Eireann.
- « Ce qui reste de tous les voyages est le parfum dune rose fanée... » {Cavidan Tumerkan}
- Octobre 1460, quelque part entre Bruges et le château de Belrupt.
Les roues du carosse hoquetaient sur les pavés mal dégrossis de la vieille route, secouant la passagère alanguie. Les heures, les jours et les semaines s'étiraient sans fin, en une alternance de courtes pauses et de longs trajets. Eireann n'avait qu'une hâte : parvenir à destination et retrouver son fiancé. Bien qu'elle n'éprouvât guère plus que de l'amitié pour lui, il était de son devoir de faire bonne figure et de lui plaire au possible.
Thomas et Eireann avaient le même âge et à peu près la même condition sociale. Cela avait achevé de décider sa vieille mère à l'offrir en épousailles à ce jeune et riche français. Par chance, le fiancé n'était ni sot, ni laid, ni affublé d'une quelconque infirmité. Eireann s'était donc résignée et avait accepté les fiançailles sans se plaindre et sans faire mauvaise figure. Son éducation ne lui aurait de toute façon pas permit le contraire : cela ne se discutait pas.
Pensivement, elle regardait le paysage défiler par les vitres du carosse dont elle avait écarté les lourds rideaux. Le claquement régulier des sabots des chevaux sur le sol allait et venait selon la proximité du cavalier qui l'escortait. La jeune femme se redressa un peu pour passer la tête à la fenêtre et lui adresser la parole :
- Dites-moi, ferons-nous une pause en début d'après-midi ? Je me sens bien lasse et j'aurais grand besoin de marcher pour me sentir mieux.
Elle observa cet homme taciturne, qui était à la fois son ami et son garde du corps, et qui chevauchait au côté du carosse sans jamais se plaindre de la longueur du voyage. Mais lui au moins avait l'air frais sur son visage et la possibilité d'observer le ciel ! Eireann, elle, s'ennuyait à mourir, malgré sa patience habituelle.
Le cavalier tourna la tête vers elle :
- Nous arriverons dès ce soir si nous ne nous arrêtons pas en journée, madame.
Un sursaut d'appréhension étreignit le coeur d'Eireann, qui se rendit soudain compte qu'elle n'aurait pas regretté que le voyage s'étire encore sur quelques jours... Elle rentra la tête à l'intérieur du carrosse et s'adossa aux coussins, à nouveau muette...
Déjà ce soir...
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