C'est alors que le parrain...
N'arriva pas.
Ce furent trois hommes qui pénétrèrent à ce moment dans la cathédrale de Limoges, ayant bien pris soin au préalable de retirer leurs armes (visibles) pour éviter les esclandres du clergé du lieu. Il était ainsi interdit d'entrer en lieu saint avec arme, et l'envoyé du Comte de Scye savait son maistre assez à cheval sur les protocoles divers et variés pour comprendre qu'il ne tolérerait pas une seule faute de ce genre : se voir rapporter aux oreilles le manque de respect de l'Eglise occasionné par sa mesnie aurait provoqué une punition immédiate : très probablement renvoi, assorti d'une saisie pécunière des biens du fautif, que Adrian Fauconnier, le jeune Comte-parrain, aurait fait transmettre au diocèse en compensation de la faute.
Remarquez, vu son état... Il était à l'heure actuelle peu probable qu'il ressorte jamais des limbes épaisses de son sommeil de plomb. Mais cela serait une histoire racontée plus bas.
Il y avait donc trois hommes à remonter l'allée centrale de la cathédrale, se dirigeant vers la cérémonie :
Il y avait ainsi Rufus, le bras droit du Comte de Scye, un homme atteint de calvitie : grand, le visage chevalin, les chicots un peu jaunis, et malgré tout habillé de vêtements de bonne facture : attention du Comte, qui tenait à ce que ses hommes aient toujours l'air impeccables. Il était escorté de Tuck, le clerc du Comte, un glandu brun et assez petit, aux culs de bouteille renvoyant le noir de ses yeux. C'était celui qui gérait les affaires juridiques et civiles du Comte. Il y avait aussi un homme d'arme, le tabard aux armes de Scye, écu au côté, troisième glandu d'un trio de glandus qui remontaient une allée vide vers une cérémonie dont les participants étaient plus riches qu'ils ne le seraient jamais, leurs rêves compris.
Le ciel était assez beau, et l'air globalement agréable. C'était une belle journée que celle où les hommes du Comte, arborant les mines de circonstance, allèrent vers le demi-frère du Comte, qu'ils savaient essentiel pour leur Maître.
Ils avaient chevauchés depuis Tours, où la mesnie du jeune Comte était toujours retenue dans l'attente d'une amélioration de l'état physique de celui qui n'était plus qu'un corps, endormi dans un coma profond depuis plusieurs mois. Ils avaient dormis, s'étaient lavés, et avaient tout bêtement été retardés par des problèmes d'intendance pour Isle, la Vicomté du jeune Comte en Limousin. Mais cette terrible nouvelle, là aussi, serait racontée en un autre lieu.
Ils s'arrêtèrent ainsi cinq mètres avant le petit groupe qui assistait au baptême, et Tuck et Rufus laissèrent l'homme d'arme en plan à cet endroit, s'avançant jusqu'à parvenir à distance respectueuse du jeune Comte du Limousin-Marche et de la femme qui officiait.
Parvenus ici, ils mirent ainsi chacun le genou gauche à terre, fixant leur regard devant les pieds de l'officiante. Ce fut Rufus, plus élevé que Tuck dans les rangs sociaux, qui prit la parole :
- " Dominus vobis cum, ma mère.
Nous sommes séant les représentants du Comte de Scye, Sa Grandeur Adrian Fauconnier, le parrain de Sa Grasce Arnaut de Malemort, son demi-frère ;
Notre seigneur est à l'heure actuelle dans l'incapacité totale de se déplacer de Tours, où il est alité depuis plusieurs mois. Il nous a délégué une partie de ses pouvoirs, de façon à pouvoir nous porter garants devant le Seigneur pour lui.
Nous nous excusons pour ce fait qui tient à la Volonté du Seigneur, et espérons qu'il n'y aura ici pas lieu à des complications. "