Après quelques heures de sommeil, Eulaly s'était réveillée avec un mal de crâne comme elle n'en avait jamais eu. Elle s'était pourtant promis de réaliser le con d'or aujourd'hui et elle descendit donc à son atelier pour réaliser une nouvelle oeuvre qui, celle-ci, ne devrait pas, pour la première fois, faire plaisir à son destinataire.
Tant bien que mal, entre deux tisanes, elle créa l'oeuvre et la fit envoyer par coursier le jour même.
Un pli lui revient plus tard. Elle ne doutait pas avoir une réponse promptement mais fut un peu désarçonnée par son contenu.
Ma chère Eulaly,
Qu'est ce donc que ce foutu message ? Si je peux saisir le titre de con d'or, pourquoi y a-t-il des flammèches qui lèchent mes épaules ?
Et en quoi le fait d'avoir voulu épouser Claire fait il de moi un con d'or d'ailleurs ?
Je t'embrasse, partout,
Saian.
Mais il est con ou quoi ?!!!
Oui, çà elle le répète depuis hier. Ceux qui ne l'ont pas entendu ne l'ont pas croisée.
Non mais quelle question... C'est si évident, si évident. Et c'est les doigts encore tâchés de pigments qu'elle lui écrit sa réponse :
Arras, le 28 avril 1461
Mon cher Saian,
Tu es comme l'ange qui veut être dieu. Le condor vole déjà et toi tu n'aspires qu'à le rejoindre au firmament. Voilà pourquoi tes bras s'enflamment. Sois heureux que je ne t'ai pas greffé d'ailes dorées pour déjà planer avec lui. C'est que je crois qu'il y a encore un espoir.
Epouser une Breydel !
Es-tu devenu complètement fou ?
Les Breydel sont de la pire race. Ascalon en tête de file. Tu as payé la leçon assez chèrement je crois. Pourquoi de toutes les femmes que tu as demandé en mariage, il fallait que ce soit celle-ci qui retienne véritablement ton coeur ? Katina avait raison. Tu es un benêt.
Néanmoins, je sais que l'amour ne se commande pas, ni ne se contrôle d'ailleurs. Il vous prend, vous retourne, change toute votre vie et bien souvent malheureusement, finit par vous laisser seul, anéanti ou désabusé au bord du chemin.
Je suis à la fois heureuse et désolée de ce qu'il t'arrive. Heureuse parce qu'être plaqué par une Breydel vaut bien mieux que de l'épouser et que les dégâts sont limités.
Désolée parce que malgré le masque jovial que tu affiches, je t'ai senti dévasté, parce que, je n'avais pas cru que tu pourrais un jour sérieusement t'éprendre d'une femme au point de te marier et qu'alors que je découvre que si, celle-ci est une vipère et te brise le coeur. J'aime bien mieux te voir heureux.
Je sais que tu repars bientôt. Pas sûr qu'on puisse se revoir avant.
Ecoute un peu plus les conseils des gens qui t'aiment et garde cette bannière pour toi. Que tes bras ne s'embrasent jamais tout à fait.
Prends soin de toi.
Avec toute mon amitié,
Je t'embrasse,
Eulaly
PS : si çà peut te rassurer, Claire est déjà dans les cieux elle. Se faire teindre en rousse pour un homme ! Non mais franchement ! Et laisser un homme tel que toi s'échapper... je n'ai pas pu la placer sur la bannière, elle vole beaucoup trop haut.
Eulaly accroche sa lettre à la patte d'un pigeon et va ensuite s'asseoir sur la marche devant le C&A. Regardant le ciel dans lequel brillaient dix mille étoiles, elle se met à réfléchir à l'amour, à l'amitié, à la vie, aux engagements, à la complexité des relations, à cette frontière qu'il est si facile de passer parfois, aux gâchis, aux souffrances, aux joies, aux projets, à l'absence de son promis qui commençait à peser lourd.
Elle pense à tout çà si fort qu'elle ne s'aperçoit même pas que la fraîcheur de la nuit la fait frissonner._________________