Caitriona
[Suite de ''Herboristerie aux mille plantes'', plus tard le même jour]
Le reste du trajet jusqu'à la petite maison des nouveaux parents se fit en silence. Sans doute chacune redoutait de trouver un cadavre dans la couche de paille... Lorsque Caitríona poussa la porte, elle eut un mouvement de recul. L'odeur était écoeurante: la pièce surchauffée rendait l'air humide et lourd d'une odeur de sueur mêlée à celle, plus âcre, du sang qui commençait à cailler. Le père était assis sur un banc dans l'unique pièce de l'habitation, l'enfant dans les bras. Sans doute que ce petit être se retrouverait sur le parvis d'une église dans les heures qui allaient suivre.
-Grâce au Très-Haut! Catherine, vous avez amené votre soeur avec vous! Constance n'arrête pas de saigner, elle ne répond pas quand je lui parle... Faites quelque chose!
L'interpellée allait clarifier et expliquer que son accompagnatrice était en fait une inconnue qui avait eu la générosité venir l'aider alors qu'elle ne savait plus que faire. Mais un regard en direction de la jeune mère l'empêcha de répondre. Elle alla plutôt directement à son chevet.
L'épouse, le teint gris, était allongée sur le paillasse. L'image qu'elle rendait était celle d'un pantin désarticulé, avec ses jambes toujours écartées et son regard fixe. On ne l'avait pas lavée, pas plus qu'on avait remplacé les linges souillés servant à absorber le sang qui s'écoulait depuis la fin de la délivrance.
Elle respirait toujours, mais était brûlante. Elle avait presque cessé de saigner cependant. Mais rien ne laissait voir que la poche avait été expulsée.
Le regard inquiet de la sage-femme en herbe se tourna vers celui de l'autre rousse.
- Que faire? Lui donner du romarin? Cela la ferait saigner à nouveau et encore beaucoup plus qu'avant. Lui redonner du lait de pavot? Faire venir un prêtre?
Coup d'oeil rapide en direction du mari.
-Tu veux aller quérir le curé?
[...]
Le soleil avait disparu derrière l'horizon. La ville de Paris s'endormait tranquillement.
Les deux jeunes femmes avaient quitté le domicile du couple à l'arrivée du prêtre. Il n'y avait plus rien à faire pour la pauvre femme, sauf recommander son âme au Très-Haut. Le jeune homme, trop jeune pour être veuf, avait quand même tenu à payer. Quelques écus et un lièvre. Il n'avait pas versé une larme. Après tout, la mort était quelque chose de familier. Chacun ou presque avait perdu une mère, un père, un frère ou une soeur. Constance était jeune, petite et malingre. Elle veillerait sur son enfant du haut du Paradis Solaire.
En sortant de la maisonnette, Caitríona s'adossa à un mur quelques instants pour reprendre ses esprits. La mort, quoique fréquente dans son métier, la troublait toujours.
Elle secoua ses tresses et offrit un sourire à sa compagne.
-Tu viens? Tha feum agam air deoch.*
Et elle se remit à trotter, remontant la venelle en direction de l'auberge dans laquelle elle logeait depuis son arrivée à Paris. Dans la salle enfumée où quelques piliers de comptoir buvaient joyeusement, l'Écossaise repéra une table dans un coin près de l'âtre. Elle y entraîna la NicDouggal.
_____
*J'ai besoin d'un verre.
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Le reste du trajet jusqu'à la petite maison des nouveaux parents se fit en silence. Sans doute chacune redoutait de trouver un cadavre dans la couche de paille... Lorsque Caitríona poussa la porte, elle eut un mouvement de recul. L'odeur était écoeurante: la pièce surchauffée rendait l'air humide et lourd d'une odeur de sueur mêlée à celle, plus âcre, du sang qui commençait à cailler. Le père était assis sur un banc dans l'unique pièce de l'habitation, l'enfant dans les bras. Sans doute que ce petit être se retrouverait sur le parvis d'une église dans les heures qui allaient suivre.
-Grâce au Très-Haut! Catherine, vous avez amené votre soeur avec vous! Constance n'arrête pas de saigner, elle ne répond pas quand je lui parle... Faites quelque chose!
L'interpellée allait clarifier et expliquer que son accompagnatrice était en fait une inconnue qui avait eu la générosité venir l'aider alors qu'elle ne savait plus que faire. Mais un regard en direction de la jeune mère l'empêcha de répondre. Elle alla plutôt directement à son chevet.
L'épouse, le teint gris, était allongée sur le paillasse. L'image qu'elle rendait était celle d'un pantin désarticulé, avec ses jambes toujours écartées et son regard fixe. On ne l'avait pas lavée, pas plus qu'on avait remplacé les linges souillés servant à absorber le sang qui s'écoulait depuis la fin de la délivrance.
Elle respirait toujours, mais était brûlante. Elle avait presque cessé de saigner cependant. Mais rien ne laissait voir que la poche avait été expulsée.
Le regard inquiet de la sage-femme en herbe se tourna vers celui de l'autre rousse.
- Que faire? Lui donner du romarin? Cela la ferait saigner à nouveau et encore beaucoup plus qu'avant. Lui redonner du lait de pavot? Faire venir un prêtre?
Coup d'oeil rapide en direction du mari.
-Tu veux aller quérir le curé?
[...]
Le soleil avait disparu derrière l'horizon. La ville de Paris s'endormait tranquillement.
Les deux jeunes femmes avaient quitté le domicile du couple à l'arrivée du prêtre. Il n'y avait plus rien à faire pour la pauvre femme, sauf recommander son âme au Très-Haut. Le jeune homme, trop jeune pour être veuf, avait quand même tenu à payer. Quelques écus et un lièvre. Il n'avait pas versé une larme. Après tout, la mort était quelque chose de familier. Chacun ou presque avait perdu une mère, un père, un frère ou une soeur. Constance était jeune, petite et malingre. Elle veillerait sur son enfant du haut du Paradis Solaire.
En sortant de la maisonnette, Caitríona s'adossa à un mur quelques instants pour reprendre ses esprits. La mort, quoique fréquente dans son métier, la troublait toujours.
Elle secoua ses tresses et offrit un sourire à sa compagne.
-Tu viens? Tha feum agam air deoch.*
Et elle se remit à trotter, remontant la venelle en direction de l'auberge dans laquelle elle logeait depuis son arrivée à Paris. Dans la salle enfumée où quelques piliers de comptoir buvaient joyeusement, l'Écossaise repéra une table dans un coin près de l'âtre. Elle y entraîna la NicDouggal.
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*J'ai besoin d'un verre.
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