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[RP] L'Idiote rouge et or

Aimbaud
Aimbaud opina à la question de Blanche, tout en la surveillant de quelques coups-d'oeils dérobés, tandis qu'il écoutait les garçons prononcer leurs hommages. Il tenta de s'absorber entièrement dans la conversation enfantine, et d'écouter avec attention. L'air que la castillane avait déplacé en se tournant vers un siège, fit voler jusqu'à son visage une essence ténue de parfum. Ce rappel le fit tiquer près de la paupière. Il fronça les sourcils pour se concentrer sur les petits da Lua, l'oeil dans l'ombre et les lèvres pincées. À croire qu'il les étudiant scientifiquement.

Et il les étudiait en effet, même s'il avait l'esprit survolté par la présence de cette femme qu'il tenait hors de son champ de vision, là-bas dans un coin de la tente. Il trouva que Lestan ressemblait bien plus à sa mère, bien que Johann avait indéniablement du "Blanche" dans le bout du nez et la bouche. Blanche avait eut le bon ton de leur laisser les cheveux tombants, ce qui faisait rouler l'or autour de leurs oreilles. Franchement, cette paire de frères était belle comme un tableau.

Mais c'est sur le cadet, sans le vouloir, que le jeune marquis insistait avec une curiosité impossible à contenir. Était-ce bien vrai que cet épouvantail aux grosses joues provenait d'un lieu qu'on appelait le clos, sur les terres de Donges, à l'endroit où poussaient jadis du blé en pagaille, du chiendent, et des cerisiers à l'ombre desquels il avait puissamment aimé Blanche ? Il cherchait, par des regards insistants, à percer le secret. Mais cette bouille pâle aux yeux adorables ne lui disaient rien qui fut de lui. Il voyait Blanche, il ne s'y voyait pas ! Et puis cette paille à la place des cheveux... Oui bon, il y avait du blé, ce jour-là...

Il observa donc longtemps sa faute, avant d'en revenir à celle d'un autre. Il salua l'air renfrogné de Johann d'un sourire engageant, les mains croisées dans le dos. N'ayant rien compris au breton (ses dernières leçons dataient), ni à l'espagnol, il ne releva que le français :


Vous êtes pardonné, sieur. Je ne vous en tiens pas rigueur. Quant à mon épouse, je la saluerai de votre part, aussi gentiment que vous le fîtes.

Cherchant autour de lui une idée qui pourrait rompre le côté solennel de l'échange, afin d'égayer l'un, de calmer l'autre, et de contenter la mère du même coup, il pointa le doigt vers son serviteur avec une brève hésitation.

Aymon, des gâteaux.

Ayant prononcé l'ordre à mi-voix, il insista posément du regard. Puis ramenant ses mains contre le velours de son habit, un gambison bleu aux riches lacets, il essuya discrètement ses paumes avant de saisir un ouvrage sur le pupitre qui lui servait en prière, et à entreposer divers trucs...

Prenez ceci.

Fit-il à l'aîné, lui tendant l'objet sous le coup d'une impulsion. Il mit un genou en terre pour deviser plus aisément, à hauteur d'enfant. Le livre n'était guère épais, il contenait une quarantaine de pages manuscrites copiées et peintes par des clercs nivernais. Le Bourguignon en expliqua le contenu, auréolant son présent de gestes.

C'est un cahier sur la chasse. Je l'ai en double exemplaire. Vous y verrez reproduites les meilleures races de chiens, les stratégies ordinaires dont on use pour la vénerie, et les courtoisies. Il y a des schémas, là. Les textes évoquent seulement des bois bourguignons, mais l'on trouve sûrement les mêmes gibiers par chez vous, à deux trois espèces près. Cela vous sera un exercice de lecture plus plaisant que le livre des vertus. Hum ?

Non qu'il souhaita spécialement sympathiser avec Johann, mais c'était le moindre de ses devoirs, de satisfaire un soir aux caprices des enfants de Blanche. Faute d'avoir su lui préserver dignité... Il tourna la tête vers la jeune-femme, guettant son approbation du bout des yeux, par trop sérieux et grave, pour être naturel.
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Blanche_
De là où elle était, assise dans un coin de la tente à gouverner sur sa marmaille comme devait le faire une louve, ou une laie, Blanche trouvait que la gentillesse d'Aimbaud ressemblait beaucoup à de la pitié.
Elle ne disait pas grand chose, prise dans cette raréfaction de gestes et ce mutisme inhabituel comme un élément du décor dans un tableau de maître -pour rester dans la comparaison- et si ce n'était ces yeux qui lançaient des éclairs si les enfants ne filaient pas droit, elle ne bougeait pour ainsi dire pas du tout. Les deux mains croisées sur ses cuisses n'avaient pas encore osé bouger, ou leur immobilité leur plaisait, mais ce qui était sûr c'est qu'elle avait laissé au trio le monopole de la parole, espérant peut être, goutant peut être à la si rare proximité de ce père près de son fils, et y trouvant, malgré l'indécence de la génétique une filiation spirituelle très belle.
Même, et si l'idée fugace de pitié qu'il pourrait avoir lui restait, elle appréciait à sa juste valeur le cadeau d'Aimbaud à Johann, trouvant là... Un juste caprice du destin. Il espérait un père, en obtenait un pour quelques minutes, un bien différent de celui qu'ils avaient côtoyé à Gondomar, car on ne lui offrait que rarement des livres d'images sur des chevaliers ou des chasseurs.

Aimbaud tourna la tête vers elle. Elle bénit cette distance qui rendait l'échange de regards supportables, et hocha la tête. Une inclinaison lente vers le bas, plus rapide vers le haut, trouvant plus de majesté dans le silence d'un chef qui opine que les balbutiements ridicules qu'elle aurait été apte à sortir ; elle attendait les gâteaux d'Aymon et ne jugea pas alors bon de faire comme si tout son être attendait seulement son maître ce qui était pourtant vrai.
Une fois qu'elle eut acquiescé à la demande du duc, elle resta de marbre et fit mine d'attendre sa collation ; il n'y avait alors pas plus de tumulte dans ce tout petit bout de femme qu'il eût été possible d'en mettre : impatiente, ayant brusquement fort chaud, elle tentait pour se rassurer quelques gestes de caresses discrètes, comme des mains qui se croisent et se recroisent pour le plaisir d'en sentir la baiser de peau, ou ses lèvres qu'elle tortillait et mordait discrètement, ou ses cheveux qu'elle remettait sans arrêt derrière ses oreilles : toutes ces marques d'affections qu'ils avaient partagées, et qu'inconsciemment dans son sillage, par nostalgie ou par désir, elle provoquait à elle-seule.


Remercie sa Grâce, dit-elle à son fils en sortant brusquement de son silence. Elle fit ensuite, ayant beaucoup de mal à regarder vers Aimbaud, un happé de lèvres dans sa bouche, cachant sa lippe inférieure et regardant ailleurs, bref, fortement incommodée.
Elle ne le savait pas encore, mais il n'y avait qu'avec cet homme que tout acte de chair lui avait été agréable, et si l'esprit l'effaçait pour garder une certaine quiétude, son corps lui ne cessait de lui marteler dans l'espoir qu'elle s'abandonne à son amant illégitime, comme il eût été possible qu'un animal le fasse à son maître. Le concept d'un amour absolu, passionnel, possessif lui avait toujours échappé bien qu'elle trouvât cela romantique ; et si elle appartenait à Aimbaud corps et âme, dieu elle n'en avait pas la moindre idée.
Elle s'entendait rougir et balbutier, mais n'attribuait pas cela au moindre sentiment d'amour ou de passion ; et si sa voix changeait, si sa peau brillait, elle trouvait cela agréable sans y trouver la corrélation que son fils Johann avait été capable de faire. Damned.


Mon fils Johann serait fort aise de parler avec vous de la manière la plus habile de tuer des cerfs ou des sangliers. Je me souviens que vous y êtes très doué.

Regard de coté, tête penchée.
Demi-sourire.
Guette ce sens caché que je te lance comme une perche!

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Aymon
Un gâteau pour l'aîné, un pour le cadet. Un pour la mère. Toujours plus évidente dans son jeu et dans ses manières de femme tentatrice. Déconcertante. Il était mal à l'aise et furieux, furieux pour son maître dont cette castillane agissait à sa guise. Mais il n'appartient pas aux valets de sermonner leurs seigneurs...
Mais c'était leurs histoires, après tout. On ne le mêlerait plus à tout cela, il s'en lavait les mains, il ne voulait plus savoir ce qu'il y avait entre Aimbaud, Blanche et ces deux garçonnets. L'intimité grandissante de la scène le mettait d'ailleurs mal à l'aise.

Les lèvres pincées et le regard réprobateur, il s'alla poster à l'entrée de la tente, priant pour qu'on l'y oublie.

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Lestan
-Bonsoiiirée, meusieur le Marquifiscience.

C'était très approximatif, mais ça n'était pas grave. Lestan avait une grave circonstance aténuante, après tout. Cela était pour faire plaisir à sa mère. Et, hormis quelques fautes de français, il persistait à rouler du R. À deux ans, de toute façon, on ne roule rien d'autre. Et puis, il avait moufté de joie lorsque Johann avait reçu son cadeau. Quand on est le deuxième d'une fratrie, on apprend vite à étouffer d'éventuelles poussées de jalousie, celles-ci étant réservées aux aînés. Mieux, on supplante la jalousie par un instinct plus tenace : celui du partage. Et si partage il n'y a pas, on apprend vite à subtiliser à ses aînés leurs joujoux. Pour ce faire, tous les procédés sont bons. Lestan, donc, avait exulté de joie pour son aîné, et s'était aussitôt mis à sautiller dans sa direction en pointant l'ouvrage du doigt.

-¡ Waaaaahhhh Johann ! ¿ Quééé es ? *

Les deux mains accrochées au bras de son frère, oublieux de la bienséance que, de toute façon, il oubliait quasi perpétuellement, le voilà qui se hissa sur la pointe des pieds pour admirer la chose. Il en tâtait la reliure de ses doigts dodus. Puis, dans un élan de perspicacité, devinant bien qu'il s'agissait d'un livre, il voulut tirer sur la page. Il tira donc. En résulta un SKKRRRCHHHH de mauvais augure. Et voici qu'un morceau de parchemin lui restait entre les mains. Soucieux, il admira le morceau de dessin qu'il avait réussi à extraire du bouquin. Il s'agissait sans doute des pattes d'un cerf. On ne sut alors dire si les larmes qui lui gonflèrent le coin des yeux étaient de honte, ou de dépit. Il se mit à geindre.

-¡Maté a la cierva! **

Fallait toujours que ça lui arrive à lui. D'horreur, il laissa le morceau de papier lui échapper des mains pour mieux se saisir du gâteau qu'offrait le valet. La mine profondément peinée, il y noya à pleines dents de lait tout son chagrin. Et en profita pour s'en tartiner la trogne.


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* Waaaa Johann ! C'est quoiiii ?
** J'ai tué la biche !
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Blanche_
Johann, muet comme à son habitude.
Lestan, clown comme à son habitude.
Anna qui dormait sûrement encore, tout comme peut être le têtard que la marquise avait (encore!) au fond du bidou. Quoi qu'elle n'en était pas sûr. La probabilité qu'il s'en décolla lui paraissait assez forte pour ne pas s'en inquiéter. Passons.

Le coté castillan de Madame da Lua ressortait dans toute sa splendeur : plus bronzée, plus droite, complètement silencieuse et reléguée à sa place de femme, tout en restant forte. Soumise et dominante, telle que l'avait été la Reyne amante d'Astaroth, tout compte fait, quoiqu'elle n'en acceptât point la comparaison. Il y avait quand même quelque chose de très égoïste dans le panache portugo-espagnol. Quelque chose d’écœurant aussi.
C'est peut être son coté breton qui se réveilla lorsqu'elle redressa le nez. Quelque chose d'impulsif, d'impromptu. De très bête. Oui, parmi toutes ces qualités, Blanche avait aussi celle de la bêtise amoureuse.
Ah, la belle chérie...

Elle profita que ses enfants mangeaient pour provoquer le destin. Et forcer, s'il le voulait bien, le marquis-duc-seigneur à faire de même.


Que vos gens surveillent donc ma chère marmaille pendant que nous causons.

Autrement dit : sortons, nous, et nous seuls.

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Aimbaud
Le jeune marquis restait complètement interdit face au carnage du manuscrit. Pour avoir été un enfant à peu près aussi hyperactif et saccageur, il aurait pu comprendre les codes d'expression de Lestan... Mais l'adulte qu'il était devenu n'y entendait plus rien, observait ce débordement d'énergie illogique avec beaucoup d'étonnement, et peu d'empathie. Il ne savait trop que dire ou que faire pour arranger la guerre qui allait sûrement se déclarer, suite à l'invasion lestannienne en terrain johannien, et au pillage meurtrier qui s'en était suivit, dans le domaine des belles lettres. Crise fratricide ? Hurlements de cordes vocales pas encore muées ? Baston de nains sur le tapis ?

Les pleurs forts en décibels du plus petit des espagnols, provoquaient déjà chez Aimbaud de sérieux tics de paupière. Il ouvrait une bouche bée vers son serviteur, puis vers Blanche, se demandant à quel saint se vouer, et quels ordres donner.

Heureusement, le silence arriva, étouffé par la poudre d'amande et la farine. Les biscuits furent les émissaires de la paix...

Le Josselinière dressa soudain l'oreille, presque frissonnant, lorsque la tranquilité retrouvée sous la tente laissa entendre la proposition de Blanche. Son ton n'attendait pas de contradiction... Pourtant, laisser seuls ses enfants, là, pour sortir, dans le noir, eux, deux, se parler ? Les mains dans le dos, il braqua sur elle des yeux graves et fixes. Depuis le premier jour qu'il l'avait vue, il n'avait eu de cesse d'avoir pour elle ces yeux-là, qui hurlaient son consentement à tout ce qu'elle voudrait, tout en restant posés sur les conséquences qui allaient s'en suivre.

Immobile, il hocha une fois du menton.

Et passa sous la toile cirée pour la suivre au dehors.

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Blanche_
- Hum... C'est un joyeux diable... Lestan , fit Aimbaud en chuchotant et se frottant les mains. Il avançait, tel un fantôme dans la nuit noir, marchant à pas de loup entre les tentes.
-Il a beaucoup de vigueur, oui.
-Certes. Vous... appréciez les joutes ? demanda t'il en croisant les mains dans son dos.
-Elles sont divertissantes, oui. Mais c'est un plaisir moins réjouissant pour une femme que pour un homme, votre Grâce.
-Peut-être. Votre époux ne vient-il jamais jouter en France ?
-J'espère que non! répondit-elle en souriant à demi-mots.
Je suppose que les espagnols sont plus hardis à l'épée. Ils en forgent de bonnes.
-C'est certain, répondit-elle, soupirant doucement. Feu le roi Carolum m'avait d'ailleurs longuement vanté les mérites de ses forges, et de ces métaux dont on vante la force par rapport à celle des forges du nord, mais.. C'est fort long et fort ennuyeux. Elle soupira encore, mais le vent aspira sa navrure.
-Si vous n'avez pas froid, nous pouvons marcher. Il ouvrit la main vers l'allée où quelques torches faisaient des points de lumière ci-et-là, les oriflammes se soulevant mollement au vent dans l'obscurité. On entendit qu'une toux lointaine et de souffle des chevaux le temps de quelques pas, lui devant et elle derrière.
Elle sembla méditer longuement avant de répondre, puis annonça d'une voix meurtrie, et que l'on entendit rauque: -Je pense qu'il est temps désormais de parler avec honnêteté, et franchise.
-Oui. Mais bas, s'il vout plait... Et ses mains, e levant doucement semblaient comme prévenir les tumultes envers son cœur serré d'anxiété quant au discours qui pourrait suivre. Qu'allait-elle dire ? Qu'allait-elle lui faire subir?

-Cette situation ne me convient pas du tout ,dit elle en chuchotant très bas, s'étant arrêtée à distance des tentes, dans un petit chemin qui longeait les campements. Face à eux, les lumières dansaient, mais derrière, se trouvait forêt et obscurité. C'était peut être l'endroit le plus sûr de toute l'esplanade, l'endroit où, au plus loin des tentes piquées sur la colline, on aurait pu les entendre.

Il s'arrêta subitement, tournant un regard muet vers elle.

-J'envisage de quitter la Castille.
-Seule ? Elle répondit en hochant la tête. Où comptez vous aller?
-Je n'en ai encore qu'une vague idée, rien de précis.
-Vos enfants ?
-Je ne vais pas les laisser là bas !
-Je ne saisis pas. Pourquoi ce départ subit ? Blanche pensa qu'il était con.
-Je... je n'en peux plus, j'étouffe. Ma vie est devenue tellement... Si je reste je sais que je me perdrais. Je n'arrive plus à mentir, et... Elle sanglotta. Mon mari... C'était une énorme erreur que d'accepter ce mariage, j'ai eu tort, je voudrais tout effacer...
Il approcha alors les mains des siennes, de ses épaules, ne sachant trop s'il devait ou non la toucher pour calmer ses pleurs. -Réfreinez vos larmes... Blanche. Attendez... Il farfouille dans ses poches en quête d'un mouchoir.
Mais déjà elle s'était essuyé les yeux d'un geste rapide, repoussant les larmes à les naissance des ses cheveux.
J'ignorais votre situation... est-ce... Vous fait-il mauvais traitement ?
-Il me traite mieux que les autres espagnols traitent leur femme, j'imagine.
Mais... La gorge serrée, elle reprit contenance en levant les yeux vers le ciel...C'est tellement mal, ce que je fais, et rester avec cet homme dans ces conditions...

Un instant de silence, pendant lequel il observa ce contact froid, déçu, quoi que troublé qu'elle ai porté la main à la sienne.
-Je ne serai pas bon conseiller dans cette affaire. Il faudrait... Il faudrait vous en ouvrir à un prêtre.
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Blanche_
-Vous... Qu'est ce que v... Qu'est ce que vous dites. Vous... On entendit les larmes remonter dans ses yeux, en flot clair, torrent silencieux. Vous ne... vous ne comprenez jamais ri... ri.... ri...
-M'enfin. Mais je ne disais pas cela pour vous blesser...! Je parlais d'une personne neutre et de bon conseil...! Et, comme à son habitude, il s'expliqua en remuant les mains. Envahie par une grande tristesse, elle s'asseyait sur un tronc d'arbre que la perspicacité de la narration avait installé près d'eux. Elle hoqueta.

Dans le bruissement de la forêt tout proche, s'amassa un coussin de mousse sous le genou qu'il posait à terre près d'elle.
-Veuillez m'excuser... Dites moi ce que je puis faire pour votre aide ?
-Aimbaud... prononça-t'elle une seule fois son prénom avec d'aussi grandes difficultés? Aimb... Je... Je vous en prie dites moi que vous avez compris...!
-Mais c'est bien sûr, je vous comprends. Vous quittez la Castille pour trouver asile... mais où ?
Et, ce disant, il posa une main sur le tronc, l'écoutant attentivement.
Elle se remit à pleurer, visiblement il faisait fausse route. Sa tête penchée vers l'avant, elle sentit sur sa joue la chaleur de sa respiration, ce qui fit doubler ses pleurs. Ses genoux se tachaient de ce sel de tristesse incompris.
-Expliquez-moi ! Insista-t'il, presque colérique, chuchotant toutefois
Elle hoquetait toujours, avec la gorge qui se soulevait parfois jusqu'à l'empêcher de respirer. Elle dit toutefois, à bout de forces: Je vous aime encore!
-Chhht. Il lui pressa la main assez fort, espérant la faire taire. Nous n'avons pas à parler de cela maintenant...
-Ooohh... Et, atteinte, elle laissa tomber sa tête entre ses mains. S'en suivit un long silence pendant lequel elle crut mourir une fois ou deux. Glacée en tous cas, des larmes coulant dans le cou, elle sut que quelque chose était mort tout à fait. Mais ça n'était pas ainsi qu'elle l'espérait, l'amour qu'elle lui portait. Seulement sa naïveté.

Il hésita une seconde, mais juste une seconde... avant d'encercler cette cette et ces mains de ses bras, glissant autoritairement les doigts dans les épaisses rondes de cheveux blonds nattés pour les immobiliser près de la nuque, qu'il entoure doucement. Le nez tout contre son oreille, il murmurait toujours

-Je t'aime, aussi... pardon.
Pleurant toujours, mais de joie cette fois-ci, elle laissa choir son front sur son épaule, goûtant au plaisir presque oublié de son odeur mélangée à la sienne, exténuée, morte de fatigue même, mais heureuse. Quelle étrangeté que ce cœur qui se gorgeait si vite de tristesse ou de joie, tout selon ce que disait Aimbaud, ou ce qu'il ne disait pas. Sitôt qu'il avait dit qu'il l'aimait, elle se sentait revivre, elle qui avait eu la mort si proche entre ses bras l'instant d'avant. A Dieu qu'elle remercia silencieusement, elle promit de se montrer pure dans l'amour qu'elle portait au Duc, et de consacrer à Aimbaud toute l'affection qu'une religieuse portait à Aristote. Si elle pouvait, sa vie durant, goûter un bonheur semblable à cette seconde-là, imprévue, aux joutes du Tournel, elle serait la plus heureuse de toutes les femmes sur Terre!

De son coté, il goûtait l'étreinte, souriant même étouffant une envie de rire qui le soulagerait du trop plein d'émotion que lui causait sa douce folie, et le contact des joues mouillées de Blanche contre la sienne et contre son cou. Il la serra un peu plus fort, inspirant dans ses cheveux, le doux parfum de peau qui s'en dégageait et dont il s'était repu à pleins poumons, les yeux fermés d'attention.
C'est elle qui rit, alors, rire mélangé aux larmes, entourant ses bras pour le serrer près d'elle. Ce n'étaient que quelques bribes de rires, un soulagement, juste quelques secondes suffisantes à ce qu'elle se rappelât qu'elle était toujours Marquise et lui Duc, et que cela ne se pouvait pas, ainsi que cela ne s'était jamais pu.
Restons ensemble! mumura-t'elle à son oreille, Mon amour, s'il te plaît, cache moi, cache nous, fais de moi ce que tu veux, garde moi près de toi...!
Elle serait morte s'il avait dit non.

Aimbaud sentit sa gorge se serre alors qu'il l'entendait déraisonner, tout comme à la fois montait en lui une certaine excitation qui l'aurait poussé à l'embrasser, à mettre ses mains à ses hanches. Car tout lui semblait possible, il se sentait pousser des ailes, un peu ivre... Mais il n'entendit guère son désir, gâché par des pensées amères : les paroles de Blanche sonnaient faux, elles avaient été trop entendues et trop redites, comme des bobards qu'on racontait aux enfants. Cela ne l'amusait même plus, il n'aurait pas su se forcer à se voiler la face quand le charme était rompu... On ne croyait plus aux enlèvements sur un cheval blanc, au mariages rompus par un claquement de doigt, aux jours heureux dans une petite baronnie loin de la cour... On ne croyait plus à rien.
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