Enzo
-
[
] This behaviour so unexplainable
The days just slip and slide
Like they always did
The trouble is my head
Won't let me forget [ ] »
Why Do I Keep Counting - The Killers
Il est là. Assis dans sa chaise, les yeux verts un peu trop foncés, un peu trop particuliers, peut-être un peu énigmatique, dirigé vers le bureau. Son bureau. Poussière, vélins, encre, plumes, bouteilles d'Armagnac. Tous se côtoient sans rechigner dans l'attende d'être utilisé pour leurs fonctions premières. Et Enzo fixe. Le regard un peu vide. Absent. Le sang se son nez se coagule peu à peu. Il na pas daigné retirer sa chemise froissés et tâcher de sang, ni même essuyer ce sang qui a coulé et sèche doucement. Non. Il est là, devant le bureau, silencieux. La clé entre les mains, refusant la moindre compagnie. En ce moment même, Enzo se fiche de son état, de sa chemise, de ses braies sales et ses bottes boueuses. Oui, demain il y pensera peut-être un peu plus, quand il verra que sa Gabrielle ne les aura pas nettoyé. Quil retrouvera sa chemise en petit tas dans un coin de la chambre alors quil a lhabitude de plier et de déposer toujours, au même endroit pour que ça soit ramassé et nettoyé. Langoisse lui reviendra quand il se rendra compte quil se sera endormi avec les braies quil portait la veille plutôt quune paire de neufs. Mais pour linstant cest un regard vert, vide et sans éclat qui fixe le bureau. Qui fixe cette lettre déposée devant lui. Cette écriture droite quil reconnaîtrait parmi plusieurs. Celle quil attendait, fût un temps. Cette façon de faire son E et son Z. Une écriture douce et appliqué, bien différente de la sienne qui est un véritable brouillon.
Il la lu, cette lettre. Puis relu. Et encore relu. Il navait pas encore dormi que le matin se levait sur Montpellier, et que les yeux fixaient toujours cette satané lettre. Un soupire vint briser le mutisme tandis que le jeune Seigneur de Falmignoul sapprocha légèrement glissant ses doigts, juste un instant, sur le vélin. Il cherchait tout. Son odeur, un cheveu, la trace dune larme. Peu importe. Quelque chose delle. Pas juste une encre qui lui écrivait ce quil ne voulait pas lire. Et pourtant Cétait arrivé. Enzo prit alors la bouteille dArmagnac, en prenant une bonne lapée avant de reposer cette dernière dun geste brusque. Tout sécroulait autour de lui, et le jeune homme narrivait plus à tenir. Narrivait plus à calmer ses angoisses et ses colères. Narrivait plus à gérer se trop de douleur, se trop dinformation. La main gauche vint chiffonner le vélin, dun geste impulsif. Le reste de la lettre navait aucune importance aux yeux du jeune homme. Il se sentait juste désarmé. Impuissant. Meurtri. Alors que le regard sonnait labsence, son cur palpitait, et Enzo était prit de sueur. Un malaise général sétant installé à la suite de la lecture. Une angoisse latente qui venait sinstaller en des symptômes plus ou moins fort. Il respirait mal, se sentait oppresser et lestomac le travaillait, comme sil allait vomir à chaque instant. Il était seul. Abandonné. Et alors que le cur cognait dans sa poitrine à lui faire remonter dans quelques soubresaut le contenu de son estomac qui par chance ne sétait pas encore déverser sur le sol Enzo prit la plume quil trempa en tremblant dans de lencre. Sil en oubliait à cet instant son automysophobie, le jeune homme vivait en plein dans son autophobie. Lourde et complexe, elle prenait part dans ses veines et venait dérégler son être à le rendre complètement instable. Et surtout gravement dépressif. La plume fut dirigée vers le premier vélin vide ou quelques mots commencèrent à être griffonné par le jeune homme.
Citation:
De nous, Enzo, Seigneur de Falmignoul
Rédigé le VIII Septembre de l'an grâce MCDL,
Rédigé le VIII Septembre de l'an grâce MCDL,
- Elle est partie.
Comme tout les autres. Elle est partie et nous a laissé là. Avec cette lettre à lire. Cette lettre à relire. Cette lettre meurtrière. Cette lettre dabandon. Cette petite mort. Cest une anesthésie qui nous laisse dans un état léthargique. Il ne reste plus que ce cur qui se bat trop fort. Cette suffocation qui nous étreint. Cette oppression qui créer une douleur dans ma poitrine. Cest un délit. Cest un délit de quitter son mari. Cest un délit de nous faire souffrir. De nous laisser aigre et démunis. Elle ne devait pas. Elle navait pas le droit. Après tout, la passion semble réellement inspirer un sentiment damertume, un goût âcre et déverser quune lourde et absolution violence. Mais ça nest pas une raison pour nous infliger tel sentiment. Bien pire que ce que nous avons pu lui faire.
Gabrielle. Gabrielle. Gabrielle. Elle nous tabasse de lintérieur. Elle détruit nos boucliers et effrite nostre raison. Notre déraison, nostre pavot à opium, nostre folie. Elle est tout alors que nous préférions quelle soit rien. Elle est là, alors que nous aimerions quelle disparaisse. Elle est nostre femme alors quon la voulait soumise et maitresse. Mon amour Ma bachert*. Nous pourrions lhaïr pour sa fuite. Nous devrions. Et pourtant, nous ny arrivons pas. Nous narrivons pas à lui en vouloir. À la détester. À linsulter. Non. Rien. Que ce sentiment de vide. Cette sueur sur nostre front. Cette nausée dans nostre estomac. Elle nest plus là, et nous souffrons. Cest ça. Nous lécrivons. Nous avons mal. Crier, hurler, frapper. Ça ne donnerait rien. Ça ne comblerait rien. Elle a tout de nous par procuration. Le sait-elle ? Peut-être un peu. Peut-être pas assez.
Ce que nous attendons dun amour, dun mariage nest jamais vraiment ce que nous espérons, ce quon nous a raconté. Jamais. Nous espérons la stabilité. Nous aspirons à vivre tranquillement, à voir grandir nos descendances, à un peu despoir. Nous avions lillusion du bonheur, mais sans trop dattache. Nous voulions éviter toutes ses conneries dattachements, ses conneries qui font mal. Ces conneries qui ne servent à rien. Ces conneries qui ne sont que des faiblesses inutiles. Pourquoi sattacher quand ils partent tous. TOUS ! Si ça nest pas volontaire cest la mort. Ça part ça ne revient JAMAIS. Elle nous a écrit. Elle nous a dit quelle reviendrait, mais le fera telle vraiment ? Pouvons-nous y avoir confiance en cette femme que nous avons choisit ? À ce nous qui seffrite avant même davoir commencé ? Ça naurait jamais dû arriver. Nous naurions jamais dû donner de nous. Tout comme nous naurions jamais dû lever la main sur elle. Oser dépasser la limite.
Elle doit croire que nous la haïssons, que nous nous en foutons de ce départ. De sa fuite. De sa disparition. Nous aimerions bien. Ça serait plus facile. Tellement plus. Et non ! Cette foutu angoisse est là. Présente malgré nous. Qui nous empoisonne la vie et nous empêche de bien respirer ! Pourtant nous ne la haïssons pas. Non. Nous nous détestons de ne pas avoir été là. De ne pas avoir pu la retenir. Quelle soit partie. Satané vie ! Satané angoisse. Satané plume qui vient de nous casser entre les doigts et nous à obliger à en prendre une autre ! Où est-elle ? Où es-tu Gabrielle Le problème na jamais été toi. Toujours nous. Elle est partie, et nous sommes las décrire. Elle est partie enceinte de ma progéniture, et nous nous sentons vide. Elle est partie
Et elle nous manque.
Que Dieu nous la protège, faute de ne pouvoir le faire.
De nous, comme de la vie.
Faict à lOustau de Château-Thierry, Montpellier.
Enzo, Seigneur de Falmignoul,
Grand Escuyer du Prince de Dinant
Homme dArmes de lOST Languedocien
De la cire et son sceau. Tapé avec violence, dans une respiration haletante alors que des gouttes de sueurs tombent pour embrouiller quelques mots sur le vélin. Où est-ce des larmes ? Rien nest vraiment sur. De toute façon, il nierait. Même à lui-même. Et Enzo de repousser encrier, plumes et vélins dans un geste fatigué et rempli dangoisse tout juste après avoir écrit quelques mots à Gabrielle.Une réponse courte. La bouteille dArmagnac est prise dun coup et lancé contre le mur suivit dun râle de celui qui la possédait. Il se laisse glisser de sa chaise, secouer, et solitaire. Enfermé dans son bureau. Enfermé dans son malheur. Enfermé dans sa névrose. Les yeux se ferment un instant. Pour oublier. Pour calmer cette rage contre lui. Pour calmer ses tremblements. Ses suffocations.
Tu es partie.
Et je voudrais mourir.
Ça me rappelle des mauvais souvenirs.
Trad.Ce comportement si inexplicable
Les jours ne font que chuter et glisser
Comme ils le font toujours
Le problème est ma tête
Elle ne me laissera pas oublier
*Âme sur, concept prit dans un bouquin de Marc Lévy
_________________
©JD Marin