Johanara
[ Limoges. Fin de lEté 1460 .]
« Ce nest plus de lAmour, cest de la Rage Nauraient-ils pas pu en noyer une ou à deux à la naissance ! »
Maussade. La Belle de Lignières offrait une tournure des plus maussades. Déjà elle avait revêtu son ample robe de soie violette et orné son cou et ses oreilles de ses plus beaux diamants. Johanara laissait à présent sa camériste discipliner la lourde crinière flamboyante qui encadrait un minois aux traits parfaits, au teint pâle et éclairé par deux émeraudes étincelantes.
En silence,Yzie finissait de tresser les beaux cheveux roux. En silence sa maîtresse se contemplait dans le Miroir de Venise avec cet air dennui dont elle ne pouvait plus se départir depuis quelques jours déjà.
Le monde sécroulait. Et Johanara se sentait tel Atlas, acculée par un poids immense sur ses frêles épaules.
Elles rentraient.
Sapitoyait elle trop sur elle-même ? Devait-elle se réjouir de ce retour inattendu ? Embrasser ce coup du sort comme une bénédiction et savourer les retrouvailles ?
La grande rouquine ne sy résignait pas. Elle savait dors et déjà quelle détesterait ces deux parasites.
Renesmee Eleanore dAmbroise. Elle devait avoir 19 ans à présent. Cétait elle qui avait écrit. La Baronne jeta un regard méprisant et contrit à la missive qui trônait sur la table basse depuis des jours comme pour lui rappeler linéluctable fatalité. Comment se nommait lautre déjà ? Un profond soupir franchit la barrière purpurine de ses lèvres.
Enfants, elles avaient joué ensemble. Et puis le châtelain berrichon avait dû prendre quelque décision salvatrice pour leur famille. Sa femme, la bien nommée Charitée Claire dAmbroise, pondait une fille tous les ans. Johanara était laînée. Amaelle encore un nourrisson. Le devoir paternel sabattit sur les deux du milieu. Elles furent confiées à un lointain cousin qui les introduisit auprès dune puissante famille princière angloise où elles devinrent dames de compagnie auprès dune Reine en devenir. Johanara ne savait rien de ce qu'il était advenu d'elles.
Elles rentraient.
Sans époux, sans dot, sans situation.
Yzie, ma douce Yzie. Je vais avoir besoin de votre aide. Amaelle est dans ses appartements, elle piaffe dimpatience. Elle ne se rend pas compte de la triste réalité. Deux bouches de plus à nourrir. Deux pucelles de plus à marier. Jaimerai voir ces deux méduses seule dans un premier temps. Retenez-la jusquà ce que je vous fasse mander toutes les deux.
La Baronne posa de nouveau des mirettes glacées sur son reflet. Ils étaient déjà fort nombreux à loger dans la demeure du cousin Jehan. Les enfants, la valetaille, Amaelle . Il leur faudrait probablement rentrer à Lignières où le Castel était bien plus grand. Elle aurait certainement à se séparer dun domestique ou deux. Lère du faste et de labondance était révolue. Economiser pour le trousseau de ses cadettes Et attendre le jour béni où un sot en emporterait une loin delle pour la mener à lautel. Puis coller lautre dans un couvent.
Mourir en paix, voilà bien la seule chose à laquelle aspirait lAmbroise présentement.
Jespere quelles ne sont point laides. Maryan était chétive, maladive. Pour cela quelle est morte en couches. Amaelle a un beau visage mais je crois quil y a un souci là-haut .!
Quel noble seigneur épouserait la dernière-née dune famille de quatre surs ? La pauvre Amaelle naurait plus un écu lorsque viendrait son tour de prendre mari. Renesmée aurait peut-être une chance. Elle était blonde et gracieuse dans les souvenirs de la Baronne. Peut-être que le cousin Jehan la prendrait sous son aile.
Ultime soupir. Son oncle lavait déjà mise en garde contre ce veuvage prolongé. Un beau jour elle naurait plus de rente, et son inégalable beauté flétrirait au rythme des saisons. Pour lheure, sa flamboyante tournure et ses terres en Berry lui permettaient certainement de prétendre à un beau mariage qui pourrait à toutes leur assurer un avenir moins sombre.
Fallait-il encore rompre les chaines qui la liaient à son jeune amant. Ce dernier ne sencombrerait jamais dune mère de famille, de sa marmaille et de ses surs cadettes. Tour à tour maternelle ou cassante, attentive ou menaçante, amoureuse ou détachée, un jour elle lui racontait sa vie, un autre elle se faisait tendre, un troisième elle brandissait des menaces. Ils sétaient froissés à propos de ces surs encombrantes. Il avait dédramatisé la situation. Elle avait hurlé les yeux baignés de larmes. Il doutait davoir une place dans sa vie présente. Elle doutait davoir une place dans sa vie future.
Ma dame, les demoiselles dAmbroise attendent au salon Mais zen avez beaucoup dautres des comme ça ? Y avait déjà Dame Amaelle Hein ? Oui Je la ferme et je sors. Merci Ma dame, Aurevoir Ma Dame.
La jeune femme lança à Mathilde, la chambrière aux formes vallonnées, un regard empli dire et de courroux.
Avant de lancer sa pantoufle de vair, et dhurler aussi fort que lui permettait son formidable organe :
Dehors suppôt du Mal ! Fouine lubrique ! Miasme des marais ! Quelles patientent ces deux ânesses !
_________________
« Ce nest plus de lAmour, cest de la Rage Nauraient-ils pas pu en noyer une ou à deux à la naissance ! »
Maussade. La Belle de Lignières offrait une tournure des plus maussades. Déjà elle avait revêtu son ample robe de soie violette et orné son cou et ses oreilles de ses plus beaux diamants. Johanara laissait à présent sa camériste discipliner la lourde crinière flamboyante qui encadrait un minois aux traits parfaits, au teint pâle et éclairé par deux émeraudes étincelantes.
En silence,Yzie finissait de tresser les beaux cheveux roux. En silence sa maîtresse se contemplait dans le Miroir de Venise avec cet air dennui dont elle ne pouvait plus se départir depuis quelques jours déjà.
Le monde sécroulait. Et Johanara se sentait tel Atlas, acculée par un poids immense sur ses frêles épaules.
Elles rentraient.
Sapitoyait elle trop sur elle-même ? Devait-elle se réjouir de ce retour inattendu ? Embrasser ce coup du sort comme une bénédiction et savourer les retrouvailles ?
La grande rouquine ne sy résignait pas. Elle savait dors et déjà quelle détesterait ces deux parasites.
Renesmee Eleanore dAmbroise. Elle devait avoir 19 ans à présent. Cétait elle qui avait écrit. La Baronne jeta un regard méprisant et contrit à la missive qui trônait sur la table basse depuis des jours comme pour lui rappeler linéluctable fatalité. Comment se nommait lautre déjà ? Un profond soupir franchit la barrière purpurine de ses lèvres.
Enfants, elles avaient joué ensemble. Et puis le châtelain berrichon avait dû prendre quelque décision salvatrice pour leur famille. Sa femme, la bien nommée Charitée Claire dAmbroise, pondait une fille tous les ans. Johanara était laînée. Amaelle encore un nourrisson. Le devoir paternel sabattit sur les deux du milieu. Elles furent confiées à un lointain cousin qui les introduisit auprès dune puissante famille princière angloise où elles devinrent dames de compagnie auprès dune Reine en devenir. Johanara ne savait rien de ce qu'il était advenu d'elles.
Elles rentraient.
Sans époux, sans dot, sans situation.
Yzie, ma douce Yzie. Je vais avoir besoin de votre aide. Amaelle est dans ses appartements, elle piaffe dimpatience. Elle ne se rend pas compte de la triste réalité. Deux bouches de plus à nourrir. Deux pucelles de plus à marier. Jaimerai voir ces deux méduses seule dans un premier temps. Retenez-la jusquà ce que je vous fasse mander toutes les deux.
La Baronne posa de nouveau des mirettes glacées sur son reflet. Ils étaient déjà fort nombreux à loger dans la demeure du cousin Jehan. Les enfants, la valetaille, Amaelle . Il leur faudrait probablement rentrer à Lignières où le Castel était bien plus grand. Elle aurait certainement à se séparer dun domestique ou deux. Lère du faste et de labondance était révolue. Economiser pour le trousseau de ses cadettes Et attendre le jour béni où un sot en emporterait une loin delle pour la mener à lautel. Puis coller lautre dans un couvent.
Mourir en paix, voilà bien la seule chose à laquelle aspirait lAmbroise présentement.
Jespere quelles ne sont point laides. Maryan était chétive, maladive. Pour cela quelle est morte en couches. Amaelle a un beau visage mais je crois quil y a un souci là-haut .!
Quel noble seigneur épouserait la dernière-née dune famille de quatre surs ? La pauvre Amaelle naurait plus un écu lorsque viendrait son tour de prendre mari. Renesmée aurait peut-être une chance. Elle était blonde et gracieuse dans les souvenirs de la Baronne. Peut-être que le cousin Jehan la prendrait sous son aile.
Ultime soupir. Son oncle lavait déjà mise en garde contre ce veuvage prolongé. Un beau jour elle naurait plus de rente, et son inégalable beauté flétrirait au rythme des saisons. Pour lheure, sa flamboyante tournure et ses terres en Berry lui permettaient certainement de prétendre à un beau mariage qui pourrait à toutes leur assurer un avenir moins sombre.
Fallait-il encore rompre les chaines qui la liaient à son jeune amant. Ce dernier ne sencombrerait jamais dune mère de famille, de sa marmaille et de ses surs cadettes. Tour à tour maternelle ou cassante, attentive ou menaçante, amoureuse ou détachée, un jour elle lui racontait sa vie, un autre elle se faisait tendre, un troisième elle brandissait des menaces. Ils sétaient froissés à propos de ces surs encombrantes. Il avait dédramatisé la situation. Elle avait hurlé les yeux baignés de larmes. Il doutait davoir une place dans sa vie présente. Elle doutait davoir une place dans sa vie future.
Ma dame, les demoiselles dAmbroise attendent au salon Mais zen avez beaucoup dautres des comme ça ? Y avait déjà Dame Amaelle Hein ? Oui Je la ferme et je sors. Merci Ma dame, Aurevoir Ma Dame.
La jeune femme lança à Mathilde, la chambrière aux formes vallonnées, un regard empli dire et de courroux.
Avant de lancer sa pantoufle de vair, et dhurler aussi fort que lui permettait son formidable organe :
Dehors suppôt du Mal ! Fouine lubrique ! Miasme des marais ! Quelles patientent ces deux ânesses !
_________________