Aldraien
« Labsence est le plus grand des maux » - Jean de La Fontaine -
*Phil Bosmans
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- La lettre avait été laissée en évidence sur lécritoire de la Malemort, dans son bureau. La première fois quelle lavait lu, un sanglot lavait accueilli, des larmes comme elle en avait rarement versé dans sa vie, des larmes dune douleur bien plus intense que celle que lont peut ressentir physiquement lorsque le sang coule.
Les blessures, les cicatrices, elle connaissait tout cela très bien, elle avait maintes fois pu les éprouver, mais tout cela nétait que pacotille face à ce qui étreignait son cur aujourdhui. Sa fille lavait pour ainsi dire renié dans cette missive ; un coup de poignard pour lui arracher le cur ne lui aurait sans aucun doute pas fait plus de mal. Mais ne lavait-elle pas cherché en restant silencieuse toutes ces semaines ? Les mots, durs, sont gravés dans lesprit de la Malemort qui les a relu tant et tant de fois pour trouver un signe, un quelque chose lui indiquant que sa fille ne lui en voulait pas tant quelle voulait lui faire croire.
En vain.
Les heures qui suivirent, bien loin de lapaiser, ajoutèrent encore à sa détresse ; une dispute avec sa sur sur ses prises de risques avec larmée.
A fleur de peau, une jeune femme avait eu le malheur de vouloir la calmer, et la dite tentative sétait conclue sur un malheureux accident, résultat dune rixe qui avait opposée les deux femmes.
Jamais la trentenaire ne sétait battue en taverne, pas depuis quelle avait à peine quinze ou seize ans en tout cas, mais, à bout de nerfs, elle navait pas su prendre sur elle lorsquune gifle était venue écraser sa joue pour lui remettre les idées en place ; elle lavait rendu en suivant la loi du talion, sans même chercher à maitriser sa force. La jeune Irlandaise ayant le sang tout aussi chaud quelle, elle navait pas demandé son reste avant de lui sauter dessus pour lui mordre le bras. Mauvaise chute ; le bruit dun os se brisant et dun cri de douleur restaient ancrés dans lesprit de la trentenaire qui navait jamais voulu la blesser, mais seulement lui rendre la monnaie de sa pièce.
Le lendemain, la décision était prise. Elle irait voir sa fille, elle irait seule ; elle ne saccompagnerait ni de son fils ainé, ni de sa fille marchant à peine : Mère et fille avaient besoin de se retrouver seule à seule pour discuter et mettre les choses à plat, et lépistolaire navait pas cette capacité de faire passer les émotions comme il le faudrait.
Une tenue sobre, chemise et braies loin de lélégance qui la caractérisait dhabitude ; elle avançait en gardant une main dans le bas de son dos pour soulager la douleur - geste qui ne servait pour ainsi dire à rien, mais qui était devenu une habitude pour elle - en direction dune demeure où on lui avait sauvé la vie, des mois auparavant, alors quelle était enceinte de Alisa-Nebisa ; que son mari était venu jusquà elle pour la guérir alors que Marie-Amelya - qui navait à ce moment là pas encore été adoptée - lavait veillé jour et nuit, au mépris de son sommeil. Cest dans cette demeure quelle avait ouvert les yeux à nouveau, dans une chambre qui nétait pas la sienne mais où régnait la bienveillance, après que le désormais Intendant de Ussac, Harchi, lui ait sauvé la vie. Harchi qui lui avait sauvé la vie plus dune fois dailleurs Depuis combien de temps ne lui avait-elle pas donné de nouvelles, à lui aussi ?
Le teint pâle et fatigué, elle était arrivée devant cette petite maison, Rue de la Justice. Le regard grisé parcourant la bâtisse de bas en haut alors quune multitude de questions envahissaient son esprit. Sa fille serait-elle présente ? Accepterait-elle de la recevoir ? La rejetterait-elle ? Elle ne savait pas encore elle-même ce quelle allait dire mais parlerait avec son cur, puisquil ny avait quainsi quelle pourrait prouver à sa fille combien elle lui avait manqué.
Trois coups fermes sont frappés à la porte, en espérant que quelquun vienne lui ouvrir, et lattente pénible qui transformait les minutes en heures - pour ne pas dire en journées entières - darriver avec elle, nouant son ventre et faisant cogner son cur tellement fort dans sa poitrine quelle avait limpression quil allait exploser sous le coup de la pression.
Petite flamme, si tu savais comme il me plairait de te permettre de brûler encore un peu plus fort en te donnant ma force et mon amour, trop longtemps hors de portée Ouvre moi. Ouvre moi
Ta mère est de retour.
*Phil Bosmans
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