Johanara
" Je te suivrai, où tu iras jirai, Fidèle comme une ombre jusqu'à destination. "
Et elle lavait suivi. Bon gré, mal gré. Cest que la jolie Baronne navait aucune envie de quitter Limoges présentement. Mais son inclination pour le jeune Louis avait eu raison de ses projets dinstallation en Limousin. Du moins pour le moment. Yavait il cur plus changeant que celui dune belle femme ?
Ils avaient quitté la Capitale fort tardivement. Sa nouvelle dame de compagnie flânait devant, les bras chargés deffets et de provisions. La Baronne suivait, tenant sa nouvelle lubie dans un petit panier dosier : Irène, une carpe morte et empaillée. Son bel ami fermait la marche, jetant sur la carpe un regard circonspect.
Pour nombres de pauvres hères, la conduite tumultueuse de Serguei le cocher provoquait une stupéfaction mêlée de terreur. Pour Johanara, là se trouvait la routine. Tous comme les frasques du pourceau dEpicure.
Aussi avait-elle à peine arqué le sourcil lorsque le vieil ivrogne lubrique avait surgi des fourrés, plus aviné encore quà laccoutumée, débraillé, les braies négligemment relevées pour semparer des rennes. Une lueur concupiscente avait éclairé les prunelles rougies par la vinasse, tandis que la camériste passait devant lui, ses jolies mèches blondes voletant autour delle. Depuis que Mathilde, la chambrière à lentrecuisse plus fréquentée quune boutique de macarons parisienne, sétait amourachée du garçon décurie, elle rechignait à remuer la croupe devant lui.
Tenez-vous bien. Cet enragé fait toujours fi des obstacles et prend un malin plaisir à rouler sur les grosses pierres. Louis, faites attention à Irène !
Cette première escapade en compagnie de son blond la remplissait à la fois dallégresse et de mélancolie. La Baronne -plus têtue encore que séduisante, cétait dire ! était persuadée in petto que Louis ne rentrerait pas avec elle à Limoges. Lidée avait germé dans la jolie tête rousse comme une mauvaise graine. Cétait un tout jeune homme qui ne mesurait certainement pas la chance quil avait dêtre aimé sincèrement et avec une infinie tendresse à lheure où les belles arrivistes marivaudaient après titres et paillettes. Johanara nétait quamoureuhh. Belle et bonne.
Bonne à enfermer.
Faites un peu dair à Irène menfin, elle étouffe la pauvre. Yzie donnez-lui mon éventail je vous prie.
Puis rivant ses iris pétillants de malice aux prunelles verdoyantes de son joli blond, elle asséna de sa voix de miel :
Rejoignons nous votre cousin et sa douce à Ventadour ? Leur avez-vous dit, ou suis-je toujours une lépreuse ?
Mais Johanara, toujours aussi volubile et spontanée, colla bientôt le museau au carreau de la voiture :
Yzie !!! Mirez ! Cest le lac ! Nous irons nous baigner dès notre arrivée ! Siiii !!!
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