Linien.
Yolanda-Isabel de Josselinière avait ramené de sa dernière excursion parisienne un nouvel animal de compagnie. Celui ne pourrait hélas pas vraiment partager les jeux d'Ankou, puisqu'il s'agissait d'un humain.
Humain dans un drôle d'état, dont la moitié du visage, du cou, étaient ravagé par des cicatrices de brûlures encore fraiches. Humain qui ne disait que peu de mots et qui semblait presque autiste dans son rapport aux autres, de par son apparence. La chair visible semblait parfois encore à vif, alors que Yolanda prenait personnellement soin du couturier. Mais la douleur restait vive, ne semblait jamais s'amoindrir, et chaque mouvement du visage rappelait à Linien la réalité de ce qui lui était arrivé.
Il était resté à l'écart des autres gens de maison de la jeune fille depuis son arrivée, préférant la solitude. Les regards curieux sur son visage qu'il surprenait lui étaient amers.
Le seul lieu qu'il avait visité était les cuisines de Chateau-Gontier. Les cuisines seront toutes à toi, Yolanda avait-elle dit, et il pourrait lui faire des madeleines au citron, le péché mignon de l'Infante. Les quelques autres personnes affectés à la cuisine du castel avaient vu son arrivée comme un évènement inattendu, et ils restaient dans l'expectative de cet inconnu, plus habitué des aiguilles, qui semblait connaitre le métier de la cuisine.
C'était le milieu de la nuit, l'heure idéale pour entamer toute activité de paneterie. Cela n'avait jamais été sa spécialité, mais il s'en sortait fort honorablement. Les gestes étaient routiniers, le couturier profitait du silence et de la solitude pour faire de la pâte à pain, préparant celle-ci sans réfléchir. Le feu crépitait derrière lui, attendant le moment d'engloutir le pâton pour le cuire.
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