Afficher le menu
Information and comments (0)
<<   <   1, 2, 3, ..., 8, 9, 10   >>

[RP] Quand l'azur se fait enterrer...

Arthur Dayne
Des mots, le silence, des mots encore, puis le silence. Lecture du testament. Des mots, toujours. Rien de plus, rien de moins. Des mots qui n'ont pas vraiment de sens, qui ne sont pas vraiment d'elle. Trop guindés, trop encadrés, comme mots. Une pensée pour ses proches, quelques legs qui, malgré tout, arrachent un sourire à Arthur. Sourire salé, nourri de ses larmes, qui s'écoulent silencieusement le long de ses joues ravagées.

Un sac de miettes pour Grid. L'étalon pour Stase. Les épées, les dagues. Eikorc. Lui qui plus que la mort, se sera mis entre eux. Sans même le savoir. Ne pense pas à lui, Arthur. Tu t'en briserais encore les doigts. Eikorc, ce n'est qu'un mot. Un nom, quelques lettres. Du vent.

Des mots qui en remplacent d'autres. De qui parlent-ils, ces êtres qui se succèdent devant le cercueil? De toi, parait-il. Oui, quelques paroles ont plus de sens que d'autres. Et des intonations, surtout. Des voix tremblantes, ou décorées d'un faible sourire. Des échos qui se font dans la mémoire d'Arthur, des gestes, une lueur au fond d'un regard, un peu d'elle qui revit.

Doit-il y aller à son tour? Parler d'elle devant eux? Et pour dire quoi? La plupart de ceux présents ne le connaissent pas. Qu'irait-il leur dire... Qu'irait lui dire... Des mots qu'elle n'entendrait peut-être pas. Et si elle les entendait, cela changerait-il quelque chose?

Peut-être. Dire sa douleur l'atténuerait, peut-être. Mais pas ici, pas dans ce lieu qui ne leur ressemblait pas.

Signe de l'officiant. Arthur quitta le contact presque rassurant de la pierre froide, et se leva, en même temps que ses compagnons d'infortune. Petit regard à Grid. Etrange connivence, en cet instant douloureux. Cette fois, on y était. Le dernier voyage de cette boîte en bois et de celle qu'elle contenait. Les six porteurs reprirent leur fardeau pour mieux s'en libérer.

Puis cette longue marche jusqu'à Moulins, terre dans laquelle elle reposerait pour l'éternité. Sa terre. Jamais cela n'eut plus de sens aux yeux d'Arthur. Jamais cet attachement d'Apolonie pour Moulins ne lui parut plus clair qu'en cet instant. Oui, Moulins était sa terre, comme elle l'était pour tant d'autres. Mais un peu plus, en cet instant, pour la voyageuse qui, toujours, revenait reposer son âme dans ce petit village qu'elle aimait tant, malgré tout. Elle voulait y rester, avait-elle dit. Ils voulaient partir, tous les deux, voyager ensemble, voir le royaume main dans la main, mais Moulins devait être, quoiqu'il advienne, leur foyer. Quoiqu'il advienne...

Sauf ça. Sauf cette absurdité qui avait cueilli Apolonie à l'aube de leur amour. Au crépuscule de sa vie, alors qu'elle ignorait. Qu'il l'ignorait. Peut-être qu'elle, au fond d'elle même, le savait. Peut-être...

Trop de peut-être les accompagnaient sur cette route désuète vers le dernier refuge d'Apolonie. Tant de possibilités qui s'ouvraient à eux, brutalement disparues. Dire que tu es partie trop tôt n'a pas de sens, mon horizon. Et pourtant...

Ils arrivèrent enfin en vue du cimetière. La terre attendait son dû, prête à accueillir ce corps qui lui était rendu. Bientôt, son Apolonie disparaîtrait bel et bien de la lumière du jour. L'herbe repousserait par dessus elle, il ne subsisterait plus rien qu'une vague pierre pour marquer son présence. Son absence. Une vague pierre, et les souvenirs d'Arthur. Un plissement de nez. Un sourire, d'abord arraché, puis offert de bon coeur. Une bise déposé sur sa joue. Un baiser dérobé sur ses lèvres.

Alors que le cercueil touchait la terre, au fond du dernier refuge qui l'accueillait, et que l'officiant invitait, après avoir rendu les derniers sacrements, les présents à se recueillir une dernière fois, Arthur sentit lui monter du fond des tripes ce besoin de parler. De lui parler, une dernière fois. Les autres, ses proches, ses amis, ses ennemis, parfois, passèrent les uns après les autres. Connus ou inconnus de lui, chacun jeta une poignée de terre, une fleur, un signe d'amitié. Il attendit. Lorsque tout le monde fut passé, que les premiers quittaient le petit cimetière, Arthur s'approcha à son tour.

Les yeux posés sur le bois du cercueil, que la terre jetée par poignée avait commencé à recouvrir, Arthur murmura. Peut être que les personnes encore présentes le regardaient, se demandant quelle litanie il prononçait. Peut être que certains l'entendaient, même. Mais plus grand chose n'existait, en cet instant, aux yeux d'Arthur. Juste elle, sous cette terre, sous cette planche de bois.

Apolonie, mon horizon... Tu ne voudrais pas me voir comme ça, je le sais. Alors je ne vais pas sangloter de belles paroles. Juste te dire ce que j'aurais aimé pouvoir te dire.

Tu vas me manquer. Terriblement, comme je ne m'en rends probablement même pas tout à fait compte. Tu m'as apporté ce que je n'aurais jamais pu même imaginer.

Je t'ai détesté, tu m'as détesté. Et puis, petit à petit, nous nous sommes approchés, comme deux proies ne sachant pas trop comment se comporter l'une avec l'autre. J'étais là lorsque tu as traversé ces épreuves terribles. Nous nous sommes battus, une fois de plus, parce que tu ne voulais pas quitter ton armure, parce que je voulais que tu hurles ce que tu voulais tant hurler pour commencer à te guérir.

Je ne sais pas qui a gagné ce combat. Tu as fini par pleurer, et avec tes larmes s'est dissoute ton armure, devant mes yeux. Tu as révélé ce dont je doutais, ce qui était vraiment toi, derrière toutes ces voiles qui te masquaient.

Et puis, alors que je croyais te connaître, tu m'as surprise. Tu es venu cueillir ce baiser qui, je ne l'ai su qu'après, n'attendait que de tomber sur tes lèvres. Tu m'as emmené dans un tourbillon que j'ai cru sans fin. J'ai du combattre, j'ai du choisir.

Les moments qui suivirent furent délicieux. Ces moments passés contre toi, à t'écouter me raconter tes rêves, ta vie, et te parler de mes peurs, de mes envies, me semblent tellement irréels aujourd'hui, comme s'ils n'étaient qu'une sorte de rêve fugace et déjà évanoui.

Nous nous sommes apprivoisés l'un et l'autre, et le chemin que nous avions ouvert me paraissait immense, empli de possibilités envoutantes et exaltantes, mystérieuses et inconnues. Quoiqu'en disent aujourd'hui ceux qui croient te connaître, je sais les mots et les regards que nous avons échangé. Je sais ce soir où tu m'as dit que notre avenir s'écrirait à quatre.

Aujourd'hui, quatre ne sont plus que trois, et trois ne sont plus ensemble. Il n'a suffi que d'un coup de faux, cruel, absurde, brutal, pour mettre fin à tout cela.

Je t'ai aimé, Apolonie de Nerra, comme je n'aurais jamais cru pouvoir t'aimer. Je ne sais pas si la force de tes sentiments était la même, je ne sais pas quelle était la place d'Eikorc au milieu de ton coeur... mais je te remercie pour ce que tu m'as permis de vivre.

La plaie qui s'est ouverte lorsque tu es partie ne se referma sans doute jamais... mais elle s'apaise, peu à peu. Parce que je sais que tu n'aurais pas voulu me voir devenir l'épave que je fus ces derniers jours. Parce que je sais que le fait que tu ne sois plus là ne change rien aux rêves que nous avons construit ensemble.

Parce que je sais que la place que tu occupes en moi restera, même si tu n'es plus là. Parce que les souvenirs que nous avons partagé ne quitteront jamais mon âme.

Je crois qu'il est temps... Adieu, mon horizon. Adieu, étrange tournant de ma vie, adieu toi qui fus la plus belle des flammes à laquelle je me sois brûlé.

Adieu, Apolonie. Les mots sont durs, mais ils ne sont que des mots. Adieu n'en est qu'un parmi d'autres. Un peu de toi s'en est allée, mais ce qui reste de toi en moi n'a pas de prix. Et tous les adieux du monde n'y pourront rien.

Adieu, Apolonie...


Une fois tous ces mots sortis de lui, comme le sang que l'on sort d'une blessure pour rendre plus aisée la cicatrisation, Arthur prit son couteau, coupa une mèche de ses cheveux, et la laissa tomber sur le cercueil. Hommage que l'on rendait aux guerriers, de là où il venait. A ceux qui ont toujours combattu pour ce en quoi ils croyaient. Et surtout, pour qu'elle garde, de l'autre côté de la rivière, un peu de lui.

Adieu, Apolonie. Tu vas me manquer, sale gamine butée. Jusqu'au bout, tu auras voulu avoir raison.

Arthur laissa enfin ses jambes l'emmener un peu plus loin, là où ce gouffre dans lequel on avait plongé le corps d'Apo et son bonheur n'était plus devant ses yeux. D'autres personnes, des proches, étaient encore là, dans le petit cimetière de Moulins. Il était temps de rentrer au village. Iliana l'y attendait. Elle sans qui rester en ce bas monde n'aurait eu aucun sens. Sa fille, grâce à qui il avait pu trouver la force de devoir dire adieu à Apo.

Il est temps. Adieu Apolonie. Etrange solitude induite par ces mots. Son nom pour dire l'absence. Mots qui doivent être prononcés, pour prendre corps, pour continuer le chemin, parce que c'est ce qu'elle aurait voulu. Et cette question, qui reste comme un lambeau de brouillard, évanescent, prégnant. Parce que tout a été trop vite, parce qu'ils n'ont pas pu se parler. Parce que l'instant, comme ils l'ont tant cherché, ne laisse pas place aux mots.

M'as-tu aimé, Apolonie? Ultime doute, ultime blessure. Peut-être qu'en écoutant le vent...

Il est temps.

Adieu, mon horizon...
namaycush
Le frisson qu'elle semble refouler, elle, n'a rien de chaud...

Un homme déclame litanie rapidement, inaudible, il a la peine de l'amour..il plisse le nez celui-là aussi, décidément elle en a marqué des gens Apo...déjà il file vers le village...Le gascon lui jette un oeil bienveillant...avant de le retourner sur les noisettes délicatement recouvertes de ses paupières, allongées par des cils soyeux imprimant dans son esprit une image de douceur...

Chaleureusement il sourit...hausse les épaules brièvement...

Je passerai le mot. Si nous avons dit adieu à notre amie....

Souffrez que je vous raccompagne à votre coche...

Spontanément il lui offre son bras dans le plus pur respect des règles de courtoisie....

Le prendra-t-elle ?
_________________
MarieAlice
Murmures dont elle ne comprit pas un mot, trop loin, trop bas, trop personnel de toute façon. Et des confidences, elle en avait entendu assez même si elle ne lui reprochait point de les lui avoir faites. On ne pouvait reprocher à personne d'aimer, elle encore moins que quiconque. Aimer à en perdre toute raison, toute retenue, à oublier le reste du monde avec son cortège de bruits et de tracas....

Les noisettes se rouvrirent à ce monde, teintées d'une lueur verte disparaissant aussi vite qu'elle était née. Non elle ne reprocherait jamais une telle chose, sentiment trop bien connu, coulant en ses veines même si souvent caché.

Un bras tendu en même temps qu'il lui proposait de la raccompagner, main levée et déposée dessus.

Oui.. Nous lui avons dit adieu...

Elle lui emboita le pas, direction la sortie.

Adieu..
_________________
namaycush
Eclair d'instant le brun si féminin reflète le vert, si irréel si vite, qu'il pense à une vision de l'esprit, aussitôt contredite par le trouble qu'elle a refoulé.

Solitaire, il n'est plus, uni par l'émotion partagée à sensibilité personnelle diverse, ce couple improbable chemine d'un pas lent, comme à regret, en direction de la sortie de la demeure de leur amie. Plume libre et légère, sa main repose sur son bras, il en est heureux tout simplement.

Bonheur paradoxal et éphémère qui se mesure non pas en temps mais en quelques centaines de mètres les séparant de son attelage...

Dieu que cette journée aurait été belle si ce n'était l'essence de son existence. Trêve dans la sienne, le soleil pointait au travers des nuages qui avaient crachiné doucement auparavant, comme pour montrer que de beaux jours viendront...

Ces deuils successifs me rendent tout drôle. Je cotoie la mort et la donne tous les jours ou en paie le prix mais je ne m'y habitue pas...
Apo, Diane Wiatt, ma suzeraine, me manqueront énormément...peut-être l'avez-vous connue également...

Enfin, vivons et à défaut de faire bien tâchons de faire au plus juste...

Ton presque désinvolte, sitôt cette distance franchie, la réalité du sud-ouest le rattraperai....
_________________
MarieAlice
Amusant? Etrange? Surprenant? Savant mélange de tout cela peut cela peut-être. Froncement de nez à l'évocation du second nom et temps d'arrêt sur le chemin menant au coche.

Diane Wiatt d'Azayes?


Sourcil levé, regard interrogateur, oui forcément cette Diane là. Quelle autre connaissait-elle avec ce prénom? Et puis elle savait depuis longtemps que si la terre était vaste, cette dernière avait une fâcheuse tendance à prouver le contraire.

Je la connais oui. Elle passait à la Confrérie Troubadour et je fus l'une de ses Plumes Libres comme elle aimait à les appeler.

Nous aurions même pu nous trouver face à face à Vendôme.


Un frisson parcourut à nouveau la jeune femme tandis que la simple évocation de cette ville faisait ressurgir en elle le lot habituel de fantômes, main se crispant sur le bras du gascon tandis que l'autre se portait inconsciemment sur son ventre.

J'avoue ne plus me souvenir où je l'ai rencontrée la première fois. Là bas pour Apolonie oui, mais Diane...

Je suis allée sur sa tombe il y a peu...


Et non, on ne s'habitue jamais à la mort. Surtout lorsqu'elle touche à ceux qu'on aime, qu'à la place d'un corps chaud, d'un rire, d'un regard pétillant, elle ne laisse qu'un monticule de terre.

Si elle avait su à cet instant, qu'elle n'était pas près de quitter le deuil....
_________________
namaycush
Etonnement ou amusement dans sa réaction, il ne saurait la définir.
Temps d'arrêt, lui s'amuse du mouvement du nez. Dans sa question pointe une affirmation confirmée par son regard.

Diane Wiatt d'Azayes, oui, Comtesse de Brantôme.
Je ne suis pas peu fier d'être son unique vassal, d'ailleurs.
Rassurez-vous elle ne m'a pas choisi pour mon don inné de la diplomatie....

Sourire....

Les plumes libres, oui, j'y ai fait un passage fort agréable en sa compagnie lors de mon allégeance à Margency.

Un voile de tristesse voile les émeraudes soudainement, passagère, à cette évocation.

Au mot Vendôme, elle se crispe, profondément touchée. Beaucoup, trop d'évènements ont du s'y dérouler.

Sa main serre son bras, naturellement il pose la sienne dessus, dans un geste qui se veut protecteur. Doux contact embaumant ce moment empreint de profonde émotion.

On dit souvent quand quelqu'un meurt, c'est la vie, mais non !
C'est la mort, avec tout son cortège de malheurs et de regrets parfois pesants, nous rappelant néanmoins que la vie se doit d'être croquée à pleines dents.

La mort n'est que l'aboutissement de nos vies, c'est tout...

Profondeur du regard, nul des deux ne sait ce que leur réservera demain....
_________________
chlodwig_von_frayner
Le vent chaud de l’été commençait à peine à souffler dans le ciel bleu d’avril… Les fleurs couvraient encore quelques arbres, apportant de la douceur dans le cœur de ceux qui prêtaient encore attention à la nature. Si il s’était promené dans les bois qui bordaient ses terres, il aurait entendu le chant joyeux des oiseaux et il aurait sourit. Il se serait allongé dans l’herbe tendre et verte et aurait laissé le soleil caresser son visage, les yeux fermés, à ne penser à rien d’autre qu’aux bruits apaisants de la foret… Il se serait débarrassé de tout ce qui alourdissait ses épaules et… qui sait oui… peut être aurait il, l’espace d’un instant… oublié ses soucis… oublié ce qui le tracassait… autrement que dans l’alcool… Une si belle journée…

Assis sur une chaise dans son bureau, il relisait la lettre qu’il venait de recevoir. Un bien beau bureau, si l’on pouvait permettre cette parenthèse, richement décoré, la pièce était ornée de tableaux achetés à des maîtres italiens comme, parait il, c’était la mode dans certaines grandes familles. L’on se murmurait même, parfois à l’oreille que la famille royale elle-même suivait cette mode… Mais comme le roi était bien peu visible, peu avaient réussit à confirmer cette rumeur. Hum… le reste était néanmoins assez banal, une porte dérobée qui menait à sa chambre, un meuble à tiroirs secrets qui renfermait bien des documents importants, commandé chez un artisan milanais. Mais dans le fond, que valaient toutes ces richesses, que valaient toutes ces choses quand… on lisait pareille lettre.

Ses yeux parcouraient et parcouraient la feuille… mais ils refusaient de saisir le sens des phrases. Les mots, ils les déchiffrait, il les comprenait, mais… entre eux soudain, ils ne voulaient plus s’assembler, ne voulaient plus rien dire. Lui qui les maîtrisait habituellement si bien ne semblait plus pouvoir les manier. Ils se dérobaient à ses instigations. Il était sur d’une chose, la personne qui la lui envoyait… Marty… Son duc… le reste, lui semblait aussi intelligible que les paroles d’un breton sobre (car il est bien connu que deux mecs bourrés se comprennent sans que la langue ne soit justement une barrière). Si il s’était aventuré à chercher un sens quelconque à ces entrelacs noirs qui couvraient la feuille de parchemin, si son cerveau avait accepté de bien vouloir intégrer la nouvelle, si les barrières érigées tout autour de lui que peu de gens avaient un jour fait cédées s’étaient soudain ouvertes, il aurait réussit à saisir que cette missive lui apportait la mort de son amie Apolonie… même si le terme « amie » était bien faible, ou bien incorrect pour caractériser leur relation. Comment d’ailleurs un simple mot aurait il pu résumer la relation entre ces deux personnes qui refusaient les convenances et les catégories ? Hum… Mais… cette nouvelle, il ne pouvait l’accepter. C’était impossible… Pas… encore… Pas… elle… Pas… maintenant surtout…

Sa main abattit soudain sur la table, écrasant la lettre de toute la force qu’il pouvait déployer, la froissant comme il pouvait, la réduisant en boule… Tout l’apathie dont il avait fait preuve pendant les longues minutes où ses yeux avaient, en vain, usés leurs rétines sur les mots parvenus à lui semblait s’être soudain changé en rage. Ses mains tremblaient sans qu’il ne s’en rende compte. Fébrilement, il déplia de nouveau la feuille, s’apprêtant à la déchirer, à la réduire en miette, la détruire, comme si détruire ce mince parchemin pouvait l’amener à détruire cette nouvelle, la réduire à néant, faire en sorte qu’elle n’ai jamais existé et peut être… s’apercevoir demain qu’elle n’était qu’une blague, un peu comme une missive de premier avril que le facteur aurait oublié d’amener à la bonne date. Sa main s’arrêta pourtant dans son geste destructeur, se contentant de l’envoyer balader à l‘autre bout de la pièce, ou du moins le plus loin possible… loin de lui… loin de son cœur… loin.. Son poing s’abattit ensuite sur la table, de toute ses forces… pour… avoir mal, souffrir physiquement, plus que la douleur qui naissait dans son cœur au fur et à mesure que son esprit ouvrait ses barrières, ses protections qui le maintenaient à flot… plus… oui plus… pour ne plus la sentir, pour ne pas l’accepter, pour ne pas la comprendre. Il se mordit la lèvre jusqu’au sang, la main crispé sur une plume premier objet qui lui était tombé sous les doigts. Lorsqu’elle vola en éclat, sous la pression devenue trop important, il se leva en sursaut et partit en trombe vers la porte dérobée qui donnait sur sa chambre. Vite… ses mains tremblantes lui laissaient présager une crise, un instant où il perdrait le contrôle de lui-même, où les réactions l’emporteraient sur sa raison… où les barrières qu’il érigeait pour se protéger des émotions, des sensations, ne le protégeraient plus et où il était capable de tout… surtout du pire en fait. La vague déferlante qu’il sentait venir faisait sauter les derniers barrages…

La porte s’ouvrit à la volée et claqua derrière lui, mais il ne s’en rendit pas compte. En fait de compte, peu de choses comptaient réellement en cet instant. Il perdait relativement peu souvent le contrôle de lui-même, les leçons de sa mère lui ayant appris avant tout à se contrôler pour faire perdre tous moyens à ses adversaires, et surtout pour ne pouvoir laisser à d’autres le soin de le contrôler en manipulant ses émotions. Mais… il n’était qu’un Chlo… Il marchait nerveusement, maintenant à flot un dernier barrage qui maintenait sa raison au-delà de la prise de ses sentiments, un fil ténu mais qui existait… encore pour quelques instants. Ses yeux cherchaient quelque chose, pupilles en quête d’un moyen d’exprimer tout ce que son cœur ne pouvait extérioriser… Il fallait que ça sorte, qu’il se vide de tout ce qui en cet instant menaçait de le faire basculer. Ses colères pouvaient s’avérer dévastatrices… peu arrivaient à les calmer et aucune de celles qui pouvaient y parvenir n’étaient là pour prévenir les dégâts… Et cela, il le savait, mais il s’en fichait. Ses mains tremblaient de plus en plus… laissant présager une explosion des plus violentes…

Au moment où il se sentit partir, il saisit un vase posé sur la cheminée… et l’écrasa de toute ses forces contre le mur, la paume de sa main insistant sur la porcelaine, s’acharnant à broyer le peu de terre cuite qui restait encore entre le mur et sa peau, les yeux braqués sur ses chausses. Les éclats tranchants entaillaient la chair, à chaque mouvement un peu plus fortement, plus profondément. Le sang commença à goutter entre ses phalanges, sur le mur, sur sa main… Pourtant il continua, pendant plusieurs minutes… insistant encore et toujours… souffrir… ses terminaisons nerveuses envoyaient à son cerveau des messages de douleur plus importants chaque instants, sans jamais arriver à dépasser ce qui avait embrumé son esprit. Enfin, la sensation fut plus forte que la folie momentanée qui l’avait frappé et il retira sa main désormais ensanglantée. Hébété,, il émergeait peu à peu, se rendant petit à petit compte du point auquel il en était. Il tituba, faisant quelque pas en arrière, allant buter contre le lit sur lequel il se laissa tomber. La sang continua à s’égoutter sur les draps… sans que cela sembla l’affecter le moins du monde. La douleur lui vrillait les tempes, sa main lui semblait en feu… Mais sur son visage… juste un regard dans le vague et un air perdu… Quelles choses comptaient réellement à présent ?

L’azur s’était éteint.. L’azur impérieux… si souvent affronté… mais en lequel il aimait pourtant se plonger… apaisant et tumultueux… Azur perdu si souvent en ces terres où la vie était si cruelle envers l’Apo… Azur qu’il adorait voir s’illuminer… Malheureusement… il n’ s’était pas illuminé pour lui… mais pour d’autres… Amoureux le Chlo, ? Non… juste exclusif… chose qu’il n’avait pu se permettre avec son… sa… quoi d’ailleurs ? Comment qualifier le tandem qu’ils avaient formé pendant si peu de temps ?

« Soit tu m’épouses soit je te plante »
« C’est une sorte de syncrétisme entre moi et ta robe »
« Tu m’appelles plus jamais comme ça »
« J’ai pas envie de t’abîmer Chlo laisse moi sortir »
« J’me suis jamais foutue de toi »
« Ca te va comme trogne ? Ou tu veux que j’te fasse une danse du ventre aussi ? »

« J’t’emmerde Chlo. Et profondément. T’es qu’un p’tit con »

« Tu restes ? »
« Il a été question de partir ? »

Les phrases, les mots tournaient et retournaient en son esprit… sa voix… la sienne… des instants… tantôt tristes, tantôt heureux…souvent marquants. Elle avait traversé son existence comme… une étoile filante… Tout n’avait duré rien qu’un temps… et pourtant tant de choses semblaient s’être passées… Il se rappelait des souvenirs bien gravés dans sa mémoire, de cette époque où vieillir était encore bien illusoire… Où l’avenir ne semblait pas aussi noir… Où il pouvait sourire sans avoir l’impression de mentir. Où… elle était là… du temps où il n’était pas parti en quête de… de quoi en fait ? De son devoir ? D’une raison d’exister ? Qu’avait il trouvé au final, autre que le sang et les larmes ? Qu’avait il perdu par contre ? Trop peut être…

Résumer Apo ? Ce qu’elle lui avait apporté ? Difficile… Comment parler ou même juste penser à ces instants sans nostalgie ? Il n’aurait su dire exactement… Simplement que… ils avaient été heureux. Les disputes avaient été nombreuses pourtant.. Et violentes… Mais… elle lui avait appris la vie… la vraie… celle où pour survivre il faut s’affirmer… Celle où quand on a des opinions, on les plaque dans la tronche des cons à coup de mots… et d’épée si ils ne suffisent pas. Leur rencontre avait bien mal commencé pourtant… Souvenirs de Moulins… d’une première vision… d’un baiser arraché sur un sourire suffisant et d’une lame plaquée contre son cou… Le premier et le dernier baiser qu’il aura eu d’elle… Mieux que beaucoup qui n’en avaient pas eu un seul. Et en même temps… Puis… une opération… la vision de deux seins exposés… Baver ? Peut être bien au fond… malgré tout ce qu’il avait pu nier… « Tu m’épouses ou j’te plante »… « T’as vu mes seins donc tu m’épouses »… Souvenirs à nouveau… D’un p’tit bout qui ne se la laissait pas raconter. Et puis… un bal… des pieds écrasés… un serment débile… écuyer… lui ? Oui… Avait elle pensé l’abaisser ? Possible… mais en réalité, il en avait été fier… et ça il ne lui avouerait jamais. Un anoblissement auprès de sa Grasse… Un bain… une vision furtive… Une joute… Des soirées en taverne… des engueulades… souvent… des coups échangés, parfois… Un sourire à la fin… toujours… Excepté… Léger murmure qui s’échappe de ses lèvres mi closes… Sans qu’il puisse le contrôler…


Merci… mon étoile filante…

Morte… Après tout ça… Il ne verrait plus l’Azur s’illuminer et le sourire se dessiner sur ses lèvres, un semblable ornant alors malgré lui les siennes de concert… Plus d’Apo assise en tailleurs sur le comptoir de « tangue y roulotte »… Plus de « salud y libertad »… C’était dingue… Mais dans ces cas là, on pensait à tout ce qu’on avait jamais pu dire et qu’elle ne saurait jamais… Qu’il l’adorait… qu’il l’aurait suivi jusqu’en enfer si elle le lui avait demandé… Et puis… tous ces pardons… qu’elle n’entendrait jamais. L’avait elle pardonné ? Il n’aurait jamais le soulagement d’entendre ses lèvres le dire… il devrait se contenter de ce poids supplémentaire tout le reste de sa vie.


Tu avais raison mon amie… comme d’habitude…

Son regard se durcit un instant… Non… il ne serait pas dit… qu’elle partirait ainsi… laissant ses ennemis se réjouir… ils finiraient par payer… un jour ou l’autre… peut être pas de sa main… peut être pas tout de suite… mais on finissait tous par payer… Peu de choses le retenaient encore en BA… quelques tantes chéries de son cœur, un duc… et… quelques amis… Au final… pas grand-chose en fait. Plus grand-chose… Plus d’Azur en tout cas… Plus de sourires… Plus… d’Apo… Adieu mon amie… garde moi une place pas loin… si tu m’as pardonné… sinon… Qu’importe alors… car peu de choses ont encore suffisamment d’importance à mes yeux… bien peu… Y a tant de choses que j’aurait aimé te dire… Trop tard désormais… Au moins… tu m’auras permis… de vivre…

Elle avait raison de détester les mômes… c’était le sien qui l’avait tué…

Je vais vous raconter l’histoire d’une personne qui aurait pu ne rien avoir d’exceptionnel, mais qui restera à jamais, dans le cœur de beaucoup d’entre nous… Cette personne c’est Apolonie…

Repose en paix… mon amie… après la vie que tu as eu tu le mérites… Repose en paix, mon amie, car moi, vivre ainsi non je ne peux… le sang appelle le sang
MarieAlice
Diplomate, voilà qu'il revenait sur ce qu'il n'était pas. Lui dire qu'il n'avait nul besoin de le préciser car elle savait qui il était? Non, pourquoi donc le faire...

Une autre femme à qui il devait avoir tenue au vu de son regard soudain plus triste. Lien particulier que celui de la vassalité, elle en savait quelque chose et ceux qui étaient les siens désormais étaient proches d'elle, bien plus que ne le fut jamais le premier.

Les mots nous ont rapprochés elle et moi, même si nous les manions différemment.

Un main sur la sienne la tira de ses réflexions, imperceptible tressaillement au contact qu'elle n'avait pas vu venir, nul sentiment de danger, tension qui retombait lentement.

Croquer la vie? Encore faut-il trouver le temps, l'envie... Voire l'énergie pour se faire. La mienne est souvent dirigée par mon devoir. Ainsi me voit-on parfois comme froide. Après tout cela m'arrange bien souvent.

Froide oui, fragile petite chose sans doute sans cervelle puisqu'il paraissait que l'emballage était des plus agréables. De cela aussi elle se servait. Pas si bête ni si frêle que cela la dame.

Nous finirons tous ainsi oui, la question est peut-être quand... Pour le comment, je crois que je préfère l'ignorer, je le verrai bien assez tôt.

Touché l'homme face à elle. Par la mort d'Apolonie, celle de Wiatt, d'autres sans doute. Tout comme elle. La mort étant bien la seule chose qui fauchait petits et puissants indifféremment, sans compromission ni corruption.
_________________
Apo
Il est là, à lui offrir l'éternité, elle est là, à osciller. Elle les voit, tous, elle les détaille, les observe... Elle s'laisse toucher en plein coeur par les flèches du chagrin ressenti par les siens, ceux qu'elle a toujours considérés comme sa famille. De réelle famille, elle n'a connu que Shura, parti, lui aussi, trop tôt, trop vite... Pour le reste, elle se l'est construite. Elle les a choisis, et n'regrette pas un seul de ses choix, pas maintenant alors qu'elle les contemple du haut de sa poutre.

Elle les aime, comme elle ne l'a pas assez fait quand elle était encore de leur monde. Parce que c'n'était pas elle, parce qu'Apo c'est dans les actes qu'on la devinait, avare de paroles, avare de compliments... avare de tout sauf d'encouragements, d'amour et de présence. Les voir là... C'est à la fois si bon et si dur. Comme une envie de leur faire un signe, leur souffler à l'oreille qu'elle est là, toujours, pour eux... Comme envie de retourner dans ce corps torturé qui l'aura tant faite souffrir... Main fantasmagorique qui se saisit de celle d'un ectoplasme qui l'aura attendu si longtemps...

"Merci... Vous voyez... ce que j'ai vécu depuis votre mort... Eux...
J’ai tellement de choses à vous raconter Willen... j'ai aimé, vous me pardonnez ?"

Le regard azur les caresse, les effleure, les détaille... N'apprécie pas les cernes, les marques chagrines qui parsèment les visages de ceux qui ont tant compté à ses yeux... Les anecdotes, les souvenirs, les rires se bousculent dans la tête... Signe de caboche vers Willen, il comprend, il a du suivre, sinon elle lui contera... Elle lui dira...

Mouvements... une Fourmi qui s'échappe, un clin d'oeil qui interprète... File ma gasconne, tout va bien, j'ai fini de compter les pétales, j'ai fini de souffrir, j'ai fini d'vivre en fait... Elle lui dira à son militaire, ce que la gasconne lui aura apporté... Ce que Cym aura créé dans la roulotte qu'elles ont partagé si longtemps. Elle lui racontera les engueulades, les rires et les moqueries. Les épées et le reste... Elle lui dira... Comme elle lui parlera de Neils... Rencontré dans une taverne sarladaise, ce jeune homme qui la choisit plus qu'elle ne le recrute. Qui décide de la suivre. Qui lui aura tant appris, plus encore que ce qu'il aura appris d'elle. Ce lien qui survivra par delà la séparation, quand il repartira vers les siens après sa blessure à Moulins... Elle lui dira, à son fantôme, combien elle aura apprécié la présence de son écuyer "forcé"...

Et puis... ils se lèvent, ils parlent. Oreille attentive aux paroles touchantes qu'elle n'aurait pas cru pouvoir la définir, elle qui n'a fait que vivre, survivre... Bettym d'abord... Sa première amie moulinoise, celle qui l'a accueillie et lui a tout montré. Celle qui l'a amenée à la Source, qui lui a fait découvrir simplement sa vie et qui sera restée, jusqu'au bout... Puis... Kory... Son amie improbable. Celle qui n'aurait pas du le devenir et qui pourtant l'avait été bien plus que d'autres... Celle qui avait ravagé son corps d'une épée qui aujourd'hui reposait près de sa dépouille... jeune femme pleine d'envie et d'idées, pleine de tout, pleine de vie... Kory et leur promenade sur une plage de Montbrison, Kory et les fous rires en parlant de Poutou, Kory et cette soirée avec son frère, ce chapelain qui respecte ses dernières volontés...

Merci Rick... Merci pour cette cérémonie.
Et... autre personne qui s'lève. Sourire goguenard sur lèvres ectoplasmiques. L'omniscience... Quel cadeau sympa... Bah oui Gypsie, que veux-tu que j'te dise, toi qui n'as rien fait pour prendre ta place de belle-mère, toi qui n'as été présente à aucun des évènements de ma vie, toi qui m'as fusillée du regard pendant mon mariage avec ton fils, toi qui rends la vie d'ma sentinelle si banale alors qu'il mérite ce qu'il y a de mieux, toi qui n'as pas su élever ton fils assez bien pour qu'il reste avec sa femme, toi que croyais-tu ? Que j'allais te laisser mon fils ? Que j'allais te laisser un 'de Nerra' pour en faire une fiotte ? Non... Non, surement pas. La notion de famille, je l'ai... accrue, immense, prédominante... Mais ma famille, Rectrice, je me la suis choisie, je l'ai créée, et tu n'en fais pas partie non... j'te dirais bien désolée, mais je ne le suis pas...

Et regardez mon premier amour, regardez là-bas. C'est Namay... Un capitaine gascon qui était sans foi ni loi, qui s'en est découverte une. C'est un ami maintenant... c'était... C'est un capitaine qui a certains principes... qui se bat pour ce en quoi il croit même si ce n'est pas forcément juste... C'est lui.

"Regardez Willen... Voyez-vous ceux qui viennent parler de moi... Voyez-vous combien ils savent tout et si peu..."

Elle sourit doucement. A chacun d'eux une part d'elle... A la gasconne la libertadienne, au gascon la fragile, à Bettym la moulinoise... Marie... Marie qui s'avance, azur qui suit. Marie-Alice... Qui aurait cru qu'elle lui confierait son enfant ? qui aurait cru que ces deux-là étaient amies ? Qui le savait ? Surement terriblement peu dans ce royaume... Discrètes, secrètes, toutes deux renfermant secrets qu'elles ne confient que peu. Et pourtant... Vendome un soir de janvier. Un fessier abîmé, une jeune fille qui découvre la perte... "C'est quand vous êtes mort que je l'ai connue..." Sourire tristement heureux qui s'ébauche sur les ectoplasmiques lèvres... Marie-Alice... Dépositaire de secrets qu'elle n'aurait confié à personne d'autre et pourtant si peu tenue au courant de la vie qu'elle menait. La surprise dans les regards au Lavardin quand les deux femmes s'étaient présentées côte à côte au banquet... Une Sentinelle et la Première Secrétaire d'Etat, diantre...Qu'elles en avaient ri, les deux brunes... Fugace espoir, certitude ancrée... Elle saura s'en occuper, elle saura faire au mieux. N'aie pas peur, j'ai confiance moi. Ne crains rien Marie, je sais que tu feras au mieux. Et c'est juste ce qu'il faut à un enfant ça... Faire au mieux.

Alors que la vicomtesse s'efface, sa sentinelle avance. Pas besoin de le présenter à son compagnon celui-là. Qui en BA ne connait pas Jaz' ? Qui en Auvergne ne sait pas quel homme bon et généreux il est ? Celui qui lui aura servi de père sans le savoir pendant toutes ces années où elle l'aura cotoyé... Lui qui l'aura accrochée aux Sentinelles, lui qui l'aura guidée inconsciemment à coup de phrases distillées précieusement. Pas de conversations interminables entre eux. Juste quelques mots partagés au hasard des envies, récoltés tels des trésors... Toi aussi tu vas me manquer, sais-tu... Sois heureux... et surtout... surtout... Ne te perds pas... Ne t'oublie pas...

Danse macabre qui se poursuit sous le regard plus attendri d'une brunette qui sent des larmes immatérielles se former dans des yeux qui n'existent plus. L'amour cogne dans un coeur qui ne bat plus, manquant faire exploser une demoiselle soudain si nostalgique, soudain si coléreuse de n'avoir pas su envoyer paitre une faucheuse arrivée bien trop tot... Une filleule... la première. L'amie. Leg. Des mots, maladroits pour certains, si justes pour elle. "Vous voyez Willen, vous la connaissez, je vous en ai tant parlé... Elle a grandi, elle est forte, elle est douée, elle..." Mots qui s'éteignent dans la gorge... Parce que c'est Legowen, parce qu'elle aurait beaucoup aimé partager plus avec elle, lui offrir tout ce qu'une marraine devrait offrir à sa filleule, parce qu'elles avaient encore tant à partager. Apolonie aimerait lui dire... Tu es belle, tu es jeune, tu es vivante, tu as tout à faire et tant à découvrir... Arrête de t'enfermer... Profite, regarde, écoute et jouis d'une vie qui t'est offerte et qui te sera longue. Sois ce que tu voudrais être et arrête de te poser des barrières que tu ne mérites pas... Vis Leg, vis... et sois heureuse s'il te plait...

Première larme qui coule sur la joue... qui s'en va rejoindre un sol qui n'en gardera aucune trace... Fantome. Elle n'est plus rien. Même son émotion ne touche plus le monde auquel elle appartenait il y a encore peu. Et pourtant, sa poitrine est oppressée, elle a mal aux tripes, au coeur... Réel ou pas... Elle le sent. Et puis...

Thea. Sa Thea comme elle aimait à le penser, le dire et le crier. Sa filleule, sa protégée, son amie. Thea qui savait tout d'elle, Thea qu'elle n'avait pas ménagé, pas une fois, qu'elle avait poussé, encore, toujours. Qu'elle avait malmenée, puis choyée, à sa façon, apoloniesque... pas très diplomate, pas particulièrement aimante. Mais un lien entre ces deux-là. Thea... Sois pas triste, tu sais que je n'aimerais pas ça. Sois toi, sois forte. Si tu savais ma belle comme tu me ressembles ! En plus forte, en plus douce, en plus diplomate, en plus combattante, en plus acérée, en plus compréhensive... Tu es douée, tu seras... tu seras ce que tu mérites, je ne m'inquiète pas, alors ne t'inquiète pas toi... Tu verras. Tu verras... j'ai à chaque fois eu raison pour toi, continue à me faire confiance... Tu verras ma belle... Tu es mon avenir Thea. "Vous voyez Willen... Elle... vous auriez pu l'aimer à ma place... C'est une jeune femme qui deviendra plus forte que je ne l'ai été... On suivra ce qu'elle devient, n'est-ce pas ?"

L'azur brille de mille larmes alors qu'elle les regarde... Apolonie... Sombre femme, si méchante, si acerbe, si cruelle, si... sensible, si fragile, si... Si et tellement qu'il l'a devinée. Lui... Azur étrangement serein vers le premier qui aura su ravir son coeur, enlevé par d'autres ensuite. "j'ai aimé je vous ai dit... Lui je l'ai aimé. Sincèrement. Peu de temps... Suis morte avant d'avoir pu faire plus. Promesse trahie... " Plissement de nez fantomatique. Elle n'a jamais aimé ne pas tenir une promesse. Et pourtant... Azur encore amoureux qui se pose sur Arthur. Lui qu'elle n'aurait pas du voir, pas du apprécier, encore moins aimer. Ennemis, indifférents, courtois, polis, connaissances, amis... Amants. Ils auraient pu, peut-être, être une famille. Dans un autre monde, une autre vie. La sienne s'était achevée, celle d'Arthur continuait. Dans sa poche, quelques sourires volés au maire, qu'elle embarque avec elle. Parce qu'elle les a aimés. Parce qu'il ne faut pas qu'il en doute. Une phrase qui vient frapper ses oreilles... un souffle qu'elle renvoie, confiant au vent son émotion, quelques syllabes, à lui seul destinées "Oui Arthur... oui je t'ai aimé... " Bien sûr il ne les recevra pas, c'est l'inconvénient d'être un esprit. On sait tout mais on ne peut rien dire... Elle aimerait qu'il trouve bientot un autre horizon, qu'il s'ouvre et vive... Arthur... Retrouve tes sourires. Ceux qui m'ont fait avoir envie de les croquer sur tes lèvres, goutant des baisers comme d'autres savourent des fruits murs, grignotant sur ta peau les saveurs d'une envie, jouant avec toi des rêves qui nous étaient offerts...je ne regrette rien, alors ne ternis pas nos souvenirs... Tu as compté. Tu m'as faite sourire avant qu'on ne m'emporte, qu'on ne me vainque... Tu m'as faite espérer... Ne regrette rien... je ne le fais pas...

Azur tremblant... Elle n'aurait pas du venir finalement. Mais qui assiste à son propre enterrement ? Il lui manque soudain, ce souffle de vie, elle lui arrache la gorge, cette bouffée d'air qu'elle crève d'envie d'avaler, ils lui font mal ces poumons qu'elle aimerait emplir... Elle a mal d'être morte, elle meurt de ne plus être vivante, elle qui l'était tant. Caboche contre épaule ectoplasmique. Savoir que dans la mort on comprend et que Willen l'attend, tranquillement. Dire au revoir n'est pas chose si facile. Et puis il y a les absents… Ceux qui l’ont oubliée, ceux qui sont passés dans sa vie comme des courants d’air, aspirant un peu d’elle pour aller l’expirer ailleurs.

Un écuyer… Un jeune baron imprudent qui avait eu le malheur de la contrarier, et avec qui elle avait tellement crié. Des engueulades à ne plus savoir qu’en faire, et pourtant. Sous les hurlements, une amitié qu’ils n’auraient, ni l’un ni l’autre, accepter de reconnaitre. Des mots si forts, des coups parfois rudes, mais un souvenir qui ne s’efface pas avec la mort. Qui reste. Un Chlo qu’elle aura raillé pour l’embêter, lui la moquant à son tour… Alayn entre les deux qui cherche tantot à les réconcilier, à défaut de pouvoir les séparer… C’est qu’elle en aura vécu des choses, la brunette arrivée timidement à Bourbon, en quelques mois, quelques années… Tellement de monde, tellement de rencontres, tellement de souvenirs qu’elle manque en exploser, inondant d’un ectoplasmique résidu ceux qui assistent à la cérémonie… Doigts immatériels qui serrent encore plus l’étreinte fugace d’une main tout aussi fantôme…

Et l’Absent. Le plus remarqué, le plus remarquable. Son frère, son autre, son double, son âme… Qui ne sera pas venu, mais de cela elle se doutait. Et pourtant elle aurait aimé le montrer à Willen, ce colosse qui aura tant compté pour elle. Cette âme sœur qui déjà lui manque à lui en fourrager les tripes, à la rendre malade. Dans ses bras elle a expiré, dans ses bras elle aurait pu respirer. Ou peut-être pas… L’omniscience… Mais si, vous savez… Celle qui fait qu’elle sait… Elle sait qu’ils n’auraient pas été un couple… Mais qu’il aurait toujours été là pour elle, voire plus, qu’elle aurait tout donné pour lui. Parce qu’ils étaient un… Unis et… non, pas indivisibles, la preuve… Il n’y a plus que lui, elle n’est plus rien, qu’un cadavre qu’on enterre maintenant.

Ils sont à Moulins. Elle montre d’un mouvement de menton la tombe voisine. Celle d’Escorailles, bien sur. Quelle autre aurait bien pu lui tenir compagnie ? La terre bientôt s’amoncelle sur le cercueil, des lustres qu’ils sont ici… Elle ne l’avait même pas remarqué… Une mèche qui tombe alors que le chuchotement de son dernier amoureux s’éteint… et qu’elle prie pour que la lueur dans l’écorce de ses yeux se ranime à la flamme de son souvenir…

Un courant d’air, une Apo qui une dernière fois se fait remarquer, parce que respecter les règles, quand elle aime, elle ne sait pas. Vent aimant qui effleure la nuque attristée de ses filleules, de ses amis, d’une première secrétaire d’état, de ses amants, de son frère, son écuyer, où qu’ils soient et quoiqu’ils fassent… Elle est là, et elle le sera toujours, pour eux…

L’azur à jamais tari se plonge dans le regard patient de celui qui même disparu aura habité ses pensées et ses actes. « je suis prête… » Elle l’a dit, il est temps… Dernier flottement près des siens… Dernier au revoir lâché du bout de l’âme… Et un merci qui continue de graviter autour d’eux, ultime trace du passage d’une Miette dans le royaume…

_________________
See the RP information <<   <   1, 2, 3, ..., 8, 9, 10   >>
Copyright © JDWorks, Corbeaunoir & Elissa Ka | Update notes | Support us | 2008 - 2024
Special thanks to our amazing translators : Dunpeal (EN, PT), Eriti (IT), Azureus (FI)