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[RP] De Vous à Moi... De maux à mots.

Briana.
    [ Vole haut ! Vole loin ! ... Mon bel oiseau et reviens !]


La séparation avait été douloureuse. Presque brutale.
En route pour le Maine, ses pas foulant à présent les terres d'Alençon, la Jolie Môme avait peine à se remettre de l'éprouvant déchirement qu'elle avait ressenti, quelques jours plus tôt, au moment de quitter la Normandie. Traumatisante avait été sa dernière soirée sur ces terres qui l'avait vu naître, attendant désespérément de voir venir sa mère, en vain.
Le départ s'était donc fait sans un au revoir de sa part et faute de cela, les larmes étaient venues noyer ses joues et il lui était encore difficile de les contenir, quand bien même trois jours déjà venaient de s'écouler.

La jeune de Courcy, d'ordinaire pétillante, ne renvoyait plus cet habituel reflet, cette étincelle qui, au fond de ses yeux bleus, avait ce pouvoir d'illuminer son visage tout entier. Là, les azurs n'étaient plus que billes d'aciers, ternes et froids. Et son sourire ? Qu'en restait-il ? Une infime ébauche lorsque sa Marraine s'essayait de la rassurer, de la cajoler. Ou bien encore, lorsque Paul et les Marmules tentaient de la faire rire, jouant de bien des pitreries.

Seulement rien n'y faisait vraiment, Briana étant profondément touchée... Blessée pour user du terme exact.
Et pourtant, elle aurait du ne rien ressentir, par force d'habitude. Et l'habitude ? N'était-ce pas chose à laquelle on s'accoutumait ?
Mais pouvait-on vraiment se faire à l'absence répétitive d'une mère ? A toutes ces vaines paroles ? Telle était sa mère. Une femme aux priorités autres que ses enfants et aux promesses dénuées de valeurs. La déception était immense.

Lisieux avait donc rimé avec de troublants adieux. Adieux qui n'en étaient pas vraiment, mais qu'elle avait vécue comme tel.
Seul une once de contentement venait la trouver lorsqu'elle se mettait à penser à Osfrid, son grand cousin, le seul dont elle avait pu profiter, l'apprivoisant doucement, lui que beaucoup pensaient froid et distant.

Bientôt au Mans, Briana profita d'une pause dans ce périple qu'elle menait désormais au côté de sa Marraine, Karyaan, Dauphin de France et de son escorte personnelle pour adresser quelques mots à ce cousin, seul confident à qui elle pourrait se livrer, autre qu'à Karyaan elle même.
Alors sise à la table d'un établissement où ils avaient pris résidence quelques heures le temps d'un repos bien mérité, la toute jeune fille s'était munie de sa plume, son nécessaire à écriture à portée de main.

Le poignet commençant à bouger, les volutes représentant les premières lettres d'un courrier vinrent progressivement trouver trace sur le vélin.



Citation:

Alençon,
au 18 du mois de septembre 1460.

De moi,
Briana.
A Vous,
mon cousin,

J'espère que vous allé biun depuis nos derniés au revoir, car moi, grand est mon chagrin.

Je suis si triste de ne pas avoir vu Maman avan mon dépar, de n'avoir pas pu recevoir de sa par, baisers et câlins.
N'avait-elle pas promis de revenir vite ? Sans doute que Maman ne m'aime pas assé. Pas assez pour tenir ses promesses. Il y a tant de choses qu'elle dit, qu'elle promet sans pour autant s'y tenir.
Mais une promesse est une promesse n'est ce pas ? Et elle se doit d'être tenue si on en fait. Je me souviens parfétement de ce que vous m'aviez dis à ce sujet.

Dites-moi ? Est ce que toutes les grandes personnes sont comme ça ? Pleine de promesses qu'ils ne tiennent pas ? J'espère que non.
Et si jamais vous me répondiez que oui, alors plus jamais je ne voudrai croire l'adulte. Foy de moi.

Maintenant, je vais vous laisser, car bientôt il sera l'heure de reprendre la route. Je n'oublieré pas de vous écrire à nouveau quand je serai arrivée au Mans.
Saché que je pense à vous souvent et que déjà vous me manqué. Beaucoup.
Et si vous plaît, ne crié pas trop fort Maman à cause qu'elle m'ait laissé. Karyaan dit que même si j'ai beaucoup de mal, que je ne devrai pas lui en vouloir. Que ça n'est pas sa faute. Et que je comprendrai surement quand je seré plus grande.

Je vous embrasse et Éléanor aussi.

Il fallait surtout pas que j'oubli, sinon elle risqueré d'être jalouse vous savez.
*sourit*






Sitôt marqué de son point final, la missive fut confiée en vue d'être remise à son destinataire, le coeur allégé de s'être confiée et l'esprit déjà piqué d'impatience. Pourvu qu'il lui réponde et vite...
Osfrid
    Il avait fait une promesse et l’avait tenu même si au final, il aurait mieux fais de s’abstenir…
    Depuis la mort de sa femme et de son fils, Osfrid était devenu ce qu’on appelait communément un associal, refusant de se mêler aux autres, refusant de s’investir auprès des autres, refusant même une pointe d’amitié provenant des autres. La vie n’avait plus la même saveur, le même touché, le même désir et souvent, il espérait qu’elle ne fût plus toute aussi longue afin de retrouver les siens. Mais ses prières n’étaient pas toujours entendues et pour le moment, il subissait l’attente.

    L’attente de cette famille qui était la sienne, l’attente afin de se sentir à l’aise avec ceux de son duché, l’attente de se lier à nouveau. Et voilà qu’une petite chose haute comme trois pommes s’étaient imposées dans ses pattes. Oh il avait eu beau la repousser, se montrer le plus mauvais des cousins, le plus grincheux, à croire que la petite effrontée n’avait peur de rien et certainement pas d’un danois qu’ici en Normandie, on appelait barbare. Elle s’était agrippée à lui au point de rentrer dans sa vie en fracassant la porte afin de faire de la place à ce passé qui le rongeait depuis si longtemps.

    Briana, du haut de ses sept ans, s’était introduit dans sa vie, désireuse de tout connaitre. Et il avait cédé. Devant l’obstination de cet enfant, devant la tendresse qu’elle mettait à le regarder, devant la témérité avec laquelle elle lui tenait tête, il avait cédé. Alors il lui avait ouvert son cœur. Fragilisé par les décès, meurtri par les mauvaises relations d’avec les siens, perdu loin de chez lui, l’homme s’était attaché à l’enfant et l’enfant… l’enfant avait glissé sa main dans la sienne pour se raccrocher à ce qu’il était, en toute simplicité.

    Le cousin du nord, le viking, le barbare était redevenu un homme civilisé. Père et mari aimant, il avait retrouvé les gestes affectueux d’autrefois, prenant soin de la fille de sa cousine comme si elle était sa propre enfant. Et les adieux avaient été déchirants. Osfrid s’en était allé le premier, laissant Briana avec sa marraine qu’il avait attaqué de front pour trouver un prétexte pour fuir à nouveau afin de dissimuler son mal qui était venu le ronger à nouveau. Ne pas montrer sa souffrance, dissimuler aux autres sa part d’humanité… il avait tout fait et faisait encore tout pour que bien souvent on le déteste. Et ça n’avait pas manqué certainement. La marraine de l’enfant risquait de le rebaptiser plus souvent qu’à son tour… mais qu’à cela ne tienne. Il n’avait pas flanché devant la petite dont le départ lui rappelait cruellement le manque de son fils.

    Et les premiers jours s’étaient passés en silence. Osfrid restait loin des autres, ne voulant pas croiser sa cousine, surtout pas elle sinon il aurait été capable de lui cracher plus de venin qu’il avait coutume de faire avec elle ces derniers temps. Mais contre toute attente, ce matin, un coursier lui avait apporté un vélin scellé avec grand soin. Sourire aux lèvres, il l’avait ouvert avant de s’amuser à déchiffrer l’écriture enfantine qui dansait devant ses yeux. Entre l’innocence et l’absence, Briana brillait par ses questions aux mille facettes, soulevant tant et tant de problèmes d’adultes qui échappaient à une petite fille. Alors Osfrid s’attabla dans cette chambre d’auberge qui l’accueillait pour la journée, lui et le cortège de la duchesse, afin de faire une réponse à la petite. Passant une main dans sa barbe de quelques jours, il hésita avant de poser la plume sur le pli qu’il allait lui envoyer.


    Citation:
    A toi, petite princesse au cœur pur,
    Salutations.

    Ainsi donc tu ne faillis point à ta promesse. J’en suis ravi et je t’en remercie. Je me doute qu’écrire à ton vieux cousin ne doit pas être une chose des plus amusantes mais cela montre que tu tiens parole et je ne peux que t’en féliciter.

    Ainsi donc, ta mère n’est point venue te dire au revoir. Sans doute a-t-elle était retenue par l’un de ses nombreux conseillers ou dossiers qui n’en finissent pas de lui arracher le peu de temps qu’elle pourrait consacrer à ses enfants. Je ne me suis jamais caché devant toi pour dire ce que je pensais de sa façon de vous élever toi et Erwan. Maintenant que tu n’es plus là, je pense que finalement ta marraine a bien fait de te prendre avec elle. Ton père étant tout aussi inexistant que ta mère, je me demande si un jour ils se rendront compte qu’ils avaient la plus adorable des enfants sous leur nez.

    Pardonne-moi Briana, je ne change pas d’avis concernant tes parents même si Karyaan a sans doute raison en disant que tu comprendras plus tard... Mais plus tard sera sans doute trop tard ! Ça fait des semaines que je me bats avec ta mère afin que les choses changent mais il faut croire que mon discours n’est pas assez percutant pour qu’elle comprenne. Elle dit souffrir et avoir compris ce que c’était l’absence quand ta jeune sœur lui fut arrachée mais sans doute qu’elle ne comprend pas encore assez… que lorsqu’il ne reste plus rien, on n’est plus rien…

    Elle a une chance inouïe de pouvoir encore vous voir grandir mais la refuse… Alors cela me fait bondir, tu le sais. Mais je ferais un effort pour me contenir et calmer mon manque de patience … pour toi, parce que tu me le demandes. Toutefois, elle ne l’emportera pas aussi facilement je puis te l’assurer.

    Je sais que je t’ai dis qu’une promesse se doit d’être honorée même si parfois il arrive qu’on ne le puisse point. Mais quand cela arrive trop souvent, il vaut mieux arrêter d’en faire… du moins c’est mon avis et ta mère devrait agir au lieu de promettre, ça nous changerait un peu !

    Mais garde espoir petite princesse. Tous les adultes ne sont pas ainsi. Tu en croiseras des bons et des pires. Il y a tant de gens différents qu’il faut bien que tu fasses attention à toi. A toi de me le promettre maintenant. Soit prudente et n’hésite pas à faire appel à moi si tu as besoin de quoi que ce soit, n’importe quoi. Je ne suis pas ton père, ni ta mère, juste ton cousin qui pense au bien être de sa petite cousine.

    Mais il est déjà temps que je te laisse moi aussi. Nous n’allons pas tarder à repartir et il me faut aller soigner mon cheval qui en a bien besoin. Le voyage s’est terminé avec ton départ. Nous devions faire le tour de la Normandie, on se doit de rentrer à Rouen…

    J’emporte avec moi ta jolie lettre et te demande de bien suivre Karyaan. Ne la perds pas de vue, reste bien dans ses pattes et garde-toi d’approcher des gens que tu ne connais pas. Et n’oublie pas le cadeau que je t’ai fais. Il te protégera comme si j’étais à tes côtés et si tu as besoin d’aide, fais-le-moi parvenir. Je saurais te retrouver.

    Tu me manques déjà petite hirondelle.
    Embrasse Eleanor pour moi, je pense qu’elle en sera heureuse et garde un baiser pour toi.

    Faict à Fecamp, le dix_neuvième jour de septembre mil quatre cent soixante

    Ton cousin



    Le danois se relit une dernière fois, hésitant à lui faire parvenir ce courrier, puis il signa de cette initiale runique qu'elle savait lire avant de sceller vite fait le pli afin de le donner au coursier qui attendait la réponse. Peu lui importait ce qu'il disait dans cette lettre, la vérité, Briana la vivait chaque jour. Combien de fois son petit coeur meurtri d'enfant n'avait pas hurlé sa douleur d'être mise de côté par ses parents et Osfrid se refusait à leur trouver des circonstances atténuantes. Ils avaient été assez pressés pour se retrouver dans le même lit, ils auraient dû appliquer cette empressement à l'éducation de leur fille.

    Respirant profondément, il passa son mantel avant de prendre la direction des écuries afin de soigner Grani comme il se devait. Son vieil ami avait encore du chemin à faire à ses côtés et prendre soin de l'animal lui permettrait d'évacuer cette colère montante qu'il ressentait.


    _________________







Briana.
Le soleil pointait sur un nouveau jour et ne manquerait pas d'offrir à cette journée, l'agréable chaleur dans laquelle avait été baigné le Royaume durant tout l'été.
Au loin, on entendait chanter les clochers. Il n'était pas un son de cloches, qui au matin, alors que tout se faisait encore calme sur Beaumont, la vie s'éveillant peu à peu, qui n'aurait su ne pas se faire entendre. Et none sonnant aux clochers des églises, le chant des carillons qui s'élevaient et s'étendaient au plus loin dans la campagne environnante ne manquait pas d'être perçu par l'esgourde enfantine.

Il en fallait peu à Briana pour être tirée de son sommeil. D'un geste vif, elle repoussa à grands coups de pieds draps et couvertures qui la couvraient. Un instant le petit corps se raidit, la tête enfouie dans ses épaules s'enfonçant légèrement dans son oreiller et tout ça pour s'étirer du plus fort qu'elle le put, certaine que faisant ça, elle gagnait davantage en taille. C'est que chaque matin, lorsqu'elle se trouvait encore à la Haye du Puits, Carenza usait toujours de cette même phrase lorsqu'elle venait la retrouver au sortir de son lit : " Le bonjour Mademoiselle... Vous avez encore grandi aujourd'hui ". Et toute fière, elle accueillait ses mots sur un sourire.

Mais aujourd'hui, et depuis plusieurs jours maintenant, il n'y avait plus de Carenza pour pénétrer dans sa chambre, ni pour lui dire ce qu'elle aimait entendre. Sa nourrice était restée en Normandie. Elle aurait aimé venir lui avait-elle dit, mais après quelques minutes de douces confidences, elle avait avouer ne pouvoir partir afin de rester auprès d'Erwan. Car même si celui-ci commençait à se faire grand, il avait encore besoin qu'on s'occupe de lui et puisque que Maman était fort tenue par ses affairements, il se devait d'en être ainsi.

N'ayant pas tardé à quitter le douillet de son lit pour venir glisser ses petits pieds dans les mocassins qui avaient été préparés pour elle, elle s'empressa de se diriger vers la grande baie qui de sa chambre donnait vu sur les jardins de Beaumont et sitôt que furent tirés les larges et épais rideaux, son regard alla se perdre au loin, sur la ligne d'horizon. Elle laissait une fois de plus ses pensées accompagner ses proches qu'elle avait laissé. Avaient-ils rejoint Rouen ? Ou rentreraient-ils à Dieppe ?
Elle pensait à eux chaque heure encore, la séparation étant encore profondément encrée. Et eux ? Est-ce qu'ils pensait à elle ? Au moins un peu...
Les azurs accrochés au bleu du ciel, elle se laissa distraire un instant par une envolée d'hirondelle venue rappeler que bientôt la mauvaise saison était là de s'installer. Il suffisait d'ailleurs qu'elle baisse les yeux et qu'elle contemple les arbres pour remarquer que doucement, ils commençaient à se parer de jaune, d'orange, de rouge...

Les yeux rivés sur l'extérieur, Briana fut tirée de ses songes lorsqu'elle entendit qu'on pénétra dans sa chambre. Derrière elle une voix s'élevait, celle d'une domestique, Gersende, sans doute venue pour la réveiller et lui annoncer qu'un plateau l'attendait au salon.
La jeune de Courcy s'était retournée sur l'entrante la saluant d'un sourire.



-" Bonjour jolie demoiselle, vous voilà déjà debout ! Avez-vous bien dormi ?"



Briana suivit la jeune femme du regard partie tirer les autres rideaux qui maintenaient encore la pièce plongée dans la pénombre. A sa taille, glissé entre l'étoffe de la robe qu'elle portait et le tissu dans lequel avait été confectionné le tablier qu'elle avait passé, elle ne pu s'empêcher de remarquer ce qu'elle devina comme étant un pli.
Et se retournant, la domestique avait du se rendre compte du poids de son regard, car s'approchant, elle porta main sur le dit pli et le lui tendit.



-" Voilà pour vous mademoiselle... Il semblerait que se soit des nouvelles en provenance de Normandie. Sans doute est-ce votre mère qui vous écrit..."



Sa mère ? Peut-être bien. Mais il n'était pas vraiment courrier de sa main qu'elle attendait, mais plutôt une missive rédigée de la main de leur cousin.
Sans attendre davantage, les doigts s'emparèrent de la lettre.



-"... mais si mademoiselle veut bien patienter un peu avant de l'ouvrir pour vite aller se joindre aux Marmules afin d'aller manger un peu ? Seriez-vous d'accord ? "



C'est qu'elle avait tellement envie de la lire, pourvu seulement qu'il s'agisse de la réponse de son cousin à la lettre qu'elle lui avait précédemment envoyée. Mais l'idée qu'il puisse être mots de sa mère lui redonna un peu de retenue et c'est d'un hochement de tête qu'elle se décida de suivre Gersende, abandonnant là, sur le mobilier, la lettre qui lui avait été remise.
Plus tard, après avoir peiné à avaler son verre de lait accompagné de brioches et de gâteaux qu'elle eut à peine touchés, Briana s'était empressée de regagner ses appartements, se précipitant à la découverte du contenu de la lettre.
Retournant cette dernière, elle n'y trouva nul sceau appartenant à la famille de Courcy. Il ne pouvait donc s'agir de sa mère. Et d'un geste précipité, malmenant le vélin, elle posa ses yeux sur les premières lignes d'écritures, un sourire naissant sur son visage au fur et à mesure qu'elle en découvrait le corps.
Il lui avait répondu, plus vite qu'elle ne l'avait espéré. Son petit coeur battant la chamade, heureuse d'avoir de ses nouvelles, elle couru prendre place derrière sa table de travail et se décida sitôt à apporter réponse :



Citation:
Mans, au 20 septembre 1460

De moi,
Briana.
A Vous,
mon cousin.

Comme je fus contente de recevoir de vos nouvelles aussi rapidement. J'ai tant crains que ma missive ne sache venir vous trouvé. Mé me voissi biun rassuré maintenant. Et ojourdui je viens vous apporté de fréches nouvelles me concernant.

Notre périple a enfin touché à sa fin. Le voyage s'est biun passé et à ce jour, j'ai rejoins le domaine de Beaumont en compagnie de Karyaan et de Paul. Comme je suis contente alors d'avoir pu revoir tous ces amis que j'avé laissé lorsque j'ai du quitté le Maine pour rejoindre Maman et la Normandie. Grasse à eux, j'arrive à sourire un peu, oubliant ma peine et le manque que je ressens que de ne pas vous avoir opré de moi, vous, Erwan, Artheos et même Maman, car si mon coeur est là de vouloir la détesté parfois, il ne peut se résoudre à ne pas l'aimer pour autant.
Est ce possible de ressentir ces deux choses en même temps pour une même personne ? Suis-je normal ?
Est-ce normal que le manque fasse si mal mon cousin ? Serai-je guérit un jour de ce mal qui m'envahi ?
J'ai un jour entendu dire que des gens mourraient à cause du manque de l'autre.
Comme j'ai peur.

Il me faut vous annoncé une chose importante. Bientôt je seré présenté à sa Majesté le Roy. Karyaan m'a dis que je l'accompagneré dans ses déplacements et que nous serions amenés à le voir. Je suis impatiente autant que j'ai peur. J'espère que tout se passera biun et que je seré à la hauteur. Je n'oubliré pas ce jour de serrer très fort entre mes doigts votre rune qui ne me quitte pas. Je suis sur qu'elle m'aidera. Et ne vous inquiétez pas mon Cousin, enfin pas de trop, car je vous fait la promesse de rester prudente face à l'inconnu et qu'en cas de besoin, je n'hésiterai pas à faire appel à vous. Je ne reste jamais seule. Il y a toujours quelqu'un pour veiller sur moi à Beaumont.

Il me faut vous laisser maintenant. Bientôt je vous écriré à nouvo.

Je vous envoie moults baisers. Un pour chaque jour ou je ne saurai vous voir.
Vous me manqué.

Votre petite princesse,






Dernière relecture sans qu'elle ne relève les fautes qu'elle n'avait pas conscience de faire. Un dernier baiser fut déposé sur le parchemin à l'endroit même où elle lui avait dis en laisser multitude avant qu'une main ne vienne trouver la rune protectrice. Courrier plié serait bientôt remis entre de bonnes mains pour être adressé bien loin... trop loin...
Osfrid
    Le réveil avait été particulièrement difficile pour le danois. La veille, il avait plongé tête baissée dans un tonneau d’hydromel particulièrement appréciable et là, il avait l’impression d’avoir les racines des cheveux qui poussaient à l’intérieur. La faute à sa énième entrevue avec sa cousine qui, loin de l’enchanter, l’avait laissé avec ses questions et ses inquiétudes.

    En effet, Adeline avait ignoré Osfrid la veille au soir en taverne. De ça, il en avait l’habitude et finissait par presque espérer qu’elle l’oublie plutôt que de venir lui parler mais la goutte qui fit déborder le vase fut lorsqu’il lui parla de sa fille. Briana était partie et Adeline ne s’en inquiétait pas outre mesure. Non, au contraire, elle avait décampé une fois prononcé les mots « courriers échangés » et « à croire que vous vous en foutez de ce qu’elle peut devenir ».

    Une fois de plus Osfrid avait laissé sa rancœur parler. Il ne supportait plus cette froidure avec laquelle elle traitait sa famille, ses enfants, son entourage. A croire que seul le duché comptait à ses yeux et franchement, là il en avait soupé. Alors, il avait commandé un tonneau de sa boisson préférée et l’avait finie dans sa chambre. Et ce matin, alors que le tavernier lui avait apporter quelques tartines de pain frais avec du miel, le danois faisait encore la grimace lorsque soudain, la voix du tavernier retentit près de lui.


    - Messire de Courcy, des courriers sont arrivés pour vous ce matin de très bonne heure. J’ai pris sur moi de les réceptionner et de donner quelques piécettes aux coursiers.

    - vous avez bien fais….

    La voix d’Osfrid s’était éteinte lorsque le bras homme avait tendu les trois plis dans la direction du danois. Il avait immédiatement reconnu l’écriture de sa mère et ce fut donc cette missive qu’il lu en premier, prenant connaissance des mots qui lui arrachèrent tant de douleurs dans le cœur.

    Il était resté longtemps interdit, ne pensant plus qu’à ce qui venait frapper sa famille de plein fouet. Et puis du mouvement dans l’auberge l’avait tiré de ses pensées et il avait pris connaissance des autres missives. Celle de Briana avait retenue toute son attention à nouveau. La petite fille semblait si heureuse en fin de compte, si vivante. Un sourire d’une tristesse infinie vint ourler ses lèvres et il se mit en devoir de lui répondre immédiatement. Les autres courriers attendraient quelques heures d’apaisement supplémentaires afin d’y faire réponse.


    Citation:
    A toi, Petite Princesse de Courcy,

    Quel plaisir de lire tes dernières aventures sur le chemin de cette nouvelle vie retrouvée. Je vois que tu n’as plus un instant à toi et que tu profites de la bonne influence de ta marraine pour faire connaissance avec un monde bien particulier. Ainsi donc tu vas être présentée au Roy de France. Quel honneur est-ce là petite Princesse et j’espère que tu n’oublieras pas les bonnes manières qui sont les tiennes. Je ne doute point que le souverain soit un homme comme un autre mais il est avant tout homme de puissance et de grandeur et tu devras bien te tenir en sa présence. Evite de lui coller une grenouille sur sa chaise, je crains que cela ne soit pas du goût du palais royal ni de ses occupants.

    J’ai pris le temps de réfléchir à ta dernière question et je ne peux que te rassurer petit ange. Tu es tout à fait normal Briana. Comment en douter ? il est parfois difficile pour nous de détester complètement quelqu’un même si cette personne nous a fait du mal au plus haut point. Notre cœur n’y consent point et alors, on se met à se souvenir des moments heureux avec cette personne et l’amour qu’on avait alors pour elle revient nous chahuter. Si tu n’étais pas normal belle enfant, tu ne te poserais pas autant de question sur la vie et son existence.

    Quant à savoir si cela fera toujours mal… j’aimerais pouvoir te dire que non mais cela serait mentir. Le temps efface la douleur, la rend acceptable. Je t’ai parlé de Ragnard, mon fils. Je souffre chaque jour de son absence, chaque jour j’ai besoin de penser à lui, chaque jour j’en appelle au ciel pour savoir pourquoi il me l’a enlevé mais je n’ai pas de réponse… juste le silence qui m’entoure. Alors chaque jour je prie pour que la souffrance s’en aille mais elle est là, profonde dans mon cœur et il me manque tout autant que sa mère peut me manquer. Mais doucement, je sais que c’est moins dur à vivre, que je repense aux bons moments avec eux et j’arrive à sourire. Tu souriras aussi Briana. Un jour, quand tu auras grandis, tu seras capable de ne plus avoir aussi mal. Fais-moi confiance petite princesse et pense que demain est un jour nouveau à vivre, autrement.

    Briana, il me faut t’annoncer une nouvelle. Je t’avais promis d’un jour te présenter ton oncle, mon père. Malheureusement, il est gravement malade et je me dois de rentrer dans mon pays. Je vais préparer mes affaires afin de regagner la côte rapidement mais… comme j’aimerais t’emmener avec moi petite princesse pour que tu puisses ne serait-ce qu’un jour connaitre les tiens. J’ai émis le projet fou de te prendre avec moi le temps du voyage mais je ne voudrais point t’enlever tes chances que cette vie auprès de Karyann t’offre. Et pourtant… un mot de ta part et … ne serait-ce pas de la folie que d’envisager venir avec moi au Danemark ?

    Il me faut te laisser Petite Princesse. Mes obligations familiales requièrent toute mon attention mais sache que même loin de moi je pense à toi très fort et chaque jour qu’il m’est donné de vivre.

    Ton cousin



    _________________



Briana.
Beaumont. L'automne est là, qui tend son voile sur le pays.
Aujourd'hui, dimanche, est jour de promenade, et c'est en compagnie de quelques Marmules et de gens de maison à leur service, que Briana prend plaisir à fouler les sols du domaine qui s'étend à perte de vue. Il fallait dire qu'après la claustration de ces derniers jours, toute promenade était un véritable enchantement pour elle.
Le manque de ses proches pesait encore de tout son poids et la moindre occupation lui permettait de retrouver un peu de ce goût de vivre qu'elle avait perdu et de raviver un peu plus l'étincelle qui semblait s'être éteinte.

Leur promenade les avaient conduit à la forêt bordant le domaine. Là, ensemble, ils avaient empruntés un petit sentier tracé au milieu des fougères et s'arrêtèrent quelques instants au bord de la Sarthe dont les maigres eaux d'été commençaient à se gonfler de nouveau avec les premières intempéries que la dites belle saison avaient apportée avec elle. Après un bref instant de repos et comme il fallait traverser le cours d'eau à gué, les filles et d'autant plus Briana, prirent plaisir à se laisser porter par les garçons plus grands du groupe, afin que celles-ci évitent de se mouiller les pieds ou de glisser sur les pierres. Choix avait été vite fait pour la petite blonde de se jeter dans les bras de Paul, entourant son cou de ses bras dès lors qu'il l'eut soulevé de terre.

Et la promenade de se poursuivre sous les arbres qui doucement commençaient à perdre de leur feuilles, recouvrant d'un épais et flamboyant manteau les sentiers qu'ils empruntaient. Et de ces feuilles, tout en continuant de progresser, Briana ne se privait pas d'en ramasser. Les plus grandes et les plus belles qu'elle puisse trouver. Et celle qu'elle préférait par dessous tout étaient celle d'un rouge vif qu'elle trouvait fascinantes à regarder.
La nature, Briana l'aimait, sans doute pour ce que sa mère lui en avait appris. Cette dernière lui avait appris à apprécier la nature lorsqu'ensemble, en ces temps où elle savait encore leur accorder de son attention, ils jouaient dans ces petits paradis que sont les jardins et les vergers de la Haye du Puits.
Mais si elle partageait avec elle le goût de la nature, c'était moins pour jouir comme elle de ses parfums, de ses fruits et de ses fleurs, que pour l'espace de liberté qu'elle représentait. Et tout ces rêves qu'elle laissait naître.
Elle y rêvait la petite princesse, à de beaux et preux chevaliers courant cerfs et sangliers, ou encore s'affrontant, revêtus d'armures étincelantes, en de sanglants combats devant elle qui aurait alors passée pour l'occasion , la plus belle toilette qui soit.
Et elle en oubliait tout les dangers et tous les conseils de prudence qu'on lui faisait au risque qu'un jour peut-être, de trop rêver, cela lui joue des tours. Mais n'était-ce pas ça que l'enfance ? Vivre plonger dans l'insouciance . Une insouciance qui pourtant, et malgré son jeune âge, commençait à s'estomper. L'enfant n'était plus un bébé. il grandissait désormais faisant face à la vrai vie, à ses réalités.

Le temps passant vite entre rêves et amusements, avait été temps pour les enfants et leur accompagnateurs de rejoindre la demeure de Beaumont - sur - Sarthe où les attendait un petit festin aux gourmandises sucrées dont tous raffolaient sans exceptions.
Demeure rejoint, tous se séparèrent, invités à gagner leur chambre pour s'y changer, histoire de troquer les vieux vêtements qu'on leur avait fait enfiler. Aux jolies robes de princesses d'être préservées et quelle bonne idée, car reconnaissons qu'il était plus agréable de pouvoir jouer accoutrés de vieux habits auxquels on été pas obligé de faire attention.
Porte de ses appartements poussée, avant même qu'elle n'eut le temps de rejoindre la pièce qui la recevait durant ses nuits, elle remarqua quelques missives déposées sur la table qui ornait en son centre le petit salon adjacent à sa chambre. Apparition qui lui fit oublier qu'elle était venue ici pour se changer et qu'on l'attendait.

S'emparant du premier pli, elle reconnu sans peine l'écriture de son Adoré, Erwan. Dieu que son frère pouvait lui manquer. Les petites mains ne tardèrent pas à décacheter le pli pour découvrir l'écrit en même temps qu'elle prenait place assise au fond d'un fauteuil pour plus de confort. Le sourire venu animer sa mine était annonciateur de bonne nouvelles et abandonnant la missive, elle s'occupa de faire lecture du second, découvrant avec joie les première lignes d'un courrier qu'elle attendait avec toujours autant d'impatience.

Les mots étaient là, posés, clairs, simple et appréciés. Des mots qui normalement, auraient dû lui être adressés de la main d'un père... d'une mère... Mais voilà que ceux-là n'avaient pas daigné lui écrire. Et quand bien même se seraient-il décidés à coucher de leurs mots sur le vélin à son attention, ils n'auraient su égaler ceux de son grand cousin.
A ce jour, lui et sa Marraine étaient les seuls à lui porter le flot d'amour dont tout enfant avait besoin. Un amour qui se faisait grandissant de jour en jour.
Suite de la lecture se faisant, la mine enjouée s'effaça progressivement pour laisser place à la tristesse, sentiment trop souvent ressenti. Comme s'il eut été là, elle eut cette impression de sentir au travers de ses mots, tout le mal qu'il pouvait ressentir, car elle savait, après confidences, qu'il souffrait lui aussi d'un manque qu'on ne saurait jamais en mesure de pouvoir remplacer. Et l'acharnement de se poursuivre alors que le Tout-Puissant s'apprêtait encore à lui ôter proche parent. Et ce regret soudain de la gagner en se rendant compte que jamais alors elle n'aurait la chance de rencontrer ses ancêtres... à moins que... Folle idée peut-être oui ! Mais pourquoi pas finalement ? Et s'il était temps ? S'il s'avérait important qu'elle puisse connaître, même brièvement, celui qui avait un peu de ce même sang qu'elle... Et s'il était essentiel pour elle de faire ce voyage au côté de son cousin, ne serait ce que pour lui tenir la main. Il était parfois plus simple de supporter ses peines avec quelqu'un.
En tout les cas, ça l'était pour elle. Entourée, elle avait plus aisée à chaque fois de se relever.

Délaissant l'écrit, elle quitta son assise et vint prendre place à table et s'affaira d'emblée d'apporter réponse au courrier.

Citation:


A Vous, Mon Cousin,
Vous qui me manqué boucou,

Comme je suis triste pour vous. Triste qu'une nouvele fois la vie se montre aussi injuste. J'ai mal pour vous, si mal mon cousin de me trouvé si loin. Je sé la souffrance que l'on conné quand un proche nous est arraché, ma petite soeur nous ayant été enlevée elle aussi. A moi aussi, elle me manque terriblement et je comprends que Ragnard vous manque tout autant que sa Maman.
Pourquoi le Tout-Puissant se montre t-il si dur en nous privant de ceux que l'on aime ? Moi aussi, je me pose souvent la question sans avoir de réponse. Est ce pour nous montré au travers la souffrance que jamé nous ne profitons assez des gens que nous aimons ? Qu'il faut savoir le faire tant qu'il en est encore temps ? Et les moments difficiles ne sont-ils pas là pour nous montré ceux qui sauront être là de nous soutenir, à nos côtés ?

J'ai souvent entendu dire au couvent, qu'il n'y avait jamais de mal sans un bien qui ne saurait arriver à sa suite. Et je veux bien croire en cela. Qui sait si sans tous ces malheurs, vos pas vous aurez menés jusqu'en Normandie. Jusqu'à moi.

Que diriez-vous mon Cousin, de venir me voir avant de faire route vers le grand froid ? Nous serions ravie de vous accueillir en Beaumont-sur-Sarthe et voilà qui vous donnerez l'occasion de rencontrer ma Marraine et de vous entretenir avec elle, car si je voudré pouvoir vous tenir compagnie et découvrir à vos côtés ces terres barbares que souvent vous évoquez, il faut avant toute chose en décider avec cette dernière. Promettez-moi que vous ne partirez pas sans être venu me dire au revoir au moins. J'ai si peur que vous ne reveniez pas.
Oui, faites m'en la promesse dans votre prochain écrit, je vous en prie.

Et dans l'attente, de recevoir de nouveau un pli de votre part, sachez que moi aussi je pense à vous et que toutes mes prières vous accompagnent.

Nous vous embrassons bien fort, Éléanor et moi.



Osfrid
    Les derniers jours avaient été insolents d’amertume et de regrets. Osfrid avait mis une croix sur le peu de douceur qu’il avait dans la vie avec sa séparation d’avec Constance et la douleur de la nouvelle annoncée par sa mère lui arrachait le cœur dès que son esprit lui laissait un moment de répit. Le courrier qui l’avait mis dans cet état trônait sur la table de chevet de sa chambre à l’auberge. Et chaque jour, il relisait les mots incertains et douloureux de sa mère. Cette mère qui dignement faisait face à l’inévitable car si elle avait pris la plume pour l’en avertir, il savait que le malheur était à portée de sa maison.

    D’un soupir à fendre l’âme, le danois s’était alors rendu dans une taverne pour s’y enfiler quelques godets de calva. Il aurait aimé que cette boisson lui arrache à nouveau le corps et l'âme mais rien n’y faisait. Les mots ne voulaient pas sortir de ses pensées, le rendant plus hargneux que d’ordinaire. Et ce n’était pas difficile avec les abrutis qu’il y avait dans ce duché. Peu prenaient la peine de lui parler, peu le connaissaient, peu finalement l’approchaient mais pour le critiquer, pour le bafouer ou encore le traiter plus bas que terre ils étaient présents. Combien de fois n’avait-on pas prévenu Constance qu’il était être immonde et des plus irrespectueux. Ça le faisait rire en douce le danois et il savait pourquoi. Mais là, il en avait soupé, atteint les limites du raisonnable et sa cousine qui n’arrangeait rien. Enfin ses cousines car il avait aussi croisé l’irlandaise qui ne mâchait pas ses mots non plus. Finalement, sa famille se résumait en quelques mots peu flatteurs : caractériel, conflictuel, tenace et cela se ressentait à chaque fois que ses membres étaient en présence les uns des autres. D’ailleurs Osfrid finissait par se demander si un jour il s’entendrait avec ces femmes, ce dont il doutait grandement.

    De toute manière, c’était là le cadet de ses soucis. Adeline en avait remis une couche la veille, refusant de parler de sa fille alors qu’il tentait de lui expliquer que la petite avait besoin de garder le contact avec elle, sa mère. Il avait senti dans les courriers de Briana tout ce désir et ce besoin de malgré tout aimer les siens alors que ces derniers le lui refusaient. Et bien évidemment, cet énième conflit l’avait précipité un peu plus vers le gouffre qu’il ressentait alors il avait pris la décision de partir le plus rapidement possible. Rien ne le retiendrait dans cette Normandie qu’il ne reconnaissait pas. Et lorsqu’il pénétra dans sa chambre afin d’y prendre un peu de repos, un pli avait été glissé sous la porte. D’abord fébrile de lire une mauvaise nouvelle, il s’apaisa rapidement en reconnaissant la petite écriture de sa cousine.

    D’une lassitude hors du commun, le danois prit le temps de poser son mantel et de défaire ses bottes en tirant fortement dessus avant de les balancer dans la pièce. Puis enfin il s’affala sur son lit, prenant soin auparavant d’allumer la petite bougie qui vacilla lorsqu’il tomba sur la couche. Mais résistante tout autant que lui, elle se redressa bien vite tout comme le barbare qui refit surface et se cala sur ses oreillers. Machinalement, ses doigts défirent les liens de sa chemise afin de venir caresser le marteau de Thor qui pendait à son cou. Jamais il ne le quittait, le ramenant à chaque fois sur les rives de son pays. Et alors Osfrid ferma les yeux pour s’imaginer ses paysages à perte de vue qui sauraient bientôt l’accueillir. Une profonde inspiration, ses paupières se soulevèrent et il se plongea dans la lecture du courrier de Briana.

    Si une chose caractérisait bien la petite c’était cette soif de connaissance mais aussi cette sagesse qu’elle avait surement acquise au fil des années de solitude et de douleurs invisibles. Son père tout autant que sa mère n’avaient jamais répondu à ses espérances et l’enfant avait dû se débrouiller seul. Oui mais maintenant elle voulait savoir, connaitre, comprendre et c’était à lui qu’elle s’adressait. Qu’il aurait aimé offrir tout ce qu’il savait à son propre fils et alors que le visage de Ragnard, entouré de ses boucles blondes, vint s’imposer devant ses yeux, Osfrid sentit le besoin de répondre à sa petite cousine. Elle lui donnait tant sans le savoir, apposant ce baume sur ses plaies profondes qui marquaient son cœur d’homme, de guerrier, de père orphelin des siens. Le danois se releva, prenant au passage la bougie, pour s’attabler et écrire. Et dans le silence de la nuit, on n’entendit plus que la plume qui grattait avec douceur le vélin destiné à Briana.


    Citation:
    A toi Petite Princesse ainsi qu’à ton amie Eleanor,

    Un grand merci. Je sais que tu prends très à cœur ce qu’il se passe autour de toi Briana et je sens toute la tendresse que tu mets dans tes mots afin de me réconforter même si, cela est bien étrange qu’une petite chose haute comme trois pommes puisse se substituer aux adultes qui m’entourent. Tu fais partie des êtres auxquels je suis le plus attaché et ton jeune âge ainsi que ta filiation ne m’empêche pas de t’apprécier telle que tu es.

    Tu sais Briana, il faut toujours profiter de ceux qu’on aime, qu’on apprécie, qu’on estime. Le temps est toujours trop court et ne nous permet pas d’attendre. Hier, une dame m’a dit « vous ne savez pas de quoi demain est fait » et à cela je lui ai gentiment répondu : « si, demain ma mort me tendra les bras » parce que quoi qu’on fasse, quoi qu’on vive, notre vie a une finalité. Mais il ne s’agit pas de savoir quand mais de bien profiter. Alors profite ma douce Princesse. Profite de tes amies, de ton frère, de ceux que tu apprécies, attrape la vie à bras-le-corps et vit Briana, vit afin de ne rien regretter. Et si tu as raison, demain la vie me sourira comme le pensent les nonnes du couvent. Chose à laquelle je réponds : qui vivra, verra !

    J’ai pris la décision de partir cette nuit. Ta mère me rend bien mon indifférence à son égard et Kathrynn étant plus préoccupée par son hérauderie que par sa propre famille se moque de ce qui lui arrive, je ne resterais pas un jour de plus en Normandie. Et devant ton insistance, sache que je promets de venir te voir. D’ailleurs, dès que j’aurais fait envoyer cette lettre, je prendrais la route pour venir te rejoindre. Je ne sais pas si je suis le bienvenu étant donné ce qu’il s’est passé entre ta marraine et moi mais je ne quitterais pas le sol de ce royaume s’en t’avoir embrassé. Et qui sait, peut-être que ta marraine aura pitié de notre famille pour une fois et t’accordera le droit de venir avec moi ! il eut été dommage que ton frère tienne plus de ta mère et qu’il s’en contrefout de son grand-oncle sinon j’aurais émis le souhait de le voir à mes côtés aussi. Mais il faut croire que les chats ne font pas des chiens…

    Promets-moi petite princesse de ne pas être aussi indifférence aux sorts des tiens, promets-moi que tu feras le bien autour de toi et que si un membre de ta famille sort du droit chemin ou qu’il vient à souffrir tu lui tendras la main, promets-moi douce enfant que tu ne laisseras pas ta mère et ton père gagner la bataille en t’offrant ce qu’ils ont de pire en eux ! Eprouve de la douceur, éprouve de la gentillesse, éprouve de la compassion pour les autres, ose être différente d’eux !

    Je vais m’arrêter là Petite Princesse car il me faut rassembler mes affaires et préparer Grani. Je serais près de toi dans deux ou trois jours je pense alors sois patiente Briana, je vais arriver.

    Je t’embrasse et surtout n’oublie pas de déposer un baiser sur la joue de damoiselle Eleanor sinon elle risque de m’en vouloir.

    Ton cousin


    Osfrid saupoudra de sable le vélin afin de le sécher plus rapidement puis alla réveiller l’aubergiste afin qu’il fasse partir au plus vite l’un de ses coursiers en échange d’une bourse bien remplie puis il monta à l’étage ramasser ce qu’il lui appartenait. Il n’avait plus rien à faire là. Le détour qu’il s’apprêtait à faire pour Briana ne devait souffrir d’aucun retard. Et mentalement, Osfrid se mit à prier ses dieux, leur demandant un répit pour que son père puisse connaitre la petite.

    _________________





Briana.
Enfin, la tempête dévastatrice qui était venue chambouler le petit corps et le petit coeur encore trop fragiles de la Mini de Courcy était sur le point de se calmer. Pour autant, la tristesse qu'elle ressentait, n'était jamais très loin de l'éprouver de nouveau. Lui suffisait de penser à sa mère dont elle n'avait toujours pas reçu la moindre nouvelle ou encore que son esprit la conduise auprès d'Osfrid qu'elle savait en peine, pour voir poindre dans ses yeux le liquide lacrymal qu'elle essayait de retenir tant bien que mal, ne s'autorisant à le laisser s'écouler que lorsqu'elle se trouvait plongée dans sa solitude.
Et depuis son arrivée à Beaumont, il allait s'en dire, que Briana n'avait plus grand temps pour pleurer, car rarement laissée seule. Rares étaient les instants où elle n'avait pas à ses côtés quelqu'un pour l'entourer et veiller à ce qu'elle se sente bien ; qu'il s'agisse de Karyaan, des Marmules, ou des serviteurs employés au service de la Maison.

Et ce jour encore, après que la demoiselle eut été levée, préparée, et eut engloutit un copieux petit déjeuné fait de lait chaud, de miel, et d'épaisses tranches de brioches tartinées d'une bonne couche de marmelade, elle avait été invité à se joindre à sa Marraine. Habitude avait été faite, durant la matinée, de se rendre dans la basse-cour où l'ont pouvait trouver tout un tas de poules de différentes espèces et certaines d'entre elles avaient ce don d'attirer toute l'attention de Briana. La raison à cela ? Ces petits trésors qu'elles gardaient précieusement, bien au chaud, sous leur gros fessiers couvert d'un épais duvet de plume, car avait été demandé à ce qu'on fasse couver des oeufs, desquels devaient sortir bientôt de jolis poussins. Et chaque jour, la basse-cour était rejoint avec le même entrain, avec ce petit espoir de voir ces petites boules jaunes libérées de leur coquille.
Mais là encore n'était pas le jour.

Abandonnant alors sa Marraine et le chérubin à qui elle ne manquait jamais de faire profiter de moments de découvertes, Briana se plaisait à aller éparpiller du vieux pain qu'elle émiettait attirant ainsi sur elle poules et coqs qui ne craignaient pas venir lui manger dans la main. Et à la petite fille qu'elle était de rire et de s'amuser courant à tout va tandis que les poules la suivaient et ce jusqu'à ce qu'on l'invite à rentrer, le souffle court et rougit par l'effort de ses courses folles.
Après la sortie et les exercices de la matinée, elle venait souvent trouver repos et confort dans le petit salon, accordant de son temps à sa poupée qu'elle regrettait d'avoir délaissée.

Attablée à une petite table sur laquelle avait été disposée un petit service de porcelaine, Briana se trouvait occupée à faire la conversation avec Eléanor lorsqu'elle se vit interrompu par l'entrée d'un serviteur.

-" Pardonnez-moi de vous interrompre Mademoiselle, mais j'ai ici un courrier pour vous ? Mademoiselle souhaite -t-elle en faire lecture de suite ou préfère t-elle que je le fasse porter en sa chambre ?"

Un sourire avait accueilli l'entrant avant qu'elle ne quitte la table se précipitant main tendue pour recevoir le courrier qui lui était destiné.

- " Je vous remercie, mais je vais le lire maintenant en compagnie d'Eléanor. Savez-vous qui m'écrit ? "

Le silence qu'elle obtenu alors pour réponse, lui fit deviner qu'il n'avait aucune idée de qui pouvait être l'expéditeur du pli et lui ôtant doucement celui-ci des mains, s'empressa de rejoindre sa fidèle amie et de faire lecture de l'écrit.
Les azurs étaient venus se poser au bas de celui-ci, découvrant ainsi l'identité du signataire sans plus d'attente. Il était cette écriture runique, celle qu'elle reconnaissait désormais à son Cousin.
Parchemin parfaitement étalé devant elle, l'index courant les lignes, on pouvait facilement deviner l'air enjoué que prenait les traits du visage encore angélique avant qu'elle ne se laisse emporter par l'euphorie, quittant sa place pour attraper sa poupée et lui coller un énorme baiser.


-" Tiens ! De la part de mon Cousin Osfrid !"


Les nouvelles que ce dernier venait de lui porter, lui avait fait oublié pour un instant les peines de ces derniers jours, et se fut en chantant et en dansant, tournoyant sur elle-même dans les couloirs du domaine, Eléanor tenue fermement entre ses bras, qu'elle s'en alla à tous annoncer la bonne nouvelle :

-" Il arrive ! Il arrive ! Il sera bientôt là ! "

Bras fendant l'air, elle en venait presque à en chatouiller le bout du nez des gens de la maison, qui sourire aux lèvres pour les uns et mines agacées pour d'autres, cherchaient à savoir qui elle allait annoncer.

- "Mais qui donc Mademoiselle a t-elle invité ? "


- " Il s'agit de mon Cousin Émile. Mon grand cousin Osfrid."

- " Votre Marraine en est-elle avertie ?"


Un signe de tête étaient venue répondre par la négation et c'est sans plus attendre que la Mini de Courcy-Maccord fila à grandes enjambées pour tenter la trouver et l'avertir de la venue de son cousin parmi eux.
A cette dernière d'acquiescer; D'ailleurs, Briana n'avait même pas eu besoin de la contraindre à dire oui ayant pour réponse qu'ici, à Beaumont, elle se trouvait chez elle et qu'elle était en droit d'inviter qui elle voulait.
Et sitôt ses appartements rejoint, sa poupée installée non loin, elle entreprit de faire partir un bref billet à destination de son Cousin :


Citation:

A Vous,
Mon très cher cousin,

Comme je suis heureuse de savoir que bientôt j'aurai la chance de vous revoir. Heureuse aussi de vous recevoir à Beaumont-sur-Sarthe où...


Un point d'arrêt fut marqué, l'esprit de l'enfant joli songeant à tout ce qu'elle serait en mesure de faire pour que son cousin soit bien accueilli. Il lui faudrait faire préparer une chambre, une des plus confortables qui soit, et avec de ces grandes fenêtres où il pourrait, au travers, venir contempler l'horizon de longues minutes, comme à son habitude. Elle ne comptait plus le nombre de fois où sans mots dire, elle l'avait épié en compagnie de son frère, se demandant ce à quoi il pouvait bien penser lorsque derrière les larges vitres, il prenait place sans plus bouger.

Et à la pointe à l'encre séchée d'être de nouveau plongée dans l'ébène pour venir marquée le vélin.


Citation:
... Vous serez accueilli avec toute l'attention qu'il se doit. Comme j'ai grande hâte de vous voir venir, vous qui me manquez. Aussi, j'aurai une bonne nouvelle à vous annoncer, mais je me garde de vous en faire part dans ce courrier. Je préfère de loin vous l'annoncer de vive voix...


La encore, elle s'imaginait déjà lui annoncer qu'elle ferait route à ses côtés, enchantée, excitée, de découvrir enfin ces terres barbares dont elle avait tant entendue parler, sans plus penser songer que pour son Cousin, ce voyage se verrait d'être terni par la tragédie qu'était de perdre un être cher.

Citation:
Je vous en prie, faites bien attention à vous .
Je vous embrasse fort.

Votre petite Princesse,

Briana.




Ni une, ni deux, le courrier sans être relu avait été scellé et remis pour qu'il soit rapidement envoyé. Il n'y avait désormais plus de temps à perdre. Deux ou trois jours avait-il mentionné. Voilà qui serait vite arrivé et pour s'occuper et faire que son impatience soit moins grande, la petite poupée s'en allait déjà courir partout, demandant l'aide de tous afin que tout soit prêt pour cette venue tant attendue.
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