Arthur Dayne
Des mots, le silence, des mots encore, puis le silence. Lecture du testament. Des mots, toujours. Rien de plus, rien de moins. Des mots qui n'ont pas vraiment de sens, qui ne sont pas vraiment d'elle. Trop guindés, trop encadrés, comme mots. Une pensée pour ses proches, quelques legs qui, malgré tout, arrachent un sourire à Arthur. Sourire salé, nourri de ses larmes, qui s'écoulent silencieusement le long de ses joues ravagées.
Un sac de miettes pour Grid. L'étalon pour Stase. Les épées, les dagues. Eikorc. Lui qui plus que la mort, se sera mis entre eux. Sans même le savoir. Ne pense pas à lui, Arthur. Tu t'en briserais encore les doigts. Eikorc, ce n'est qu'un mot. Un nom, quelques lettres. Du vent.
Des mots qui en remplacent d'autres. De qui parlent-ils, ces êtres qui se succèdent devant le cercueil? De toi, parait-il. Oui, quelques paroles ont plus de sens que d'autres. Et des intonations, surtout. Des voix tremblantes, ou décorées d'un faible sourire. Des échos qui se font dans la mémoire d'Arthur, des gestes, une lueur au fond d'un regard, un peu d'elle qui revit.
Doit-il y aller à son tour? Parler d'elle devant eux? Et pour dire quoi? La plupart de ceux présents ne le connaissent pas. Qu'irait-il leur dire... Qu'irait lui dire... Des mots qu'elle n'entendrait peut-être pas. Et si elle les entendait, cela changerait-il quelque chose?
Peut-être. Dire sa douleur l'atténuerait, peut-être. Mais pas ici, pas dans ce lieu qui ne leur ressemblait pas.
Signe de l'officiant. Arthur quitta le contact presque rassurant de la pierre froide, et se leva, en même temps que ses compagnons d'infortune. Petit regard à Grid. Etrange connivence, en cet instant douloureux. Cette fois, on y était. Le dernier voyage de cette boîte en bois et de celle qu'elle contenait. Les six porteurs reprirent leur fardeau pour mieux s'en libérer.
Puis cette longue marche jusqu'à Moulins, terre dans laquelle elle reposerait pour l'éternité. Sa terre. Jamais cela n'eut plus de sens aux yeux d'Arthur. Jamais cet attachement d'Apolonie pour Moulins ne lui parut plus clair qu'en cet instant. Oui, Moulins était sa terre, comme elle l'était pour tant d'autres. Mais un peu plus, en cet instant, pour la voyageuse qui, toujours, revenait reposer son âme dans ce petit village qu'elle aimait tant, malgré tout. Elle voulait y rester, avait-elle dit. Ils voulaient partir, tous les deux, voyager ensemble, voir le royaume main dans la main, mais Moulins devait être, quoiqu'il advienne, leur foyer. Quoiqu'il advienne...
Sauf ça. Sauf cette absurdité qui avait cueilli Apolonie à l'aube de leur amour. Au crépuscule de sa vie, alors qu'elle ignorait. Qu'il l'ignorait. Peut-être qu'elle, au fond d'elle même, le savait. Peut-être...
Trop de peut-être les accompagnaient sur cette route désuète vers le dernier refuge d'Apolonie. Tant de possibilités qui s'ouvraient à eux, brutalement disparues. Dire que tu es partie trop tôt n'a pas de sens, mon horizon. Et pourtant...
Ils arrivèrent enfin en vue du cimetière. La terre attendait son dû, prête à accueillir ce corps qui lui était rendu. Bientôt, son Apolonie disparaîtrait bel et bien de la lumière du jour. L'herbe repousserait par dessus elle, il ne subsisterait plus rien qu'une vague pierre pour marquer son présence. Son absence. Une vague pierre, et les souvenirs d'Arthur. Un plissement de nez. Un sourire, d'abord arraché, puis offert de bon coeur. Une bise déposé sur sa joue. Un baiser dérobé sur ses lèvres.
Alors que le cercueil touchait la terre, au fond du dernier refuge qui l'accueillait, et que l'officiant invitait, après avoir rendu les derniers sacrements, les présents à se recueillir une dernière fois, Arthur sentit lui monter du fond des tripes ce besoin de parler. De lui parler, une dernière fois. Les autres, ses proches, ses amis, ses ennemis, parfois, passèrent les uns après les autres. Connus ou inconnus de lui, chacun jeta une poignée de terre, une fleur, un signe d'amitié. Il attendit. Lorsque tout le monde fut passé, que les premiers quittaient le petit cimetière, Arthur s'approcha à son tour.
Les yeux posés sur le bois du cercueil, que la terre jetée par poignée avait commencé à recouvrir, Arthur murmura. Peut être que les personnes encore présentes le regardaient, se demandant quelle litanie il prononçait. Peut être que certains l'entendaient, même. Mais plus grand chose n'existait, en cet instant, aux yeux d'Arthur. Juste elle, sous cette terre, sous cette planche de bois.
Apolonie, mon horizon... Tu ne voudrais pas me voir comme ça, je le sais. Alors je ne vais pas sangloter de belles paroles. Juste te dire ce que j'aurais aimé pouvoir te dire.
Tu vas me manquer. Terriblement, comme je ne m'en rends probablement même pas tout à fait compte. Tu m'as apporté ce que je n'aurais jamais pu même imaginer.
Je t'ai détesté, tu m'as détesté. Et puis, petit à petit, nous nous sommes approchés, comme deux proies ne sachant pas trop comment se comporter l'une avec l'autre. J'étais là lorsque tu as traversé ces épreuves terribles. Nous nous sommes battus, une fois de plus, parce que tu ne voulais pas quitter ton armure, parce que je voulais que tu hurles ce que tu voulais tant hurler pour commencer à te guérir.
Je ne sais pas qui a gagné ce combat. Tu as fini par pleurer, et avec tes larmes s'est dissoute ton armure, devant mes yeux. Tu as révélé ce dont je doutais, ce qui était vraiment toi, derrière toutes ces voiles qui te masquaient.
Et puis, alors que je croyais te connaître, tu m'as surprise. Tu es venu cueillir ce baiser qui, je ne l'ai su qu'après, n'attendait que de tomber sur tes lèvres. Tu m'as emmené dans un tourbillon que j'ai cru sans fin. J'ai du combattre, j'ai du choisir.
Les moments qui suivirent furent délicieux. Ces moments passés contre toi, à t'écouter me raconter tes rêves, ta vie, et te parler de mes peurs, de mes envies, me semblent tellement irréels aujourd'hui, comme s'ils n'étaient qu'une sorte de rêve fugace et déjà évanoui.
Nous nous sommes apprivoisés l'un et l'autre, et le chemin que nous avions ouvert me paraissait immense, empli de possibilités envoutantes et exaltantes, mystérieuses et inconnues. Quoiqu'en disent aujourd'hui ceux qui croient te connaître, je sais les mots et les regards que nous avons échangé. Je sais ce soir où tu m'as dit que notre avenir s'écrirait à quatre.
Aujourd'hui, quatre ne sont plus que trois, et trois ne sont plus ensemble. Il n'a suffi que d'un coup de faux, cruel, absurde, brutal, pour mettre fin à tout cela.
Je t'ai aimé, Apolonie de Nerra, comme je n'aurais jamais cru pouvoir t'aimer. Je ne sais pas si la force de tes sentiments était la même, je ne sais pas quelle était la place d'Eikorc au milieu de ton coeur... mais je te remercie pour ce que tu m'as permis de vivre.
La plaie qui s'est ouverte lorsque tu es partie ne se referma sans doute jamais... mais elle s'apaise, peu à peu. Parce que je sais que tu n'aurais pas voulu me voir devenir l'épave que je fus ces derniers jours. Parce que je sais que le fait que tu ne sois plus là ne change rien aux rêves que nous avons construit ensemble.
Parce que je sais que la place que tu occupes en moi restera, même si tu n'es plus là. Parce que les souvenirs que nous avons partagé ne quitteront jamais mon âme.
Je crois qu'il est temps... Adieu, mon horizon. Adieu, étrange tournant de ma vie, adieu toi qui fus la plus belle des flammes à laquelle je me sois brûlé.
Adieu, Apolonie. Les mots sont durs, mais ils ne sont que des mots. Adieu n'en est qu'un parmi d'autres. Un peu de toi s'en est allée, mais ce qui reste de toi en moi n'a pas de prix. Et tous les adieux du monde n'y pourront rien.
Adieu, Apolonie...
Une fois tous ces mots sortis de lui, comme le sang que l'on sort d'une blessure pour rendre plus aisée la cicatrisation, Arthur prit son couteau, coupa une mèche de ses cheveux, et la laissa tomber sur le cercueil. Hommage que l'on rendait aux guerriers, de là où il venait. A ceux qui ont toujours combattu pour ce en quoi ils croyaient. Et surtout, pour qu'elle garde, de l'autre côté de la rivière, un peu de lui.
Adieu, Apolonie. Tu vas me manquer, sale gamine butée. Jusqu'au bout, tu auras voulu avoir raison.
Arthur laissa enfin ses jambes l'emmener un peu plus loin, là où ce gouffre dans lequel on avait plongé le corps d'Apo et son bonheur n'était plus devant ses yeux. D'autres personnes, des proches, étaient encore là, dans le petit cimetière de Moulins. Il était temps de rentrer au village. Iliana l'y attendait. Elle sans qui rester en ce bas monde n'aurait eu aucun sens. Sa fille, grâce à qui il avait pu trouver la force de devoir dire adieu à Apo.
Il est temps. Adieu Apolonie. Etrange solitude induite par ces mots. Son nom pour dire l'absence. Mots qui doivent être prononcés, pour prendre corps, pour continuer le chemin, parce que c'est ce qu'elle aurait voulu. Et cette question, qui reste comme un lambeau de brouillard, évanescent, prégnant. Parce que tout a été trop vite, parce qu'ils n'ont pas pu se parler. Parce que l'instant, comme ils l'ont tant cherché, ne laisse pas place aux mots.
M'as-tu aimé, Apolonie? Ultime doute, ultime blessure. Peut-être qu'en écoutant le vent...
Il est temps.
Adieu, mon horizon...
Un sac de miettes pour Grid. L'étalon pour Stase. Les épées, les dagues. Eikorc. Lui qui plus que la mort, se sera mis entre eux. Sans même le savoir. Ne pense pas à lui, Arthur. Tu t'en briserais encore les doigts. Eikorc, ce n'est qu'un mot. Un nom, quelques lettres. Du vent.
Des mots qui en remplacent d'autres. De qui parlent-ils, ces êtres qui se succèdent devant le cercueil? De toi, parait-il. Oui, quelques paroles ont plus de sens que d'autres. Et des intonations, surtout. Des voix tremblantes, ou décorées d'un faible sourire. Des échos qui se font dans la mémoire d'Arthur, des gestes, une lueur au fond d'un regard, un peu d'elle qui revit.
Doit-il y aller à son tour? Parler d'elle devant eux? Et pour dire quoi? La plupart de ceux présents ne le connaissent pas. Qu'irait-il leur dire... Qu'irait lui dire... Des mots qu'elle n'entendrait peut-être pas. Et si elle les entendait, cela changerait-il quelque chose?
Peut-être. Dire sa douleur l'atténuerait, peut-être. Mais pas ici, pas dans ce lieu qui ne leur ressemblait pas.
Signe de l'officiant. Arthur quitta le contact presque rassurant de la pierre froide, et se leva, en même temps que ses compagnons d'infortune. Petit regard à Grid. Etrange connivence, en cet instant douloureux. Cette fois, on y était. Le dernier voyage de cette boîte en bois et de celle qu'elle contenait. Les six porteurs reprirent leur fardeau pour mieux s'en libérer.
Puis cette longue marche jusqu'à Moulins, terre dans laquelle elle reposerait pour l'éternité. Sa terre. Jamais cela n'eut plus de sens aux yeux d'Arthur. Jamais cet attachement d'Apolonie pour Moulins ne lui parut plus clair qu'en cet instant. Oui, Moulins était sa terre, comme elle l'était pour tant d'autres. Mais un peu plus, en cet instant, pour la voyageuse qui, toujours, revenait reposer son âme dans ce petit village qu'elle aimait tant, malgré tout. Elle voulait y rester, avait-elle dit. Ils voulaient partir, tous les deux, voyager ensemble, voir le royaume main dans la main, mais Moulins devait être, quoiqu'il advienne, leur foyer. Quoiqu'il advienne...
Sauf ça. Sauf cette absurdité qui avait cueilli Apolonie à l'aube de leur amour. Au crépuscule de sa vie, alors qu'elle ignorait. Qu'il l'ignorait. Peut-être qu'elle, au fond d'elle même, le savait. Peut-être...
Trop de peut-être les accompagnaient sur cette route désuète vers le dernier refuge d'Apolonie. Tant de possibilités qui s'ouvraient à eux, brutalement disparues. Dire que tu es partie trop tôt n'a pas de sens, mon horizon. Et pourtant...
Ils arrivèrent enfin en vue du cimetière. La terre attendait son dû, prête à accueillir ce corps qui lui était rendu. Bientôt, son Apolonie disparaîtrait bel et bien de la lumière du jour. L'herbe repousserait par dessus elle, il ne subsisterait plus rien qu'une vague pierre pour marquer son présence. Son absence. Une vague pierre, et les souvenirs d'Arthur. Un plissement de nez. Un sourire, d'abord arraché, puis offert de bon coeur. Une bise déposé sur sa joue. Un baiser dérobé sur ses lèvres.
Alors que le cercueil touchait la terre, au fond du dernier refuge qui l'accueillait, et que l'officiant invitait, après avoir rendu les derniers sacrements, les présents à se recueillir une dernière fois, Arthur sentit lui monter du fond des tripes ce besoin de parler. De lui parler, une dernière fois. Les autres, ses proches, ses amis, ses ennemis, parfois, passèrent les uns après les autres. Connus ou inconnus de lui, chacun jeta une poignée de terre, une fleur, un signe d'amitié. Il attendit. Lorsque tout le monde fut passé, que les premiers quittaient le petit cimetière, Arthur s'approcha à son tour.
Les yeux posés sur le bois du cercueil, que la terre jetée par poignée avait commencé à recouvrir, Arthur murmura. Peut être que les personnes encore présentes le regardaient, se demandant quelle litanie il prononçait. Peut être que certains l'entendaient, même. Mais plus grand chose n'existait, en cet instant, aux yeux d'Arthur. Juste elle, sous cette terre, sous cette planche de bois.
Apolonie, mon horizon... Tu ne voudrais pas me voir comme ça, je le sais. Alors je ne vais pas sangloter de belles paroles. Juste te dire ce que j'aurais aimé pouvoir te dire.
Tu vas me manquer. Terriblement, comme je ne m'en rends probablement même pas tout à fait compte. Tu m'as apporté ce que je n'aurais jamais pu même imaginer.
Je t'ai détesté, tu m'as détesté. Et puis, petit à petit, nous nous sommes approchés, comme deux proies ne sachant pas trop comment se comporter l'une avec l'autre. J'étais là lorsque tu as traversé ces épreuves terribles. Nous nous sommes battus, une fois de plus, parce que tu ne voulais pas quitter ton armure, parce que je voulais que tu hurles ce que tu voulais tant hurler pour commencer à te guérir.
Je ne sais pas qui a gagné ce combat. Tu as fini par pleurer, et avec tes larmes s'est dissoute ton armure, devant mes yeux. Tu as révélé ce dont je doutais, ce qui était vraiment toi, derrière toutes ces voiles qui te masquaient.
Et puis, alors que je croyais te connaître, tu m'as surprise. Tu es venu cueillir ce baiser qui, je ne l'ai su qu'après, n'attendait que de tomber sur tes lèvres. Tu m'as emmené dans un tourbillon que j'ai cru sans fin. J'ai du combattre, j'ai du choisir.
Les moments qui suivirent furent délicieux. Ces moments passés contre toi, à t'écouter me raconter tes rêves, ta vie, et te parler de mes peurs, de mes envies, me semblent tellement irréels aujourd'hui, comme s'ils n'étaient qu'une sorte de rêve fugace et déjà évanoui.
Nous nous sommes apprivoisés l'un et l'autre, et le chemin que nous avions ouvert me paraissait immense, empli de possibilités envoutantes et exaltantes, mystérieuses et inconnues. Quoiqu'en disent aujourd'hui ceux qui croient te connaître, je sais les mots et les regards que nous avons échangé. Je sais ce soir où tu m'as dit que notre avenir s'écrirait à quatre.
Aujourd'hui, quatre ne sont plus que trois, et trois ne sont plus ensemble. Il n'a suffi que d'un coup de faux, cruel, absurde, brutal, pour mettre fin à tout cela.
Je t'ai aimé, Apolonie de Nerra, comme je n'aurais jamais cru pouvoir t'aimer. Je ne sais pas si la force de tes sentiments était la même, je ne sais pas quelle était la place d'Eikorc au milieu de ton coeur... mais je te remercie pour ce que tu m'as permis de vivre.
La plaie qui s'est ouverte lorsque tu es partie ne se referma sans doute jamais... mais elle s'apaise, peu à peu. Parce que je sais que tu n'aurais pas voulu me voir devenir l'épave que je fus ces derniers jours. Parce que je sais que le fait que tu ne sois plus là ne change rien aux rêves que nous avons construit ensemble.
Parce que je sais que la place que tu occupes en moi restera, même si tu n'es plus là. Parce que les souvenirs que nous avons partagé ne quitteront jamais mon âme.
Je crois qu'il est temps... Adieu, mon horizon. Adieu, étrange tournant de ma vie, adieu toi qui fus la plus belle des flammes à laquelle je me sois brûlé.
Adieu, Apolonie. Les mots sont durs, mais ils ne sont que des mots. Adieu n'en est qu'un parmi d'autres. Un peu de toi s'en est allée, mais ce qui reste de toi en moi n'a pas de prix. Et tous les adieux du monde n'y pourront rien.
Adieu, Apolonie...
Une fois tous ces mots sortis de lui, comme le sang que l'on sort d'une blessure pour rendre plus aisée la cicatrisation, Arthur prit son couteau, coupa une mèche de ses cheveux, et la laissa tomber sur le cercueil. Hommage que l'on rendait aux guerriers, de là où il venait. A ceux qui ont toujours combattu pour ce en quoi ils croyaient. Et surtout, pour qu'elle garde, de l'autre côté de la rivière, un peu de lui.
Adieu, Apolonie. Tu vas me manquer, sale gamine butée. Jusqu'au bout, tu auras voulu avoir raison.
Arthur laissa enfin ses jambes l'emmener un peu plus loin, là où ce gouffre dans lequel on avait plongé le corps d'Apo et son bonheur n'était plus devant ses yeux. D'autres personnes, des proches, étaient encore là, dans le petit cimetière de Moulins. Il était temps de rentrer au village. Iliana l'y attendait. Elle sans qui rester en ce bas monde n'aurait eu aucun sens. Sa fille, grâce à qui il avait pu trouver la force de devoir dire adieu à Apo.
Il est temps. Adieu Apolonie. Etrange solitude induite par ces mots. Son nom pour dire l'absence. Mots qui doivent être prononcés, pour prendre corps, pour continuer le chemin, parce que c'est ce qu'elle aurait voulu. Et cette question, qui reste comme un lambeau de brouillard, évanescent, prégnant. Parce que tout a été trop vite, parce qu'ils n'ont pas pu se parler. Parce que l'instant, comme ils l'ont tant cherché, ne laisse pas place aux mots.
M'as-tu aimé, Apolonie? Ultime doute, ultime blessure. Peut-être qu'en écoutant le vent...
Il est temps.
Adieu, mon horizon...