeure encore
A l'intérieur, le son du silence
Dans mes rêves agités j'arpentais seul,
Des rues étroites et pavées
Sous le halo d'un réverbère,
Je tournais mon col à cause du froid et de l'humidité
Lorsque mes yeux furent éblouis par l'éclat de la lumière d'un néon,
Qui déchira la nuit et atteignit le son du silence
Et dans cette lumière pure je vis,
Dix mille personnes, peut être plus
Des personnes qui discutaient sans parler,
Des personnes qui entendaient sans écouter
Des personnes qui écrivaient des chansons qu'aucune voix n'a jamais emprunté,
Et personne n'osa déranger le son du silence
Idiots, dis-je, vous ignorez,
Que le silence, tel un cancer, évolue
Entendez mes paroles que je puisse vous apprendre,
Prenez mes bras que je puisse vous atteindre
Mais mes paroles tombèrent telles des gouttes de pluie silencieuses,
Et résonnèrent dans les puits du silence
Et ces personnes s'inclinaient et priaient
Autour du dieu de néon qu'ils avaient créé
Et le panneau étincela ses avertissements
A travers les mots qu'il avait formés
Et le signe dit : les mots des prophètes
Sont écrits sur les murs des souterrains
Et des halls d'immeubles,
Et murmurés à travers les sons du silence
* Simon and Garfunkel
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