Albanne
[Hôtel particulier de la Famille du Houx-Rouge - Paris]
La route depuis Troyes a été longue. Fort longue. Et la surprise n'est pas retombée. La lettre envoyée par Monsieur Bontemps ne m'a pas quitté. Celui-ci avait eu vent de l'attaque tragique ayant causé la mort de mes parents, et m'avait fait chercher par tout le Royaume. Soulagé d'apprendre que j'avais été reccueillie par mes cousins, il m'avait néanmoins écrit. Une fort belle missive, en vérité. Il m'informait que l'hôtel particulier parisien, appartenant à la famille de ma mère, était dorénavant mien.
Je possède un hôtel. Je n'arrive pas trop à réaliser. Bien sûr, mon émoi est dissimulé par des couches et des couches de froideur. Je ne me départis pas de mon air glacé. Même en cas de bonnes nouvelles.
Je tourne la tête vers Enigma, qui m'accompagne. Je crois bien, vu son air, que c'est la première fois qu'elle circule en carosse. Il faut dire que celui-ci est splendide. Tout en ébène, les armoiries - deux feuilles de houx croisées - frappées sur les portes, et doté de petits rideaux rouge aux fenêtres. Envoyé, jusqu'à nous, à Troyes, par les bons soins de Monsieur Bontemps. Le trot des chevaux nous fait nous balancer légèrement. Le bruit de leurs sabots sur le sol de pierre de Paris rompt à lui seul le silence régnant dans le carosse.
Nous traversons la ville. La ville ? La capitale ! Les rues sont très animées. Les marchands hurlent à tout à chacun la qualité de leurs produits. Les porteurs d'eau circulent en braillant à qui mieux mieux. Les tisserands exposent leurs belles étoffes sur leur stand. Des enfants rient et courent, des femmes crient et papotent, des hommes se font un devoir de goûter la toute nouvelle bière venant d'un célèbre monastère. Tout ce monde bruisse de confidences, tout ce monde expose ses tenues les plus magnifiques. Les charettes côtoient les carosses luxueux. En deux mots ? C'est Paris.
Enfin, après quelques minutes d'intense traversée de voies, nous parvenons devant l'hôtel particulier de ma mère. La porte s'ouvre, et le laquais m'aide à descendre. Ce que je fais, non sans grâce et dignité.
Suis-je déjà venue ici ? Je n'en ai, comme pour tout mon passé, absolument aucun souvenir. La devanture est splendide. Elle expose bien plus de richesses qu'un autre hôtel visité il y a peu. Richesse, certes, mais surtout harmonie et pûreté.
Le serviteur n'a pas besoin de toquer à la porte. Celle-ci s'ouvre toute seule, cédant la place à un homme de forte stature, et aux cheveux grisonnants et rares. Monsieur Bontemps ? Qui que ce soit, en tout cas, il étudie ma mise. Par chance, je porte ma plus belle robe bleue. Mes cheveux sont noués en un chignon natté d'une multitude de petites tresses fines. Je me tourne légèrement vers Enigma, qui vient de me rejoindre. Heureusement, j'ai réussi l'exploit ce matin-même, de lui faire porter une vraie robe. Celle-ci est vert foncé, assez simple dans l'ensemble, et lui sied à ravir. Sa chevelure, par contre, est restée libre. Libre, mais parfaitement peignée. Et agrémentée d'une jolie fleur rose, au-dessus de l'oreille gauche.
Mademoiselle Albanne, fait soudain l'homme en s'inclinant respectueusement. Je suis Edouard Bontemps, le gardien des lieux en l'absence de votre famille. Veuillez accepter toutes mes condoléances. Votre mère et votre père étaient des gens très bien.
J'incline légèrement la tête. Lui étant par le rang, supérieure, je ne peux me fendre d'une révérence comme lui vient de le faire.
Il s'écarte de la porte, donne des ordres pour nos malles soient déposées dans nos chambres, puis nous laisse enfin entrer. Brume ne me quitte pas, et ne semble pas à son aise. Le bruit de la foule derrière nous, sans doute. Je me penche et le prends dans mes bras, le caressant et l'embrassant, histoire de le rassurer
Le hall est splendide. Quelques tapisseries sont suspendues. Des paysages, uniquement. Le dallage blanc est éclatant, et les pierres crèmes des murs le sont tout autant. Une porte à gauche semble donner sur la salle à manger, tandis que celle de droite renvoie aux cuisines et aux quartiers des domestiques. L'escalier de bois clair est parfaitement ciré. Si bien, que le soleil lui donne de jolis éclats.
Monsieur Bontemps nous fait monter à l'étage, nous introduisant dans un charmant salon bleu.
Je vous apporte quelques douceurs et infusions dans un instant, Mademoiselle.
Il se retire, nous laissant seules. Je prends place dans un ravissant fauteuil. Puis me relève d'un bond. Je suis donc la maîtresse de ces lieux ? Je me tourne vers Enigma.
Que en penser-tu ? Est-ce que ce n'être pas... Magique ?
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La route depuis Troyes a été longue. Fort longue. Et la surprise n'est pas retombée. La lettre envoyée par Monsieur Bontemps ne m'a pas quitté. Celui-ci avait eu vent de l'attaque tragique ayant causé la mort de mes parents, et m'avait fait chercher par tout le Royaume. Soulagé d'apprendre que j'avais été reccueillie par mes cousins, il m'avait néanmoins écrit. Une fort belle missive, en vérité. Il m'informait que l'hôtel particulier parisien, appartenant à la famille de ma mère, était dorénavant mien.
Je possède un hôtel. Je n'arrive pas trop à réaliser. Bien sûr, mon émoi est dissimulé par des couches et des couches de froideur. Je ne me départis pas de mon air glacé. Même en cas de bonnes nouvelles.
Je tourne la tête vers Enigma, qui m'accompagne. Je crois bien, vu son air, que c'est la première fois qu'elle circule en carosse. Il faut dire que celui-ci est splendide. Tout en ébène, les armoiries - deux feuilles de houx croisées - frappées sur les portes, et doté de petits rideaux rouge aux fenêtres. Envoyé, jusqu'à nous, à Troyes, par les bons soins de Monsieur Bontemps. Le trot des chevaux nous fait nous balancer légèrement. Le bruit de leurs sabots sur le sol de pierre de Paris rompt à lui seul le silence régnant dans le carosse.
Nous traversons la ville. La ville ? La capitale ! Les rues sont très animées. Les marchands hurlent à tout à chacun la qualité de leurs produits. Les porteurs d'eau circulent en braillant à qui mieux mieux. Les tisserands exposent leurs belles étoffes sur leur stand. Des enfants rient et courent, des femmes crient et papotent, des hommes se font un devoir de goûter la toute nouvelle bière venant d'un célèbre monastère. Tout ce monde bruisse de confidences, tout ce monde expose ses tenues les plus magnifiques. Les charettes côtoient les carosses luxueux. En deux mots ? C'est Paris.
Enfin, après quelques minutes d'intense traversée de voies, nous parvenons devant l'hôtel particulier de ma mère. La porte s'ouvre, et le laquais m'aide à descendre. Ce que je fais, non sans grâce et dignité.
Suis-je déjà venue ici ? Je n'en ai, comme pour tout mon passé, absolument aucun souvenir. La devanture est splendide. Elle expose bien plus de richesses qu'un autre hôtel visité il y a peu. Richesse, certes, mais surtout harmonie et pûreté.
Le serviteur n'a pas besoin de toquer à la porte. Celle-ci s'ouvre toute seule, cédant la place à un homme de forte stature, et aux cheveux grisonnants et rares. Monsieur Bontemps ? Qui que ce soit, en tout cas, il étudie ma mise. Par chance, je porte ma plus belle robe bleue. Mes cheveux sont noués en un chignon natté d'une multitude de petites tresses fines. Je me tourne légèrement vers Enigma, qui vient de me rejoindre. Heureusement, j'ai réussi l'exploit ce matin-même, de lui faire porter une vraie robe. Celle-ci est vert foncé, assez simple dans l'ensemble, et lui sied à ravir. Sa chevelure, par contre, est restée libre. Libre, mais parfaitement peignée. Et agrémentée d'une jolie fleur rose, au-dessus de l'oreille gauche.
Mademoiselle Albanne, fait soudain l'homme en s'inclinant respectueusement. Je suis Edouard Bontemps, le gardien des lieux en l'absence de votre famille. Veuillez accepter toutes mes condoléances. Votre mère et votre père étaient des gens très bien.
J'incline légèrement la tête. Lui étant par le rang, supérieure, je ne peux me fendre d'une révérence comme lui vient de le faire.
Il s'écarte de la porte, donne des ordres pour nos malles soient déposées dans nos chambres, puis nous laisse enfin entrer. Brume ne me quitte pas, et ne semble pas à son aise. Le bruit de la foule derrière nous, sans doute. Je me penche et le prends dans mes bras, le caressant et l'embrassant, histoire de le rassurer
Le hall est splendide. Quelques tapisseries sont suspendues. Des paysages, uniquement. Le dallage blanc est éclatant, et les pierres crèmes des murs le sont tout autant. Une porte à gauche semble donner sur la salle à manger, tandis que celle de droite renvoie aux cuisines et aux quartiers des domestiques. L'escalier de bois clair est parfaitement ciré. Si bien, que le soleil lui donne de jolis éclats.
Monsieur Bontemps nous fait monter à l'étage, nous introduisant dans un charmant salon bleu.
Je vous apporte quelques douceurs et infusions dans un instant, Mademoiselle.
Il se retire, nous laissant seules. Je prends place dans un ravissant fauteuil. Puis me relève d'un bond. Je suis donc la maîtresse de ces lieux ? Je me tourne vers Enigma.
Que en penser-tu ? Est-ce que ce n'être pas... Magique ?
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