[Castel du Tournel. Petit Matin]
Keridil d'Amahir faisait un superbe rêve, quand son épouse l'éveilla, mais elle était enjouée, et ils n'avaient pas passé une nuit ensemble depuis qu'elle avait quitté l'Orléanais. Alors, un instant, il lui avait caressé cheveux et visages, émergeant d'un sommeil qui fut profond et paisible dans le confort d'un lit aux courtines tirées, qui n'était pas celui des auberges d'étapes qui les avait menés en Languedoc.
Elle était bavarde et chatouilleuse, si bien qu'il grogna avant de lui dévorer les lèvres pour la faire taire.
Enfin, elle lui annonça ce que lui même n'avait pas encore appris de la bouche de son écuyer : le nom de son adversaire, qui ne lui disait pas grand chose.
Forcé, ou presque, le Vicomte de Montpipeau du se résoudre à quitter une couche agréable pour se préparer à un après midi de loisir peut-être moins confortable.
Le reste de la matinée fut partagé entre retrouvailles avec son héritier, un petit marcheur désormais, auquel il allait falloir apprendre à parler correctement et fermement, et Della, qui ne demandait qu'à vivre une grossesse moins dure que la première.
En bref, un début de journée aux antipodes d'une joute. Sans compter qu'il était finalement étrange de ne pas dormir en campement, quoi que ce fut un avantage de taille.
[Après-midi. Les choses sérieuses commencent.]
Citation:
Le premier duel de ces éliminatoires voit s'affronter Keridil d'Amahir-Euphor, vicomte de Montpipeau, baron de Seignelay, seigneur de Bréméan & de Railly et Rotule Baccard, seigneur de Clansayes.
Première passe... la réussite est du côté du moins capé! En effet, après un beau départ, l'Orléanais abaisse sa lance avec conviction mais ne recueille que la caresse du vent. En revanche, le Dauphinois connaît le succès en touchant puis brisant sa lance. Pour autant, l'Amahir-Euphor aura une chance de se rattraper : malgré l'impact, il demeure en selle.
Seconde passe... les deux adversaires s'élancent à nouveau, l'objectif du vicomte étant de refaire son retard. Il abaisse sa lance, atteint son rival et brise son arme, objectif atteint! Le seigneur de Clansayes quant à lui connaît la même réussite que son acolyte du jour lors du premier passage : il ne touche pas! Enfin si, il touche; le sol. Le choc l'a en effet fait démonter. Plus de peur que de mal, le Baccard se relève sans une égratignure.
Par chute de son adversaire, le vicomte de Montpipeau est déclaré vainqueur!
Ayant quitté les hauteurs du Castel pour se rendre au campement des Lames d'Amahir où créchait la suite de Montpipeau, l'Amahir-Euphor ne tarda pas à trouver une mesnie sur le pied de guerre.
Scoldt, son tout nouvel écuyer semblait avoir la conscience des jeunes gens désireux de faire leurs preuves, et de fait, armure, cheval et lance n'attendaient plus que leur porteur.
Toutefois, soucieux, le brun ne manqua pas de s'enquérir de l'état de ses accessoires.
Tu as fais vérifier les fers de mon cheval ?
Ma Lame est affûtée ?
Mes armes seront-elles bien en vue ? Et Euphor plutôt qu'Amahir. Je souhaite honorer le maître des lieux, mon cousin.
Et comme tout avait été fait avec soin et délicatesse, il ne resta plus qu'à filer en lice à l'appel de Montjoie.
Keridil, le boiteux, fit en sorte qu'il n'y paraisse rien. S'il dut s'appuyer particulièrement fort sur l'épaule de l'écuyer pour monter, nul ne put apercevoir la grimace qui orna son visage sous le heaume qu'il portait.
Au bout de sa lance, un linge aux couleurs de son épouse : le passeport vers la victoire.
C'est parti !
Les chevaux s'élancent et l'Amahir, sûr et fier fonce. Sa lance est abaissée, mais rien. Il se manque et se prend le fer de l'ennemi en plein dans la tête de serpent de Seignelay qui orne son écu. Habitué aux chutes depuis ses premières joutes, il fait souffrir sa jambe pour rester en selle, avec succès.
Et m.erde !
Mais déjà, il faut repartir.
Toujours assuré, Montpipeau court, et cette fois, crie.
Keri Keri Keriiiiii !
Un cri qui a fait sa renommée, et qui semble lui donner des ailes. Un Kiri finalement, ça vaut bien une Redbull.
Et le voilà qui touche enfin, écrasant le bout de sa lance contre l'écu de son adversaire dans un râle de joie.
La monture se retourne, prête à repartir pour une lance, mais le Seigneur de Clansayes est à terre. Keridil passe sa lance à son écuyer, et descend de son canasson, approchant le Baccard qui, déjà, avance à lui et le salue.
Seigneur, merci à vous de m'offrir cette victoire, quoi que vous l'ayez jalousement mise en péril. Ce fut en effet une belle croisée.
Et c'était sincère.
Laissant alors son adversaire vaincu retourner à son camp, l'Amahir salua son épouse, car cette victoire était pour elle et le fruit qui poussait en son sein.
Et il quitta la lice, rejoignant son écuyer.
Scoldt, si j'en gagne encore une, je concéderai que tu me portes chance. Allons, vite. Je souhaite assister aux autres combats.
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En deuil, mais de sa chienne de chasse.