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[RP]L'Hostel Particulier des Houx-Rouge

Eudoxie_
« Quand on cède à la peur du mal, on ressent déjà le mal de la peur. » (Pierre Caron de Beaumarchais)

Soins ? Doutes ? Discussion…

"Quelque part dans les entrailles des Houx Rouges"


Acquise à ses pensées et paume droite plaquée au torse ensanglanté, Eudoxie sursauta légèrement lorsque Morten se mit à parler, c’est qu’à force… droguée, le fantôme de sa mère, une chambre à l’identique de sa chaumine ou presque, des sbires détestables, un homme amoché sous ses mains, il y avait de quoi avoir les nerfs en pelotte non ?
La main posée sur les sillons musculeux du danois se remit alors à effacer de son linge humide les coulisses rougeâtres qui le maculait, regard sombre remontant vers celui qui s’adressait à elle avec difficulté, comédie ou réel molestage, d’un sens ou de l’autre le pauvre était dans un sale état.

J’ai connu des jours meilleurs… mais je suis en vie oui

La main danoise qui s’empara faiblement de la sienne lui procura une sensation étrange, ressenti en demi-teinte, mais soulagement pourtant… celui de ne plus être seule dans cette galère où elle s’était fourrée toute seule sur un coup de sang, sur une impulsion, peut-être bien à cause des hormones tiens. Oui c’est ça, si on lui demandait elle mettrait ça sur le dos de la grossesse et ses drôles d’effets.
Eudoxie sentait le grand blond frissonner sous sa main, contre-coup ? choc ? froid ? autre chose ? Sans doute un peu tout ça en fait, mais même si l’eau imprégnant l’étoffe qui lui servait d’éponge était fraîche, il fallait qu’elle achève de débarrasser la peau danoise du carmin pour voir si de gros dégâts avaient été fait.

Je sais, elle me… on me l’a dit, j’ai été stupide de venir ici… De penser que…

Les doigts qui se mêlèrent aux siens déstabilisèrent un temps la petite brune qui plongea son regard obsidien dans l’œil bleuté qui l’observait, dans ce sourire esquissé à son attention alors que ça le faisait surement atrocement souffrir, probable raison de cette familiarité dans son geste et très honnêtement, un geste de ce genre à cet instant précis où demain restait hypothétique lui fit un bien fou.
Les mots du gisant quant à une jalousie potentielle tirèrent presque un sourire à l’orthézienne, probable oui que Soren n’aurait pas apprécié ce qu’il aurait vu à ce moment précis, quoique vu l’état de son ami et connaissant sa brune, il aurait sans doute vite saisi le pourquoi du comment, et puis...

C’est possible mais Seurn semble vous faire confiance… marquant une pause elle ajouta Une confiance aveugle même… Morten ? A-t-il rais…

La quinte de toux, et les miasmes ensanglantés qui sortirent de la bouche du gisant, stoppèrent Eudoxie dans sa lancée, écoutant les propos que le valet d’épée articulait avec peine, un long soupir s’extirpant des lippes eudoxiennes, à a fois soulagé et inquiète de savoir son ange blond ici, alors le regard se posa sur Morten avec autant de bienveillance, presque de la tendresse que de méfiance et de détresse.
Torse délesté de son masque de sang, l’étoffe fut jetée dans la bassine après avoir essuyer la bouche du Sorensen et dans un moment de réflexion les onyx détaillèrent celui qui souffrait à n’en pas douter, avant que sa main libre ne se porte sur la nuque du danois pour l’aider à se redresser lentement et l’assoir en l’appuyant face à elle contre le pied de lit.

Vous êtes frigorifié et je suis bien incapable de vous porter sur le lit… tout comme j’ai l’impression que vous ne l’êtes pas non plus

Perles noires se déportèrent alors sur les braies ensanglantées et l’entaille dans l’étoffe laissant supposer une blessure plus conséquente.

Pourquoi vous ont-ils molestés de la sorte Morten ?

Lèvre mordue, Eud en avait assez de cette comédie et laissa place à la franchise comme elle le faisait la plupart du temps, laissant même les convenances d’usage au placard.

Morten… Qu’est-ce que tu faisais ici ? Est-ce que Seurn a raison de te faire confiance ou ai-je raison de penser que c’est l’ombre de Niels qui est derrière toi ?
Il n’a eu de nouvelles d’aucun de vous depuis son bannissement du Danemark et étrangement tu es là aujourd’hui… Sven aussi… Avec Niels… aux Houx Rouges.
Ca fait…. Beaucoup de coïncidences…


Paupières se fermant dans un soupir, main toujours liée à celle du danois dans un sale état, les doigts se resserrèrent sur ceux de Morten en pinçant les lèvres, charbonneux s’ouvrant de nouveau pour le fixer.
Un temps de réflexion infime et les phalanges encore portées à la nuque glissèrent sur la gorge pour venir effleurer la joue danoise avec douceur, besoin d’un contact, d’une envie d’y croire, de se dire que…

Morten… Donne moi une raison de croire que Seurn ne se trompe pas… Qu’il place sa confiance à juste titre…
Parce que ce que veut Niels il ne l’a pas… Ce n’est pas lui qui a les pages manquantes du livre…


Une supplique, une nécessité, un besoin de s’accrocher à quelque chose dans cet endroit où tout semblait lui échapper, où plus rien ne se conjuguait au futur, où l’avenir était incertain, où demain ne serait peut-être pas un autre jour.
Eudoxie en perdition, navire lâché en pleine tempête et dont la coque se fissurait lentement laissant l’eau s’infiltrer pour l’entrainer vers le fond, Béarnaise au bord du naufrage cherchant une bouée de sauvetage, un point d’amarrage.

_________________
Morten


 « Houx-rouges, avec prisonnier suspecté »


Douceur et dureté. Sous des abords avenants, l’orthézienne pouvait faire preuve d’un franc-parler grinçant. Ainsi, elle cherchait une raison de lui faire confiance. Mais que croyait-elle? Que ces plaies n’étaient que chimères? Poudre aux yeux? Que cette douleur qui se propageait par toutes les fibres de son corps n’était rien d’autre que comédie habilement jouée? Thorvald et ses hommes s’étaient donnés à coeur joie et s’il avait encore toutes les parties de son corps, il le devait sans doute à ces limites que Niels s’imposait encore lorsqu’il traitait avec de vieux amis…qu’il s’imposait lorsqu’il pouvait se le permettre.

Les paroles de la brune laissèrent le danois sans réponse. Sa poitrine se souleva lourdement, son visage trahit la douleur que chaque respiration lui donnait. Un rictus déforma son visage lorsque le ressenti atteignit son pic d’intensité. Ses mots étaient durs et ses gestes étaient doux. Ces paroles étaient celle de l’ennemi qui cherchait à savoir, elles reflétaient la compassion de l’amoureuse face aux affres du destin. Ses questions s’étaient succédées sans qu’il ait pu répondre. Ces dernières étaient insidieuses. Elles le mettaient lui dans le rôle du méchant du l’histoire, comme si le manichéisme était la seule façon de penser, de concevoir le monde. Blanc ou noir, vainqueur ou vaincu, traitre ou héros, célébrité ou moins-que-rien. Elle lui dépeignait un monde sans nuance, sans saveur, un monde binaire.

Les pensées du valet des épées s’étiolèrent, s’emmêlèrent, se nouèrent l’un à l’autre pour former une soupelette imbuvable, déliquescente. Elles perdirent de leur cohérence et leurs reliefs finirent par se dissoudre dans les abysses insondables de l’âme. Morten perdit une première fois connaissance entre les bras d’Eudoxie. Ce fut l’instinct de survie qui le ramena au bord de la conscience, la volonté de ne pas se laisser aller en terrain ennemi. Le sang s’écoulait au travers de la blessure de sa cuisse et avec lui sa vitalité. Il frissonna et ses lèvres tuméfiées tentèrent d’articuler des sons. Les mots d’Eudoxie frappèrent à la porte de sa conscience. Elles entrèrent en grand désordre, les uns dépassant les autres, se pressant dans son esprit avant que ce dernier ne lâche prise.


- Je…ne…sais pas…ce qu’ils…cherchent

Les pages? Il n’avait aucune idée de ce qu’elle parlait. Sans doute était-ce la douleur qu’il l’empêchait d’y voir plus clair? Pages? Quelles pages? Rassembler ses forces, tenter de dissiper cette brume qui cherchait à s’emparer de lui. Il cherchait à la repousser à grand coups de moulinets de souvenirs, d’hypothèses, d’affirmations. Elle se dissipait un moment et chaque fois elle revenait plus dense encore. Du moins, c’était son impression.

- Vous pro…téger… Éloigner son cou…rroux de vous…

L’avait-elle compris? Ses doutes… D’où venaient-ils? Sa présence ici à ses côtés? Supposait-elle vraiment qu’il jouait la comédie? Qu’il était venue ici pour autre chose que ses beaux yeux? Que l’amitié qu’il portait à Søren? Cette amitié indéfectible qui avait pris racine dans l’insouciance de l’enfance? Qui avait grandi alors que la vie faisait de ces garçons des hommes forts, capables de prendre en mains la destinée de leur pays? Oui, il était là, pour la protéger. Oui, il agissait au nom de son amitié pour Søren. Et oui, c’était compliqué à expliquer. Tout était compliqué dans cette histoire. A partir du moment où Niels venait d’entrer dans l’équation, une multitude d’inconnus venait de s’ajouter au système d’équation. Le problème, c’est que Niels se plaisait à ajouter plus d’inconnues que d’équation.


 « Helsingør, Été 1460 » 


    - Je te remercie d’avoir accepté mon invitation Morten.

    - Tu sais bien que c’est toujours un plaisir de te revoir Niels.

    - Plaisir partagé, valet des épées! Dis-moi, Lars m’a confié une mission et j’ai besoin de ton aide.

    - Ah? Quelle est-elle?

    - Retrouver Seurn.

    - Seurn? Après l’affaire du mariage, je doute qu’il veuille encore te parler.

    - Pourquoi crois-tu que je t’ai fait venir?

    - Moi?!?!?! Tu veux que je retrouve Seurn? Que je le ramène à Helsingør?

    - Non. Je veux que tu le suives, que tu le surveilles, que tu saches tout ce qu’il fait.

    - Pour quoi faire?

    - Pour me le dire. Tout simplement.

    - Et pourquoi moi? Tu as un tas d’hommes sous ta coupe!

    - Peut-être parce que tu es brillant?

    - Parce que je suis…brillant?!?!?!

    - Brillant oui. Oh au fait, j’allais oublier: ton frère te passe le bonjour. Il m’a dit de te dire qu’il se plait dans mon château de Arenborg… et qu’il compte y rester encore un bon moment…


Les apparences: on s’y fie souvent, c’est vrai. Parce que l’on n’a pas le choix, parce qu’il faut bien se fier à quelque chose mais quand Niels entre en jeu, les miroirs déforment leur rendu, la surface des étangs se trouble, la vue se voile. Les lentilles changent les perspectives, les prismes décomposent la lumière comme les miasmes le font de la chair ou les charognards avec les cadavres. L’homme brouille le jeu parce que lui seul peut y voir clair dans la purée de pois.

- Faites-m… oi…. con…fiance.

Il n’avait pas la force d’en dire plus, ni la volonté d’ailleurs. Il avait prononcé cette phrase sans même savoir ce que l’avenir leur réservait. Qui pouvait d’ailleurs se targuer de savoir de quoi sera fait leur avenir proche? Et qui pouvait prétendre savoir comment il réagirait face à une situation qu’il ne pouvait même imaginer? Avec Niels, tout était possible. Tout. Le mot volonté perdait de sa signification. Les bonnes intentions s’étiolaient. L’homme avait la capacité de vous mettre sur une pente savonneuse et de la soulever légèrement à l’une de ses extrémités. Ensuite, il n’avait même plus besoin d’agir pour que vous veniez à lui, pour que vous alliez là où il désirait que vous alliez. Dans ce contexte, toute prédiction n’était que pure utopie. Faire confiance était un concept qui n’avait pas de sens et pourtant qu’y avait-il d’autre à faire? Pouvaient-ils même s’en passer?

La paupière s’était refermée, les lèvres restées entr’ouvertes. Le corps tout entier était animé de soubresauts de temps à autre, errant à la frontière entre conscience et inconscience, oscillant de l’un à l’autre. Il aurait aimé un baiser d’elle mais cette fois encore il devrait s’en passer. Ces lèvres étaient visiblement réservés à Søren MacFadyen Eriksen.


_________________
Eudoxie_
De toutes les passions la peur est celle qui affaiblit le plus le jugement. (Cardinal de Retz)

Doute ? Blessure ? Confiance...

"Quelque part dans les entrailles des Houx Rouges"


L'incompréhension devant ses paroles, voilà ce que la bestiole put apercevoir dans les eaux claires du regard de Morten alors que la douleur se lisait sur son visage, les derniers mois à vivre en permanence sur le qui-vive et à se méfier de tout l'aurait-elle rendu si méfiante qu'un allié aurait été pris pour un ennemi ?
Inférieure nerveusement mordillée en lisant sa souffrance à chaque inspiration, la petite brune étouffa un cri de surprise en le sentant s'effondrer entre ses bras, craignant que le danois lui ai claqué entre les doigts, l'esprit s'éclairant alors d'une lueur nouvelle : pourquoi mener aux portes de la mort un de ses soldats.

Il parlait avec difficulté, faiblement, et le gardant dans ses bras Eudoxie commençait à réviser son jugement cherchant bien comment réussir à l'extirper du sol pour le mettre à l'abri du lit, faire en sorte qu'il ne meurt pas contre elle.
Pour qui et pourquoi, seule Eud aurait pu le dire mais les derniers mots de Morten eurent raison de certains de ses doutes et s'approchant de son oreille comme pour protéger de qui pourrait entendre ce qu'elle allait lui dire, lui murmura.

Je vais le faire, à vous de faire en sorte de la garder Morten

Et comme d'un pacte, les carmines de l'orthézienne vinrent se poser sur la joue, presque à la commissure des lèvres, elle avait besoin de lui, et lui d'elle, c'était une évidence et si d'aucun aurait trouvé la scène étrange ce qui allait suivre aurait troublé plus d'un chaste regard ou attiré d'autres plus salaces.
Délaissant de ses bras le torse maintenu contre elle, Eudoxie orchestra l'étrange manœuvre de se glisser dans le dos du danois et de s'appuyer contre le bois de lit, entourant le torse de ses bras, passant sous aisselles masculines, en liant ses mains sur le devant.

Va falloir m'aider au maximum Morten...

Inspiration, longue, très longue et retenue, le corps de la petite brune se plaqua contre le bois du lit pour s'en servir d'appui et se hisser avec le corps du blond faisant facilement une tête de plus qu'elle, le dos scandinave écrasant l'arrondi abdominal dont le petit habitant semblait ne pas apprécier la blague.
Tant bien que mal, et Dieu seul sait comment, le dos du Sorensen avait atteint la couche au prix d'un effort intense qui avait laissé la future mère sans souffle, une main sur la poitrine et l'autre soutenant son ventre pour reprendre une respiration normale ou au mois essayer.

On... y... est... presque...

Lit contourné et une petite brune grimpée sur le lit se mit à tirer un géant scandinave pour finir de ramener ses grandes pattes sur le matelas et l'installer au mieux, le pauvre quasiment parti aux fraises si pas complètement d'ailleurs.
Elle tentait de l'empêcher de crever, mais c'était elle qui allait finir par passer l'arme à gauche si elle continuait ainsi, et le tiraillement régulier répété de son ventre semblait vouloir être en accord avec l'idée que "hé stop la bourrique cocotte".

Les mains sur les hanches, debout en bord de lit, le souffle court, un souvenir lui revint en mémoire, une balade sur un lac gelé qui... ne l'était pas tant que ça, une frayeur comme jamais et un danois à la flotte.
Pourquoi ? Parce que comme ce jour là où elle avait réussi à extirper Soren des eaux glacées avant de le voir sombrer dans les ténèbres humides, elle ignorait bien comment elle avait réussi ce prodige de soutenir un homme de cette carrure et de le tirer jusque-là...

Certains expliqueront plus tard que le corps en cas de peur ou de stress ou de tout autre sentiment intense, envoi une hormone nommée adrénaline qui dans certains cas peut décupler les forces d'une personne, sans nul doute Eudoxie avait expérimenté cet état de fait.
Souffle et esprit revenu, les perles noires se portèrent sur ses mains et sur sa robe tachée de sang, son attention se reportant sur la cuisse, sur les braies rougies, pas trente-six solutions, et vie à la mode pudeur danoise depuis presque un an, les chastes et salaces cités un peu plus haut allaient enfin pouvoir s'offusquer ou se ravir.

Navrée mais...

Petite brune assise en bord de lit se mit à dénouer le lien serrant le vêtement à la taille danoise et sans plus de manière ni de préambule fit glisser l'étoffe pour dévoiler la cuisse meurtrie, et oui bien sur tout ce qui se trouvait entre la ceinture et les genoux.
Dire que le regard ne se porta pas sur... une virilité qui semblait être aussi caractéristique que la blondeur chez les danois aurait été mensonge, quand on retire des braies ça vous tombe sous le nez. Bah ouais, mais ce n’était pas le but de la manœuvre désolée de décevoir les salaces mais retour aux moutons et au pourquoi du "à poil Morten".

Terminant d'extirper les jambes du tissu imbibé de sang, le regard sombre aperçut alors une entaille sans pouvoir en évaluer vraiment l'étendue tant tout était engorgé de sang mais une chose était certaine : le sang s'échappait par là et pas qu'un peu.
Après avoir soufflé un bon coup, le corps aux proportions pachydermiques était allé récupérer la bassine et les linges et Eud, voyant le teint livide et les soubresauts du grand blond, couvrit le géant avec toutes les couvertures qu'elle trouva dans la pièce fouillant, coffre, console et autres meubles éparpillés à droite à gauche comme en Orthez.

Nom de...

Après avoir épongé en partie le sang qui camouflait la plaie, le regard de l'inénarrable s'écarquilla tout grand, ce n’était pas de la blessure de spectacle et soudainement, la moindre parcelle de doute qui pouvait persister dans son esprit se fit la malle à vitesse grand V.
Soigner, nettoyer, recoudre mais elle n’avait pas de quoi et à part du tissu elle avait jamais recousu quelqu'un elle de toute façon, alors à défaut bander pour compresser et que ça cesse de saigner, oui mais avec quoi, parce que c'était du bestiau de concours avec le cuissot qui va bien le Sorensen.

Fouiller de nouveau, encore, sans trouver, et commencer à paniquer, jusqu'à tester d'ouvrir cette porte qu'elle savait pertinemment fermée, tirer dessus comme une folle, sans succès bien sûr. Du tissu, n'importe quoi, solide, large et revenir vers la couche en pestant contre cette robe inadaptée et souillée.
La robe !!!! Mais c’est bien sur… Ni une, ni deux, un coup sec à la verticale sur une des bandes de froufrous et tirer sur tout l'horizontal, arrachant un large ruban pour ne laisser que le jupon-jupe sous les fanfreluches et réitérer sur une partie plus large vers le bas de la robe, juste au cas où.

Regard jeté vers le visage du blond sans trop savoir comment décrypter ses paupières closes et sa bouche entrouverte, conscient ou non ? Lentement la main se glisse sous le genou pour replier un peu la cuisse et pouvoir la panser au mieux, serrant au maximum sans faire souffrir le valet d'épée.
Ci-fait, jambe reposée et recouverte de couvertures, Eudoxie enveloppant sa "bouée de sauvetage" avec le plus de soin possible pour qu'il se réchauffe. Ses mains maculées de sang, l'étoffe de la robe sur son ventre et ses cuisses fort tachées démontrant qu'il avait perdu plus de fluide vital qu'il n'aurait sans doute dû.

Avez-vous soi...

Main portée pour soutenir son ventre, marquant de l'empreinte de ses mains ensanglantées le rose pâle du tissu de sa robe encore à peu près intact, les sourcils de la béarnaise se plissèrent dans une expression faciale douloureuse, rapide, fugace.
Et ne reformulant pas la question inachevée, verre et broc d'eau furent déposés sur le chevet à côté du lit, la petite brune s'asseyant en tête de lit auprès de son blessé, main s’attardant sur la longue chevelure blonde et la joue tournée vers elle.

Faut tenir... Me faites pas ce coup-là...

Un baiser au front vint ponctuer la supplique de la béarnaise, alors que sa main étreignait son ventre pour calmer l'habitant et les douleurs qu'il provoquait si c'était bien lui.
Laissant Morten récupérer, Eud caressait machinalement les fils de soie dorés et abdomen distendu, le regard dans le vide, repensant à l'apparition, à Thorvald, à cette reproduction de cette chaumine, l'esprit embrumé cherchant à comprendre à quoi jouait Niels, et ce qu'il lui réservait.

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Niels

 « Houx-rouges, quelque part… » 


La salle avait été préparée avec soins selon les directives personnelles de Niels. Cette fois, Thorvald n’avait été que l’exécuteur de la volonté de son Maître jusque dans les moindres détails. Au fond de la pièce, le mur avait été gardé à nu. La pierre noire et froide laissait transpirer son atmosphère macabre dont tout l’endroit était emprunt. Sur un piédestal d’environ quinze à vingt pieds de long sur six à huit de large, un trône de granit taillé avait été posé là. De part et d’autre de ce siège, deux gonfanons aux couleurs de la maisonnée de Niels donnait au lieu une touche de couleur. Pour arriver au pied du Maître tout-puissant, il fallait gravir quatre marches étroites. A côté du gonfanon, sur la droite du trône, un serviteur avait apporté le panier d’osier qui, il y a quelques heures encore, narguait de sa présence tous les visiteurs qui entraient dans le bureau de Niels.

A part quelques détails, l’endroit était d’une sobriété sans reproche. Des torchères parsemaient à intervalle régulier les quatre murs de la place. C’était peu pour éclairer une salle aussi vaste. Aussi, au centre de la pièce, un chandelier métallique avait été installé au plafond. Il se montait et se descendait par une chaîne que l’on actionnait à partir d’un levier situé sur le côté gauche de la salle. Juste en dessous du chandelier, un pentacle grossier avait été dessiné avec une peinture de couleur blanche. Des pictogrammes qui ne révélaient pas leur signification au profane ornaient les cinq branches. Au centre, un symbole plus familier mais tout aussi nébuleux s’étalaient en lettres d’argent : XVII.

Pour terminer le tout, deux cages de métal d’environ sept pieds de haut sur à peine trois ou quatre de profondeur et de large avaient été dressés sur chacun des murs latéraux, au fond, du côté de l’entrée. Quoi? Non, non, vous n’aurez pas plus de détail pour l’instant puisque chacune d’elle était masquée d’un rideau noir s’étalant du sol au plafond. Ne soyez pas si pressé, nous y reviendrons en temps utile. Des fenêtres? Non, il n’y en avait pas une seule. Aucune lumière extérieure ne filtrait à l’intérieur et il n’y avait qu’une seule porte par laquelle on entrait et on sortait.

Niels avait pris place sur le trône, les bras sur les accoudoirs de pierre, les phalanges recroquevillées sur chacun des bords. Il aimait cette pièce, il adorait ce siège de pierre. Il lui donnait l’impression d’une domination sans pareille sur l’auditoire. Il avait fait aménagé le lieu il y avait six mois de cela, au moment où l’opération entrait dans sa phase finale. Ce soir, il portait des bottes noires à large bords qui lui remontaient jusqu’aux genoux. Des braies de couleur grise et rentrées dans ces même bottes étaient rehaussées d’une tunique anthracite et décorée d’un ruban doré parcourant la périphérie. Le torse était recouvert d’une chemise blanche à manches bouffants. Les poignets étant garnis d’un bouquet de dentelle d’Alençon qui manifestait de la qualité de celui qui le portait. Enfin un pourpoint boutonné gris pâle terminait son accoutrement. La taille était ornementée d’une ceinture de cuir terre de Sienne sur laquelle étaient attachés deux poignards danois sur chacun de ses flancs.

Thorvald se tenait au pied des escaliers, à la droite de Niels. Il attendait manifestement un ordre de son Maître, sans toutefois émettre le moins signe d’impatience. Tout avait été réalisé comme Il le lui avait demandé. Tout. Dans le moindre détail. Jusqu’ici le plan du Roy de deniers se déroulait on ne pouvait mieux. Il ne restait qu’une scène à jouer, une seule. L’heure de vérité approchait et Niels avait tous les atouts en main. Thorvald jeta un bref regard dans le coin de la salle, à l’endroit où de grands rideaux noirs masquaient les cages de fer. Son visage resta de marbre. C’est à peine si un léger frémissement du sourcil au dessus de son oeil crevé avait pu se remarquer. Thorvald n’avait aucune idée de la façon dont Niels jouerait ses cartes. A lui aussi cette soirée réserverait sans doute moultes surprises.


- Il est l’heure. Fais venir nos invités.

- Bien Messire.

Le borgne n’eut besoin que d’un coup d’oeil pour qu’aussitôt quatre hommes de mains lui emboitent le pas. De couloir en escalier, d’escalier en réduit, de réduit en geôle, ils arrivèrent finalement jusqu’à la chambre où ils avaient gardé Eudoxie et Morten prisonniers. La clé tourna dans la serrure, la porte grinça sur ses gonds. Thorvald entra le premier et ses lèvres se plissèrent. L’impertinence et l’arrogance pouvait se lire sur son visage aussi surement que les enluminures ornaient les livres précieux.

- Oh le joli couple que voilà! Vous êtes mignon ainsi …mais vous n’êtes guère présentable vous savez? Allez! Dépêchez-vous! Il veut vous voir. Maintenant!

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Eudoxie_
La peur est inévitable, je dois l’accepter, mais je ne dois pas la laisser me paralyser.(Isabel Allende)

Mépris ? Crainte ? Affrontement...

"Quelque part dans les entrailles des Houx Rouges"


La peur, les sensations fortes, les efforts, les douleurs de son ventre et un peu de calme avaient eu raison de sa résistance au sommeil, les paupières de la brune se fermant sur la pièce, les doigts perdus dans la chevelure solaire de la tête danoise reposant maintenant sur ses genoux.
Le corps toujours adossé contre la tête de lit, la béarnaise avait sombré dans un repos tout relatif, sans onirisme, juste une extinction pure et simple des membres, des chairs, des muscles, de tout ce qui constituait ce petit bout de femme.

Le bruit dans la serrure fit sursauter l'orthézienne dont les yeux s’ouvrirent rapidement, clignant plusieurs fois pour se réhabituer à la pénombre, combien de temps avait pu s'écouler elle n'en avait absolument aucune idée, mais celui qui entra fut le dernier à être sorti.
Le borgne et son regard, fin non... son œil dédaigneux et goguenard, et cette voix qui lui vrillait les oreilles à chaque fois qu'il ouvrait la bouche pour se montrer détestable. Eud n'était pas du genre violente mais bon sang ce qu'elle avait envie de lui enfoncer son index gauche orné de la bague offerte par Edern dans son unique œil.

Il veut nous voir ? On n’est pas présentable ? La faute à qui sombre idiot !!!!

L'inénarrable était du genre calme, aimable, gentille, jamais à s'énerver et pas un mot plus haut que l'autre. Mais comme toute eau qui dort, quand elle se trouvait réveillée... et là… peur, inquiétude et colère, sans compter le reste que bébé Eriksen lui faisait subir. Le barrage de la gentillesse avait largement cédé, oh que oui.
Lentement la tête de Morten, qui n'était vraiment pas au mieux de sa forme, fut déposée sur la couche et le corps, beaucoup moins agile qu'à l'ordinaire, avait glissé du lit pour s'avancer droit vers "messire qu'un œil".

Il est nu comme un ver et je suis couverte de sang... Alors j'ai une question : ton maître va reporter la faute sur qui ? Son sbire qu'à pas été capable de faire ce qu'il lui a demandé ou la pauvre petite prisonnière qui a été obligé de souiller et abimer sa robe parce qu'un grand benêt n'a pas su faire les choses proprement ?

Oui, il avait une, voire même deux têtes de plus qu'elle, oui qui l'aurait vu ce serait dit "mais elle est tarée, elle va s'en manger une", oui même si ça ne se voyait pas et qu'elle faisait tout pour, elle était morte de trouille et tremblait comme une feuille sous son jupon, mais quand faut que ça sorte, faut que ça sorte.
Et puis avouons-le, Eudoxie se basait aussi sur le fait que, s’il avait eu autorisation de la maltraiter par Niels, le borgne s'en serait déjà donné à cœur joie, donc là en fait fallait seulement espérer que la béarnaise avait vu juste sinon effectivement elle allait voler et pas qu’un peu.

Présentable ou pas, je peux vous suivre, puisque si je suis là c'est pour voir Niels depuis le début mais...
Morten n'est ni présentable, ni en état, si vous le faites pas soigner c'est un cadavre que vous amènerez à votre maître.


Reprendre son calme et un semblant de ces attitudes nobles qu’on lui avait enseignés à avoir et la prestance qui s’y associait, laisser le tutoiement du lâcher prise, pour revenir au vouvoiement.
Une grande inspiration et les perles noires fixèrent l'œil unique avant de lisser les reliquats de sa robe ensanglantée sur son ventre et de resserrer la coiffure qu'on lui avait faite en reprenant le port de tête haute, le paraître avant l’être, oui parfois ça s’avérait nécessaire, même pour Eudoxie.

Nous y allons ?



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Niels

« Houx-Rouges, salle du jugement » 


Ainsi, c’était fait. Après les signes macabres, après les lettres envoyées de part et d’autre, après l’arrivée aux Houx-Rouges, voilà qu’Eudoxie Castera se trouvait pour la première fois devant celui qui avait hanté ses rêves…ou ses cauchemars: Niels, l’ami de son danois, le confident, le frère qui s’était retourné contre lui lors d’une affaire de mariage imposé par l’oncle de Søren. Enfin, ça, c’était la version du Eriksen évidemment. Niels, lui, avait un autre point de vue: il avait essayé de ramener Søren à la raison dans son intérêt, parce que Lars avait raison, parce que ce mariage devait avoir lieu dans l’intérêt des Eriksen. Cette histoire avait fini par les séparer. Peut-être après tout n’étaient-ils pas fait pour être amis? Peut-être que leurs divergences étaient trop profondes? Que leur philosophie de vie ne s’accordaient pas? Que Søren était trop faible?

Dans la chambre « orthézienne » où Eudoxie et Morten avaient été gardé prisonniers, les hommes de main de Thorvald étaient passés à l’action. Sous les ordres du borgne, l’un deux s’était emparé de la brunette, l’avait amené dans le couloir et s’était chargé de la surveiller. Il n’était pas question que quelque chose clochât alors qu’ils étaient près du but. A l’intérieur de la pièce, deux autres molosses s’occupèrent sans ménagement de Morten. Malgré les cris de douleur et la tentative de résistance de la part du valet des épées, ils le rouèrent de coups une fois de plus mais cette fois, sur les ordres de Niels ils évitèrent le visage. La blessure à la jambe s’était remise à saigner. Ils lui remirent ses braies, le recoiffèrent grossièrement en passant trois quatre fois la main dans la chevelure blonde. Le borgne lui, avait à peine sourcillé en entendant les paroles de la brunette. Il n'avait pas bouger la tête quand l'un de ses hommes l'avait emmené dehors. Lui répondre? Aucun intérêt. Ici, elle ne dirigeait rien. Elle ne décidait ni des questions, ni des réponses. Ici, elle subirait. Lorsqu'elle fut dans le couloir, Thorvald détourna brièvement la tête vers Eudoxie. Le regard fixe du blond cilla une fois et se détourna définitivement de l'orthézienne pour se poser sur Morten.


- On aura beau essayer, tu ne seras jamais bien coiffé. Même Niels le dit : Il n’y a personne qui peut rivaliser avec un Eriksen au niveau de la coiffure. C’est sans doute pour ça que Seurn a eu toutes les femmes qu’il voulait et que toi, t’as du te contenter de plaisirs solitaires!

Inconscient, Morten fut empoigné par les bras par les hommes de main de Thorvald. Privé de son tonus musculaire, la tête blonde dodelinait de gauche à droite alors que ses jambes trainaient au sol. Eudoxie, quand à elle, avait été amenée à Niels avec plus de ménagement mais une marque rouge devait sans doute se voir au niveau de ses bras nus. La prise avait été ferme mais polie. Enfin, c’est ce qu’avait dit Thorvald à la béarnaise. Les danois prirent soin de ne pas froisser la robe rose en taffetas avec laquelle il avait affublé la brunette. A la sortie de la geôle, le borgne n’avait pas pris la peine de bander les yeux de la brune: le détail de couloirs était suffisamment déroutant pour ceux et celles qui ne les connaissaient pas par coeur.

- Bienvenue aux Houx-Rouges dame Castera…ou devrais-je dire Eriksen?

Le ton de Niels était emprunt de confiance en soi, de maîtrise, d’arrogance même. Dès qu’ils étaient arrivés dans la salle du jugement, les hommes de Thorvald avait trainé le corps inerte de Morten jusqu’au centre de la pièce et l’avaient déposé face contre terre au centre du pentacle, juste sous l’immense chandelier. Niels avait suivi le mouvement du regard, détournant alors ses yeux d’Eudoxie pour les porter brièvement sur Morten. Une mine de dégout passa furtivement sur son visage avant qu’un sourire dominateur n’éclaire ses traits.

- Pathétique n’est-ce pas? Il était à votre goût avant de passer entre les mains de mes hommes? Vous a t-il dit que les filles s’intéressaient bien plus à Seurn qu’à lui et qu’il lui en a toujours gardé rancune?

Niels hocha furtivement la tête et Thorvald, qui était situé derrière Eudoxie, referma alors la porte. Le double tour de la serrure de métal se fit entendre dans le silence de la pièce. Macabre, lugubre, la cage se refermait un peu plus encore sur l’oiselet d’Orthez. Le borgne, frôlant alors la brune, se dégagea d’un coup d’épaule pivotant et vint se placer près de son maître, au pied de l’escalier qui menait au trône où Niels était assis. Deux gardes restèrent près d’Eudoxie, de part et d’autre. Le dernier homme vint se poster près de Niels, en face de Thorvald. La scène était prête. Le jeu pouvait démarrer.

- Voilà ce qui arrive aux personnes qui pensent pouvoir se gausser de moi. Dommage, Morten était un bon élément…mais il avait trop de coeur ou trop de principes….Ou il était trop faible, tout simplement. Je pense que désormais personne ne le saura. et c’est bien dommage. Quel gâchis!

Du bout des doigts, Niels caressait le bras de pierre du trône dans lequel il siégeait. La froideur et la texture du siège lui était agréable et apaisait la tension qui toquait à la surface de son esprit. Son regard alla de ses mains à Eudoxie. Était-ce le bon moment? Le poisson était-il ferré? Prêt à abandonner à la lutte et se laissait gentiment sortir de l’eau ou fallait-il encore la fatiguer un peu plus? Briser les dernières barrières de son équilibre mental pour l’amener à agir comme il le désirait? Niels avait encore plusieurs cartes dans sa manche. Mais trop, c’était comme trop peu: cela pouvait se retourner contre lui. Il avait besoin de la lucidité de la brune. De sa lucidité mais pas de sa volonté.

- Dites-moi, savez-vous pourquoi vous vous trouvez ici cette nuit?

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Eudoxie_
"Il est insensé d’avoir peur de l’inévitable." (Publius Syrus)

Trône ? Rencontre ? Niels...

"Quelque part dans les entrailles des Houx Rouges"


Aucune réaction, rien même pas un grognement du borgne, à se demander si il ne lui manquait qu'un oeil et pas une paire de... ouais aussi, en attendant la petite brune se voyait accompagnée manu militari au dehors de la pièce par un des sbires de Niels ou de Thorvald ça elle savait pas et s'en foutait.
Les pépites noires se mirent alors à détailler les couloirs les bras sagement croisés sur le ventre quand de l'agitation se fit entendre et les cris de douleurs de Morten, la brune se précipitant alors vers l'intérieur de la pièce fut stoppée dans son élan par son garde attitré qui lui fit un mal de chien en la maintenant par les poignets.

Hééé, vous me faites mal espèce de brute. Mais laissez-le bon sang, ça suff...
Oh mon dieu....


Eudoxie resta sans voix en apercevant le corps inerte de Morten, une angoisse sourde quand à sa survie s'insinuant en elle de manière perfide, tout ce qu'elle avait fait, tous les soins de fortune...La trainée rougeâtre qui suivait le passage de sa jambe blessée au sol n'avait rien d'un présage heureux.
Mais pour l'heure la poigne plus forte que nécessaire que le borgne exerçait sur le haut de son bras droit pour la faire avancer, laissait supposer une revanche mesquine pour la façon dont elle lui avait parlé, et la puissance de ses doigts sur sa peau la faisait souffrir mais les dents serrées elle ne lui en montrerait rien.

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"Salle du trône des Houx Rouges"


Des couloirs, des détours, des carrefours, des... mais comment pouvait-on se retrouver dans ce dédale à n'en pas finir, pire que le labyrinthe du Minotaure, et de fil d'Ariane elle n'avait pas, ça pour sur.
Le borgne la fit alors entrer dans une pièce sombre, pas de lumière autre qu'artificielle et la tête de la béarnaise se mit à pivoter pour prendre pied avec l'endroit, son regard cherchant à capter des détails quand une voix s'éleva dévoilant un blond qui siégeait dans un immense trône.

Niels...

Un murmure inaudible, juste se confirmer à elle-même une intuition... l'homme du balcon, les pépites se déportèrent sur Morten jeté au sol comme un déchet, allant de lui à Niels alternativement, s'arrêtant lorsque l'infâme s'adressait à elle, si le borgne ne l'avait maintenu... la colère avait déjà été mauvaise conseillère le serait-elle encore ?
Lorsque le maître fit un signe à son toutou, enfin la poigne laissa son bras libre, senestre venant frotter la zone endolorie par la pogne danoise, ce chien galeux lui vaudrait surement un bleu à force d'avoir serré comme un taré en guise de vengeance puérile.

Au cliquetis de la serrure, la respiration de l'orthézienne eut un raté et le tête pivota vers l'arrière, voyant Thorvald revenir vers elle et la bousculer on ne peut plus volontairement d'un coup d'épaule lui arrachant un léger grognement douloureux, pensez donc une baraque danoise contre une engrossée béarnaise, bah outch.
Frottant toujours son bras, dextre vint se mettre en berceau sous son ventre, une grimace vite contenue passant fugacement sur son visage, un clignement de paupières plus tard, onyx suivaient la mise en place des pièces sur l'échiquier, mais le cavalier restait gisant au milieu des pions.

Aucune réponse n'avait été donné aux questions du Castral-Roc jusque là, parce que son ton pédant insupportait Eudoxie, parce que de toute évidence il n'en attendait pas non plus, et sa suffisance aurait fait vomir la béarnaise d'un rien, il était tout ce qu'elle avait imaginé sur son "trône", dégoulinant d'autosatisfaction, vaniteux, orgueilleux... écoeurant.
A la dernière question, la main gauche frottant son bras vint se poser sur l'arrondi haut de son ventre, et jetant un coup d'oeil à Morten, revint à Niels avec le port de tête enseigné dans ses tendres années, gardant son regard sur lui en prenant discrètement une grande inspiration pour se donner l'aplomb qui lui manquait.

En déduisant que je m'adresse à celui qui m'a invité ici même, faute de présentation en bonne et dû forme, je suis ici pour avoir répondu à votre invitation Messire de Castral-Roc.

Délaissant les pions à sa droite et sa gauche, la reine supposée du jeu s'avança de quelques pas en direction du roitelet, se rapprochant par la même occasion du cavalier allongé en centre de pièce.

Ceci étant dit, votre sens de l'hospitalité est assez... particulier, est-ce habituel chez vous de droguer une personne qui reste chez vous de son plein gré ?

Un pas de plus et sans quitter le regard clair porté sur elle depuis le trône, les genoux de l'orthézienne se plièrent pour s'agenouiller à hauteur de Morten, dextre délaissant son ventre pour se poser sur le dos du gisant dans une caresse indiquant au blessé sa présence.

Comptez-vous réellement le laisser mourir là ?

Quitte ou double. Ne pas s'être jeté pour secourir Morten alors que c'était son instinct premier, tenter de rester maître d'au moins quelques éléments, parler calmement... et si elle tentait... non pas maintenant garder ça dans sa manche au cas où.
Se relever, non sans peine et rester stoïque, sans un mot de plus, à son tour sous le chandelier, le visage de Niels se dessina plus clairement sous ses iris charbonneuses, duel de prunelles, l'ombre rencontrant la lumière, coloration des regards pouvant induire en erreur sur qui était l'un ou l'autre.



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Niels
 
« Houx-Rouges, salle du trône - Les pions noirs avancent »


Il le savait déjà: elle avait de l’audace. Trop d’audace. Elle le lui montrait ce soir. Elle était imprudente. Les attentions d’avant la rencontre du roy de deniers n’avaient-ils pas porté fruit? Avait-il sous-dosé? Pourtant le corps inerte de Morten avait été un cadeau du ciel, un cadeau inespéré. Ce fat croyait-il vraiment qu’il n’avait pas été aperçu à guetter les Houx-rouges? A espionner les allers et venues? Lorsque Thorvald lui avait fait rapport des activités de Morten, Niels n’avait pas hésité un instant sur la marche à suivre: il voulait savoir ce que cherchait le valet d’épée. Il l’avait donc laissé aller à sa guise, agissant comme si de rien n’était. Son personnel entrait et sortait de l’hôtel de manière naturelle. A certains, ils demandaient d’utiliser une sortie dérobée dont Niels pariait qu’elle était connue de Morten. Les visites qu’il désirait garder réellement secrètes entraient et sortaient par un passage situé beaucoup plus loin de l’hôtel, quelque part du côté de Nôtre-Dame. Morten….Quel gâchis. Ainsi donc la séquestration de son frère n’avait servi à rien. Dommage… Oui. Dommage…mais lorsque l’on doutait de l’allégeance d’un agent double, mieux valait s’en séparer. Ce genre d’individus pouvait être très utile mais ici le risque sur sa fiabilité n’en valait plus la peine. Niels ne saurait sans doute jamais à qui Morten était réellement fidèle: à lui ou à Søren? Non, personne ne le saurait jamais.

Et elle? Son arrogance fit sourciller le roy de deniers. Visiblement il allait devoir utiliser certaines cartes dont il aurait aimé se passer. Après tout, il était lui aussi un homme de coeur…à sa façon.


- Présentation en bonne et due forme? Depuis quand une personne de mon rang doit se présenter à une du vôtre? Et si votre éducation chez un comte vous fait penser que vous avez le droit à une présentation de ma part alors où est donc votre révérence « Dame » Castera?

Peut-être avait-il été trop gentil? Peut-être était-elle trop sotte pour comprendre? Pourtant Søren ne semblait pas être de ceux qui mettent dans son lit une jeune écervelée bonne qu’à être sautée. L’attitude d’Eudoxie agaçait particulièrement le seigneur sur son trône et cela se sentait au ton de sa voix. Le blond ne prit même pas la peine de s’en cacher alors que la brune poursuivait sur le chemin de l’impudence.

- Pour quelqu’un de droguée, je vous trouve particulièrement vive d’esprit. Y’a t-il des hommes que je devrais punir ici ou avez-vous la constitution d’un boeuf? Sachez également qu’une dame de qualité aurait baissé la tête pour s’adresser à moi.

Le borgne à la droite de Niels perçut lui aussi l’agacement de son maître mais il n’en laissa rien filtrer. Agacer Niels ne menait jamais à de joyeuses festivités. Même lui ne prenait pas plaisir à exécuter les demandes de son seigneur en pareil moment. Morten…Morten. C’est Thorvald qui avait annoncé à Niels les actions suspectes du valet des épées. L’homme était revenu à Paris sans en faire mention. Il s’était installé en face des Houx-Rouges. Pensait-il réellement qu’il pouvait échapper à la surveillance de Niels? Pensait-il donc que sa seule source de renseignements était ses hommes de main? Thorvald ne discutait pas souvent les ordres de Niels. Pourtant, ce soir-là, il le fit inconsciemment en entendant le Roy de deniers lui demander de rouer sévèrement le valet des épées. Morten n’était-il pas son ami d’enfance? Un des six? Les bras croisés sur la poitrine, le borgne suivait la conversation, prêt à répondre aux désidératas de son Maître mais non, cette discussion ne lui disait rien qui vaille.

- Ce que je compte faire de Morten ne regarde que moi. Après tout n’est-il pas un de mes bons amis? Un ami d’enfance même.

Trois coups furent frappés à la porte. Thorvald tourna alors la tête vers Niels, le regard interrogateur. Une surprise? Le borgne se demandait qui pouvait bien toquer. Niels ne l’avait pas prévenu d’une visite supplémentaire. Le visage du roy exprima sa satisfaction lorsque ses yeux se portèrent sur son homme de mains. Même Thorvald devait comprendre qu’il n’était pas à l’abri d’une surprise de son maître. C’était ainsi que Niels concevait le pouvoir. Un hochement affirmatif suivi d’un hochement latéral de la tête et Thorvald comprit à son tour que cette interruption était planifiée et qu’elle faisait partie des plans de Niels. Il se dirigea vers la porte, fit tourner la clé dans la serrure. Entrèrent alors deux autre blonds à la carrure à peine moins imposante que celle du borgne. Niels reprit alors la parole en s’adressant à Eudoxie.

- « Dame » Castera…Puisque présentation vous demandez, voici Sven Poulsen et Jørgen Janssen. J’imagine que ces noms ne vous sont pas inconnus n’est-ce pas? Søren a dû vous en parler. Oh…et comment va t-il à ce propos? Vous savez que cela fait longtemps que nous ne sommes vus en….face à face? Thorvald

Niels, Morten, Sven, Jørgen. Quatre. Ils étaient désormais quatre sur six présents dans cette salle. Les retrouvailles des vieux amis étaient sur la bonne voie: n’en restait plus que deux. Niels se renfonça dans son siège de pierre, satisfait de pouvoir à nouveau reprendre le contrôle de l’échiquier. Si Eudoxie avait montré quelques velléités en entrant dans la salle, nul doute désormais dans l’esprit du maitre des lieux qu’elle céderait dans les instants suivants. Le regard du Roy ne se détourna même pas de la brune alors qu’il s’adressait à son homme de main.

- Voudrais-tu procéder aux…présentations suivantes…puisque les présentations sont si importantes aux yeux de notre invité? Hum?

Le borgne hésita un instant, encore décontenancé par l’arrivée des numéros III et V qui étaient venus prendre place aux pieds de l’escaliers, de part et d’autre de Niels. Il gravit les quelques marches, s’empara du panier d’osier situé au pied de Niels, jeta un dernier regard vers le roy de deniers qui ne bougea pas d’un cil et se dirigea enfin vers Eudoxie. Niels affichait un air satisfait, de ceux qui savent que son attention envers son hôte allait donner l’effet escompté. Face à Eudoxie, Thorvald baissa légèrement le panier à hauteur de son buste et le lui tendit. Les paupières du maître se plissèrent, les lèvres s’étirèrent sobrement. L’homme appréciait la situation présente.

- Une petite réunion entre amis: voilà à quoi vous êtes conviée. Ouvrez.

Il avait dit cette phrase sur un ton presque amical, rassurant. Au centre de la pièce, aux pieds de la béarnaise, le valet des épées n’avait toujours pas bougé le petit doigt.

- Ouvrez! Cela vous concerne…au premier plan!

Cette fois, le ton était celui de l’homme qui dirigeait, à qui personne ne s’opposait. Ce que Niels voulait, Niels obtenait.

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Eudoxie_
Où serait le mérite, si les héros n’avaient jamais peur ? (Daudet)

Mouche ? Touche ? Outch...

"Salle du trône des Houx Rouges"


Mouche, sans même le vouloir la petite brune avait fait mouche et piqué au vif l'orgueil du Castral-Roc qui du haut de son promontoire avait commencé à déverser son fiel sur la béarnaise, on y était... les masques tombaient.
Fini le paraître place à l'être et à l'abject, et dans sa perte de contrôle le blond vaniteux laissait filtrer bien plus d'informations qu'il ne le pensait, ainsi donc il avait été fouiller un passé que bien peu connaissait d'Eudoxie, pas même Soren jusqu'à assez récemment.

Si le blond qui se voulait supérieur à la petite brune avait été si malin à découvrir son passé, et surtout si il s'était donné tant de peine à le trouver, c'est que d'une manière ou d'une autre elle était une menace pour lui... laquelle restait à définir.
Eud avait bien des défauts, la curiosité étant la première, l'emportement pouvant en être une autre, l'amour des siens contre vent et marées aussi à certains points de vue, c'est ce qui l'avait mené ici, mais certaines qualités pouvaient pallier à ça.

Si la colère était mauvaise conseillère, elle était aussi un afflux d'énergie inépuisable, si la curiosité pouvait l'emmener là où il aurait mieux valu qu'elle n'aille pas, elle lui offrait aussi une capacité d'analyse et de déduction aiguisée, si l'amour des siens pouvait la mettre ans des situations dangereuses, il lui procurait une détermination et un aplomb insoupçonnable.
Eudoxie était pétrie de peur, l'esprit affuté encore embrumé, pas assez à priori au gout du danois, mais elle aussi avait en sa possession des éléments sur lui, elle aussi avait des cartes dans ses manches dont il ignorait tout, et Niels avait commis un impair en se comportant ainsi avec Morten, ce qui montrait que ses renseignements sur elle étaient... incomplets...

Les coups portés à la porte firent sursauter l'orthézienne qui grimaça de nouveau d'une douleur perfide sans prendre le temps de le camoufler sous l'effet de surprise en formant un berceau de ses mains sous son ventre, son attention fut captée par la réaction de Thorvald qui eu l'air tout aussi surpris qu'elle... ainsi donc le borgne n'était pas dans les confidences du roitelet.
Lorsqu'il se dirigea pour ouvrir, les perles noires suivirent le mouvement de la tête et deux baraques blondes, comme c'était étonnant, s'introduisirent pour rejoindre le roitelet et son trône avant que les présentations ne soient faites, son regard inquiet se portant alors sur le gisant dont le sang sous la blessure ne cessait de s'étendre.

Effectivement...

Pas un mot sur la bile qu'il avait déversé auparavant, réponse lui serait faite quand il cesserait de se satisfaire de s'entendre parler posant des questions sans laisser temps de la réponse, quand il aurait tout simplement un réel intérêt à en obtenir une.
Le regard noir de l'inénarrable couru de Jorgen à Sven en passant par Niels avant de se baisser de nouveau sur Morten, il en manquait deux... Thomas qu'elle ne connaissait pas et Soren qui supposément ici selon le valet d'épée n'avait toujours pas montrer le bout de son nez.

Il se portait bien. Je pens...

La phrase se figea quand Niels l'interrompit tout simplement, se moquant comme elle le pensait de la réponse pour invectiver le borgne parlant de présentation, comment d'une simple remarque sans intérêt cet être abject faisait tout un plat la rendait malade, mais grand bien lui fasse si ça le faisait jubiler.
En revanche, le panier d'osier que Thorvald venait de lui tendre alors que le roitelet avait parlé de "présentations" ne lui disait rien qui vaille et le regard qu'elle adressa au borgne en délestant son ventre de la dextre pour venir la poser sur l'ouverture close avait sans doute trahi ce sentiment.

Ouvrir ou non ? Répondre à sa demande ou pas ? Analyser la situation en un temps record et sentir ses tempes se mettre à tambouriner à l'en faire devenir folle, elle connaissait l'histoire de la femme qui avait connu les premières ardeurs d'homme de Soren.
Niels aussi la connaissait puisqu'il était là ce soir là, besognant les serveuses avec ou sans leur consentement pendant que son danois se faisait déniaiser à l'étage, puisqu'il était là le lendemain au matin quand son oncle avait offert un panier comme celui-ci contenant la tête de la pauvresse à Soren.

Son oncle lui avait dit avoir réglé une erreur : un noble ne se vide pas dans une paysanne, pas de bâtard, pas de descendance indigne, pas de... un frisson remonta alors l'épine dorsale de la béarnaise pour venir mourir sur sa nuque comme la morsure d'un prédateur sur sa proie. Elle était cette roturière portant une descendance indigne... une erreur à régler.
Eudoxie savait Niels à la botte de Lars Eriksen, ce n'était un secret pour personne et l'image qui passa devant les yeux de la bestiole, provoqua un haut le coeur qui lui fit porter senestre devant la bouche, pendant que dextre posée au panier repoussait l'innommable en reculant d'un pas, retenant tout juste de vomir.

Elle en était maintenant persuadée ce panier contenait une tête... la respiration s'était faite plus courte et intense, la tête penchée vers le sol n'offrant à sa vue que Morten en train de se vider de son sang et de mourir à ses cotés sans qu'elle n'y puisse rien.
Seul réconfort face à tout ça ne pas avoir rendu le contenu de son estomac de justesse, Eud ne voyait pas Niels, le regard rivé vers le dallage sombre de la pièce, découvrant les dessins qui y étaient inscrits, mais elle pouvait lui deviner un sourire de satisfaction à la réaction qu'elle venait d'avoir, elle en était certaine.

Reprenant un semblant de contenance, longs doigts fins massant doucement sa tempe quelques secondes, une longue inspiration fut prise et la robe, dont la clarté rose était maculée de sang, fur réajustée et lissée sur son ventre arrondi, alors qu'elle se reprenait.
Avancer ou rester en retrait, d'où qu'elle tournait la tête, un mastodonte blond se tenait là... derrière elle, de chaque coté du trône, juste devant elle avec le borgne, il n'y avait que Niels qui semblait moins imposant et sur l'instant, mains soutenant son ventre une seule phrase réussie à franchir le seuil de ses lèvres.

Qu'est-ce que vous attendez de moi Niels...

Le fantôme de sa mère, Morten entre vie et trépas, l'esprit encore embrumé par les drogues, le sang sur ses mains, sur sa robe, le lieu, l'ambiance, l'endroit, les douleurs invisibles, ce panier...
Et un absent, cruellement absent... la crainte, l'ombre de son regard posé sur cet osier, suspicion qu'elle ne voulait formuler et qui lui faisait perdre à cet instant précis une partie de l'aplomb qu'elle voulait conserver.





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Niels
 
« Houx-Rouges, salle du trône - Les pions noirs avancent »



Le visage m’exprima aucun changement de son humeur et pourtant Niels jubilait. Il avait ce qu’il voulait. La volonté d’Eudoxie avait cédé. Le poisson était prêt à être sorti de l’eau. Il suffisait simplement de le ramener hors de l’eau et de le laisser frétiller sur la grève, s’assurer qu’il ne replongera pas, ne regagnera pas l’eau d’un battement de caudale. Lorsque Thorvald se retourna vers son maître pour quérir de nouveaux ordres, le roy de deniers n’eut qu’un frémissement de cils à l’égard de son homme de main. Celui-ci fut suffisant pour qu’ils se comprennent et le borgne tourna les talons pour venir redéposer le macabre panier d’osier aux pieds de son seigneur, là où il l’avait pris quelques instants auparavant. Niels n’eut pas un regard pour son âme damnée, ses prunelles toujours figées sur l’implorante. Implorante oui. C’est ainsi qu’il la percevait. Le coude posé sur le bras du fauteuil de pierre, le pouce et l’index senestres formant un V autour de son menton, il attendait le moment propice pour reprendre la parole. Sans détourner le regard, ce fut aux chiens de Thorvald qu’il s’adressa.

- Occupez-vous du valet des épées. Qu’il ne meure pas puisque c’est le désir de notre… « invitée ».

Un silence marqua le discours du danois pendant que les hommes de Thorvald se penchèrent vers Morten pour stabiliser son hémorragie, laissant Niels totalement desintéressé par ce qui se passait à ses pieds.

- Voyez? Je récompense toujours ceux qui me servent bien. Je tiens parole. Soyez-en certaine. Votre choix de soigner Morten en priorité est…surprenant. Oui: surprenant. Malgré sa belle gueule, l’homme est maudit avec les femmes. Cela ne m’étonnerait d’ailleurs pas qu’il soit encore niais. A moins bien sûr qu’il y ait des choses qui aient échappé à mes hommes…Ce qui expliquerait peut-être que l’homme ait eut votre préférence. J’en serais navré. Oui. Navré.

Il n’en pensait pas un mot et pourtant s’il en avait été ainsi, cela aurait grandement perturbé ses plans. Cela les aurait même annihilé.Niels avait jaugé Eudoxie sur ce que ses hommes lui avait donné comme rapport, sur les lettres qu’il avait échangé avec elle. Quand bien même ses sentiments oscilleraient, elle ne sacrifierait pas un ami. C’est cela qu’il avait appris sur elle. Et puis, la rencontre entre Eudoxie et Morten était du jour à en croire les rapports de Thorvald. Alors, à moins d’un coup de foudre…Il n’empêchait que cette demande le surprenait.

La flaque de sang de Morten s’était répandue sur le sol. Pour les esprits à l’imagination fertile, on aurait dit qu’une séance de sorcellerie avait eu lieu dans cette place, qu’un sacrifice avait été réalisé sur un pentacle kabbalistique. Les cheveux de Morten étaient trempés de son propre liquide vital, poisseux. Son teint était livide, ses paupières closes. L’homme n’avait pas repris connaissance mais il était encore en vie. Pendant que Niels parlait, deus hommes maintenaient la blessure fermée pendant qu’un troisième chauffait sa lame au dessus d’une des torches qui éclairait la pièce.


- Oubliez Morten! Il n’a toujours été qu’un valet, un serviteur. Le sang qui s’écoule sur ce sol n’a rien de noble…ou si peu…qu’il n’en vaut pas la peine. Sans moi, sans l’appui de mon père à sa famille, Morten ne serait qu’un nobliaux de campagne à peine plus aisé que les paysans qu’il administre. L’aimer ne vous apporterait ni richesse, ni titre, ni gloire. Et je serais prêt à parier qu’il est un piètre amant. Juste une jolie façade. Voilà ce qu’il est. Une jolie façade et un idiot qui ne sait pas reconnaître ceux qu’il a intérêt à servir.

Le plat du poignard danois fut alors appliqué sur la plaie de Morten. Alors que deux gardes maintenaient solidement le corps dans leurs bras, le troisième cautérisa l’entaille laissée par un poignard danois. La chair humaine grésilla, des volutes de fumée blanche tournèrent en spirale dans les airs au dessus du chandelier accroché au plafond, un odeur de porc brulé empli l’atmosphère de la place. Le corps de Morten fut traversé de plusieurs spasmes dans les bras des hommes de Thorvald puis retomba de nouveau inerte. Niels s’éventa le nez pour chasser les relents de lard grillé qui l’incommodaient. Le flot de sang qui s’écoulait de la cuisse de Morten s’était tari. Les médecins improvisés reposèrent leur patient dans la flaque rouge, dos au sol, face vers le plafond. De la tête, Thorvald leur fit signe de quitter la salle pour aller se nettoyer. Après tout, puisque Sven et Jørgen étaient présents dans la salle, il n’avait plus besoin de ces trois-là.

- Passons aux choses sérieuses maintenant que j’ai accédé à votre désir. Thorvald, voudrais-tu déballer la deuxième surprise que nous avons pour dame « Castera ». Qui sait? Peut-être qu’elle ne refusera point celle-ci?

Le borgne décroisa les bras de sa poitrine et longea les murs. Il passa derrière Eudoxie et se dirigea vers l’un des rideaux situé au fond de la pièce. Niels reprit la parole, toujours aussi calmement.

- Vous allez désormais comprendre pourquoi je vous ai fait venir, ce que j’attends de vous. Thorvald? Rideau!

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Eudoxie_
La peur est bien souvent engendrée par l’ignorance. (Anthony Colin)

Haine ? Espérance ? Crainte...

"Salle du trône des Houx Rouges"


Le borgne avait rejoint son maître plus vite qu'une couleuvre qui s'échappe pour aller se planquer dans un buisson, pas même un battement de cil, ou à peine de la part de Niels qui au final, au grand étonnement de la petite brune qui ne l'espérait même plus, ordonna de soigner Morten parce que "c'était son désir".
La façon qu'il eut de souligner l'invitée ne fut pas pour plaire à Eudoxie, invitée d'un genre tout à fait particulier, volontaire en ce lieu mais contrainte en même temps, pourtant se fut un signe de tête reconnaissant et respectueux qui fut adressé au blond afin de le remercier de sa mansuétude et d'accéder à sa demande qu'elle n'avait au final pas vraiment formulée.

Se décalant pour laisser les hommes de main de Thorvald œuvrer, un pas fut fait en direction du Castral-Roc, conscient ou non, mais la proie avait progressé vers le prédateur, tant physiquement que mentalement peut-être, en tout cas à cet instant précis, une envie de croire qu'un homme qui avait été ami avec son danois, qui lui portait toujours affection quoi qu'il en dise, ne pouvait pas être aussi mauvais.
Et avec attention la petite brune écoutait le discours de son "hôte" sans forcément parvenir à comprendre les détours retords que celui-ci pouvait emprunter parfois sur des suppositions qui n'avaient guère d'importance pour Eud quant aux compétences amoureuses de Morten.

Était-il en train d'insinuer que… Non c'était impossible à moins que ces espions ne soient que de sombres crétins incapables de faire la différence entre un danois et un autre, quoique… toujours faut-il qu'au lieu d'offusquer la bestiole, cela l'aurait plutôt amusée de la stupidité de cette supposition, démontrant à quel point Niels avait été mal informée sur son compte.
Il récompensait, ce qui laissait à supposer qu'Eudoxie ait pu avoir raison sur le double jeu de Morten, mais vu son état actuel… si tel était le cas sans doute le regretterait-il amèrement. Regard reporté sur Niels, la béarnaise tenta de jauger s’il était si mauvais que ça, dans sa tête il l'avait toujours été et pourtant… Soren continuait à lui vouer une certaine affection, elle le savait, alors croire toujours et encore, éternelle optimiste envers et contre tout.

Illusion vite perdue malgré les propos tenus par son hôte alors que dextre vint étouffer un cri d’effroi en apercevant la scène de soins apportée au valet d'épée, regard allant d'un danois gisant à un danois indifférent, comment pouvait-il infliger ça à un des siens… le dédain qui suivit dans le discours sur Morten alors que sa peau brulait fut éloquent.
Cet homme était dépourvu d'âme, de tous sentiments, seule la haine gouvernait à son corps, et lorsque les hommes quittèrent la pièce laissant Morten inerte dans son sang la face livide, un mouvement vers lui fut contenu, stoppé dans son élan en entendant Niels évoquer des "choses sérieuses" et une surprise, sans aucun doute la notion de surprise d'Eud devait différer de la sienne.

Sans un mot, les perles noires suivirent Thorvald qui devait dévoiler la "surprise" du maître des lieux, et d'instinct le corps pivota pour apercevoir ce qu'il faisait jusqu'au bout, remarquant alors la masses sombre du rideau évoqué par son hôte et cette fois… il ne lui laissait pas le choix de la découverte.
Inquiète, une main en berceau sous son ventre qui la tiraillait et l'autre le caressant dans un geste d'auto-réconfort, les onyx ne pouvaient se détacher de ce borgne, qui déjà œuvrait à s'emparer de l'étoffe, le regard de la brune se fermant un instant en imaginant mille et une options de ce que cachait ce linge.

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Niels
 
« Houx-Rouges, salle du trône - Échec »



Rideau oui! Thorvald tira sur les deux pans du tissu, découvrant derrière lui une cage de métal à laquelle deux poignets étaient attachés sur la grille du haut. Le borgne se retourna alors vers Eudoxie, la toisa l’espace d’un instant. Puis il jeta un regard dans la direction de Niels et s’écarta sans rien ajouter, se postant sur le côté pour que la béarnaise puisse découvrir le spectacle offert par le maître de deniers. Les bras en croix, la tête pendante, les yeux luttant pour ne pas se fermer, Søren avait les chevilles et les poignets attachés par une chaîne de métal aux barreaux de la cage. Torse nu, Il dodelinait de la tête, la bouche ouverte à la recherche d’une bouffée d’air salvatrice. Des coulisses de boue maculaient son torse et son visage. Les cheveux sales et poisseux de sueur avaient perdu de leur superbe Eriksen.

- J’ai demandé à mes hommes de partir à la chasse aux rats dans les souterrains des Houx-Rouges et voyez ce qu’ils me rapportent. Étonnant n’est-ce pas?

Niels s’était levé. Il avait descendu les marches de son piédestal avec une lenteur agaçante et s’était rapproché de Thorvald et de la prison de Søren. Même le bruit de sa botte sur la pierre de la salle avait quelque chose de lugubre. Il se posta sur le côté afin qu’Eudoxie puisse profiter elle-aussi du spectacle.

- Seurn Eriksen…

Il avait volontairement omis le MacFadyen. Lui ne concevait pas qu’un danois puisse mêler son sang avec celui d’un autre peuple. Il avait connu Søren comme étant Eriksen. Le reste n’avait aucune importance à ses yeux. Sa visite à Sarlat sur l’île néo-calédonnienne de Brygh avait fini de le convaincre que les scots n’étaient que des rustres sans aucun intérêt: même leurs donzelles brayaient pour rien. Niels pencha la tête vers celui qui avait été son ami d’enfance. Le silence reprit ses droits dans la pièce. Un instant, les souvenirs affluèrent chez le roy de deniers: ceux de l’insouciance, d’enfants qui devenaient des hommes, ceux où ils refaisaient le monde à leur image. Oui, ils auraient pu le façonner à leur volonté. A six, ils auraient unis le Danemark puis toute la Scandinavie. A l’union de Kalmar aurait succédé l’union d’Helsingør: islandais, norvégiens, suédois et danois unis pour faire revivre la grandeur passée. Le peuple suit les hommes forts. Ils les auraient suivis eux. Après la Scandinavie, c’est tout l’occident qui aurait ployé genoux devant eux. Si seulement les autres l’avaient écouté lui. Si tous l’avaient écouté…

- Et voilà. Nous sommes tous réunis. Ne manque que Thomas…

Sa voix s’atténua. Le regard se détourna du prisonnier et s’ancra au hasard dans une faille du mur près de la porte d’entrée. Une once de nostalgie passa dans son regard l’espace d’un instant.

- … qui est sans doute mort. Personne n’a plus jamais eu de nouvelles depuis son départ d’Helsingør.

Moment de faiblesse. Thorvald écoutait les paroles de son maître et se demanda alors si les prescriptions du médecin personnel de son maître n’avaient pas des effets néfastes sur celui-ci. Non seulement, cela n’avait pas l’air de le guérir mais en plus les potions ingurgitées semblaient avoir prise sur l’humeur du roy de deniers…et pas dans le bon sens du terme. Non, le borgne n’aima pas du tout ce qu’il lut alors dans les prunelles de son maître mais signaler à Niels, même subtilement, qu’il devait se ressaisir c’était courir vers les ennuis: on ne dit pas à un danois qu’il peut avoir des moments de faiblesse, à Niels moins qu’à tout autre. Ce dernier se reprit alors de lui-même, chassa ses pensées par un clignement de cils et tourna ses yeux vers Eudoxie.

- Vous croyez que je suis un monstre n’est-ce pas?

Thorvald sourcilla. Niels regretta aussitôt la phrase qu’il venait de prononcer. Il détourna aussitôt la conversation et resserra son emprise sur ses pensées.

- Comprenez-vous pourquoi j’ai été surpris de votre désir à vouloir soigner Morten? J’octroie ma mansuétude graine par graine et vous avez préféré l’utiliser pour un inconnu plutôt que pour…lui!

Il tourna la tête vers Søren, levant le bras pour le désigner à la brune

- Certes son sort est un peu plus enviable que celui du valet des épées. Je le reconnais…mais dans notre monde, les choses changent à une telle vitesse qu’il est audacieux de ne pas prendre quelques précautions élémentaires, ne pensez-vous pas?

Il joignit alors ses mains dans son dos et son visage s’éclaira d’un sentiment de puissance. La vague de doute était passée. Il était de nouveau le Niels impérial, celui que son éducation avait forgé. Ses pas résonnèrent dans la salle alors qu’il vint prendre place devant Sven et Jørgen. Dos à son invitée, Il lui offrit un hochement de tête amical à l’un comme à l’autre et se retourna ensuite vers la béarnaise pour s’adresser à elle.

- Si Seurn m’avait écouté…. Ah! Si Seurn m’avait écouté. Il n’en serait pas là. Nous serions sans doute tous à siéger sur nos trônes respectifs, chacun dans un royaume d’occident. Nous dominerions le monde parce que nous avons le talent pour ça, parce que nous en avons la capacité, que nous avons été formé à ça, parce qu’il faut un certain charisme pour diriger. Oui, nous avions tout ça. Nous étions unis et tant que cela perdurait rien ne pouvait nous arriver.

Il avait l’air sincère dans ses paroles. Exalté? Il l’était oui: intérieurement. Il pensait ce qu’il disait et cela se sentait dans le débit et le ton de ses paroles. Ses yeux se plissèrent pour marquer la détermination qui l’animait alors qu’il ajouta:

- Et même si désormais nous sommes séparés, que nous avons pris chacun des directions différentes, il serait fol de renoncer parce que nous avons encore certaines cartes en main. Vous vous demandez pourquoi vous êtes ici Eudoxie? Eh bien je vais vous le dire: Seurn connait un secret que je désire, un secret qu’il m’a volé, ici, aux Houx-Rouges. A vous de le convaincre de me le partager: dans son intérêt, dans le vôtre…et oui, aussi dans le mien.
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Eudoxie_
Chaque expérience où vous vous arrêtez vraiment pour regarder la peur bien en face augmente votre force, votre courage et votre confiance. Vous devez faire la chose que vous n’êtes pas capable de faire. (Eleanor Roosevelt )

Roy ? Roy ? Reyne…

"Salle du trône des Houx Rouges"


Paupières closes et ne pas vouloir ouvrir les yeux en entendant l’étoffe bouger, ne pas vouloir découvrir quelle option se trouvait derrière ce rideau, entendre les bottes de Thorvald battre le sol et ne rien percevoir de ce qui se trouvait là de cette surprise.
Vouloir encore tenir en échec le Roy de deniers quant à son choix d’accepter ou non la surprise et l’entendre parler, cette voix qui lui hérissait le poil en caressant son ventre, le maître des lieux n’ayant nulle faculté de savoir que non… elle ne voyait pas ce que ses hommes avaient rapportés.

Un léger déplacement d’air auprès d’elle, fugace, rapide, dans un martèlement du dallage sombre lui fit ouvrir les yeux comprenant que l’infâme se trouvait tout proche, perles obsidiennes découvrant alors le spectacle offert au moment où Niels prononçait le nom de son captif… de sa surprise.
Un, deux… peut-être même trois ratés comprimèrent la poitrine de la béarnaise dans lequel son cœur venait de cesser de battre l’espace d’un moment, les enfers s’ouvraient sous elle alors que son regard ne pouvait se détacher de son danois enchainé.

SEURN !!!

De superbe il n’y avait plus, il aurait pu sortir d’un tournoi de deux jours en Helvétie que son état n’aurait pas été plus net, et la bestiole savait de quoi elle parlait en pensant cela, mais comment et pourquoi se trouvait-il là et comment l’en sortir.
Comment ses jambes la portaient encore, comment son corps supportait tout ça, comment elle avait fait pour ne pas se jeter sur cette cage, comment ses mains n’étaient pas déjà autour de la gorge de Niels, tout ça et plus encore relevait du domaine du mystère.

Il déblatérait encore et toujours, parlant de Thomas, d’une mort potentielle, alors à qui était la tête dans le panier car Eudoxie était persuadée de ce qu’il y en avait une, et en même temps l’orthézienne s’en contrefoutait mais royalement sur l’instant de Pierre, Paul ou Jacques.
La question qu’il posa avant de se raviser était une réponse en elle-même, il ne faisait là qu’un constat de ce qu’il était, de ce qu’il voulait être, de qu’il montrait à tous, avait-il soudainement un sursaut de lucidité ? Mais bien sur là non plus une réponse n’était pas attendu.

Il jubilait avec cet air de suffisance ancré sur ce visage qu’elle aurait voulu effacer d’une gifle, d’un crachat, de…. Le lutin dans sa tête qui martyrisait son crâne et ses tempes s’en donnait à cœur joie alors que les mots du Castral-Roc résonnaient dans la pièce.
Dextre délaissant son ventre pour venir masser le flanc haut de son visage, tenter de soulager cette souffrance, ne pas devenir folle, ne pas… garder la tête froide, mais bon sang qui était donc capable de ça dans telle situation.

Il ne devait pas être là…

Plus un murmure qu’une phrase audible alors qu’un regard se portait sur Morten repensant à ses mots, la chasse aux rats avait-elle attrapée deux spécimens blonds dont l’un c’était joué d’elle, non… Elle ne voulait le croire et laissant le Castral-Roc faire son cinéma et raconter ses délires de domination, le ciel du regard faible de son danois passa un court instant dans les ténèbres du sien.
Niels avait fini sa tirade, sur le monde à ses pieds quand Eudoxie se tourna pour lui faire face, le iris charbonneuses se figeant sur lui en avançant doucement en direction du trône alors qu’il lui expliquait pourquoi elle se trouvait ici avec exactitude.

Une pièce de l’échiquier…

A peine plus de trois pas séparaient maintenant Eudoxie de Niels, la tête légèrement relevée pour pouvoir fixer son regard au sien, car si la carrure était plus fluette que ses « amis d’enfance », la taille en revanche restait celle d’un « géant » danois.
La respiration était courte, essoufflée, comme souvent depuis qu’elle était entrée dans son dernier trimestre, à la moindre émotion, au moindre effort, et sans que personne ne le voit venir, mue par quelque chose de plus fort qu’elle, main droite s’élança avec force pour faire disparaître ce petit sourire d’autosatisfaction et de toute puissance.

Le bruit de l’impact de la dextre sur la joue danoise retentit dans la pièce, résonnant sur les murs sombres dans un écho lugubre, laissant place à un silence assourdissant alors que phalanges repliées sur le retour tentaient de lacérer la peau sous ses doigts.
Le calme de la bestiole était en total contraste avec ce qu’elle venait de faire, un acte inconsidéré, inattendu et sorti de dieu seul savait où avant que sa voix ne se fasse entendre.

Détachez-le… tout de suite…

Le ton était froid, glacial, déterminé, qui connaissait la bestiole aurait sans doute jurer qu’il s’agissait là d’une autre personne, d’une entité différente de la béarnaise, un dédoublement de cette petite brune si gentille et douce d’ordinaire.
Avait-elle perdu la raison ? C’était une probabilité pour oser lever la main sur son geôlier. L’avait-il poussé à bout pour que cela arrive ? Raison perdue, folie installée, esprit embrumé, peut-être un peu tout ça oui et il en était la cause.

Mais le sang encore frais de Morten sur la main qui venait de s’abattre sur lui et dont le carmin imprégné désormais la joue du maître des lieux, dénotait une erreur de calcul, la pire qui soit…
Toucher une des personnes pour qui Eud aurait tout fait, et pas n’importe laquelle, « Lui » pour qui elle donnerait sa vie, alors finit la gentille Eudoxie, celle en face de lui était capable de tout.

Niels voulait jouer une partie ? Que les pions noirs avancent…
La Reine entre dans la danse et le Roy de Deniers prend une tance !!!

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Niels
 
« Houx-Rouges, salle du trône - Petit roque : on échange les places »



Il avait à peine réagi lorsqu’elle découvrit son blond attaché aux barreaux de la prison de métal. A peine avait-il esquissé un sourire de satisfaction qui s’était rapidement délié pour reprendre cette même mine dominateur d’avant le lever de rideau. Le roy de deniers dosait. Il ne cherchait pas à humilier, à détruire mais simplement aliéner la volonté de la béarnaise à ses désirs. Quelle différence me direz-vous? Pour ceux qui connaissaient Niels, il y en avait une énorme, aussi primordiale que celle entre la vie et la mort. Depuis le début de cette affaire, il avait donné la consigne à ses hommes de ne pas s’en prendre à l’intégrité physique de la béarnaise, quelles que soient les situations. C’était encore vrai ce soir-là. Eudoxie l’avait dit: elle était une pièce de l’échiquier qu’il mettait en place, une pièce qui devait connaître son rôle et s’y tenir. La ramener dans le droit chemin, lui montrer les choses comme lui le voyait, comme elle devait le voir elle aussi. Regrouper les moutons rétifs derrière le berger, voilà ce à quoi il s’attachait ce soir-là. Mais pour cela, il fallait que le berger des Pyrénées soit lui aussi bien dressé.

Manifestement, la vue de Søren captif avait eu plus d’effets sur la brune que le panier qu’elle avait repoussé. Les pions se rapprochaient de la Reyne blanche. La soirée se déroulait comme il l’avait prévu. Après tout, peut-être avait-il sous-estimé la force de caractère de sa captive? Søren l’avait déstabilisé plus encore que Morten, que le panier d’osier. En cet instant, Niels aurait aimé pouvoir lire les sentiments qu’elle tentait de masquer. Il s’abreuvait de ce qu’elle montrait mais il en voulait plus. Il voulait gouter à cette volonté qui s’effritait peu à peu, à cette glissade inexorable vers les abysses du désespoir. Søren était sa faiblesse comme il l’avait prévu. Le balancier penchait tranquillement de son côté. « Viens à moi petit oiseau, écarte tes ailes que je les cloue sur ma porte et tu sauras qui tu dois servir. »

Tout à ces réflexions, il l’avait laissé avancer vers lui. Thorvald l’avait suivi du regard sans bouger, Jørgen et Sven souriaient de satisfaction. Ils étaient les témoins de l’accomplissement des volontés de Niels, cet ami d’enfance pour lequel ils avaient pris fait et cause. Le geste désespéré d’Eudoxie les prit tous de court. Le visage du Roy de deniers se figea en un masque de surprise. Sven en eut le soufflé coupé, Jørgen la bouche ouverte. Thorvald porta instantanément la main sur la garde de son poignard. Cela ne dura qu’un instant, un de ceux pendant lesquels l’éternité semblait s’être cristallisée. Le regard de Niels croisa brièvement celui d’Eudoxie et une onde de haine passa les deux. La vague submergea tous les autres sentiments que ressentait le maître des lieux à l’instant présent puis elle se retira aussi rapidement qu’elle était venue. Jørgen fut le premier à réagir. Il s’empara du bras droit vengeur d’Eudoxie et le tordit pour l’amener dans son dos. Sven suivit peu après et fit de même avec la senestre. Sans égard pour la grossesse de la béarnaise ils l’obligèrent à ployer le genou devant celui qu’elle venait d’outrager. Jørgen, le visage fermé par la détermination et une volonté de faire payer cet affront, poussa la tête d’Eudoxie vers le bas, la maintenant pour éviter qu’elle ne se relève.

Niels porta la main gauche à sa joue rougie par le geste inconsidéré de la brune et observa le sang qui la maculait. Il serra la mâchoire et baissa la tête vers son agresseur. Une colère sourde lui battait les tympans. Elle avait osé le frapper. Elle s’était rebellée contre son autorité. La main levée, il frotta la paume du pouce contre celle du majeur, asséchant ainsi le liquide carmin qui les souillait.


- Futile. puéril…. Relevez-là!

Le ton impérieux avec lequel il s’était exprimé trahissait l’ire que la folie d’Eudoxie avait fait naître en lui. Lorsque ses hommes relevèrent la béarnaise, Niels lui jeta un regard méprisant.

- Êtes-vous de ces fous qui préfèrent se battre jusqu’à la mort dans une cause perdue plutôt que de reculer et d’affronter l’ennemi en meilleure position?

Il n’attendit aucune réponse de sa part. Sa main vola subitement, frappa la joue de la prisonnière. Ses phalanges claquèrent de manière sèche contre le visage d’Eudoxie. [i]

- Estimez-vous heureuse que je me contente de cela.

[i]Cette gifle lui avait servi d’exutoire. Elle lui permit d’évacuer le trop-plein de pression qui menaçait de le submerger. Certains auraient sans doute prétendu qu’il n’y avait aucun honneur à ce que deux géants maitrisent une femme enceinte pour qu’un troisième puisse la gifler. Niels s’en contrefichait. Elle devait s’estimer heureuse de s’en sortir à aussi bon compte. Ce geste était navrant, stupide, désolant, inutile. Niels se saisit du haut de la robe de sa prisonnière, la froissant dans sa poigne. Il la toisa de près. Les mâchoires serrées, les yeux perçants, il abusait de sa situation dominante pour lui imposer ce face-à-face.


- Cessez donc de vous comporter en gamine effrontée ou je vous assure que vous et votre enfant le regretterez.

Les numéros trois et cinq ne relâchèrent pas leur emprise sur la béarnaise alors que le roy de deniers attirait la brune à lui. Dans son coin, Thorvald assistait à la scène sans intervenir. Il se demandait comment tout cela allait finir. Personne dans la salle n’osait interrompre Niels.

- Seurn m’a volé un secret, ici même, il y a quelques années… Ce secret, c’est celui du logion XVII d’Aristote. Oui! Le logion illisible. Il détient des informations sur le contenu de ce logion. Convainquez-le de me rendre ce qu’il m’a pris. Convainquez-le de partager ses connaissances avec moi et je serais bon joueur. En décryptant le logion XVII, nous aurons entre nos mains la puissance du Très-Haut. Rien ne pourra s’opposer à nous. Nous dominerons le monde comme nous l’avions imaginé et il est assez vaste pour nous cinq. Si Seurn me prête allégeance alors même lui aura la part qui lui revient, par égard à notre amitié. Je serais empereur. Il sera roy et vous deviendrez…la reyne de coupes.

Le Roy noir avait parlé. Il avait étalé ses ambitions devant la reyne blanche. Les jeux étaient faits. Alae jacta est. Les dés étaient lancés. Il restait à voir sur quelles faces ils s’arrêteraient.

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Eudoxie_
Dans tous les cas, l’espérance mène plus loin que la crainte. (Ernst Jünge)

Tu me tiens ? Je te tiens? Et après…

"Salle du trône des Houx Rouges"


La colère est mauvaise conseillère... oui oui elle le savait la béarnaise, elle se retrouvait aux Houx-Rouges à cause de ça sur une impulsion colérique, dans l'antre du Sans-Nom, ah non fadaise, celui-ci avait un nom Niels de Castral-Roc, mais le reste en revanche...
Aussi perfide, vil, manipulateur et.... vous aurez saisi l'idée, il n'avait rien à envier à l'antéchrist et sans doute une place l'attendait tout droit à ses cotés, si seulement quelqu'un pouvait lui ouvrir la porte et l'y envoyait d'un grand coup de pied dans le fondement.

Mais pour l'instant, le dernier mauvais conseil de dame colère lui valait de se retrouver les genoux meurtris d'avoir été poussée à terre puis relevée sans ménagement, et les bras torturés d'être retenus tordus dans son dos par deux géants danois dont un seul aurait suffit à la maintenir, et de loin.
Le retour de manivelle, non pas de celle qu'on tourne mais de celle qu'on se prend en pleine tronche, ne se fit pas attendre après le sifflement haineux du roy de pacotille touché dans son orgueil de s'être mangé une mandale.

La brulure de la main danoise qui rendit la pareille à la petite brune fut on ne peut plus vivace, parce que oui le blond pédant était moins costaud que les autres, mais il n'en restait pas moins un des cinq baraqués qui avait couru le Danemark avec le sien, alors une palmure comme la sienne bah... Eud la sentit franchement passée.
La tête virant à l'opposé, mèches noires suivant le mouvement, le regard eudoxien s'était clos, la bouche s'entrouvrant de surprise alors qu'il n'y avait rien d'étonnant à cette réaction, on aurait même pu la dire prévisible, et pourtant... le souffle manqua à l'inénarrable qui aurait voulu se trouver loin à cet instant.

Lorsque vint le tour de son corsage d'être maltraité, la bestiole vint faire face à Niels quand il se mit à menacer son bébé, la peur se mêlant à la haine pour cet homme, une haine tenace, vorace, pour la première fois de sa vie elle ressentait de manière tangible ce que voulait dire "avoir envie de tuer quelqu'un".
Remuant les poignets maintenus pour tenter de les irriguer d'un minimum de flux sanguin malgré les deux brutes qui l'empêchait même de bouger, Eudoxie en vint presque à regretter l'attitude de Thorvald au final, qui à son grand étonnement n'avait pas encore ramener son oeil.

Et le roitelet reparti alors dans une de ses tirades explicatives roboratives, expliquant ses désirs de grandeur, de splendeur, son envie d'être calife à la place du calife, oui et alors qu'est-ce qu'elle en avait à faire la béarnaise ? Uhm ? Qu'il le fasse et leur fichent la paix.
Ah mais non, parce que le couac c'est que ce couillon avait paumé son livre dans ses folies de pouvoir, et qu'on l'avait gentiment délesté de pages d'importances du bouquin, bah oui parce que quand on est pas soigneux ou pas doué faut pas venir chouiner, mais en attendant.

Quelle attitude adopter alors que l'empereur mégalo (non non pas Kuzco) se voyait déjà sur un trône doré avec quatre mousquetaires à ses ordres... Rentrer dans le rang, continuer à le provoquer, devenir muette, feindre un malaise qui pourrait s'avérer réel au final, hurler, le mordre, balancer sa tête en avant et lui exploser la tronche ?
Ouhh elle s'enflammait la bestiole et intérieurement elle se secoua pour reprendre ses esprits, autant qu'elle pouvait parce que il y avait quand même de quoi tourner chèvre, ce bouquin Soren lui en avait parlé, ils étaient à Paris pour ça d'ailleurs, fin... à la base... et si une autre option s'ouvrait à elle, car contrairement à ce que pensait son danois son geôlier n'avait pas l'intégralité de ce livre si "précieux".

Niels...
Vous n'avez pas depuis tout ce temps réussi à retrouver les pages arrachées ? Avec tous les moyens en votre possession ?
Auriez-vous omis de chercher au plus simple peut-être...


Retenir le sourire mesquin qui voulait poindre, une pointe de jubilation de le savoir sans ce document, et cherchant dans sa mémoire le détail qui ferait mal, peut-être même mentir ce qui était somme toute assez rare chez elle.
Soren lui avait raconté l'histoire de la découverte de ce livre en même temps que beaucoup d'autres concernant cet endroit alors peut-être qu'elle mélangeait tout mais après tout, lui n'y était pas alors comment saurait-il si elle disait vrai ou faux.

Je suppose que vous savez qu'Albanne se trouvait avec lui quand ce livre de machin chouette a été trouvé.
Alors...


Attendre un très court instant et reprendre pour tenter d'instiller le doute.

Vous le saviez n'est-ce pas Niels ?

Se pencher vers le danois, rivant son regard au sien et murmurer à quelques millimètres de son visage pour accentuer la mesquinerie de ce qu'elle allait dire et la carte qu'elle essayait de jouer.

Les traitres sont souvent très proches de ceux qu'ils trahissent... Je ne vous apprend rien vous êtes expert en la matière... Niels

Nouveau pion sur l'échiquier, le fantôme de sa mère avait été mis dans la balance, celui d'Albanne entrait dans la partie.
Gagner du temps, le faire douter, pourquoi ? Aucune idée, quand l'esprit divague et s'embrume, n'allez pas demander, suivre un instinct, voilà tout ce que faisait la petite brune.

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