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[RP]L'Hostel Particulier des Houx-Rouge

Pattricia
Lecture d'un testament... son premier...
Toutes les personnes qu'elle fréquentait et mourraient l'avaient fait sans testament. Elle trouvait ça triste, personne parmi les présents n'avait envie d'entendre les dernières volontés d'Albanne, non personne...

Cela n'avait rien à voir avec ce que chacun avait éprouvé pour la jeune fille, c'était juste que personne n'avait encore eu le temps de digérer cette mort injuste. Cela n'était pas non plus de la colère vis-à-vis de Soren, en tout cas de la part de Patt, c'était juste inacceptable la mort si soudaine d'une jeune fille qui était censée avoir la vie devant elle.

Quand Syu craque à nouveau, la vindicative ne fait pas un geste, l’Écossaise devait pouvoir faire une crise tranquille, sans quelqu'un qui viendrait lui coller aux bottes alors qu'elle avaient besoin d'être seule.

Quand Soren donne le signe du départ, la rousse se lève à son tour et s'approche d'Annette.


Je ne sais pas ce que décidera en fin de compte Syu, mais si jamais cet hôtel devait être vendu, et si vous n'avez rien contre la campagne, sachez que vous auriez votre place près de moi. Évidemment, rien à voir avec le train de vie d'ici, je suis plus... simple.
Et... pour le loup... si jamais vous avez besoin d'aide, je veux bien le ramener avec moi en Périgord, le mien l'intègrera à sa meute, il apprendra...


Après un signe de tête, Patt s'approche de Soren et lui prend le bras.

Viens... rentrons...
Ma cave est à ta disposition, évite juste de croiser les enfants... après...
Quant à moi, j'ai besoin d'un bon bain pour me laver de cette matinée et de tout ce qu'elle nous a apporté de chagrin et d'amertume...


La rousse se laisse entrainer par le grand blond en direction du coche, retour à l'Hôtel de La Force...
--Niels_de_castral_roc
[Bien des mois plus tard, aux Houx-rouges]

Le temps s'était écoulé depuis les derniers évènements survenus aux Houx-rouge. Plus de douze mois! Une longue année. Le meurtre commandité de Sven... Et cerise sur le gâteau, Søren qui tue Albanne! Décidément, le destin avait joué pour lui cette fois-là. Lorsqu'il avait appris le dénouement de l'histoire, il avait eu du mal à le croire. S'il avait voulu provoquer ces évènements, nul doute qu'il aurait du faire preuve de beaucoup de ruse et de perfidie. Et là, cela lui était offert en présent, sans qu'il n'ait rien demandé. Oui, il faut croire que désormais quelqu'un là-haut prenait soin de lui.

Oui. Il avait attendu plus d'un an avant de mettre la deuxième partie de son plan à exécution. Il fallait que les choses se tassent. Surtout ne pas se précipiter, c'est le meilleur moyen pour échouer. Lorsqu'il mit les pieds aux Houx-rouge en ce vendredi 13 Décembre 1461, un grand sentiment de fierté pour ce qu'il avait accompli l'envahit. Ses pas résonnaient dans la grande salle de bal déserte. Les meubles étaient recouvert de grands draps blancs. Sur les draps, de la poussière. Une odeur de renfermé vint lui prendre au nez. Qu'importe! Il savourait l'instant présent. Désormais le maître des lieux, c'était lui! Niels de Castral-Roc!

Derrière lui, un homme suivait un homme tout aussi blond que Niels. A ses côtés, une jeune femme, presque une fille tenant dans ses bras un garçonnet qui ne devait pas encore avoir 2 ans. La fille était blonde. L'enfant était blond.


- Sven! Trouve une chambre où installer la demoiselle avec son enfant. Ensuite, il va nous falloir trouver du personnel de maison pour mettre tout ça en ordre et faire revivre les houx-rouges. Et quand tout sera de nouveau comme avant, nous donnerons un grand bal. J'ai déjà une liste d'invités.

Un sourire en coin se dessina sur le visage de Niels. Si tout se déroulait comme prévu, dans quelques mois, sa vengeance serait accomplie. Jusqu'à la dernière goutte!
Niels

    « Et ainsi passe le temps… »


Les années avaient passé depuis la réinstallation des Castral-Roc aux Houx-Rouges. Niels avait pris possession des lieux et l’hôtel était devenu son lieu de villégiature principal en France. Dans l’aile Ouest, près de là où il avait fait installer sa chambre, une fille et son petit enfant vivait reclus du monde ou presque, ne voyant que ceux que le danois autorisait. Quand il repartait vers Helsingør, Thorvald son homme de main devenait le maitre des lieux. Il avait le pouvoir d’agir à sa guise tant que cela était dans les intérêts de Roy de Deniers. Les mois se succédèrent, les années passèrent, les visites de Niels aux Houx-Rouges s’estompèrent jusqu’à l’automne 1465 où Thorvald vit revenir son maître. A sa gauche, la présence de Sven Poulsen ne l’étonna guère. C’était un fidèle parmi les fidèles, un homme acquis à la cause de Niels depuis des années, depuis qu’ils étaient enfants. En revanche, la personne qui se tenait à sa droite surprit le vieux baroudeur: ainsi donc, Niels avait réussi à faire adhérer Jørgen Janssen à sa cause. Jørgen, celui qui ne voulait pas prendre parti. Jørgen le conciliateur. Jørgen, le cavalier de bâtons.

Peu à peu la vie reprit aux Houx-Rouges. Niels s’y fit plus présent et une aura de peur ne tarda pas à s’installer dans ces lieux auparavant si paisibles et où les rires fusaient sans difficulté.

C’est ainsi que quelques années plus tard après que Niels eut amené en ces lieux une jeune fille et son enfant…

_________________
Niels


Le sol des houx-rouges était traversé d’un fourmillement de tunnels plus ou moins larges, plus ou moins propres, usités ou même connus des habitants du lieu. Les passages secrets entre les murs permettaient leur utilisation en toute discrétion. On aurait dit que toute l’architecture de la bâtisse avait été conçu par un groupe de comploteurs. Peut-être était-ce le cas après tout? La tapisserie couvrant une partie du mur ouest dans le bureau de Niels ondula un instant. De derrière en sortit Sven Poulsen. L’homme se racla la gorge. Il savait que même si personne ne pouvait entrer dans le bureau de Niels sans s’être fait annoncer et accepter, il n’était pas personne. Les liens qui le rattachaient à Niels depuis l’enfance lui permettaient cela. Sven trouva l’homme sur le balcon, les bras croisés dans le dos, visiblement dans ses pensées.


- Il y a un imprévu. Elle est arrivée. Elle s’est présentée d’elle-même.

Cette phrase aurait pu paraitre énigmatique pour celui qui n’était pas dans les petits secrets des danois. Sven savait cependant que toute précision supplémentaire ne serait qu’une perte de temps inacceptable pour Niels: quand on apportait une mauvaise nouvelle au maître des lieux, mieux valait être concis, même quand on s’appelait Sven Poulsen. La réponse de Niels fut toute aussi brève.

- Thorvald l’a accueilli?

Niels ne laissait pas souvent transparaitre ses sentiments dans ses paroles. Quand il le faisait, c’était soit qu’il pouvait se le permettre parce que cela n’avait aucune importante, soit que c’était un calcul de sa part. Mais ici, aux Houx-Rouges, tout avait de l’importance. Malgré la complicité des deux hommes, même après toutes ces années d’amitié, Sven ne savait comment interpréter les paroles qu’il venait d’entendre. Il connaissait l’importance de la situation actuelle. Il savait comment Niels pourrait se comporter si tout cela échouait parce qu’un « simple détail comme celui-là » venait d’arriver. Non, il n’avait pas été prévu que Eudoxie Castera Eriksen se présente de son plein gré aux Houx-Rouges. Thorvald devait l’enlever en plein Paris, sous les yeux de Søren. C’était ça qui aurait dû avoir lieu. Le silence de Niels était évocateur. Sven savait que son ami rejouait silencieusement la trame de son plan en incluant ce fait nouveau. Il soupesait les différentes hypothèses et confirmait ou infirmait des possibilités. La déranger en un tel instant n’était pas conseillé sauf si l’on aimait subir son courroux. Même les plus fous s’en passaient.

- Oui. Il la fait patienter. Il attend tes ordres.

C’était vrai. Dans le vestibule d’entrée, Thorvald avait été surpris par la brune orthézienne. Un brin décontenancé, il avait lui aussi dû se ressaisir rapidement. Qu’est-ce qu’elle faisait là? Pourquoi se jeter dans la gueule d’un loup qui était censé la terroriser? La peur…Le plan de Niels jouait sur ce sentiment. De part et d’autre. Se pouvait-il que quelque chose n’allait pas? Si les sentiments que devaient induire les Houx-Rouges chez l’orthézienne n’étaient pas au rendez-vous, il se pouvait bien que tout ceci soit un véritable fiasco. Thorvald avait invité Eudoxie à passer dans le salon, une servante s’était présentée pour savoir si elle désirait se restaurer. Pendant ce temps, ordre avait été donné par le géant vétéran pour boucler les lieux. La proie venait de se jeter volontairement dans la gueule du loup. La méfiance devait être de mise. De nouveaux ordres devaient être transmis.

- qu’il l’amène comme prévu dans la chambre cette nuit. Mais avant, qu’il lui propose de se reposer ici pour la nuit. Qu’il prenne ma chambre pour cela.

Niels était un stratège. Pour un quidam, son ordre aurait pu paraître imprécis, vague, laissant libre court à l’interprétation. Le danois aimait à s’entourer d’hommes de confiance et cela n’était pas pour rien: quand on travaillait pour Niels de Castral-Roc, il fallait faire preuve d’initiative ou plutôt de la capacité à savoir traduire les pensées du Roy de deniers. Une chambre? Deux chambres? Sven n’avait pas l’air perdu. Il hocha la tête et sans attendre plus longtemps disparut par l’endroit par lequel il était entré. Niels resta seul un instant. Jamais en public, il n’aurait donné l’impression d’hésiter et pourtant le doute s’était insinué dans son esprit. Il n’aimait pas l’inattendu surtout quand il venait de la part de l’adversaire. Le dérangement de ses plans avait beau paraître trivial, il soulevait chez lui un doute qu’il avait du mal à chasser. Il s’apprêtait à mener une guerre. Sans arme, sans armure, mais une véritable guerre tout de même. Il ne pouvait pas se permettre d’échouer. Il constata avec une certaine appréhension qu’il avait posé la main droite sur la balustrade du balcon pendant la brève conversation avec Sven et qu’elle tremblait. Les mâchoires serrées, le regard fixé sur cette faiblesse, il la fit stopper par la volonté de son esprit. Les dés venaient d’être jetés et ce n’était pas lui qui les avait lancés. Simple détail ou funeste présage? Seul le temps le lui dirait. Alea Jacta Est. En bas, il entendit la voix lourde de Thorvald répondre à Eudoxie. Oui, l’oiseau était dans la cage. La phase Un venait de commencer. Elle devrait porter fruit rapidement sinon la phase Deux n’aurait aucun intérêt.

La peur… Oui la peur, elle n’est pas toujours là où on l’attendait.


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Eudoxie_
"Faites face à vos peurs et à vos doutes et de nouveaux horizons s’ouvriront à vous." (Robert Kiyosaki)

Niels ? Houx-rouges ? Rendez-vous...

Mai 1466, ville de Paris (ici)

"Hotel Particulier des Houx Rouges"


Et voilà, elle y était, le lourd portail se refermant sur son passage comme la porte d'une geôle, mais qu'est-ce qui lui avait pris, et dans sa précipitation tout ce qu'elle avait prévu, la dague danoise, la pièce dont elle ne connaissait toujours pas l'incantation, tout... elle avait tout oublié.
Sa mère lui avait répété de nombreuses fois quand les larmes de la rage roulaient sur ses joues de petite fille : "La colère est mauvaise conseillère Eudoxie... elle te fera agir sans réfléchir et te mènera à ta perte". En cet instant, alors qu'elle avançait en suivant, l'homme en livrée qui la guidait, l'inénarrable ne put que l'admettre alors que ce souvenir résonnait dans sa tête.

Une longue inspiration, le châle de taffetas pourpre qu'elle avait saisi à la volée en sortant fut resserré sur sa poitrine tandis que le laquais lui demandait d'attendre un instant à l'extérieur, onyx se relevant sur la bâtisse pour la détailler, ses jeunes années chez le comte se rappelant vivement à elle, oui ici elle devrait être celle là surtout face à celui qu'elle venait voir, cette Eudoxie que si peu de ses amis actuels connaissait...
Malgré son ventre proéminent, la béarnaise changea alors de posture, le port de tête évoluant vers des enseignements qui lui semblaient appartenir à une autre vie, et alors que son regard venait de se poser sur un homme en balcon c'est une voix mature qui lui fit détourner la tête.

- Dame Castera, soyez le bienvenu, je vous en prie

Le borgne... Il fallait que ce soit lui qui l'avait fait fuir à peine plus tôt qui l'invite à pénétrer dans cet hôtel des Houx Rouges, que ce soit lui qui lui ouvre les portes de l'antre du loup dans la gueule duquel la petite brune se jetait tête baissée et pourtant consciente de ce qu'elle faisait.
Garder la tête froide et l'attitude adaptée, ne rien montrer et d'un simple et distingué léger accord de tête, contenir l'angoisse et le frisson que lui provoquait la simple vision de cet homme en acceptant l'invitation, avançant pour passer l'entrée et fouler de ses pieds cet endroit tant redouté.

Onyx balayant le luxueux, le pompeux, la vanité et tout ce qui avait bercé son enfance, cet endroit avait tout de ce qu'elle avait côtoyé plus jeune, ce qui l'aiderait grandement dans son comportement ici, n'être pas elle mais cette autre qu'on lui avait enseigné et cacher ce qui transpirait pourtant.
Si l'image envoyée ne laissait quasi rien filtrer lorsque le laquais vint délester les épaules du carré d'étoffe légère, n'offrant que l'attitude d'une femme habituée, posée, sure de ce qu'elle venait faire ici, intérieurement il en était tout autre.

Un vent de panique, un ouragan de pourquoi, une tempête de regrets et surtout elle... cette peur qui la tenait depuis des mois et qui atteignait son apogée, faisant battre son coeur à l'en faire exploser, provoquant sous couvert d'étoffe des sueurs froides dévalant l'épine dorsale orthézienne, une envie de hurler, de fuir.
Et pourtant... cette même angoisse la poussait à vouloir aller au bout de tout ça, mettre fin à ce cauchemar éveillé que lui faisait vivre celui que la brunette était venue rencontrer, vouloir reprendre le contrôle de sa vie, de son avenir, sans cette épée de Damoclès danoise nommée Niels de Castral-Roc probablement soutenue par la main de Lars Eriksen, à moins que cette vendetta ne soit plus "personnel".

Pendant qu'elle avait été savamment orientée vers un petit salon où une servante s'inquiétait de son appétit, le borgne en avait profité pour rester en retrait, pas pressés du personnel venant s'enquérir des directives.
Il ne fallu pas longtemps alors pour que les cliquetis de serrure se fassent entendre à peine le chuchotement ayant filtré des lèvres du sbire dont le regard, ou plutôt l'oeil, bifurqua vers un autre homme, blond lui aussi, à croire que si on n'était pas blond... on était pas danois, bien qu'en soit rien ne disait qu'il l'était.

Discrètement après avoir pris une mignardise à la servante qui avait la lourde tâche de la tenir occupée, le regard obsidien se posa sur les deux hommes, observant leur échange, les sonorités lui parvenant ne faisant que confirmer son sentiment, ici blondeur voulait dire danois, alors la noirceur de ses cheveux à elle ne faisait que renforcer le fait qu'Eud n'aurait jamais du se trouver ici.
Petit geste de rejet pour le plateau de gourmandise et prenant son courage à deux mains dans une lourde déglutition les yeux clos, le pas de la béarnaise se dirigea avec détermination vers le duo danois, les talons de ses bottes claquant exagérément le sol noble du salon de l'hôtel particulier.

Messires, permettez que j'interrompe là votre discussion en aparté mais je ne suis ici pour déguster des douceurs aussi délicieuses soient-elles.

Inclinaison de tête légère vers la droite puis la gauche, perles noires oscillant de l'un à l'autre, le temps de se demander comment elle arrivait à ce prodige de se tenir là, droite dans ses bottes, sans vaciller, tandis que dans sa tête une petite voix lui répétait sans cesse "fuis" "va t-en".
Mais la chanson des portes verrouillées quelques instants plus tôt ne laissait que peu de doute à la petite brune, le piège s'était refermé sur elle, le loup avait fermé sa gueule, restait à savoir si il planterait ses crocs dans la chair de la proie captive.

Où est Messire De Castral-Roc ? Est-ce un usage danois que de faire attendre ?

La mine des deux hommes ne fut pas celle qu'aurait voulu voir la bestiole, surtout quand le borgne s'inclina vers elle pour se retirer la laissant seule avec l'autre homme dont elle ne savait rien et qui, même si visage plus avenant, ne lui inspirait pas plus confiance que le barbu borgne.
Dextre calée sous l'arrondi de son ventre, la surprise de la béarnaise passa fugacement sur son visage lorsque le blond, probablement du même âge qu'elle, peut-être un peu plus vieux, s'inclina à son tour pour lui offrir un baise main en bon et dû forme, se saisissant de sa main gauche posée sur son ventre. Habitude danoise ? uhm...

- Dame Castera, je me présente Sven Poulsen, veuillez excusez cette attente, je crains qu'elle ne se poursuive encore hélàs.
Le maître de cet endroit n'est pas en mesure de vous recevoir pour l'instant, vous l'en voyez navré, dès qu'il a eu connaissance de votre présence il m'a chargé de vous convier à demeurer ici pour la nuit à venir.


Retrait de la main de celle de Sven... Sven ? Sven... n'était ce pas un des prénoms que Morten avait évoqué plus tôt, un de la bande d'amis d'enfance de Soren ? mais bien sur que si...
Changement de ton, gardant cependant au devant cette autre qu'elle savait être quand les circonstances l'exigeaient.

Sven... Vous pouvez dire à Niels que j'accède à sa requête, tout comme le fait que je me présente à lui seule comme il l'a demandé dans ses missives qui sont actuellement entre les mains de Seurn.
Je pense que cette information devrait l'intéresser.
Ceci étant entendu, si vous en doutez mon état ne me permettrait pas d'escalader les grilles entourant le domaine même si je le voulais alors...
Pourriez-vous faire ouvrir cette porte que je profite des jardins pendant mon séjour ici ?


Bébé Eriksen en éveil et une main qui se fait caressante au ventre distendu, s'il fallait choisir un moment ce n'était pas celui-ci, l'aplomb d'Eudoxie se faisant gentiment la malle après sa tirade en mode noble intransigeante et vindicative.
Ouvrir cette porte oui et prendre une goulée d'air pour ne pas défaillir, pour ne pas perdre cette contenance qu'elle avait jusque là, et lorsque d'un signe de tête du Poulsen la porte vers l'extérieur fut déverrouillée, un soupir de soulagement lui échappa.

Merci Sven

Pas une seconde, pas une seule avant que l'inénarrable ne file vers la lumière et ne s'enivre à plein poumons de l'air frais, rester elle était consciente de ne pas en avoir le choix désormais, mais enfermée non... tout sauf ça, surtout par une journée comme celle-ci, pas ce jour où elle venait peut-être de tout perdre.
Calmée ses jambes qui se faisaient coton, ne pouvoir se retenir de vaciller légèrement et se rattraper contre un arbre alors qu'elle se savait surveillée d'une façon ou d'une autre, et tenter de ne rien montrer, profiter des jardins de l'endroit, se promenant entre les allées d'arbuste et les dédales de massif fleuris par le printemps.


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Niels
     

    « Hôtel particulier des Houx-Rouges, à la tombée de la nuit »



L’arrivée inopinée d’Eudoxie Castera aux Houx-rouges avait provoqué le même résultat qu’un coup de pied dans une fourmilière: sitôt la brune orthézienne se promenant dans les jardins, Thorvald avait aboyé moultes ordres en direction de ses subordonnés. De la porte arrière du bâtiment, un homme en livrée aux couleurs des Castrol-Roc avait quitté les lieux. Son but? Signaler à damoiselle Eugénie Lavoie que la représentation aurait lieu cette nuit. Le grand jour était arrivé, l’heure n’était plus aux répétitions. Du côté des servantes de la maison, la chambre du maître des lieux fut débarrassée de tous les objets personnels. Les draps furent remplacés par un nouvelle literie qui sentait bon la lavande de Provence. Le mobilier de la pièce fut réarrangé selon les directives de Thorvald. Une fois les femmes de chambre parties, Sven entra à son tour dans la pièce: Il n’avait initialement pas été prévu qu’Eudoxie dormirait dans cette chambre et quelques réajustements étaient nécessaires. L’oiseau ne devait pas pouvoir quitter son nid sans l’aval express de Niels. Sven se dirigea vers la grande armoire dans laquelle étaient étendus les différents costumes d’apparat de Niels. Les poussant tous vers la droite, il posa sa main sur le fond de la paroi. Un « clic » discret se fit entendre. Le blond réajusta ensuite les vêtements de manière équitable sur la barre de bois et referma le meuble de chêne. Il se dirigea ensuite vers la fenêtre, écarta le rideau et observa du coin de l’oeil la promenade du jouet de Niels. Pourquoi était-elle venue de son plein-gré? Pourquoi se jeter dans la gueule du loup. Aux dernières nouvelles, Søren n’avait pas bougé. Il était resté toute la journée dans son appartement parisien, sans même venir secourir sa brune. Pourquoi? Oui, pour Sven qui connaissait bien Søren, cela cachait quelque chose. Mais quoi?

De son côté, Thorvald, un panier d’osier sous le bras, une torche dans l’autre main, était descendu au sous-sol. Ici, personne n’entrait sans sa bénédiction. Les Houx-rouges étaient posés sur un véritable labyrinthe de couloirs succédant à d’autres couloirs, de portes que l’on n’ouvrait jamais, de murs sur lesquels poussaient une moisissure qui semblait prendre chaque jour un peu plus d’ampleur. L’endroit était humide et traversé par la vermine de toutes sortes : rampantes, grinçantes, couinantes, rongeantes, mordantes. Les pas du vétéran résonnaient dans le long couloir qui menait à la scène. Thorvald poussa la porte et entra dans une petit pièce. Dans un coin de la chambre, un lit avait été installé. Une fenêtre avait été peinte sur l’une des parois. Près du lit, une petite table de chevet avait été installée. Sur celle-ci trônait un broc d’eau et une cuvette. Près du lit, un pot de chambre en céramique avait également été amené. Sur le mur opposé, près de la porte, gisait un coffre ouvert avec des vêtements d’enfants pliés consciencieusement. L’agencement de la pièce avait été conçu pour être une caricature de celle d’une petite maison orthézienne que Thorvald et ses hommes avaient visité il y a plusieurs mois de là. Sur la porte, une pancarte invitait même les visiteurs à user des lieux en l’absence de la propriétaire. C’est ce que fit le borgne sans qu’on le forçat le moins du monde. Sur la petite table en face du lit, il déposa un pot de confiture de groseilles, un petit pot de beurre et une miche de pain rassis qu’il sortit de son sac à dos. Il installa son panier d’osier sur le côté de la table de manière bien visible, le couvercle, légèrement entr’ouvert. Il n’y avait dans la pièce nul rongeur. Qu’un rat vienne fouiner ici jusqu’au clou du spectacle ne pourrait être qu’une cerise sur le gâteau. Ici, l’humidité se faisait ressentir de manière plus marquée encore que dans les autres parties des Houx-rouges. L’eau ruisselait sur les murs, une goutte d’eau coulant du plafond venait régulièrement s’échouer dans une petite flaque d’eau au centre de la pièce. Plic…Ploc…

Aux cuisines, la représentation était déjà débutée. Marmitons, pâtissiers, sauciers et maîtres-queues s’activaient dans un ensemble qui ressemblait fort à désordre en apparence. Pourtant, pas un seul faux-pas ne fut à noter dans ce chaos orchestré de main de maître par l’un des chefs réputé de Paris: crèmes de panais, tourte de blettes, pâtés de truite aux amandes, fricadelles de poulet aux amandes et à l’eau de rose, sabayon aux fruits conflits, massepain, huitres frites, hure de sanglier. L’époque était aux changements et l’art de la cuisine n’y échappait pas non plus. Les plats sales s’empilaient au bout du plan de travail, les fourneaux ne désemplissaient pas. C’était à croire que l’on préparait un banquet pour une centaine d’invités. Thorvald fit irruption dans la pièce. Le brouhaha s’apaisa alors le temps que chacun puisse jauger la situation. Il est des présences que l’on souhaitait éviter quand on était au bas de l’échelle, de ces présences qui peuvent vous amener honneurs et compliments comme de vous faire rouler la tête sur un sol de marbre. Le temps se figea, les regards se firent fuyants: lorsque l’on voulait éviter de faire une erreur, le mieux était de ne rien du tout. Ce fut le Chef, celui de la cuisine, qui tapant des mains remis tout le monde au travail. Les sauces ne pouvaient attendre sur le feu et une crème de légumes racines froide raclait le palais. L’homme attendit que son personnel soit de nouveau affairé aux tâches que chacun se devait d’accomplir pour s’approcher de Thorvald. Le borgne, les bras croisés sur la poitrine ne dit pas un mot. Il toisa le cuisinier qui lui faisait face, déplia les bras et glissa subrepticement un petit flacon de cristal dans la main de son interlocuteur. Aucune explication n’était requise, les consignes avaient été donné il y a quelque temps déjà. Le Chef hocha à peine la tête et glissa le cadeau dans le creux de sa dextre. Plus tard, il en userait comme il avait été convenu. Thorvald s’éclipsa alors aussi silencieusement qu’il était arrivé, libérant ainsi les esprits de tous ces artisans de la gastronomie et le brouhaha habituelle des lieux reprit la place qui était sienne, comme dans toute cuisine qui se respecte.

Et Niels me direz-vous? Le roy de deniers était restait un moment au balcon observant celle qui venait le défier dans son antre. Il aurait aimé la comprendre elle, celle qui partageait la vie de Søren. Pourquoi avait-elle accepté son invitation? Pourquoi était-elle venue ici, seule? Décidément, Søren avait toujours eu de drôles de gouts pour les femmes. Quand elles n’étaient pas sottes, elles manquaient de classe. Quand elles ne manquaient pas de classe, elles étaient quelconque, ou prude, fade, insolente. Les hommes comme eux étaient fait pour avoir des femmes d’exception : belles, vives d’esprit, intrigantes, séduisantes et sachant les amener aux plaisirs les plus raffinés. Lui l’avait compris, Søren était un fat. D’ailleurs, pourquoi trainait-il encore dans son sillon une femme qu’il avait manifestement engrossé? Il aurait dû la laisser entre les mains de sage-femmes qui auraient pris soin d’elle pendant la grossesse, qui l’auraient l’accouché et qui auraient obéi à ses directives. Ensuite, si elle l’avait bien servi, il aurait pu l’envoyer au couvent. Si elle se serait avérée rebelle alors un panier d’osier aurait été suffisant. Niels avait devant lui la preuve que Soren n’avait jamais rien compris, qu’il récidivait, qu’il commettait sans cesse les même erreurs. Voilà pourquoi il n’avait jamais été le numéro un et ne le serait jamais. C’est sans doute aussi la raison pour laquelle cet idiot n’avait même pas su récupérer terres et titres depuis qu’il errait sans but au royaume de France. Tout cela était désolant. Niels quitta le balcon, ferma la porte-fenêtre et vint s’allonger sur la causeuse. Il ferma les yeux un court instant. Son bras lui faisait mal. Il défit le bouton de sa manchette, enroula le tissu jusqu’à la hauteur de son coude, réouvrit brièvement les yeux pour constater que la tâche noire sur sa peau avait encore pris un peu plus d’ampleur. C’était presque imperceptible… presque oui.

Désormais tout était prêt pour la représentation du soir. Ne manquait qu’une personne qui devait sous peu franchir les portes des Houx-rouges. L’oiseau était dans sa cage, chacune des portes solidement verrouillées. Repas, début de nuit et ensuite, Niels pourrait constater s’il avait eu raison de faire confiance à Thorvald.


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Eudoxie_
"La peur, c’est l’enfant en nous qui panique." (Tahar Ben Jelloun)

Cage ? Dorée ? Houx Rouges...

Mai 1466, ville de Paris (ici)

"Hotel Particulier des Houx Rouges"


Voir la sortie et savoir pertinemment qu'elle ne pourrait pas la prendre, s'interroger tout en arpentant les allées de ce jardin entretenu de main de maître. Etait-ce de cela dont parlait Niels dans ses missives en disant que tout serait prêt dans deux semaines ?
Et... était-ce lui dont elle sentait le regard posé sur elle depuis le balcon, comme la morsure d'un prédateur sur sa nuque, tentant de l'apercevoir un court instant sans jamais porter onyx en direct vers lui.

Dextre effleurant une marguerite alors qu'elle avait pris place sur un des bancs de pierre, le cœur de la petite brune se serra avec force, paupières se fermant sur une pensée qui lui était insupportable... et s’il ne pouvait pas lui pardonner d'avoir caché ses missives...
Si... elle avait tout perdu quand ce matin-là il lui avait dit "il faut que nous allions aux Houx Rouges" et qu'elle n'avait pas su comment lui parler de la première lettre et de celle qui avait suivi... sachant qu'elle l'avouerait tôt ou tard.

Lentement une saline vint se perdre sur l'arrondi de sa joue, dextre délaissant ce symbole pour venir se poser sur le fruit qui grandissait en son sein, pétale d'une fleur séchée qui dormait dans une boite en bois accompagné d'un caillou et de quelques rubans.
Une inspiration hôquetée à cette image, à tous ces petits riens contenus dans une boite toute simple, et une salve de sanglots pris possession de la détermination d’Eudoxie à ne rien laisser paraître profitant de la solitude, qu'elle savait relative des jardins de cet endroit maudit.

Maudit oui... par ce qui s'y passerait sans doute, quoi qu'il arrive, s’il décidait de l'abandonner à son mensonge, à son sort, nul doute que le Castral-Roc s'en donnerait à cœur joie, passant sa frustration sur ce qu'il aurait sous la main, à savoir elle et... son bébé, même si Eudoxie voulait croire qu'ils étaient plus forts que ça.
Et s’il venait la chercher comme elle l’espérait autant qu'elle le redoutait, la confrontation que la petite brune désirait éviter aurait lieu et dans des conditions qui n'auraient rien de favorable à la réconciliation, et pourtant...

Toute acquise à ses pensées, à ses interrogations, à ses doutes et ses craintes, Eudoxie n'entendit que trop tardivement les cailloux foulés par de larges bottes danoises, essuyant aussi discrètement que possible les trainées humides sur sa peau, surtout garder la face.
Relevant le regard légèrement rougi, une sorte de soulagement, fugace, lorsqu'elle aperçut l'homme en livrée qui 'avait accueilli et qui l'invitait à rejoindre la demeure en lui apportant son châle.

Si Madame veut bien me suivre, nous n'aimerions pas vous voir prendre froid et un repas vous a été préparé.
Il vous sera servi à votre convenance en salon ou en chambre, le maître ne pouvant pas diner avec vous en cette soirée


Les chausses de la béarnaise emboitaient déjà le pas du laquais, accédant à son invitation, à quoi bon se montrer rétive, autant faire en sorte que tout se passe au mieux et que rien ne vienne aggraver la situation dans laquelle elle s'était sottement fourrée sur un coup de tête sans prendre les précautions nécessaires.
Lorsque l'allée menant au portail des Houx Rouges, un moment d'arrêt fut marqué et le regard de l'orthézienne fixa la rue et ses passants... Soren où es-tu donc... Tête basse et soupir long, Eudoxie entra dans la maison indiquant qu'elle souhaitait qu'on la mène à sa chambre et qu'elle y prendrait son diner.

Une servante, jeune, blonde elle aussi, pris alors le relais pour la guider vers ce qui serait l'endroit où elle devait passer la nuit, une seconde arrivant peu de temps après pour déposer sur la table trônant dans la pièce un plateau garni de tout un menu digne de plus belle cour de Paris.
Rapidement Eud remercia les jeunes femmes, seule, elle voulait être seule, sans personne, sans regard se posant sur elle, sans rien qui vienne la perturber, les raccompagnant même jusqu'à la sortie de la chambre comme si elles ne savaient pas où elle se trouvait.

Les soubrettes parties, le dos de l'inénarrable vint se caler contre le bois de la porte, mains se posant sur sa bouche pour étouffer la sonorité d'un corps qui cède sous la pression dans des pleurs incontrôlables secouant la brune plus qu'elle ne l'aurait souhaité.
Pourquoi n'était-il pas venu la chercher ? Pourquoi Niels la faisait-il attendre ? Pourquoi tout le Danemark semblait réuni ici ? Pourquoi les amis d'enfance de Soren étaient-ils ici ? Pourquoi ? Pourquoi ? Pourquoi ?

Tout se bousculait dans sa tête, lui embrouillait l'esprit autant que les sens, l'appétit vient en mangeant, et bien c'est faux... à cet instant, rien ne faisait envie à Eudoxie malgré ce qui se trouvait sur le plateau, la faim ne la tiraillait même pas malgré un jeun depuis le matin mais un petit être logé sous son nombril lui rappelait avec force de conviction que oui elle devait se nourrir.
De mauvaise grâce et sans profiter des mets raffinés qui lui avaient été offerts, la future mère s'était nourrie avant d'aller s'étendre sur le lit cossu, son regard obsidien inspectant la pièce sous toute ses coutures, impersonnelle, dénuée de toute touche humanisant l'endroit.

Seule l'odeur de lavande lui apporta un peu de chaleur humaine en lui faisant penser à ses amis, à la Provence, à sa poussière d'étoile, à son anniversaire, au mas, à cette journée... à lui....
Le mas, le moulin, la plage d'Arles, lentement son pied droit vint caresser la tresse de rubans à sa cheville gauche, d'un pivotement le corps eudoxien se plaça face à la porte, main gauche se calant sous l'oreiller où reposait sa tête, dextre caressant comme en automatisme son ventre et son habitant.

Regard rivé sur l'entrée, la petite brune réalisa que ce serait la première fois... la première fois depuis son enlèvement à Marseille, la première fois depuis qu'elle portait ces rubans, la première fois depuis qu'ils avaient décidés de devenir parents malgré eux, la première fois depuis qu'il lui avait dit vouloir faire d'elle son épouse...
Pour la première fois depuis des mois, il ne serait pas à ses côtés cette nuit, il ne l'envelopperait pas de sa masse danoise, il ne la rassurerait pas de sa voix à l'accent scandinave, il ne lui souhaiterait pas une nuit bercée par de doux rêves et elle ne sentirait pas la caresse de son souffle niché au creux de sa nuque.

Non... ce soir Eudoxie était seule, plus seule qu'elle ne l'avait sans doute jamais été, malgré tout ce petit monde qui fourmillait dans la bâtisse.
Ce soir, la petite brune verrait ses paupières se fermer malgré elle, malgré tout ce qui la hantait, sombrant dans un sommeil perturbé d'un manque et d'une peur viscérale


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Soren

    « La nuit, tous les danois sont gris - Paris et ses souterrains, direction les Houx-rouges »


Morten était sorti à la nuit tombée. Le blond devait regretter de ne pas porter de cape pour pouvoir la relever sur la tête et passer plus inaperçu. Avec les Houx-rouges juste à côté, mieux valait être prudent. Dans la chambre là-haut, je m’étais changé. Enfin, vous me direz « Vu ce que t’avais sur le dos tout à l’heure… ». Ouais, vous auriez raison. J’avais passé une chemise brune, un surcot de cuir marron. À la taille, une dague danoise avait été accrochée à la ceinture et les bottes étaient évidemment de rigueur. Là où j’allais, elles étaient indispensables. Il n’y avait que le pantalon qui n’avait pas eu besoin d’être changé. Quand à l’épée, je n’avais pas hésité trop longtemps: elle me serait inutile. De un parce qu’elle se refusait toujours à moi. De deux parce que la configuration des lieux où j’allais ne s’y prêtait pas. En ouvrant le coffre qui contenait certains objets dont je ne me séparais jamais, elle m’avait pourtant sauté aux yeux. Et d’idée en idée: « rapière »… « Houx-rouges »… « Niels »… je me suis souvenu: c’est avec cette même arme que j’avais occis Albanne dans un duel judiciaire. Albanne…C’est elle à qui les Houx-rouges appartenaient. Elle était de la famille de Niels. Elle a exhalé son dernier souffle dans mes bras. Albanne qui avait osé m’accuser du meurtre de son oncle parce que le poignard que je portais à la hanche ce soir avait été retrouvé dans le dos du mort. Tant de souvenirs, tant de racines qui puisent jusqu’aux plus profonds épisodes de ma vie au Danemark…

Un hululement dans la nuit…Un hululement comme on peut en entendre souvent, peut-être moins à Paris me direz-vous. Cet hululement-là cependant ne venait ni d’un hibou ni d’une chouette. Celui-là aussi me rappelait des souvenirs anciens, ceux d’un groupe de jeunes impétueux cherchant à contourner l’autorité parentale et les gardes du château pour aller faire une virée nocturne en ville ou dans les bois environnants. Je jetais un bref coup d’oeil par la fenêtre: il n’y avait rien de suspect, juste un couple d’amoureux qui se promenait bras dessus bras dessous. J’attrapais mon sac dans lequel se trouvait corde, briquet, torche et quelques autres babioles de ce genre et je descendis les marches, direction la porte d’entrée. Sur le pas de la porte, mes yeux scrutèrent les ténèbres de Paris. On dit que la vie dans la capitale françoyse s’éveille quand le soleil se couche. J’espérais en cet instant que ce ne fut pas le cas. Le couple d’amoureux avait disparu? tant mieux.

Cette fois, ce fut deux hululements rapprochés qui perturbèrent le silence de la nuit parisienne. Deux. C’était une bonne nouvelle: Morten confirmait que le chemin était libre et qu’il n’avait pas été suivi. Maintenant, c’était chacun de son côté et à Dieu va! Bonne chance à toi l’ami, je te devais une fière chandelle. Je bénissais le Très-Haut de t’avoir mis par hasard sur ma route en ce jour même si je me demandais toujours si Eud avait filé par ta faute aux Houx-rouges ou si elle l’aurait fait quoi qu’il arrive. La lecture de ses lettres m’avait laissé perplexe.

Le regard perçant la noirceur de la nuit avec une certaine inquiétude, je progressais d’un pas rapide dans les rues de la ville. Non, je ne me dirigeais pas vers les Houx-rouges. Je les laissais rapidement sur ma gauche et je m’enfonçai dans les rues du quartier en contrebas. Mes pas me menèrent vers Notre-Dame et lorsque la cathédrale fut en vue, je bifurquais à gauche vers la rue du chat perché. « Rappelle-toi Søren! For fanden, Rappelle-toi !». Le lieux que je cherchais n’avait reçu ma visite que deux fois. A chaque fois, j’y étais passé le matin et dans le sens contraire. Cela remontait désormais à des années. La dernière fois, c’était avec Charlyelle. Une ruelle. Oui, c’était dans une ruelle. Le problème, c’est qu’à Paris, il y en a un nombre assez important. Quand je suis sorti la dernière fois, je pouvais voir Notre-Dame. Enfin…J’espérais que c’était Notre-Dame. Et puis, il y avait un soupirail entre deux tonneaux…Une petite rue étroite où les gens pouvaient sans doute se donner la main d’un balcon à un autre le matin. For fanden Eud! J’avais prévu de venir en éclaireur dans ce coin pour repérer l’endroit de jour mais ton départ précipité aux Houx-rouges a bouleversé les plans. Tu sais mon Ange, ce n’est pas les étages de qui m’intéressent aux Houx-Rouges: ce sont les souterrains, le dédale de couloirs et de passage secrets qui se trouvent ici. C’est là que j’ai retrouvé un cadavre, celui d’un moine. Tu te rappelles Eud? Ouais…Je ne sais même plus si je t’ai raconté cette histoire à vraie dire. Elle est sordide et quand j’étais dans tes bras, j’avais plus envie de douceur et de sensualité. Les moments difficiles, on en avait assez comme ça sans qu’on les évoque volontairement.

Enfin! Le voilà! Il m’a fallu un bon moment avant de retrouver l’endroit mais cette fois, je l’ai! Le soupirail était ouvert. J’ai allumé une torche pour y voir clair. Si jamais Niels m’avait fait suivre, j’étais un homme mort. La nuit, une torche à la main nous rendait visible. Elle était même sans doute plus efficace pour être vue que pour voir mais je n’avais pas le choix : à l’intérieur, je n’y verrais rien sans lumière. Je refermais le soupirail derrière moi et m’enfonçai dans l’étroit boyau qui me faisait face. J’accrochais ma flamme à une torchère située sur le mur près de l’entrée. Puis, à tâtons, je regagnais les ténèbres dans le coin opposé à la torche, cinquante pas plus profondément dans le passage souterrain et dans le noir j’attendis. La puanteur des soubassements des Houx-rouges s’étalait déjà ici et pourtant j’étais encore au moins à une demi-lieue de l’hôtel. Je ne sais exactement combien de temps je suis resté là. Mon esprit était revenu se fixer aux brisants des souvenirs passés: Syu, Patt, Albanne, les poissons qui volent, la découverte du souterrain, la follette qui me prenait pour son père, Niels, le livre avec les pages déchirées, Christos…

Personne. A l’entrée du passage donnant dans la petite ruelle parisienne, personne n’avait réouvert la trappe du soupirail. Je pouvais donc récupérer la torche et poursuivre. J’étais quasi convaincu que personne ne m’avait suivi jusqu’ici. Désormais il me fallait marcher sous Paris pour rejoindre les Houx-rouges. Mes pensées se tournèrent vers Eud: c’était ici, mon Ange, que tu serais sans doute venue, dans ce même passage connu sans doute de peu de monde. Nous serions entrés ici ou par la porte principale, direction l’étage et ensuite l’entrée des souterrains dans une chambre. Nous aurions soulevé la plaque de métal posée au sol dans l’âtre de la cheminée et nous serions arrivés au même endroit. Je vais arriver Eud. Ce n’est qu’une question de temps. Je vais arriver et si ce n’est pas moi, ce sera un autre blond.

Morten, vieil ami, où te trouves-tu? Le plan se déroule t-il sans accroc pour toi ou ta tête a t-elle roulé sur un sol de marbre?

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Niels

    « Houx-Rouges, d’une chambre à l’autre »


Søren, Niels, Sven, Jørgen, Morten. Ne manquait que Thomas. Les Houx-rouges où le songe d’une nuit de printemps à la mode scandinave.

« Tu es dangereux car tu es imprévisible ». C’est en ces termes que Brygh ailean MacFadyen décrivait son fils ainé, issu d’un premier mariage avec Hakon Harfagre Eriksen, troisième du nom: imprévisible. Pour un auteur il existe plusieurs moyens d’être imprévisible. Tenez, par exemple, certains vous font vous attacher à un personnage. Ils vous le décrivent de long en large, ils raffinent son apparence, sa personnalité, ses manies, détaillent même ses objets préférés… et puis un jour, sans prévenir, ils lui coupent la tête alors que vous savez parfaitement que l’oeuvre littéraire n’en n’est qu’à ses balbutiements. Ils vous laissent là, abasourdi, à essayer d’anticiper la façon dont ils vont s’y prendre pour le ramener dans l’histoire. Ils vous suggèrent implicitement d’explorer les scénarios les plus farfelus : ce n’était pas lui mais un sosie, personne n’a vu son visage de sorte qu’on peut penser que c’était n’importe qui, tout cela n’était qu’un rêve,.. Et là, je vous passe les idées les plus tordues encore , celles qui font appel au paranormal, à la vie après la mort, etc…

D’autres auteurs vous surprennent en vous racontant des histoires invraisemblables sur le passé, sur le futur: des complots machiavéliques ourdis dans l’ombre, l’histoire du futur, de ce que nous serons dans des dizaines de milliers d’années, de l’instrumentalité du genre humain qui fait perdre toute la saveur de la vie à Big Brother, tout aussi contrôlant et amenant à une vie aussi déprimante mais pour une autre raison. L’imaginaire de l’homme est sans limite pour qui sait l’alimenter. Et il ne faut pas toujours un torrent de suggestions: de petites rivières peuvent naître de longs fleuves pas toujours tranquilles.

Et puis, il y a ceux où, après vous avoir habitué à prendre le contrepieds de vos anticipations vous surprennent tout simplement en décrivant ce à quoi vous vous attendez. L’esprit humain est une terre fantastiquement fertile pour qui sait en prendre soin, le cultiver avec talent. Aux Houx-rouges, les graines germent une à une pour bâtir les murs d’une histoire qui n’a rien de linéaire, une trame en forme de toile qui plairait aux araignées et où les détails s’enchevêtrent les uns aux autres, se connectent de manière inattendue ou pas, où les graines qui ont germé fleuriront pour donner d’autres graines qui nourriront à leur tour un esprit prompt à créer ce monde imaginaire que nous bâtissons tous ensemble, mot après mot.


     « Première graine : le flacon »


Au milieu de la nuit, alors que la majeure partie de Paris est assoupie, la poignée de la porte d’Eudoxie fut tournée. Thorvald entra le premier suivi de ses sbires. Un cordon de danois se déroula tout autour du lit où gisait la blonde orthézienne. Une lune pleine de trois-quarts nimbait la pièce de ses rayons blafards, l’éclairante d’une aura prompte à vous donner le frisson. Thorvald laissa son unique oeil s’habituer à la luminosité particulière de la pièce et esquissa un sourire de satisfaction en voyant la brune allongée sur la couche, visitant le pays des rêves. Il porta une main tiède dans le cou de sa prisonnière: le coeur battait d’un rythme plus lent qu’à l’accoutumée. La respiration était apaisée, le corps détendu. Le chef dans les cuisines avaient agi comme le borgne l’attendait. La substance toxique avait été incorporée au repas de l’invitée. Il n’en fallait pas beaucoup pour que cela fasse effet. « On » lui avait dit que le risque de décès était minime, que peu de personnes réagissaient trop fortement à ces toxines. Thorvald avaient tiré les runes et il leur avait fait confiance, avec raison manifestement.

Il claqua des doigts et un géant blond qui n’était rien d’autre qu’un amas de muscles s’empara de la jeune femme grosse. Il la prit dans ses bras, l’un sous les fesses, l’autre sous le dos. Il cala la tête dans le creux formé de son torse et de son épaule. Le groupe se remit en ordre de marche. Thorvald quitta les lieux en dernier, refermant la porte derrière lui. La colonne prit alors la direction des sous-sols, avec pour seule lumière celle délivrée par les torches portées haut en avant et en arrière du petit groupe de cinq individus.


     « Deuxième graine : L’occupante mystérieuse. »


Ce soir-là, elle ne dormait pas. De toutes les fibres de son corps, elle savait que quelque chose de terrible se tramait. Les autres avaient beau l’appeler la folle, elle ne l’était pas. Enfin…pas complètement. Elle percevait des sensations, des vagues venant de l’au-delà. C’est ainsi qu’elle nommait elle ce petit quelque chose que d’autres appelleront plus tard le septième sens. Toute la journée elle les avait entendu, ceux qui l’avaient emmené ici en lui promettant monts et merveilles, ceux qui l’avaient cloitré dans cette chambre, ceux qui l’avait fait devenir dingue. Ils s’étaient activé, avaient remué la poussière, avaient dérangé ceux qui n’auraient pas du l’être. Et si les fous n’étaient pas ceux que l’on croit? Et si c’était plutôt ceux qui n’avaient pas conscience de la portée de leurs gestes, des conséquences de ceux-ci? Ce soir-là, elle s’était recroquevillée dans son lit. Elle avait pris son enfant tout contre elle et avait remonté les draps jusqu’en haut de leurs têtes, malgré la chaleur printanière.

Lorsque le destin vous prend comme bouc-émissaire, il ne fait pas que jouer avec vous. Il vous accable de tous les maux et au grand malheur de la blonde, la folle avait l’ouïe aussi perçante qu’un chat. Ce soir-là, elle a entendu leurs pas et elle s’était mise à trembler. Quand ils venaient par ici, c’était pour la battre ou pour abuser de son corps. Quand le borgne venait avec eux, il fallait qu’elle dégage, elle et son enfant. Ils lui faisaient peur. Peur d’être frappée sans raison, peur d’être violée, peur de leurs frustrations mais surtout peur qu’ils réveillent les choses tapis dans l’ombre par leur inconscience.. Non, elle ne voulait pas qu’ils viennent. Pas ce soir, surtout pas ce soir. Cette nuit, il y avait de mauvaises conjonctions, Ils n’étaient pas de bonne humeur et si on les dérangeait, ils allaient se venger sur tout ce qui passait à leur portée, sans distinction aucune.


     « Troisième graine : L’actrice. »


Ce soir-là, ils ne s’arrêtèrent pas dans la chambre de la follette. Ils n’usèrent pas du passage secret situé dans la cheminée de celle-ci: passer une femme enceinte endormie par un tel trou aurait relevé du pure prodige. Ils prirent le chemin de l’ancien escalier double que l’on accédait aujourd’hui en actionnant un mécanisme secret situé derrière une grande tapisserie qui représentait un débarquement danois sur les côtes de l’île de Bretagne. Ils durent d’abord monter plus d’une trentaine de marches avant de prendre un long couloir vide long d’une cinquantaine de pieds. Ils redescendirent ensuite par un autre escalier comprenant plus de soixante marches, s’enfonçant ainsi dans les entrailles des Houx-rouges. Sur le trajet, pas un ne parla. C’était à peine si le géant transpirait sous le poids de la Castera.

Plus bas, l’humidité des Houx-rouges reprit sa place. Ici, la mousse et la moisissure régnaient en maître, tant sur les murs qu’au sol. Ce dernier était rendu glissant par la végétation qui y avait fait sa place et par l’eau qui suintait des parois et du plafond. Les pas des danois résonnaient dans le passage, brisant ainsi la monotonie du plic-ploc des gouttes qui tombaient du plafond dans les flaques d’eau. Les rats couinaient en se frayant un passage vers l’obscurité, les blattes n’avaient pas toutes cette chance et certaines finissaient en purée d’insecte sous les talons des danois. Ce fut Thorvald qui, dépassant la colonne d’individus fit tourner la serrure dans la chambre d’Eudoxie. La porte s’ouvrit dans un grincement sinistre et le borgne laissa passer la montagne qui alla déposer son fardeau dans le lit préparé à l’avance pour la brune. La seule femme qui composait l’escorte attendit que tous les hommes aient quitté les lieux pour s’occuper de la captive. Elle la déshabilla, sortit de la petite armoire une robe telle eue l’orthézienne portait quand le comte béarnais faisait son éducation au château: coiffe, robe, chausses, ceinture, bas, tout y passa. Elle installa la brune confortablement dans le lit, recroquevillant les jambes sur le ventre arrondi, une main sous la tête, le corps allongé sur le coté droit, tourné vers la porte. Puis elle sortit à son tour de la chambre, et Thorvald fit jouer de la clé pour fermer la porte de la chambre. L’oiseau était dans son nouveau nid, l’étape suivant pouvait être enclenchée.

Quelques instants après, la représentation prit son envol. Une femme dans le début de la trentaine fit son apparition dans la pièce. Elle sortait d’on ne sait où. Au sol, l’entourant, rampait une brume diaphane. Elle regarda l’orthézienne paisiblement endormie, attendant que les vapeurs oniriques s’évaporent de son esprit. Et lorsque les premières bribes du réveil se présentèrent, elle s’exprima d’une voix feutrée, d’un souffle.


- Eudoxie… Eudoxie… Lève-toi ma petite…

Les brumes qui rampaient au sol autour d’elle prirent progressivement de l’ampleur. Un courant d’air fit gonfler les voilages dont elle était affublée. Sur le sol, autour d’elle, s’étalait un cercle phosphorescent qui mettait en valeur ses cheveux bruns et ses yeux d’un bleu outremer. Les remarquerait-elle?

- Lo men arrai deu sô*… Ma fille… J’ai besoin de toi… Il ne me laissera pas en paix…

Le ton de voix était amical. C’était celui que pouvait prendre une mère en parlant à sa fille.


* : « mon rayon de soleil » comme on le dit dans le coin d’Orthez.

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Eudoxie_
"Dis-moi qui tu hantes, je te dirai qui tu es" (Victor Hugo)

Mère ? Fantôme? Perfidie...

Mai 1466, ville de Paris (ici)

"Quelque part dans les entrailles des Houx Rouges"


Il était là, si fragile, petit être aux doigts frippés, au regard bleuté encore mi-clos et à la chevelure aussi blonde que les blés, niché au creux de bras danois puissants qui l'enveloppait déjà de son attention.
Et pourtant sur le linge qui emmaillotait le nourrisson quelque chose clochait, des tâches... rougeâtres, trainées funestes sur le nouveau-né qu'un regard ayant suivi aurait vu provenir des mains étreignant l'enfant.

Vision subitement floutée, les mains de la béarnaise se portèrent à son ventre vide pour y sentir chaleur visqueuse et ne voir sous son regard que le sang, son sang maculant phalanges dans une inspiration suffoquante.
Pleurs d'enfant et rire masculin, perles noires se tournèrent vers son danois pour découvrir une partie de ses craintes à l'état brut : son bébé dans les bras de Niels, dont elle était persuadé que le visage était celui de l'homme au balcon, arborant un rictus vainqueur.


Vouloir sortir de ses limbes chimériques et ne pas y parvenir, comme si quelque chose empêchait son corps de se réveiller, crier et se débattre de ce cauchemar sans être entendue, sans émettre un son, béarnaise droguée en proie à une toxine sans réaction.
Abandon de l'esprit et du corps, sensation de froid et d'humidité sur sa peau, odeur nauséabonde irritant son nez et se sentir revenir à la vie, que le démon la gardant prisonnière de son sommeil lui rendait sa liberté, ou était-ce le contraire ?

Voie dans le lointain, dans les brumes d'un corps aux prémices d'un éveil, son prénom prononcé avec douceur, un écho mal compris, "petite", bien des lunes qu'elle n'avait entendu ça, même si Adamet en usait souvent, pas plus tard qu'à l'hiver dernier en Orthez. Un repère. Le dernier de son passé.
Peiner à sortir de ce monde onirique qui semble l'avoir garder de longues heures durant et tout juste bouger la tête, en papillonnant des yeux une silhouette se dessinant encore vaporeuse bercée d'un étrange hâlo lumineux, et puis...

- Lo men arrai deu sô (*)...

Information claquant dans sa tête, rebondissant contre les parois de la zone des souvenirs et affolant un coeur au palpitant reprenant doucement une activité normale, regard s'ouvrant grand en clignant plusieurs fois pour obtenir une mise au point correct pour la clarté de l'endroit.
Lo men arrai deu sô... découvrant cette silhouette, le moindre détail, les brins de soie bruns, les boucles fines et ne pas oser continuer, non l'inénarrable ne voulait pas et pourtant son regard sombre croisa la clarté azurine de cette femme qui se tenait devant elle alors que c'était tout bonnement impossible.

Mamà...(*) c'est...

Se redressant dans un mouvement de recul en tête de lit, les bras d'Eudoxie s'enroulèrent autour de son ventre encore porteur de vie, la petite brune se rendant alors compte de sa tenue, cette couleur rosée, ces froufrous, ce faste d'étoffe, comme lorsqu'elle était enfant... chez le comte avec... sa mère.
Dextre se portant à sa longue chevelure de jais, même la coiffure avec ces boucles travaillées attachées pour être déposées en queue de cheval sur le coté droit de sa gorge. Que se passait-il ici ? Rêvait-elle ? Avait-elle perdu la raison ?

Lentement les billes d'onyx adaptées à la luminosité de la pièce s'attardaient sur chaque détail, sur l'endroit où elle était, on aurait dit sa chaumine en Orthez, la demeure que sa mère avait reçu en gage pour ses services alors qu'Eud avait déjà fui depuis une paire d'années, et qu'elle avait reçu en héritage à la mort de celle-ci.
Sa mère... décédée et qui pourtant... longue inspiration et l'obsidienne des pupilles de la béarnaise vint se poser de nouveau sur cette femme, cette "créature" nimbée de brume au bord du lit et qui ressemblait pourtant tellement à celle qui l'avait mise au monde.

La douleur était aussi atroce que la douceur de cet instant de grâce de la voir là, Eudoxie savait que tout ça ne pouvait être réel, et pourtant... les traits avaient changés, peut-être vieillis, cinq années, six si l'on comptait celle depuis son décès que la brunette ne l'avait pas vu alors...
Il n'était qu'un seul regret qu'Eud nourrirait à jamais : ne pas avoir revu sa mère après sa fuite du château, ne jamais être revenue, être arrivée trop tard quand elle l'avait su malade et ne trouver qu'une tombe fraîche.

Elle savait que tout ça était irréel, que c'était impossible, que... mais était-ce l'effet des drogues, était-ce juste le regret qu'elle ne voulait plus avoir, était-ce sa future condition de mère... Eudoxie avait envie de croire qu'elle était bien là.
Les larmes d'une fille bénissant tous les saints de se voir offrir un ultime moment se mirent à perler sur les joues d'une femme qui n'était plus là qu'une enfant face à sa mère disparue.

Et tout autour de cette femme suintait l'avertissement, l'alarme d'un non sens, qu'elle n'était que fantôme tout droit sorti de son esprit apeuré, comme les volutes brumeuses autour d'elle semblait l'indiquer, chercher à la fuir voilà ce qu'elle aurait du faire, voilà ce que son corps et son esprit lui dictait mais... pas son coeur et encore moins ses jambes qui ne l'auraient probablement pas portées du choc de cette apparition funeste.
Sombrait-elle dans la folie ? Avait-elle toujours aussi peur ? Oui sans nul doute. Un regard méfiant se releva alors vers ce fantôme et une voix hésitante s'adressa à l'entité en essuyant ses larmes.

Qu'est-ce que... pourquoi es-tu ici ? pourquoi es-tu revenue Mamà ?

La raison quittait l'esprit de la béarnaise, plus apeurée que jamais cette vision la contraignant à un combat intérieur dantesque, vouloir y croire et savoir l'impossible de tout ça.
Doucement sa tête se mit à bourdonner, afflux sanguin faisant tambouriner ses tempes comme un signal d'alarme douloureux, son futur se manifestant avec toute la puissance de ses origines danoises pour l'éloigner du passé... et une phrase traversa son esprit "Soren où es tu ?"


(*) traduction béarnais-français
Lo men arrai deu sô : mon rayon de soleil
Mamà : maman

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Morten


Ils avaient parlé toute la journée: de Eudoxie, de toutes ces années passées loin l’un de l’autre, de ce que Morten savait sur les intentions de Niels, ses habitudes, ce qui se tramait aux Houx-rouges depuis le retour du Roy de deniers. Lui, et l’autre Roy, celui des épées avaient élaboré un plan. Que valait-il? Rien d’autre que le temps qu’ils avaient consacré à le mettre au point. Eudoxie, par son geste, avait provoqué les évènements. Tergiverser n’était plus possible, cogiter non plus. En réalité, cela faisait les affaires des deux blonds qui préféraient l’action aux paroles, contrairement à Niels. Cette fois encore, ils iraient ensemble au devant des ennuis, ensemble mais chacun de leur côté. Ces dernières semaines, Morten s’était demandé si Niels ou ses sbires l’avait repéré: cette question serait bientôt obsolète.

Morten était d’abord repassé par son appartement: se barder d’armes était inutile, à moins de vouloir faire une entrée en force. Seul face aux âmes damnées de Niels, cela aurait été un pur suicide et Morten était bien trop jeune pour l’envisager. Il ouvrit la lourde malle dans laquelle il trainait toute sa vie depuis son départ du Danemark, repoussa vêtements, lames et autres babioles. Il descella deux petites lattes dans le fond, ôta une fine planchette de bois et en sortit trois feuillets qu’il glissa dans le revers de manche de son mantel. Il referma le tout sur le dernier vélin caché là, s’assura que tout était revenu à leur place, remit à la hâte vêtements, lames et autres babioles sur le dessus. Il verrouilla le coffre, sortit sur le palier et glissa la clé sous la porte de l’appartement situé en face du sien: être avenant, séduisant et courtois avait parfois de bons côtés et pas simplement pour finir la nuit dans le lit d’une donzelle enamourée.

En descendant l’escalier qui le menait vers la sortie du bâtiment, Morten aperçut les Houx-rouges qui le défiaient de toute leur arrogance. L’homme hésita un court instant, se figeant sur les marches, le regard tourné vers l’extérieur: ils étaient fous. Ce qu’ils avaient prévu de faire n’avait pas d’autre façon d’être appelé que ça: folie. Morten chassa ses doutes en se remémorant le passé. Fous? Ils avaient toujours été fous, tous les six. Cela ne serait donc qu’un simple retour aux sources, pour le meilleur de tout à chacun. Le pire, lui, ne viendrait que si la destinée le voulait vraiment et on ne luttait pas contre la destinée. On la provoquait, on choisissait les chemins qu’elle déroulait devant nous mais une fois celui-ci emprunté, on ne luttait plus contre elle.

La grille des Houx-rouges grinça une nouvelle fois en ce jour de Mai 1466. D’un pas résolu, Morten franchit la distance qui le séparait de la porte d’entrée du bâtiment. Il respira un grand coup avant s’annoncer. Quelques instants plus tard, un majordome en livrée vint lui ouvrir la porte.


- Bonsoir chez vous l’ami! Vous allez bien? Oui? Moi aussi! C’est gentil de vous préoccuper ainsi de ma santé. Je me présente : Morten Sørensen, danois comme les autres membres de la maisonnée. Vous pouvez m’annoncer à votre Maître? On se connait de longue date lui et moi. Je suis sûr qu’il sera ravi de me rencontrer. Dites-le que je viens pour lui parler d’un certain Søren Eriksen. Ça va aller? Cela n’est pas trop compliqué pour vous? Moi, c’est Morten Sørensen et celui dont je parle, c’est Søren Eriksen. N’inversez pas surtout, vous risqueriez de donner une fausse joie à votre Maître et par conséquent de perdre la tête.*

Il avait parlé sur un ton badin, exagérant, forçant sur le trait. C’était sa façon à lui de gérer le sentiment de peur qui cherchait à s’agripper à sa personne. Le valet referma la porte sur ce visiteur du soir, laissant Morten à l’entrée de la bâtisse face à ses propres craintes. Les Houx-rouges sous l’ère Niels ne dérogeaiten pas à leur excellente réputation en matière d’hospitalité. Quelques instants plus tard, ce fut Sven et les sbires de Thorvald qui se présentèrent. Ils encerclèrent rapidement le visiteur, l’encadrèrent de manière à ce que toute fuite était désormais impossible.

- Morten! Ça fait longtemps qu’on ne s’est vu. Qu’est-ce que tu fais là?

- Sven! Quelle joie! Tu n’as pas changé: aussi accueillant que dans les souvenirs à ce que je vois! Tu es toujours d’aussi bonne humeur où il y a une serveuse qui t’est encore passée sous le nez?

Cette réplique n’eut pas pour effet de récréer les liens d’amitié érodés par le temps. S’il y avait bien un couple qui fonctionnait moins bien dans la bande des six, c’était effectivement celui composé de Sven et de Morten. La joie de vivre se lit immédiatement sur les traits déformés et tendus de Sven qui d’un claquement de doigt ordonna à ses hommes de main de s’emparer du visiteur. Il l’attrapèrent solidement par les bras, l’un à gauche l’autre à droite. Sven fit un pas un avant et lui retira la rapière qui pendait sur le côté gauche du scandinave. Il aboya ensuite un ordre qui ne souffrait d’aucune contestation.

- Fouillez-le! Otez-lui tout ce qui ressemble de près ou de loin à une arme.

Il toisa Morten de près, maintint son regard dédaigneux dans celui qui avait été son ami puis se résolut à s’écarter pour le laisser passer. Il ferma la marche et la porte derrière eux. Les griffes des Houx-rouges s’étaient ainsi refermées sur leur deuxième proie de la journée. Les noirs venaient de capturer coup sur coup la Reyne et un cavalier. Le piège se refermait inexorablement sur le Roy. Ils étaient prêts, prêts à voir quelle tactique les blancs allaient appliquer désormais

Søren, Niels, Morten, Sven, Jørgen. Il était dit que le destin oeuvrait au rassemblement des six, dispersés depuis la bannissement du Eriksen. Sur les six, cinq se trouvaient désormais à Paris. Ne manquait plus que Thomas.


* Mots prononcés en danois. Pour des questions de facilité de lecture, nous les reproduisons ici en français moderne du XXIè siècle.

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Soren
 
« Dans les souterrains de l’hotel des Houx-rouges, à la poursuite de Mapsy…


- Morten, j’espère que tu as atteint ton objectif désormais.

Je me parlais à moi-même dans ce tunnel sombre comme pour me rassurer. Je m’étais laissé convaincre de le laisser s’occuper de la sécurité d’Eud, de s’assurer que Niels ne lui ferait pas de mal pendant que j’avançai de mon côté. Eud n’avait pourtant pas l’air de lui faire confiance mais elle ne le connaissait pas comme je le connaissais. Morten était plus qu’un ami, presque un frère. Jamais il ne me trahirait. Comme Sven, comme Jørgen ou Thomas. Il n’y avait que Niels qui le pouvait. Oui. Que lui. Dans un panier, il faut toujours qu’il y ait une pomme pourrie et Niels avait sauté sur l’occasion dès que ce rôle a été proposé. Non, ce n’était pas un manque de confiance envers Morten qui me tracassait mais bien le fait que la mission qu’il avait accepté n’était pas la plus aisée à accomplir.

Et puis avais-je le choix? Lorsque j’ai raconté mon histoire à Morten, il n’a fait que me citer ces même évidences que mon esprit se refusait de valider. Moi-même j’en étais convaincu mais quelque part, quelque chose en moi les déniait. Avez-vous déjà fait ce rêve stupide? Celui où vous êtes poursuivi par un danger de mort imminente? Il vous faut fuir, fuir le plus vite possible. La partie sentimentale de votre personne vous pousse à courir le plus vite possible et pourtant la raison vous montre que si vous marchez vous allez plus vite qu’en courant. Vous hâter vous fait faire du surplace. Prendre votre temps vous fait avancer plus vite. Il vous faut lutter pour que la raison l’emporte car derrière vous le danger s’approche inexorablement sans, paradoxalement, jamais vous rattraper si vous marchez. Pour vous rattraper, il doit franchir la moitié de la distance et vous séparant. Encore la moitié, et encore, encore. Et jamais il ne vous rattrape. Zénon d’Elée a déjà parlé de ce paradoxe. Ce soir, je n’avais qu’une envie: courir vers Eud, l’ôter des griffes de Niels et s’enfuir loin. Pourtant, je me doutais que ce n’était pas la bonne solution. Morten avait raison et je le savais bien avant qu’il ne m’en convainque.

Niels n’était pas revenu aux Houx-rouges par hasard, cela j’en étais convaincu: s’il désirait passer inaperçu, il aurait occupé un autre appartement à Paris, un lieu qui ne soit pas si évidemment attaché à sa famille. Tous ceux qui le recherchaient viendraient aux Houx-rouges en premier. Non, s’il occupait les lieux, c’était pour une bonne raison. Niels était comme les dragons des légendes anciennes: il s’asseyait sur son trésor pour le protéger. Il y avait aux Houx-rouges quelque chose qu’il désirait âprement, quelque chose qu’il n’avait pas encore trouvé. Oui, peut-être qu’il agissait au nom de mon oncle, en s’assurant que je n’aie point de descendance, que les terres d’Helsingør reviendraient légitimement à sa famille. Sans héritier personne ne pourrait contester qu’elles passeraient ainsi de la branche de Hakon à celle de Lars. Mais il y avait plus que cela. Si Niels n’avait eu que cet objectif, il lui aurait suffit de nous envoyer un assassin, deux, trois, quatre s’il le fallait. Deux malfrats sans envergure avait bien réussi à kidnapper Eud à Marseille.. Niels oeuvrait pour Lars, oui, mais il travaillait aussi pour atteindre un objectif plus subtil et la réponse, j’en étais convaincu, se terrait quelque part dans les entrailles des Houx-rouges. Où? A moi de le trouver et pour ça il fallait faire appel à ma mémoire.

C’était il y a quelques années, alors que Syu m’avait trainé au bal de son ami Albanne. Les bals, j’en avais soupé, il n’y avait jamais rien de bon qui sortait de ces mondanités à la sauce parisienne. J’étais venu pour lui faire plaisir, parce qu’elle avait fortement insisté. Notre couple passait une période de froid et faire un pas dans sa direction me semblait être la moindre des choses. Au bal, Il y eut cette danse avec Patt, dans que Syu prit mal,. Il y a eu ce baiser de réconciliation qui était destiné à la rousse et qui atteignit les lèvres de Patt après que toutes les chandelles se furent éteintes brutalement sur le coup d’une rafale de vent. Patt…Encore elle. Il y eut cette faiblesse de Syu qui me poussa à l’amener là-haut dans une chambre à l’étage. Il y eut cette follette qui débarqua et qui se prenait pour ma fille, ce passage secret qui fut découvert par hasard dans l’âtre de la cheminée, sous la lourde plaque de métal au sol. C’était là, dans ces couloirs infects que tout a commencé. C’était là que je me trouvais ce soir. C’était ici que je cherchais le trésor de Niels.

Retrouver son chemin à travers ce dédale de couloirs sombres n’était pas une tâche facile, surtout après toutes ces années. J’avais l’impression de tourner en rond, marquant sur les murs chaque changement de direction d’une flèche et d’un numéro incrémental. Je suis passé et repassé au même endroit, mélangeant souvenirs vagues et froide logique pour choisir quelle direction prendre. Ce que je cherchais? Le cadavre d’un moine qui transportait avec lui un exemplaire du livre des vertus. Le livre ne s’y trouverait plus. Il était, j’en étais sur en la possession de Niels. Albanne avait dû le laisser dans son bureau quand elle est morte et Niels avait pris possession de cet héritage particulier. J’avais toujours été convaincu que ce moine n’avait pas révélé tous ces secrets. Que faisait-il dans ces souterrains? D’où venait-il? Albanne avait envoyé ses sbires sur les lieux du crime après qu’elle fut informée de ma découverte et Niels devait sans doute avoir fouillé les lieux de fond en comble.

La Caverne de Mapsy…C’est comme ça que Birgit l’avait appelé. C’est elle qui avait trouvé le passage secret pour en sortir. J’aurais bien besoin d’elle pour y entrer ce jour. Birgit, cette douce follette, je me demandai ce qu’elle était devenue. Elle ne voulait plus me quitter, elle voulait vivre avec moi à Sarlat. Son père, elle croyait que j’étais son père: « Tu n’as pas envie d’inspirer ton père Birgit? Papa doit retourner dans la caverne de Mapsy. Il a une visite importante à lui rendre. Tu te rappelles où elle était cette caverne Birgit? ». Et il allait falloir que tu m’expliques aussi comment y entrer dans cette caverne, trouver le mécanisme qui ouvre le passage de l’extérieur. For fanden…Où cela pouvait bien être? Tout ce que je me rappelais, c’était qu’il y avait les restes d’une statue d’A….


…Ristote!

Un mot murmuré s’échappant d’une pensée.

- Birgit? Tu es là? C’est toi qui a guidé mes pas jusqu’ici? Aide-moi s’il te plait. Aide-moi maintenant à trouver le mécanisme pour entrer dans la caverne de Mapsy.

Et après, je ne savais pas encore exactement comment j’allais pouvoir trouver ce que je cherchais, une chose à la fois. Le problème, c’est que je ne savais pas combien de temps Morten pourrait me donner…et la caverne de Mapsy risquait de me prendre beaucoup trop de temps. Une chose à la fois. Je verrais une fois sur place. Ouais, une fois sur place.

Morten…Si tu savais le rôle que ce cadeau d’anniversaire que tu m’as fait jouait dans cette intrigue…

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Niels


 « Houx-rouges, bureau de Niels à l’étage »


La représentation était en cours. Assis dans son fauteuil, une chandelle vacillante luttant contre la noirceur de la nuit, Niels n’avait pas quitté son bureau cette nuit-là. Au petit matin, tout serait terminé. Il aurait ce qu’il désirait. Oui, il n’y avait pas d’autres possibilités. Si Søren faisait ce qu’il attendait de lui, toute cette histoire serait terminée. Dans le cas contraire, sa brune paierait le prix de sa stupidité. Sur la table non loin de son bureau, un panier d’osier osait défier son attention. Niels tourna la tête dans sa direction et esquissa un sourire: lui aussi avait sa place dans ce scénario. Et d’autres encore, d’autres qui pensaient avoir un rôle précis dans la distribution et qui seront réaffectés à d’autres places au moment opportun. Mais avant tout, il fallait que l’actrice soit assez bonne pour modeler l’esprit d’Eudoxie, qu’elle réussisse à convaincre Søren de lui donner, à lui Niels, ce qu’il désirait.


 « Houx-rouges, chambre d’Eudoxie, rencontre du troisième type »


- Eudoxie… ma fille… Méfie-toi d’eux…Ils sont fous… Fous! Ils m’ont fait revenir de l’au-delà…Ils me tiennent prisonniers jusqu’à ce que tu aies fait ce qu’ils veulent… La mia puç*, prends garde qu’ils ne t’enferment comme ils ont fait de moi.

La voix était craintive, elle inspirait plus que de la peur. Elle contenait dans ses stries les traces de la folie, de cette peur qui imprègne chaque fibre de votre corps, en tout temps. L’apparition avait les mains tendues vers Eudoxie, les bras d’une mère aimante ouverts pour protéger sa progéniture, l’isoler d’un danger imminent au détriment de sa propre sécurité. Au delà de ses craintes, l’amour maternel était plus fort que tout. C’était l’approche que Niels avait dicté à celle qui jouait la comédie…ou plutôt la dramatique…pour lui.

- Ne leur cède pas Lo men pioc**… Ne leur cède pas…

Prêcher le contraire pour arriver à ses objectifs, ceux qui le connaissaient auraient immédiatement identifié la griffe de Niels.

- Tu n’as pas pu être là quand je suis morte mais grâce à eux nous voilà désormais réunis. Ils te veulent du mal mais ils ne savent pas le bonheur qu’ils nous donnent en cet instant…Un bonheur éternel…Ne leur cède pas Eudoxie…Reste avec moi… Reste ici avec moi. A jamais …

Le travail de fourmi de Thorvald portait fruits. Lui et ses sbires avaient fouillé le passé de la Castera. Ils avaient questionné, payé pour recueillir détails, confidences. Ils avaient espionné Eudoren partout où ils passaient. Ils avaient même volontairement laissé des traces de leur présence: Le feu de forêt en hiver, l’oiseau cloué à la porte. Niels avait pris le risque de sacrifier un des siens pour fournir de vrais renseignements à la partie adverse. L’objectif? Donner suffisamment de crédibilité à leur agent double pour que celui-ci gagne la confiance absolue de l’adversaire. Tout ça pour quoi? Pour écrire quelques pages d’un drame qu’une inconnue devait jouer un soir seulement, pour modeler les esprits et les faire agir comme le roy de deniers l’escomptait à un moment précis, un moment qui approchait à grand pas. Plus tard, des siècles plus tard, d’autres appliqueraient le même principe. Ils renverseraient le cours d’une guerre par la plus grande opération d’intoxication de l’ennemi qui ait jamais été conduite et ils réussiraient l’impossible. Fortitude, c’est ainsi qu’ils l’appelleraient. Fortitude: c’était aussi ainsi que Niels avait baptisé tout son plan.

- C’est ton amoureux qu’ils veulent atteindre. Si tu ne fais pas ce qu’ils demandent, ils ne me laisseront pas en paix. J’errerais dans les limbes à jamais mais je serais avec toi. Ils te diront que mon âme n’aura pas de repos mais cela n’a pas d’importance Eudoxie parce que nous serons ensemble.

Le « fantôme » se figea. Des bruits de bottes se firent entendre dans le couloir. On venait. Le regard de l’actrice marqua un temps d’hésitation puis l’inquiétude se lut dans ses prunelles. Son cou se tourna vers l’extérieur, puis vers Eudoxie et encore une fois vers l’extérieur. Les pas se faisaient de plus en plus proche. Celle qui était payée pour jouer cette comédie se dirigea alors en toute hâte vers la porte, fit tourner la poignée et disparut en laissant la porte de la chambre d’Eudoxie ouverte derrière elle. Une fois dans le couloir, elle hâta le pas, satisfaite de sa prestation et alla à la rencontre du groupe qui arrivait en sens opposé. Avait-elle était bonne? Avait-elle su convaincre son commanditaire? Aurait-elle pu arriver à son objectif si l’orthézienne n’avait pas été droguée? Il était difficile à le dire. Était-ce important? A ce moment-là, elle ne le savait pas mais elle venait de jouer le dernier rôle de sa vie. Plus personne n’aurait jamais de nouvelle d’elle après ce soir. Plus personne ne la rencontrerait. Dans le dédale des Houx-rouges, un corps de plus pourrirait dans un coin sombre et nauséabond.


 « Houx-rouges, vers la chambre d’Eudoxie, direction la geôle »


Ils lui avaient ôté son poignard. Ils l’avaient déshabillé, jeté ses vêtements dans la salle de bain à l’étage, ne lui laissant que des braies maculées de sang. Ils avaient frappé au visage, dans le ventre. Ils lui avaient fait éclaté la lèvre inférieure et sa joue gauche portait les stigmates des coups de poings qu’elle avait reçus. Il n’avait rien dit excepté qu’il avait rencontré Søren et qu’il ne savait pas où il se trouvait à présent. Thorvald et ses hommes le maintenaient solidement par les bras. Ses poignets avaient été liés par de la corde et il luttait pour ne pas s’évanouir.

Les bruits de pas s’arrêtèrent devant la porte ouverte. Thorvald fut le premier à entrer dans la chambre d’Eudoxie. Il la toisa de toute sa hauteur sans même prononcer un seul mot. Dans son regard, il n’y avait plus rien d’amical, juste de dédain et de l’arrogance. Il claqua des doigts et ses sbires entrèrent dans la pièce. Ils jetèrent Morten à l’intérieur, au pied du lit d’Eudoxie, là où quelques instants auparavant une actrice déployait son talent. Le visage du numéro six vint heurter le pied du lit. Un gerbe de sang jaillit dans l’air.


- Préparez-vous, il ne va pas tarder à venir vous visiter. Soyez plus…présentable. Vous êtes pitoyable!

Thorvald ne dit rien de plus. Ses hommes refluèrent vers la sortie. Lui même fit trois pas en arrière, cligna des yeux une fois et referma la porte. Dans le silence des Houx-rouges, une clé qui tournait dans la serrure se fit entendre de manière sinistre.

* Ma puce
** Mon poussin

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Eudoxie_
« La peur est souvent un plus grand mal que le mal lui-même. » (St-François de Sales)

Fantôme ? Blessé ? Prisonnier…

Mai 1466, ville de Paris (ici)

"Quelque part dans les entrailles des Houx Rouges"


Souffrance… Mains portées à ses tempes pour soulager la douleur qui s’insinue, qui se distille dans son crâne, cette perfidie qui blesse, qui s’impose comme un jugement sans appel, comme la sentence d’un scénario qui se joue malgré elle… sans elle.
Ange sorti tout droit de son regret, apparition d’outre-tombe, les perles noires d’Eudoxie ne pouvaient se détacher de cette femme, la tête entre les mains, genoux repliés contre elle autant que son ventre le lui permettait.

Tout en elle semblait si juste, l’aspect, les mots, l’attitude, ce regard outremer posé sur elle avec tendresse malgré la situation, les conseils pour qu’il ne lui arrive rien, le fait de se moquer de devenir une âme damnée pour un moment de plus auprès d’elle.
Et souffrir mille morts d’entendre ce fantôme lui pardonner d'une voix craintive de ne pas avoir pu être là pour elle, se mettre à sangloter et écouter le moindre mot sans en comprendre aucunement le sens, même en essayant, même avec de la volonté.

Tout ça n’avait aucun sens… Avait-elle définitivement sombré dans la folie en pénétrant dans cette bâtisse alors qu’elle était sous pression depuis des mois ? Perdait-elle la raison ? Avait-elle des hallucinations ?
Vouloir s’assurer de tout ceci et croiser le regard apeuré de l’entité fantomatique, n’entendant rien de ses tempes tambourinantes, assourdissantes, tendre une main vers elle, vers ses bras ouverts et n’effleurer alors que le bout d’un mouvement d’air en voyant disparaître le spectre comme une voleuse.

MA…mà…

Se rendre compte de l’absurde de la situation, et s'apercevoir qu’elle s’est redressée à genoux dans le lit, la main tendue vers une chimère, pourtant si réelle qu’elle en sentait encore le parfum de lys dans son sillage.
Retombée, assise sur ses mollets, les mains posées sur ses cuisses écrasant le bouffant des froufrous roses, le regard sombre porté vers le vide de cette porte ouverte, tellement groguie, choquée, abasourdie, que les iris obsidiennes scrutaient cette entrée sans même la voir réellement, esprit s'étant évadé ailleurs.

Il faisait chaud et les blés venaient d’être fauchés, le fils du comte avait encore su se montrer brisant et son regard vicieux avait été fermé d’un coup de poing par son Astre, ce jeune noble qui la protégeait parfois, son confident, et comme souvent elle avait fui, ailleurs, à travers champs, rejoindre Adamet, ce vieil ermite qui lui apportait tant par sa gentillesse.
Ce jour-là au retour, la nouvelle était tombée, et calmement les mains de sa mère avaient enveloppés son visage de toute jeune fille d’une douzaine d’années pour lui sourire et la bercer de son regard aussi bleu qu’un lagon. « Eudoxie, le comte t’as promis à un de ses nobles amis, sois heureuse Lo men arrai deu sô(*) tu ne manqueras de rien ».

Manquer de rien… Cette phrase avait longtemps résonné dans la tête de l’orthézienne après sa fuite du château pour s’éviter ce mariage dont elle ne voulait pas, qu’elle ne comprenait pas, qu’elle refusait de tout son corps et de toute son âme, une cage dorée pour un esprit libre…
Eudoxie avait mis un certain temps à comprendre la raison pour laquelle sa mère avait accepté d’offrir sa fille ainsi, et longuement elle avait cherché ce qu’était ce petit plus dans le regard de celle qui l’avait mise au monde ce jour-là, et il avait fallu qu’elle se trouve dans ce lieu infâme pour le comprendre : des regrets et des excuses muettes.

Toutes à ses révélations pensives, à ce que cette rencontre paranormale avait provoqué en elle, les mots d’Esmée Castera rebondissaient dans le crâne chamboulé, cherchant à se frayer un chemin et à faire leur œuvre, le peu de lumière pénétrant dans la pièce par la porte ouverte disparu alors.
Une silhouette se découpa dans la clarté qui fit réagir la béarnaise, se raidissant sous le frisson que la vision de cet homme provoquait à chaque fois, le borgne avait ce pouvoir sur elle, et le regard qu’il jeta sur elle à ce moment précis la glaça jusqu’aux os, même d’un seul œil il parvenait à ça.

Lorsque d’autres hommes s’en suivirent le premier réflexe de la petite brune fut de reculer, son mouvement se stoppant lorsqu’un blond ligoté se dévoila entre eux et dont le visage n’était pas visible, un « Seurn » s’échappant probablement de ses lèvres sans qu’elle ne le veuille.
Lorsque le corps de son danois fut projeté vers le lit, tant le choc sanglant contre le pied que la secousse du lit, lui firent étrangler un cri en fond de gorge, main se portant devant sa bouche alors que son regard allait des sbires de Thorvald à son blond gisant pour finalement revenir, imprégné d’une colère sourde, sur le borgne en l’écoutant les invectiver.

Attendre que tous les chiens de Niels aient quittés la pièce et descendre du lit, se foutant de cette clé qui tournait dans la serrure, la cloitrant avec son ange blond, mais comment avait-il pu le laisser abimer ainsi ? Que cherchait-il pour le molester ainsi ? Niels était-il donc si barbare ? Si oui pourquoi l’avoir épargnée et l'avoir habillée comme une poupée ?
Des pourquoi sans importance sur l’instant quand elle vint poser sa main sur l’épaule de son blond gisant à terre, pour le retourner vers elle, après s’être jetée à genoux à ses côtés, un mouvement de retrait de la main s’effectuant alors quasi aussitôt dégageant les cheveux couvrant le haut du dos… un détail manquait… où était... ce n'était pas lui.

Regard plissé d’une bestiole franchement paumée entre soulagement et déception, l’hésitation s’afficha alors quant à quoi faire, encore un fantôme ? un doublon ? un des amis d’enfance ? un… ah et puis… reposant la main où elle était, le corps du danois fut ramené visage vers le haut.
Cheveux barrant le faciès et coulisses de sang dégoulinant de la bouche, lèvres fendues et visage tuméfié, l’homme était bien amoché, qui qu’il soit les sbires n’avaient pas ménagés leurs efforts, tête posée sur les genoux de la brune au sol, le déclic se fit en apercevant une légère ouverture bleutée du regard danois.

Morten…

Mais qu’est-ce qu’il fichait ici ? Où était Soren ? Pourquoi était-il dans cet état ? Onyx posés sur le blond, les lèvres se pincèrent, l’esprit encore embrumé, avait-il été molesté pour soulager une frustration de n’avoir pas son danois ? Etait-ce encore une manœuvre pour la tromper ?
D’un sens ou d’un autre même si elle gardait une certaine réserve pour le valet d’épée, l’inénarrable ne pouvait pas le laisser ainsi, tout comme elle ne pouvait clairement pas bouger la masse qu’il représentait, mais il fallait le soigner. "présentable" avait dit Thorvald...

Faire le tour de la pièce du regard, se sentir étonnement « chez elle » et virer ses yeux vers le broc d’eau et la bassine à ablution posés non loin, tout était étrangement similaire, mais en quoi était-ce si étonnant de se dire qu’ils avaient été à Orthez pour savoir ça quand son corbeau avait fini en couronne de Noël sur la porte ?
Avec délicatesse, la tête fut déposée au sol pour se relever avec difficulté, en prenant appui sur le pied de lit, pour aller chercher de quoi nettoyer le visage du Sorensen, il semblait si « paisible » ainsi inerte, le sang qui maculait ses braies, son visage et son torse en revanche…

Une chaise tirée, un coussin attrapé, une bassine déposée sur la chaise, Eudoxie se mit en quête de chiffons pour nettoyer le visage de Morten, se mettant à fouiller dans ce qui devait être sa pièce de vie, sa cuisine en Béarn, les détails étaient… déroutants de réalisme, jusqu’au pot de groseille sur la table, comment pouvaient-ils savoir tout ça, aucune vivre n'avait été laissé dans sa chaumine.
Longue inspiration, le regard se posa sur le panier d’osier ouvert et un frisson lui remonta l’épine dorsale, ça, ça clochait dans le décor, ça ne faisait pas parti de son passé, mais bien de celui de Soren, alors dans un mouvement brusque, la main de la brune, poussa l’ouverture pour le fermer, sa curiosité maladive ne prendrait pas le dessus ici, car s’il était plein la vision serait à vomir et s’il était vide… le présage lui était funeste.

Chasser ses idées de son esprit et retourner auprès du blond étalé au sol avec les linges trouvés, s’agenouillant de nouveau en se rendant compte que sa robe était tachée du carmin scandinave, mais qu’importait « IL » allait les visiter, si « IL » les voulait présentable qu’il fasse en sorte que cela soit possible.
De la douceur, voilà ce qui passa dans les gestes de l’orthézienne quand l’oreiller fut glissé sous la tête aux longs cheveux blonds, l’étoffe humidifiée venant dégager les traits fins de Morten des résidus de l’acharnement des sbires de Niels sur son visage, un à un avec patience.

Morten... Réveille-toi… én pé prèga(*)...

Empathie ou garde baissée ? Le naturel bienveillant de la béarnaise prenait le dessus sur sa méfiance, et la vision de sa mère encore bien présente dans son esprit embrumé n’aidait en rien à réfléchir convenablement, alors qu'Eud l'observait s'éveiller.
Dans un geste doux, la chevelure d’or fut caressée, tout comme son visage dégagé de toute souillure ne laissant que des entailles propres que les doigts de la petite brune évitaient soigneusement d'effleurer, pendant que le torse subissait lui aussi une toilette de fortune à l'aide d'un linge humide.

Seurn... Où es Seurn...

Transfert de sentiments dans la douceur des gestes prodigués au blond danois sous ses doigts, main se plaquant sur le torse débarrassé des traces de résiné qui maculait sa peau, regard se fermant un instant encore étourdi de tout ce qui se passait et de cette toxine qui se baladait dans son organisme s'estompant doucement.
Morten Sorensen… Pourquoi y’avait-il un quelque chose qui mettait en alerte les sens de l’orthézienne ? Pourquoi la coïncidence de sa présence lui semblait trop… calculée ? Pourquoi ne pas savoir sur quel pied danser entre ce sentiment de mensonge et la confiance aveugle que Soren semblait lui porter…


(*)Lo men arrai deu sô : mon rayon de soleil
én pé prèga : s'il vous plait

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Morten


 « Houx-rouges, avec prisonnier numéroté »


Ils avaient frappé. Fort. Thorvald avait laissé ses hommes se défouler. Pour eux, il n’était pas le valet des épées, le sixième de la bande. Pour eux, il n’était qu’un homme qui se mêlait de ce qu’il ne devrait pas, qui s’opposait à Niels. La douleur l’avait fait vaciller, perdre conscience. L’interrogatoire n’avait pas duré longtemps mais il avait été intense. Après lui avoir ôté ses vêtements, la première chose qu’ils firent fut de lui asséner un coup de poings dans le ventre. Ce fut la montagne danoise qui s’en chargea. La barrière musculaire abdominale de Morten encaissa une bonne partie du choc: le valet se doutait que cela arriverait et l’avait anticipé. Le deuxième coup délivré par Thorvald lui même se heurta ainsi à une défensive affaiblie. La douleur irrigua tout le corps de Morten et le fit mettre les deux genoux en terre, la bouche ouverte à la recherche d’un peu d’air. Il était au sol et ils ne lui avaient encore rien demandé. Thorvald et ses hommes trainèrent alors Morten jusqu’à un grand tonneau rempli d’eau.

- Où est Seurn?

Ils n’avaient attendu que quelques secondes avant de plonger la tête dans le tonneau. Ils la maintinrènt immergée en le tenant vigoureusement par la chevelure. Morten n’avait pas eu le temps de prendre sa respiration. Il s’agrippa aux rebord du contenant pour tenter de sortir de l’eau. En vain. En guise de réponse, ce fut un coup de coude dans les reins qu’il reçut. La stupeur et la douleur eurent raison de lui. Il ouvrit la bouche toute grande, avala du liquide à grand gorgée. C’est alors qu’ils l’extirpèrent. Niels avait encore besoin de lui. Ils le jetèrent au sol, là où il tentait de recracher l’eau qui s’était infiltrée dans ses poumons. Des bruits de gargarismes infâmes sortirent de sa gorge. Il était au bord de la défaillance, le manque d’air rendant ses idées confuses. Des gerbes d’eau furent expulsées par la bouche. Ses poumons lui brulaient comme s’ils étaient au coeur d’un brasier forestier. L’interrogatoire n’était pas commencé depuis longtemps qu’il promettait déjà d’être terrible.

Thorvald le laissa récupérer un instant. Il toisa la pourriture qui se tordait à ses pieds. Aucune pitié ne se lisait dans son regard. L’avant-bras gauche appuyé sur la table, la main ouverte sur la table, il attendait le moment opportun.


- Que lui as-tu dit? Pourquoi n’est-il ici pour sauver sa putain?

Les yeux fermés, la poitrine se soulevant dans un rythme désordonné, la bouche ouverte à la recherche du moindre souffle d’air qui voulait passer dans son cou et qui explosait de douleur dans ses poumons, Morten tentait de rassembler ses pensées. Résister. Il savait que c’était un mauvais moment à passer. Il savait qu’il avait encore un rôle à jouer dans toute cette histoire, qu’il ne devait pas céder à la douleur même si celle-ci dirigeait tout en cet instant.

- Dis-moi, l’as-tu essayé? Certains disent que c’est bon de baiser une femme enceinte jusqu’aux oreilles…et toi tu la trouves bien à ton goût n’est-ce pas? Seulement voilà, cette fois encore, c’est Seurn qui partage son lit. Toi…tu n’es rien! Pas même un boute-en-train!

Et l’interrogatoire, le véritable interrogatoire, prit place. Lorsqu’il fut terminé, les paumes de main de Morten dégoulinaient du sang des blessures qu’ils lui avaient infligées. Il devait avoir une côte cassée. La visage était tuméfié, boursouflé. L’enflure à l’oeil droit ne permettait plus à la paupière de s’ouvrir et le coup de poignard qu’il avait reçu dans la cuisse droite l’empêchait de se déplacer convenablement sur ses jambes.

Ce fut la sensation de froid sur la joue et le front qui le saisit. Celle-ci réveilla une douleur lancinante. Un râle de douleur se fit entendre dans la geôle. Cette sensation se mêla alors à celle de la douceur prodiguée par des gestes emprunt de compassion et de bienveillance. Il ouvrit enfin son oeil senestre et le laissa s’acclimater au peu de lumière ambiant. Un visage avenant le surplombait, une cascade de cheveux bruns l’encadrait. Sa tête était posée sur un oreiller. Un frisson parcourut tout son corps et il claqua des dents. Ses lèvres tuméfiées s’étirent, faisant ouvrir un peu plus encore la crevasse sur l’inférieure. Un gout métallique se répandit dans sa bouche. Le sourire s’effaça de son visage.


- Heureux de…voir que…vous…allez bien.

Ses paroles étaient saccadées, expulsées avec le peu de force qu’il lui restait plutôt que prononcées. Il grelottait. Le fraicheur des souterrains, l’absence de vêtements et les effets secondaires dus aux coups qu’il avait reçus contribuaient à son tremblement. Il étira sa main ensanglantée vers celle de Eudoxie et la referma sur celle-ci. Sa poigne manquait de vigueur. Un filet de sang s’étiola sur la peau de la béarnaise. Sa gorge était sèche et toutes les syllabes qu’il prononçait était un véritable supplice qui mettait sa gorge en feu.

- Ils… veulent vous… utiliser pour…avoir.. Seurn.

Son regard borgne chercha celui de béarnaise. Ce matin, il avait trouvé ses onyx d’un noir envoutant. Cette nuit, il les chercha encore d’un seul côté. A plusieurs reprises, il essaya de sortir un mot de ses lèvres mais il n’obtint qu’un croassement sans nom. Il tourna lentement la tête vers sa poitrine alors qu’Eudoxie s’appliquait à le nettoyer. Souriant brièvement et avec difficulté, Morten serra comme il le put la main de la brune et entremêla ses doigts dans les siens.

- J’en connais un…qui….serait…ja…loux.

Il toussa et la quinte de toux émis une mousse rougeâtre à la commissure des lèvres.

- Seurn est ici… Quelque part… Ils veulent un….secret… qu’il doit trouver….pour…eux. S’il ne donne …pas … à Niels ce qu’il dési…re alors ils nous…tueront…tous.
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