Shae
La belle avait suivi Rivian sans l'ombre d'une hésitation. Elle avait grandi en plein cur de ce monde de débauche et de soupirs lascifs, et se sentait instinctivement à son aise au près des ouvriers du sens... Le voyage l'avait trop éreintée pour qu'elle puisse s'adonner à quelque "entraînement", non pas que le brun lui déplût, bien entendu... Elle avait partagé son lit avec des êtres autrement moins attirants. Elle se contenta de le suivre, talonnée par le roux, et demeura sur le pas de la porte des chambres malgré la volonté apparente de Rivian d'y entrer pour s'y forger une connaissance plus ample de sa personne. Finalement, ébahie par l'immensité de ce qu'elle avait tout d'abord considéré comme un modeste lupanar à trois sous et autant de chambres, elle leur faussa compagnie. Elle était toujours dans cette phase de découverte qu'elle devait achever, à chaque arrivée dans un nouveau lieu, avant de ne s'y sentir réellement chez elle. Découvrant dans les méandres du troisième étage une petite pièce dont le mobilier hautement suggestif - un lit, une petite étagère débordant de foulards et de dessous, un miroir ouvragé, quelques lanternes tamisées projetant des ombres languissantes le long des murs rouges... - la fit sourire, elle y pénétra et s'allongea sur les draperies mauves. Ses lourdes paupières s'abaissèrent sur ses beaux yeux vairons, et elle s'endormit, sombrant dans quelque vieux rêve qui la ramena à l'Andalouse des débuts.
Elle s'éveilla moins d'une heure plus tard. Shae n'avait jamais eu besoin de beaucoup de sommeil. C'était l'une de ces choses qui faisaient d'elle une perle pour les tauliers. Elle se leva et, debout devant le miroir, laissa glisser au sol sa robe. Elle détacha la foulard qui étreignait son cou, et le coinça dans ses cheveux, réajustant au passage la cascade de boucles sombres. Elle arpenta la pièce quelques instants, la nudité impudique et gracieuse, perdue dans les comparaisons qu'elle ne cessait de tracer avec les précédentes maisons closes où elle avait oeuvré. Puis elle alla fouiller dans l'étagère. Elle en extirpa une courte jupe de satin d'un bleu plus profond que la nuit, et une chemise de lin blanche si légère et si transparente qu'elle ne méritait que très lointainement le nom de "vêtement". Elle enfila l'ensemble, se jeta un oeil - le vert ! - dans la glace. Tout seyait à ce corps-là... Mais la belle dut reconnaître qu'elle avait vu juste, cette fois-ci. Elle déboutonna tout de même les deux premiers boutons de la chemise, révélant une échancrure des plus voluptueuses, avant de fermer la porte derrière elle.
Shae regagna la pièce où elle était arrivée, un peu plus tôt. Là, Mondine conversait avec un homme - l'expérience de la belle ne lui laissa aucun doute quant à l'identité de ce beau garçon-là. Il était comme elle, dévoué depuis bien longtemps aux galanteries nocturnes... - et une dame blonde dont la soutane, en revanche, détonnait parmi le décor. Avec un geste de la tête vers le trio, Shae s'assit sur un fauteuil molletonné et, tirant de sa jupe un éventail de dentelle noire, en joua autour de son délicieux visage. Si le message n'était pas assez clair, elle s'en arrangea en envoyant à Mesrant un regard troublant - oh presque une blague entre "Aubépiniens"... elle savait bien que tous ceux qui, comme elle, vendait du plaisir, connaissait les astuces, les secrets, l'art et la manière de mouvoir les cils, de mordre les lèvres, de pencher la tête... bref, elle savait que ses "co-équipiers" ne se laisseraient guère berner par les jeux de séduction qui, en général, ameutaient les clients.
Et ce message était le suivant : la belle était prête à se mettre au travail.
En parlant de travail... Un messire entra soudain, en brâmant tout un tas de ces subtils poèmes que l'on n'avait l'heur d'entendre que lorsqu'on avait l'honneur de travailler dans un lupanar. Shae sourit, et se leva promptement.
Si tu me permets, monsieur, déclara-t-elle tandis qu'un pan de sa chemise désertait complètement-par-hasard l'une de ses épaules, l'âge dont tu parles a été tellement tendre avec toi, que je ne t'aurais pas donné plus de vingt ans.
Le vouvoiement n'existait pas dans sa langue natale, et elle ne l'avait jamais maîtrisé. Sa toute première patronne avait trouvé que ce détail lui donnait un petit quelque chose d'effronté qui participait à son succès... Forte de son mensonge éhonté, Shae consulta Mondine du regard entre deux illades gourmandes plus vraies que nature décochées au vieillard. Elle n'était pas bien certaine du fonctionnement de ce drôle de bordel... Les règles des maisons closes étaient loin d'être universelles. Et elle espérait bien que la rousse lui vienne en aide avant de faire une bêtise... Attendant ses instructions, elle fit quelques pas en direction du tout premier client, habillant pour l'occasion l'oeil bleu comme l'oeil vert d'un éclat mutin.
Elle s'éveilla moins d'une heure plus tard. Shae n'avait jamais eu besoin de beaucoup de sommeil. C'était l'une de ces choses qui faisaient d'elle une perle pour les tauliers. Elle se leva et, debout devant le miroir, laissa glisser au sol sa robe. Elle détacha la foulard qui étreignait son cou, et le coinça dans ses cheveux, réajustant au passage la cascade de boucles sombres. Elle arpenta la pièce quelques instants, la nudité impudique et gracieuse, perdue dans les comparaisons qu'elle ne cessait de tracer avec les précédentes maisons closes où elle avait oeuvré. Puis elle alla fouiller dans l'étagère. Elle en extirpa une courte jupe de satin d'un bleu plus profond que la nuit, et une chemise de lin blanche si légère et si transparente qu'elle ne méritait que très lointainement le nom de "vêtement". Elle enfila l'ensemble, se jeta un oeil - le vert ! - dans la glace. Tout seyait à ce corps-là... Mais la belle dut reconnaître qu'elle avait vu juste, cette fois-ci. Elle déboutonna tout de même les deux premiers boutons de la chemise, révélant une échancrure des plus voluptueuses, avant de fermer la porte derrière elle.
Shae regagna la pièce où elle était arrivée, un peu plus tôt. Là, Mondine conversait avec un homme - l'expérience de la belle ne lui laissa aucun doute quant à l'identité de ce beau garçon-là. Il était comme elle, dévoué depuis bien longtemps aux galanteries nocturnes... - et une dame blonde dont la soutane, en revanche, détonnait parmi le décor. Avec un geste de la tête vers le trio, Shae s'assit sur un fauteuil molletonné et, tirant de sa jupe un éventail de dentelle noire, en joua autour de son délicieux visage. Si le message n'était pas assez clair, elle s'en arrangea en envoyant à Mesrant un regard troublant - oh presque une blague entre "Aubépiniens"... elle savait bien que tous ceux qui, comme elle, vendait du plaisir, connaissait les astuces, les secrets, l'art et la manière de mouvoir les cils, de mordre les lèvres, de pencher la tête... bref, elle savait que ses "co-équipiers" ne se laisseraient guère berner par les jeux de séduction qui, en général, ameutaient les clients.
Et ce message était le suivant : la belle était prête à se mettre au travail.
En parlant de travail... Un messire entra soudain, en brâmant tout un tas de ces subtils poèmes que l'on n'avait l'heur d'entendre que lorsqu'on avait l'honneur de travailler dans un lupanar. Shae sourit, et se leva promptement.
Si tu me permets, monsieur, déclara-t-elle tandis qu'un pan de sa chemise désertait complètement-par-hasard l'une de ses épaules, l'âge dont tu parles a été tellement tendre avec toi, que je ne t'aurais pas donné plus de vingt ans.
Le vouvoiement n'existait pas dans sa langue natale, et elle ne l'avait jamais maîtrisé. Sa toute première patronne avait trouvé que ce détail lui donnait un petit quelque chose d'effronté qui participait à son succès... Forte de son mensonge éhonté, Shae consulta Mondine du regard entre deux illades gourmandes plus vraies que nature décochées au vieillard. Elle n'était pas bien certaine du fonctionnement de ce drôle de bordel... Les règles des maisons closes étaient loin d'être universelles. Et elle espérait bien que la rousse lui vienne en aide avant de faire une bêtise... Attendant ses instructions, elle fit quelques pas en direction du tout premier client, habillant pour l'occasion l'oeil bleu comme l'oeil vert d'un éclat mutin.