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[RP] - Nous nous connaissons si bien.

Yolanda_isabel
[Château-Gontier, appartement de la Demoiselle de Molières.]

Les doigts viennent tapoter gracieusement sur le manteau de la cheminée, un soupir est expiré et la tête gracile, vient se secouer dans un mouvement de dépit qui envoie valser dans le dos l’épais manteau blond. Sur les fourrures recouvrant le lit, ont été vidées les malles garde-robes, constat effarant que celui de ne plus avoir de robes tout à fait à sa taille, de constater que la majorité est encore une fois trop petite pour sa taille qui ne cesse de grandir. Seulement, racheter de quoi se vêtir décemment va coûter cher même pour la trésorerie foisonnante de Château-Gontier, surtout au regard de l’hiver qui arrive et en dépit des récoltes qui s’annoncent suffisantes. Le problème se pose, la solution est trouvée mais n’est pas pour lui plaire, ou plutôt, elle lui plaît trop pour être judicieuse.

-« Bast ! Appelez Ann. »

Et l’Anaon d’être sortie de sa torpeur des derniers jours pour rédiger une missive, de celles qui ne souffrent pas d’être écrites de sa main, pour ne pas être prises à la dérision ou être sujette à la moquerie. Il faudra une vraie lettre et non pas un monceau de pattes de mouche.

Citation:


    A Son Altesse, Charlemagne Henri Lévan von Frayner-Castelmaure, Duc du Nivernais et de Bolchen, Vicomte de Chastellux et de Baudricourt, Baron de Chablis, de Laigneset de Thuillières.
    De moi, Yolanda Isabel de Josselinière, Demoiselle de Molières.

    Ab imo pectore, salut


    J’espère que cette missive vous trouvera au mieux, du reste, de ce que m’a dit mon frère de votre entrevue, vous vous portez comme un charme et vous êtes resté celui que vous étiez, ce qui me contente, et j’espère que je pourrais bientôt m’en assurer par moi-même. En effet, cette missive n’a pas pour unique but de prendre de vos nouvelles, même si cela suffirait à me faire plaisir.

    Par ces mots, je viens Votre Altesse vous demander de respecter les volontés de Sa Majesté, votre mère, me concernant. Les années ont passé, j’ai attendu et me voilà conformément à ses espérances d’assez bonne tournure pour pouvoir revêtir les robes de ma marraine. Et puisque mon frère m’a dit vous avoir vu à Paris, je m’y rendrai sous huitaine, à l’Hotel Josselinière, pour vous y voir ou y espérer une réponse de votre part.

    Gardez-vous bien.

    Signé et scellé de ma main, ce vingt-septième jour de septembre de l'an de grâce mil quatre cent soixante à Château-Gontier, en Anjou.

    Moi.



-« Préparez les malles et faîtes atteler, je partirai ce soir. Moi, je vais prévenir Aimbaud. »

[Hostel des Josselinière, appartement de la Demoiselle de Molières.]

Ils ont été si nombreux ces jours où elle a été seule dans cet hostel, et pourtant en levant les yeux, elle peut apercevoir à tout endroit, la trace de son aîné. Un soupir amusé à la pensée de son frère la laissant gagner Paris, non sans avoir pesté sur l'Altesse Royale. Aimbaud ne l'a pas arrêté, ne l'a pas empêché et ne l'empêchera jamais, elle en est convaincue.

Comme elle est convaincue d'avoir bien fait de venir directement à Paris. Elle sait que l'Aiglon donnera suite à sa requête, ne serait-ce que pour effacer la dette qu'il a envers elle. Parce qu'elle le connaît si bien ce prince. Son petit prince. Car s'il est passé de mains en mains, de tuteur en tuteur, elle est de loin, celle qui sait le mieux qui est Charlemagne, pour être son opposée. Il est si dur quand elle se fait douceur, haineux quand elle aime, brun pour sa blondeur.

Ils sont les deux faces d'une pièce frappée à l'effigie de Béatrice de Castelmaure. Ils se connaissent si bien.

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Charlemagne_vf
[Hôtel Castelmaure, chambre de Charlemagne.]

Paris m'ennuie.

A Paris, le Prince ne savait que faire. Il ne pouvait pas même passer ses longues nuits entre les cuisses viriles de son Ombre. Contrairement à Nevers, les appartements de la demeure étaient exigus, et réduits. Les laquais et autres membres de la Garde ne pouvaient être congédiés avec la même aisance qu'au Palais Ducal, vaste et imposant, en Bourgogne.
Tout riche et dispendieux fut le vieil Hôtel, c'était une bâtisse d'un autre siècle, humide, où couloirs et escaliers n'avaient rien de dérobés. Une villégiature citadine plus pratique que confortable, dont les fantômes de Castelmaure, peints sur toile, n'avaient plus pour seul emploi honorable que de recouvrir les lézardes de leur prestance ancestrale.
Si les serfs du Nivernais avaient un silence acquis par la répression et les habitudes extravagantes de leur Seigneur, s'ils voyaient sans suspicion leur Maître reclus après vêpres, il était certain qu'en Paris, une conduite trop ostensible eut été flagrante.
A des lieues de couloir de sa chambre, nul en Nivernais ne pouvait imaginer ce qui se passait entre le repli du Garde et le lit du Prince. A quelques menus centimètres de sa couche, tout le monde aurait percé son secret à Paris.

Alors, l'Aiglon s'ennuie, et n'a que sa main pour partenaire, en pleine puberté. Il veut rentrer en Bourgogne, mais quelques affaires le tiennent encore. De fait, quand une nouvelle missive annonce qu'il doit rester une huitaine supplémentaire, Charlemagne se répand en psalmodies contre la Josselinière qu'il détestait déjà.


Yolanda veut récupérer les robes léguées par Mère. Non contente d'avoir ravi sa présence, elle me défait de ses souvenirs. Je hais cette grosse chose infâme. Arutha m'a dit qu'elle lui avait fait du mal. Qu'elle s'étouffe !

A défaut de chair, l'Infant avait trouvé en son Chien un confident particulier. Le Fervac était l'oreille attentive des caprices de son Maître et Amant.
La lettre fut jetée au feu, et les yeux guiséens se plurent à observer le sceau rouge fondre dans les flammes.
Enfin, ne joignant pas le geste à la parole, le Castelmaure alla s'installer à son secrétaire, écrivant en lettres fines d'une excentrique plume de paon.


Citation:
A Yolanda de Josselinière, Demoiselle de Molières.

Méditez de ce sobriquet de Demoiselle. Il vous faudra me l'expliquer, car nous nous verrons donc chez vous.



Citation:
A l'Intendance de Chastellux.

Que les malles portant les tenues de feue SM Béatrice de Castelmaure, ma Mère, soient portées à l'Hôtel Josselinière de Paris.

Tel est mon ordre.



Plus tard, de Bourgogne arrivèrent de lourds coffres encore estampillés du Louvre. Jamais depuis la mort de la Souveraine ils n'avaient été ouverts. Qui, du reste, en aurait eu le loisir et l'usage ? Il ne plaisait qu'à Rose-Bonbon d'exhumer les cendres de l'Héritière de Charles de Castelmaure. Le Fils de France ne demanda pas à voir même les malles : il en eut frissonné.

Plus tard encore, le coche noir armorié d'aigles bicéphales fit son entrée dans la rue qui avait pour résidente l'épistolière méprisée. Descendant, vêtu d'un deuil qu'il n'avait jamais quitté, Charlemagne était suivi d'Anthoyne de la Louveterie et de Jehan Fervac. Une habitude, désormais. A peine annoncé, il se piqua d'agir en Maître : il était chez un vassal, oubliant que le Tri-Duc vivait encore. Il fut mené aux appartements de la blonde et ronde.
Devant elle, il oublie qu'il a un jour été courtois, à un mariage de Von Frayner. Placide et droit, il observe le vestige noir de son passé. Aussi noire qu'Arutha était blanc à ses yeux, Yolanda est l'incarnation du mal et de la mort : la fautive. L'oeil marine du Prince la toise avec morgue.


Yolanda.
J'eus pu me passer de venir. Votre héritage a été envoyé.

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Yolanda_isabel
L’inconvénient de n’être pas à Château-Gontier, c’est de n’avoir pas tout le confort de Château-Gontier, car même si l’Hostel des Josselinière n’est pas assez vieux pour être décrépi, il n’en reste pas moins un hostel avec tout ce que cela implique, l’exigüité de la majorité des pièces, le nombre limité de domestiques, et tous ces détails s’ajoutant, tapent sur les nerfs de l’adolescente dans l’expectative d’une ordonnance princière. Pas que Charlemagne lui fasse peur, au contraire, il est la dernière des personnes à l’inquiéter parce qu’elle sait, à son grand malheur, comment se déroulerait un entretien entre eux deux, non ce qui l’inquiète, c’est de n’avoir su soutirer à Aimbaud assez d’informations sur la santé et le bien-être du fils de Marraine. Elle qui est d’ordinaire si douce, de s’agiter en maugréant sous les coups de peigne de la servante qui aurait tant à apprendre d’Ann en terme de coiffure, car alors que la lettre princière est une énième fois relue, elle se trouve assise, vêtue d’un cotte et d’un surcot de bonne facture, mais simples. Puisqu’il ne vient pas, puisqu’il ne prévient pas, et que la journée est plus qu’avancée, qu’ils sont l’après-midi et que rien ne vient jamais, rien ne l’empêche d’aller voir en attendant comment se passent les affaires à l’Atelier, aussi s’apprête-t-elle pour sortir. Mais Yolanda ne sortira pas ce jour, puisque Charlemagne entre en triomphateur. Un sursaut d’entendre la porte qui s’ouvre si fort, un domestique maladroit tout au plus, mais dans la psyché, il s’agit de tout autre, il s’agit de son prince.

La main de la servante est repoussée doucement, avant que de se retourner, toujours assise sur le petit banc. Il y a bien un sourire en réponse à l’apostrophe, un sourire las en prévision de ce qui suivra. Il l’insultera encore, elle devra répondre calmement, il partira et elle retournera en Anjou, mais au moins, gardera-t-elle cette certitude qu’il se porte bien et que si elle n’a pris de ses nouvelles, au moins, cela ne lui aura-t-il pas permis de se blesser ou pire, profitant de son ignorance voulue.


-« Votre Altesse eut pu se passer de venir, en effet, mais cela me ravit de vous voir. » Si changé, si grand, si beau, comme Béatrice l’aurait voulu, mais connaissant la susceptibilité de l’Infant, les mots ne seront pas dits puisqu’il faut bien que l’un d’eux préserve l’amour-propre de l’autre. « En revanche, Votre Altesse eut pu se passer d’entrer sans se faire annoncer. »

Car, voyons, qui entrerait ainsi dans la chambre d’une pucelle sans prévenir et sans être sûre qu’elle soit décente. Et quand bien même, elle est vêtue, les cheveux sont lâchés et cascadent dans le dos, alors même que seuls les intimes les ont vus autrement qu’attachés et dissimulés sous une énième coiffe extravagante, car enfin l’or de la Josselinière ne s’offre pas au premier venu, quand bien même serait-il prince. A la servante, quelques mots laconiques, poussée par l’urgence de ne pas le faire attendre.

-« Une huve et un fronteau, qu’importe.. Je ne sors plus. Rangez la mante. »

Dans la psyché, l’azur observe sans mot dire le jeune homme qu’elle a connu enfant, lorsqu’elle l’était elle-même. Alors que le fin voile céruléen est déposé sur les boucles blondes et que le fronteau vient l’immobiliser, enserrant le front épilé, elle se demande comment Charlemagne peut-il avoir cette faculté de la faire sentir si vieille et si las. Si seule. Et enfin, elle se lève et se plie en une révérence qui n’a déjà plus de valeur alors même que les bienséances sont brisées quand un jeune homme entre dans l’intimité d’une jeune femme. Le billet laconique est attrapé à deux doigts et considéré un instant avec un fin sourire.

-« Je vous remercie pour les robes. Et pour votre trait d’esprit, je ne vous connaissais pas tant d’humour. Car c’est de l’humour, n’est-ce pas ? »

Ce « n’est-ce pas » de Béatrice, elle l’a tant aimé, et s’en pare comme dans une fourrure chaude contre l’humeur glaciale de Charlemagne.

-« Si je ne l’avais écris, j’aurais pu croire que vous vous êtes bien renseigné, mais je constate tout aussi agréablement que vous savez bien lire. » Le sourcil blond se hausse, le sujet la touche moins qu’on pourrait le penser, la plaie se referme. « Et j’aurais pensé que vous seriez renseigné de par votre présence en Languedoc que l’on m’a conté. N’avez-vous point constaté le deuil de Sa Seigneurie d’Euphor ? Thibert d’Euphor est mort. »

Voilà. Tu l’as eu. Tu peux rire. Elle a quitté la Bourgogne pour se marier, et son fiancé d’alors est mort. D’alors. Mais il y en a un actuel, et quand bien même, elle chérit contre son gré, ce prince capricieux, elle gardera par devers elle cette nouvelle toute récente, pour qu’il ne la détruise pas tout de suite.

-« Désirez-vous rester pour le souper Votre Altesse ? »

Et pouvons-nous quitter cette chambre ? Ma chambre.
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Charlemagne_vf
Il est aisé d'imaginer que tout homme qui ne fut pas Charlemagne de Castelmaure eut apprécié la vue de cette femme en devenir, dans une mise somme toute intime, et l'air empourpré des précieuses que l'on surprend à la toilette. Le Prince, lui, était déconcertant de rigidité. Il ne trouva d'ailleurs rien de surprenant à l'état de cette enfante. C'est ce qu'ils étaient encore : des enfants.
Chamailleries puériles, haines irrationnelles, jalousies infantiles.
L'Aiglon est partout chez lui, alors partout il peut se passer d'annonces inutiles. Ne savait-elle pas sa venue ? Elle aurait du l'attendre, un mois même s'il avait plu à Son Altesse de n'être pas ponctuel.
Yolanda de Josselinière représentait toute l'erreur de Dieu aux yeux du Fils de France. Béatrice mise à part, calice sacré, c'était l'Infante d'Anjou qui avait été la première manifestation concrète du féminin dans l'Empire particulier de l'héritier. Gouvernantes et lingères étaient trop insignifiantes pour avoir la moindre signification sexuée. La Filleule était la femme, la fille, et il avait fallu que Charlemagne se pique de l'abhorrer au delà de toute logique. S'il contrôlait aisément son corps, s'il faisait taire ses émotions, il n'avait jamais éprouvé le besoin ni l'envie de détourner cette haine tenace à l'égard de la Demoiselle de Molières.
Les yeux marines du Fils de France peinaient à effacer le reflet des ses sentiments, loin d'avoir été enfouis. L'on rejette aisément l'amour, l'on cache sans mal le trouble d'une amitié particulière. Vengeance et détestation ne se dissimulent qu'à un prix que Charlemagne n'est pas disposé à payer : le pardon.
Mais que doit se faire pardonner la soeur d'Aimbaud ? Toute son existence. Toute son enfance. Voleuse d'amour, tu n'auras gagné que la colère.

Pourquoi fallait-il que les êtres dégoûtant l'Infant prennent toujours plaisir à lui prêter la moindre légèreté ? Il n'aurait su l'expliquer, quoi qu'il imagina qu'ils avaient besoin de le sentir de leur monde : ils se trompaient. Hermétique à tout humour, à toute ironie, le Castelmaure n'eut qu'à afficher une moue quand on l'accusa de penser aux drôleries.

L'humour est affaire de bouffons. Un trait d'esprit n'a rien d'humoristique, et à votre égard, il n'y en avait nul.

Pourquoi aurait-il voulu faire sourire une triste femelle qui n'avait trouvé pour prétexte à une entrevue que la basse réclamation d'un héritage illégitime.
Elle dut parler du Languedoc, et de la mort de Thibert d'Euphor. Les lèvres pâles du visage albâtre furent pincées avec force. Le poing serré, Charlemagne avait la main gauche moite.

J'ai su le désastre qu'a causé feu votre fiancé. J'ai vu la désolation d'un ami par votre fait. Ce n'est pas la première fois que vous précédez le deuil.

L'Euphor, fiancé de Yolanda, était mort en tuant le frère d'Arutha, seul considéré comme un Ami par l'Aiglon. Les lois ancestrales d'une telle fraternité obligeaient l'Infant à haïr plus encore sa rivale. Elle avait eu l'indélicatesse de rappeler le détail. S'il n'avait pas été coléreux, il en aurait souri.
Et, audacieuse, la Laie - dans la mesure où le symbole de sa famille est un sanglier - invite le Prince à dîner. Une embuscade vile. Charlemagne n'aurait pas voulu s'attarder, mais, pétri de textes anciens, il ne déroge jamais à l'hospitalité chérie par Guise von Frayner. Alors il doit accepter pour ne pas faire outrage au toit qui l'accueille. Il se fiche des outrages, mais celui-ci serait un manquement à sa propre grandeur, à sa noblesse.
Ce n'est que là que l'Aiglon constata que Yolanda avait maigri, un peu.
N'avait-elle pas semé la mort d'Ella Durée ? Et finalement, si la mort d'une bourgeoise avec son fils dégénéré et sa bru souillée par la mésalliance n'a rien de dramatique, l'on concédera à la Josselinière que la disparition des macarons l'auront rendue moins bouffie, à défaut de paraître belle aux iris sombres de Charlemagne. Assuré que le repas ne serait pas trop sucré, il fut contraint d'accepter le tête à tête.

Je n'irai jusqu'à le désirer, mais je reste pour le souper, puisque telle est votre invitation.
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Eilinn_melani
[Ailleurs, dans l'hôtel]

Une servante essoufflée déboula dans ce qui servait de cuisine au sein de l'Hôtel de la famille Josselinière, et la nouvelle fit vite grand bruit auprès des quelques commis : le fils de feu la Reyne dinait ce soir en la compagnie du Réglisse.

Les regards se tournèrent alors vers le maitre des lieux depuis quelques semaines déjà, dont le visage ravagé n'arborait qu'une moue blasée à l'annonce de l'évènement. Son jugement fut sans merci.


Je doute que le fils vaille la Mère, mais au moins pourra-t-il goûter quelques plats à l'aune de ce qui put être servi au Louvre, avant que la mal-séance ne s'y installe.

Les ordres furent brefs, et les commis furent soumis à une rude discipline. On ne régnait pas dans des cuisines par la diplomatie, la compromission, l'à-peu-près. Le diner fut donc préparé, de ceux qui raviraient n'importe quel palais experimenté. Mais Linien savait fort bien que le fils de la Castelmaure ne déclinerait jamais un compliment pour une table étrangère. Il lui suffisait de savoir que Yolanda apprécierait la chose, et l'ironie du dessert qui serait servi.
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Cuisinier de Chateau-Gontier, entre autres...
Yolanda_isabel
Voilà de jolis vêtements de riche facture bien qu’usuels, utilisés comme une barrière contre les cruautés de la vie, car eux seuls peuvent conférer la hauteur qui dépassent les mesquineries du commun, et les galons sont autant de piques, les crevées entre les lacets sont les meurtrières des remparts de son cœur et à chaque vilenie de Charlemagne, elle accuse le coup, tête dressée et couverte. Il ne saurait lui faire plus de mal, il ne saurait pourtant lire sur son visage la douleur qu’elle ressent à l’évocation de la mort qui la touche de si près, et quand il est question d’ami qui souffre, elle ne pense pas au Gisors, elle pense à la Siarr. Les années qui séparent la Lune du Prince, ce sont celles qui lui ont permis de ravaler ces gestes qui trahissent, seuls les yeux peuvent encore trahir et l’azur céleste se teinte de nuages, il ne faudrait qu’un peu plus pour que la pluie crève les cieux, que les larmes percent des yeux, mais l’on se reprend comme l’on a si bien appris à le faire.

Et il accepte l’invitation à souper, leur offrant une sortie de cette intimité, et puisqu’elle est levée et qu’il est près de la porte, les voilà prêts à quitter la chambre pour gagner les appartements des invités qu’elle a fait revoir pour les transformer en cabinet de travail où siègent fauteuils et lutrins, ainsi qu’une bibliothèque, richesse parmi les richesses, malgré l’étroitesse de la pièce. Car quand bien même, elle le néglige, quand bien même, elle veut l’oublier, elle n’a rien oublié, et pas moins la passion du Prince pour la lecture, au moins, inversement proportionnelle à sa loquacité coutumière. Et ainsi se passe le temps à l’Hostel Josselinière en attendant que daigne venir l’heure du souper, lui le nez dans des manuscrits récupérés à prix d’or, et elle à trier des informations qui sur les Dénéré, qui sur les Penthièvre, comme si à tout moment, sa famille exigeait d’elle pénitence en l’accablant ainsi de patentes, de certificats de baptêmes ou de mariages. Ainsi donc, ils sont sages, et entre eux, pas la moindre incartade, la moindre animosité, trop absorbés par les lignes sous leurs yeux, quand vient les prévenir un valet que le repas est prêt à être servi.

La trêve sera-t-elle brisée ? Voilà la question que se pose Yolanda quand, ayant rejoint la grande salle où est dressée la table, elle trempe ses mains dans l’aiguière d’eau qu’on lui présente, avant que de s’asseoir sans un mot, face au tranchoir qu’elle considère d’un air peu amène, c’est bien la première fois qu’un repas la met aussi mal à l’aise, mais toutefois, elle tente la conversation et un sourire pour l’occasion.


-« Vous allez voir, les plats sont de Linien Lamora, un des couturiers de Douceurs, Toiles et Coutures qui se pique d'être aussi un excellent cuisinier. Vous ne pouvez qu'adorer ! »
-« Vous faites cuisiner les couturiers ? Intéressant. »


Silence.

En effet, ça promet. Un pauvre sourire au valet qui fait office d’échanson et qui attend dans son coin, tandis que déjà le ballet des assiettes commence, arrivent alors les fruits qu’elle picore du bout des lèvres, chipant ici une grappe de raisin, de là, une prune mais jamais de pomme, parce qu’elle a en horreur leur peau et qu’elle ne veut pas paraître pour une enfant gâtée à qui on ôterait la pelure. À son corps défendu, le sourire revient quand viennent les échaudés, pâtés, saucisses, boudins et que l’échanson du jour verse dans les hanaps quelques rasades de vin doux aux herbes et aux épices pour accompagner le tout. Il ne veut pas parler ? Bien, à son aise, cela ne l’empêchera pas de manger avec ferveur les beignets salés, et de grignoter de bon cœur quelques bouts de charcuterie de-ci, de-là. Un coup d’œil en direction de son invité, aime-t-il ? Bast, il n’y a là rien d’exceptionnel, et Linien montre ses talents dans d’autres domaines que les amuse-bouches. Un regard à l’invité pour constater qu’il en a fini pour sa part, et un regard éloquent à la domesticité pour faire retourner en cuisine les beignets et charcuteries restant, et faire amener les potages et qu’on leur donne pour être du brouet de chapon et de la comminée de poulaille, accompagnés de Meursault, lequel alors qu’elle porte le hanap à ses lèvres, lui arrache un sourire amusé, tandis qu’elle observe l’écuyer tranchant faire son office et servir dans les tranchoirs la part de chacun.

Oui, Charlemagne peut bien faire la gueule, Yolanda s’en fout, elle mange et elle aime cela.

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Charlemagne_vf
Si l'oeil marine n'allait qu'à peine plus loin que le centre de table, s'ils n'allaient pas de plats en plats, observant les couleurs d'équinoxe qui défilaient entre les mains plates de l'échanson, les papilles de l'Infant, elles, étaient ravies. Alors, la raison de l'enfançon se vexa. S'il avait détesté, le Prince aurait eu ce plaisir sadique à l'exprimer, ne touchant qu'à peine à la nourriture dont il n'était pas friand : il ne détestait pas. De fait, il se taisait, muet et courroucé par la hargne qu'avait le cuisinier à le faire mentir, et mangeait avec appétit.
Les pâtés furent engloutis avec raffinement, les boudins furent délaissés au profit de quelques fruits, les beignets salés furent goûtés, caressés de la langue, mordu des dents, avec une retenue Charlemagnesque, et une sensualité un peu sordide que l'Aiglon seul sait démontrer.
Le vin étant de Bourgogne, le Castelmaure ne put pas même grimacer en portant un hanap à ses lèvres. Une seule gorgée, qui serait d'ailleurs la seule du repas : il était déjà un Josselinière témoin de l'état alcoolisé du Fils de France, c'était déjà trop.

Tôt vint le temps des rôts.
L'on porta un cochon de lait ravissant, brillant et délectable. Le plat faisait envie, et le regard sombre dut se résoudre à s'animer de gourmandise, car la luxure ne saurait être le seul pécher de Son Altesse.
La bête avait été divinement farcie à la sauce cameline de Tournai, et quoi que le Duc du Nivernais ne fut guère flamand, il trouva en ce goût nouveau un raffinement certain. Les petits oignons rissolés, finement épicés à la cannelle, et ne laissant pas de sentir avec finesse beurre et sucre semblaient avoir mariné dans le jus du gibier : l'Infant les savoura, avec une lampée de Chinon qu'il ne sut refuser.
Alors arriva un paon tous armes. Le Prince fut piqué, et son regard désormais bien vif se porta droit sur Yolanda. Elle avait tout à la fois des airs de cochon de lait et de paon. Le repas sur le thème de l'Infante d'Anjou était un piège fait pour le séduire, et il s'était laissé prendre. Les délices n'étaient pas que bons : ils étaient à la gloire de la grandeur de la Maison Royale de Castelmaure-Frayner. L'Infâme recevait l'Implacable-junior tel le Roi qu'il prétendait être. Le paon, dont les plumes colorées s'érigeaient en une vaine et dernière roue, honorait profondément l'ego de l'Aiglon, qui dut se résoudre à entrer dans le jeu. Le monde était son monde ; il en connaissait les codes ; il en appliqua les préceptes. Alors, son délicat palais reçut tour à tour l'animal et ses épices, qui vint se faire couvrir de ce qui naguère avait été un lit de pommes cuites au four.
Une lampée de Mercurey vint annoncer l'entracte.

Un doigt en l'air, Charlemagne défit des dents quelques cuisses de grenouilles, servies en guise d'entremets. En revanche, il dédaigna l'Escherois, ce pâté de poisson aux salsifis : il n'aimait ni le poisson, ni les salsifis. Alors lui fut donné l'occasion de parler un peu.


Du Riesling. C'est que votre cave manque donc de Bourgogne.

Et nul Chablis n'avait été servi. A ce stade du repas, il s'agissait d'une erreur critique, stratégique : une erreur de débutante. Puisque la Demoiselle de Molière n'a rien d'une novice, l'Infant prit l'oubli pour ce qu'il était : une douce provocation entre vieilles connaissances. Alors, puisque l'omission était fâcheuse, il se contenta de maudire la mesnie entière.

Ma cave ne manque de rien. Et les femmes ont comme défaut de vouloir toujours tout accorder.

Si ce n'est qu'un nouveau défaut de femme, alors.

Puis le silence, à nouveau.
Il n'y a plus de cuisses de grenouilles. Une moue s'affiche sur les lèvres brillantes de graisse du Prince, qui, trompant son ennui, trempe ses lèvres dans une coupe, faisant ainsi entorse à un sien principe. Et un dernier soupir vint couronner cette étape. Le silence est délectable quand il s'accorde avec la solitude, et si la Josselinière avait eu ce défaut de vouloir tout accorder, gageons que jamais elle n'aurait osé ce tête-à-tête aussi stupide qu'incongru.

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Eilinn_melani
C'était un de ces diners dont les mets auraient ravi n'importe quel palais blasé par les mondanités. Combien de nobles avaient soupé de ces mets insipides préparés par des cuistots de bas étage ne sachant pas reconnaître une poule d'un chapon et qui préféraient ajouter des épices pour dissimuler le goût nauséeux de leur inexactitude culinaire ? Qui pouvait prétendre aimer désormais la tarte au gingembre après s'être avili à l'autel de la cuisson à « l'a-peu-près » ?
C'était d'ailleurs le seul plat que Linien refusait de cuisiner, après qu'un vicomte champenois soit décédé suite à son ingestion. Le cuisinier avait donc considéré cela comme un message divin : « La tarte au gingembre, c'est le Mal ».

Mais las, ce n'était pas le cas de la mesnie de Chateau-Gontier de supporter l'approximation de gâte-sauces. Le destin farceur avait placé sur leur route Linien, qui même si il réussissait à la perfection les madeleines au citron, connaissait également sur le bout des doigts tous les préceptes de Taillevent, Francesc Eiximenis, Maitre Chicart, Llyr di Maggio enfin.

Après les délices salés, venait le moment du sucre. Du miel liquoreux, des épices festives qui ravivaient les palais parfois engourdis par les dégustations précédentes.

Des blancs mangers furent alors amenés, ainsi que des darioles dorées, encore tièdes et gonflées de leur passage au four. Sur des tranchoirs, des taillis aux épices et aux fruits variés vinrent faire concurrence aux oublies et aux merveilles saupoudrées d'une fine poudre de cannelle. De la brioche perdue cuite dans le miel des montagnes impériales, agrémentée de fruits frais et de compote trouva sa place sur la table.

Mais cela n'était pas tout. Le cuisinier de Chateau-Gontier avait décidé d'être d'une outrecuidance remarquable en servant au Prince un gâteau au départ créé pour sa mère : le Béatrice, constitué d'un crémeux à la framboise disposé entre deux tranches de gâteau à la rose.

Enfin des drageoirs d'argent remplies d'amandes, de fruits confits et de nougat noir furent disposés pour les convives.

Les boissons n'étaient pas en reste : vin de fraise, de l'hypocras doux, de la saugée également pour faciliter la digestion, ainsi que quelques vins plus sucrés du sud de la France.

Linien ne parut pas dans la salle. Il savait que jamais Charlemagne ne pourrait reconnaître ce qu'il avait pu être par le passé, ainsi ce n'était pas la raison de son absence.
Le cuisinier n'apparut pas car l'exercice culinaire exigeait, en plus d'une discipline stricte et d'une mémoire sans faille, une nécessaire dose d'humilité pour ne pas succomber aux sirènes trompeuses de la célébrité, de la compromission hasardeuse en vue de faire connaître son nom.

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Cuisinier de Chateau-Gontier, entre autres...
Yolanda_isabel
S’il daigne exister un dieu sur cette terre, alors il a déposé Linien sur terre en guise d’ange, car alors comment expliquer que les mets proposés ravissent tous les palais avec application. Il n’y a plus de discorde, il n’y a plus de silence gêné, il y a deux adolescents entrain de manger à satiété des plats d’une rare finesse. Et si Charlemagne se restreint, Yolanda ne lésine pas sur le vin, car à sa grande taille et sa robuste constitution s’ajoute une capacité d’absorption acquise depuis sa tendre enfance, celle où son père sortait encore de son refuge de chasse pour lui apprendre les grâces de l’œnologie.

Alors qu’on pourrait les croire repus, voilà que la suite et fin s’annonce. Les desserts, et elle voudrait prendre de tout quand les yeux se posent avec émotion sur le Béatrice, un sourire à penser à Linien qui leur a joué ici un mauvais tour de plus. Pourtant, elle ne se démonte pas, et le doigt se pointe vers le gâteau qu’elle désigne avec plaisir, tant elle attend de pouvoir s’en prendre une part.


-« C'est un Béatrice. Linien a travaillé aux cuisines du Louvre du temps de Sa Majesté votre mère, vous savez. »
-« J'ai déjà goûté ceci, chez Ella Durée. Je n'aime pas la framboise. Et après les robes, le léopard, pensez-vous qu'il me faille être surpris de vous voir ravir, aussi, un cuisinier de Mère ? »
-« N'outrepassez pas vos droits Votre Altesse. C'étaient les volontés de votre mère que Ségur et ses robes m'appartiennent, vous oseriez la juger en cela ? »
-« Je n'outrepasse aucun droit, puisque vous avez tout cela, mais le vôtre était de refuser cet héritage. Mais vous êtes une femme : envieuse, et égoïste. Vous m'avez pris Mère quand elle vivait ; que vous la preniez dans la mort ne me fait plus rien. »
-« Je l'ai prise ou est-elle venue Charlemagne ? »
-« Je ne suis Charlemagne pour personne. Que vous l'ayez prise, qu'elle soit venue à vous, qu'importe. Elle est partie souvent pour vous, et de cela, je la juge coupable autant que vous. »


Le ton est glacial, les lèvres serrées, il n’a plus rien de l’enfant d’alors, et ce n’est plus une simple bouderie, Charlemagne déteste, et Yolanda ? Elle s’amuse d’avoir réussi à le pousser dans ses retranchements pour une fois, elle en sourit alors qu’elle se coupe une part de Béatrice et qu’elle le savoure avec ce plaisir qu’on a dégusté ce qu’on aime tant. Et dans un silence quasi religieux, le repas se passe, chargé d’électricité. La table est desservie et de se regarder en chiens de faïence sans mot dire.

Soudain, c’est le déclic, le début de la fin.


-« Nous ne nous aimons guère. C'est évident. Mais...vous avez le sang noble, et le rang digne. Vous étiez amie de Mère, et je la soupçonne de l'avoir imaginé. Epousez-moi, et ainsi soient liées les Maisons de Castelmaure et de Josselinière. »

C’est une grimace qu’il retient. Mais qu'est-ce qu'un mariage à part un contrat et l'appui d'une matrice sur la cire ?

-« Nous sommes au moins d'accord sur un point Votre Altesse. J'ai le sang noble et le rang digne et j'aimais votre mère. En revanche, quant à moi, je vous apprécie, mais c'est impossible en dépit de l'affection que je vous porte et de celle que j'ai porté à votre mère. J'aime ailleurs. »

Et elle sourit l’impudente, en toute franchise et Charlemagne de hausser un sourcil incrédule

-« Et alors ? Le mariage est-il affaire d'amour ? » Il se fend d’un soupir amusé. « Aimez ailleurs, épousez-moi. Légitimons deux héritiers, et vaquez à vos...Amours, si vous avez la bassesse d'aimer après que l'on vous ait retiré Mère. »
-« Non. Me prenez vous donc pour si bête que cela. Mais le promis est duc, il ne s'agit pas de mésalliance. A nous deux, nous réunirons le nord de l'Anjou, et j'aimerai en sus. »
-« L’Anjou »


La chose est dite, accompagnée d’une grimace, cette grimace que beaucoup esquissent en parlant de sa terre natale.

-« Son Altesse doit être bien désespérée pour me faire cette demande. N'avez-vous trouvé plus beau parti ? »
-« Mes espoirs ne sont pas l'affaire de celle qui se refuse. »


Elle sourit, la fourbe.

-« Je pourrais presque croire que vous êtes fâché. Je revois l'enfant d'alors à la mine chiffonnée. »
-« Je désespère à l'idée même de devoir me marier. J'ai pensé que vous étiez un choix commode et point trop dur. C'est tout. Et vous, vous êtes toujours cette grosse fille bouffonne. Au moins avez-vous les hanches pour enfanter, et la graisse à vous faire sucer de l'intérieur. »


Il ne sourit pas. Il a si rarement sourit du reste tandis qu’elle, paisible, sort des caramels d'un mouchoir dans son escarcelle et en engouffre un, lentement.

-« Je vois que vos sentiments à mon égard n'ont guère changé. Vous en voulez un ? Non, n'est-ce pas ? »
-« Non. Et non. »
-« Ne vous mariez pas. Et épargnez-nous vos simulacres de demande. Cela vous agace, et quand vous vous agacez, vous avez un pli sur le front. Cela ne vous sied pas du tout. »


Touché ? Oui, il se raidit le petit Prince.

-« Admettons que j'aurais pu dire oui. Vous auriez épousé une femme qui vous répugne et vous exaspère. »
-« Toute autre aurait fait de même. »
-« Et je me retrouverai mariée avec un homme dans lequel je verrai l'enfant que je chérissais. Capricieux, peut être mais chéri. »
-« Le genre humain est vulgaire, me répugne et m'exaspère. Au moins l'un de nous aurait eu son compte. »
-« Prenez un chien, Votre Altesse. »
-« Si un chien pouvait me donner descendance, soyez assurée que j'en aurais pris un. »
-« On dit que certains nobles ne s'arrêtent pas à l'espèce, tant qu'il y a un con. »


A croire que c’est à celui des deux qui sera le plus abject.

-« D'ailleurs, il est certains hommes qui ne s'embarassent pas tant de cela. Ah ces grecs ! »

Elle ne sait pas ce qu’ils font mais son frère et Cassian ont tant fait cas de ces grecs et de leurs mœurs outrancières. Le Prince de hausser les épaules, et de la scruter durement, alors même qu’elle pouffe de rire avant de suçoter un autre caramel.

-« Bonsoir, Yolanda. Souffrez que je ne vous ôte pas le gage de vos épousailles. »

Et il baisse le regard pour dissimuler un sourire vicieux qu’elle entrevoit. Est-ce l’impression d’avoir tout à fait perdu l’enfant qu’elle chérissait pour ce qu’il était celui de Marraine, toujours est-il qu’elle hésite un instant avant de se lancer.

-« Votre Altesse ? Vous semblez robuste, vous l'avez toujours été. Vous criiez déjà fort, continuez ainsi. La question de l'héritier se posera plus tard. Je serai fort aise si vous me laissiez choisir femme à votre pointure. Discrète surtout. »
-« Soit. Nous verrons. »


Il s’apprête à partir, et se levant, elle esquisse une révérence en ce sens, mais pas sans un dernier mot.

-« Vous devriez être rassuré. Vous n'aurez pas à épouser la grosse Yolanda. Bonsoir, Votre Altesse. »
-« Bonsoir Yolanda. »


C’est un sourire sur le visage du Prince, un sourire qui reste gravé en sa mémoire alors qu’il quitte les lieux, la laissant pantoise de cette conversation, et derechef, elle se laisse tomber sur sa chaise, la main se tend en direction du verre vide, qu’un domestique vient remplir avec célérité.

Ils se connaissent si bien, et c’est ça qui l’épuise.

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Yolanda_isabel
Voilà deux semaines qu’ils se sont vus. Deux semaines pendant lesquelles, elle l’a mis dans un coin de son esprit et non pas, tout à fait oublié. La preuve en est, sa présence en les Halles de Paris alors qu’elle revenait de la Tour Jean-Sans-Peur, elle cherchait alors quelque chose. Et ce quelque chose a été trouvé dans la caravane d’un marchand maure lui présentant autant de tissus que d’épices, de quoi plaire à Simon Temple comme à Linien Lamora, mais surtout, le bruit dans sa chambre lui rappelle qu’elle a cédé et a acheté le petit singe présenté par le marchand, avec une promesse toutefois de lui en fournir un deuxième à son prochain voyage parisien. Et que même si l’animal est mignon, il monopolise bien trop son espace vital pour le garder encore un peu. Une dernière fois, la toilette est considérée dans la psyché, et une toute dernière fois, elle vérifie que la crépine perlée retient les boucles blondes et que rien n’en dépasse. Le singe est attrapé à bras, se laissant faire en dépit de sa récente acquisition, entre bêtes, on se comprend.

Dans le coche qui l’amène à sa destination, elle observe le petit primate et s’amuse de ses mimiques, indifférente aux rues traversées, et enfin, elle entre dans la cour de l’hôtel des Castelmaure dans laquelle, elle se fait accueillir avec les égards dus à la filleule de la défunte Duchesse, domesticité ignorante des désaccords entre les deux Infants. Et de la même façon, qu’il s’est invité chez elle, et s’est permis de pénétrer dans son intimité, elle fait de même, le singe sur l’épaule, la porte de la chambre est poussée.

Et devant le spectacle qui s’offre à elle, en ces lieux, en ce moment, la seule réaction qui lui paraît digne fait le jour dans son esprit. Yolanda Isabel de Josselinière s’agenouille en une révérence silencieuse.

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Charlemagne_vf
C'était pourtant peu de chose. Un homme sur un homme. Peau contre peau. Charlemagne, le corps glabre, et le teint lunaire, en position canine, faisant un pond au dessus de Jehan, le corps légèrement velu. Que faisaient-ils de mal ? Un peu de sport, et quelques baisers. Des mains, peut-être, posées sur un torse, et un Prince souriant sans décence et comme nul ne le voyait jamais sourire.
C'était un rictus singulier que pouvait admirer la Josselinière, d'où elle était. Le point de vue, rare, laissait voir deux collines fermes et blanches, tracées d'un fleuve plutôt sombre. La chute de rein, les fesses, la cambrure. Un paysage de cascade, et la rencontre de deux êtres en complète dualité. Le Prince et le Pauvre dans un même lit. La scène se répétait souvent, très souvent, jamais assez souvent. Elle était d'une banalité sans égale pour les murs, les meubles et la poussière, seuls témoins de cette débauche.
Elle était spectaculaire pour tout autre être vivant, mais aucun ne se risquait à entrer dans le couloir qui abritait les appartements de Son Altesse. Pourtant, Yolanda avait osé.
Il était surprenant que nul ne l'ait prévenue de son sacrilège, mais nul n'imaginait qu'elle pourrait y voir un blasphème. Tout au plus pensait-on, dans la maison, qu'elle allait causer le courroux du Maître, et pour une fois, ce n'est pas sur le service qu'il tomberait.

La porte n'avait pas été bruyante. Si la femelle n'avait pas sombré en révérence, menant ses jupes au léger crissement que fait la pointe du tourne-disque sur le vinyle, l'Infant aurait accompli son oeuvre sans se penser dérangé. Il l'était toutefois.
Il sembla s'écouler quelques heures. Charlemagne, alerté, resta de marbre, glacé. Le regard dans celui de son amant, il cherchait à comprendre. Le visage rosi, il priait pour que ce ne soit rien. Un courant d'air, des pas dans le couloir, mais rien qui n'ait traversé la porte de bois massif de cette chambre. Rien, mais surtout personne.
Fervac le prit par les côtes, et le déposa presque violemment à côté de lui. Le Castelmaure tira une couverture sur lui, le regard devenu un peu fou. C'était un enfant, mais capricieux : il aurait pu provoquer la mort de la Demoiselle de Molière sans préavis. Si l'Ours n'avait pas été nu et désarmé, il l'aurait tuée sans ordre. Il resta aussi coi que son Maître, qui finit par rompre le silence, glacial.


Sors, Jehan.

En certaines occasions, l'Ombre n'écoutait pas, ou protestait. La voix avait été si ferme qu'il n'hésita pas, prenant avec lui les frusques traînant. Il laissa glisser son corps adorable vers une porte plus petite qui le mènerait à sa chambrine de garde. L'Infant était occupé à tuer de ses marines la jeune femme, et son regard ne s'arrêta pas même pour regarder ces fesses délicieuses, son fétichisme, son pécher, sa préférence.
Le poing de l'Aiglon se serra en même temps que son estomac. Son esprit était embué et confus.
Devait-il détruire cet objet qui en savait trop, et pas parce qu'on lui avait confié ce trop ? Devait-il l'amadouer ? Mais comment amadouer cette chose haïe. Devait-il la rendre muette ? La menacer ?
Il ne pouvait pas tuer l'héritière d'Erik de Josselinière. Un Prince peut beaucoup, mais son drame est de ne pas pouvoir tout. Ou pas sur tout le monde.
Il parla. Froid encore.


Pourquoi vous évertuer à nourrir mon ressentiment ?

Mais sur ce dernier mot, l'Enfant chancela. Le poids de ses quatorze ans et de sa vie sans grandes contradiction tomba tout sur ses épaules. La voix sûre trembla, les doigts se joignirent et le bras droit aussi se mit à trembler. Les lèvres roses du Prince se pincèrent, et ses yeux, guiséens, se mouillèrent un peu.
Il sentait venir l'engrenage dont on ne sort pas, ces noeuds qui vous prennent aux tripes et où vous pensez qu'il n'est plus une solution au monde pour vous sauver. Il soupire, et soupire à nouveau, parce qu'il est perdu. Il ne peut accorder sa confiance à cette femme qu'il n'aime pas. Il ne peut non plus lui faire oublier ce qu'elle a vu, même s'il essaye, vainement.


Ce n'était rien de ce que vous pensez.

Mais c'était au contraire tout ce qu'elle devait imaginer, et comment y voir autre chose que la réalité ?
Le corps frêle s’emmitoufla dans la couverture, se protégeant de tout le mal qu'entrevoyait le Prince à l'issue de cela.
Charlemagne aurait voulu lui demander de ne pas le trahir, il aurait aimé lui dire que nul ne la croirait, lui faire couper la langue, nier l'évidence encore et encore, puis pleurer pour l'adoucir. Il ne fit rien. Il tenta, plus ou moins bien, de reprendre sa dureté. Son visage se glaça un peu, sans grande réussite. Puis il la regardait, comme s'il dépendait de son jugement, parce qu'il dépendait de son jugement.

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Yolanda_isabel
La scène l’a estomaquée, sinon comment expliquer alors sa position révérencieuse certes mais surtout lui permettant de voiler ces corps nus qui s’offrent au regard. Remettons les choses dans leur contexte : Yolanda a quatorze ans, est toujours pucelle et comme toute bonne fille de noblesse, ne connaît du péché que ce qu’on a bien voulu lui en dire, autrement dit bien peu de choses si ce n’est qu’il ne faut pas s’y adonner en dehors du mariage. Si elle a déjà vu des chiens s’adonner à ce genre de pratiques, du moins n’a-t-elle encore jamais vu d’humains le faire, et pas plus de couples jugés bienséants par la société, que de couples du même sexe, et ces hommes-là dans la couche princière, elle ne veut pas les voir, et le regard fixé sur le sol, elle considère le natte de paille tressée avec grand intérêt. Fait-il donc si peur ce Jehan qui était si beau dans sa nudité pour que le singe qu'elle a basculé lors de sa révérence s’agite autant sur son passage ? Elle ne le sait pas, elle ne le voit pas passer nu, et l’azur ne se lève que lorsque la sentence tombe, lorsque les mots s’adressent à elles. Les reproches lui sont familiers, et c’est seulement cela qui lui intime de se redresser de sa grande stature pour contempler les vestiges d’un nid d’amour.. Grec.

C'est dans cette couche que se cache l’Aiglon, puisqu’il s’y cache assurément, il a dans le regard, l’étincelle fuyante de l’animal qui se sent acculé et plutôt que de s’en réjouir, Yolanda est peinée d’être la cause du tourment de son petit prince. Le singe est déposé avec douceur sur le bord de la couche, et avec pragmatisme, la Lune de fouiller du regard la pièce pour y dénicher les habits princiers, là, une chainse, ici des braies de lin. Elle ne dit rien, ne veut rien dire, et pourtant, il lui semble que ce sera pire encore que de dire quelque chose. Tandis qu’elle se penche pour saisir les chausses et les haut-de-chausse, elle ose.


-« Ce n’est pas dans mes attributions de penser quoique ce soit. »

Les vêtements sont déposés sur la couche, et puisqu’elle ne voit nulle part de tunique, elle en conclue donc qu’il n’était pas habillé avant l’affaire, alors une malle est ouverte puis une autre, dans laquelle elle trouve son bonheur, un bliaut d’un noir de jais pour rendre au Prince sa prestance. Le velours est éprouvé entre les doigts de la jeune fille.

-« Je venais vous apporter un présent et vous parler de cette affaire d’épouses, j’ai par devers moi quelques noms qui pourraient avoir l’heur de vous intéresser. »

Elle lui fait face de nouveau, et le bliaut rejoint ses petits cousins sur le tas déjà formé au bout du lit. Elle sourit, mais pas moqueuse, pas cette fois, non cette fois, le sourire est tendre à l’aune de cet amour qu’elle lui porte, cet amour fraternel tantôt puissant quand il n’est pas là, tantôt éprouvé quand il s’adresse à elle. Et comme elle le ferait pour un frère, elle repousse dans son inconscient la scène qui s’est déroulée sous ses yeux, il n’en est plus question et elle se tourne derechef pour lui laisser le loisir de sortir de sous les couvertures pour se vêtir ou bien pour la chasser tout à fait de son intimité.

Vois, je ne te juge pas et je t’aime.

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Charlemagne_vf
Charlemagne trembla. Que ce soit le vent passé quand la porte s'était fermée, que ce soit ce malaise qui ne le quittait, que ce soit la peur qui tenait ses tripes enserrées. Sur sa peau se dressait le fin duvet qui lui était une maigre fourrure. Son visage restait terriblement neutre, d'une placidité désirée et maîtrisée. Il fallait pourtant que son coude, nerveusement agité, trahisse cette tranquillité d'esprit à laquelle lui-même ne croyait pas.
Il observa Yolanda qui s'avançait, qui reculait, qui touchait à ses affaires comme l'aurait fait une mère courroucée de trouver son enfant encore couché un jour de classe. C'était bizarre, ce silence, et désagréable, et quoique rassurant, l'Infant ne fut pas pleinement satisfait de savoir qu'elle ne devait pas penser. S'il tenait les femmes pour inférieures et matérielles, il ne sous estimait pas leur capacité à réfléchir et à faire leur pain, parfois mieux que les hommes, mais par mesquinerie et perversité.
Il était ingrat, entre ces draps de soie.
Silencieux, et l'air méfiant dans les yeux, le Prince recouvre son corps de ce tissu fin et sommaire. Ce n'est pas tant une prestance qu'il lui faut : il a besoin d'une contenance. Il tremble encore, et ses doigts un peu moite peinent à tenir le bliaut. Il se tord pour enfiler ses hauts de chausse sans se lever. Il ne quittera son nid que vêtu. Il le fit pour se trouver face à cette blonde, et y soupirer.

L'Aiglon ne savait trop au dessus de quel bois voler. L'humanité enfouie sous son derme lui hurlait avec douceur de briser cette glace. Ce masque froid qui lui est un rempart, il pourrait le laisse fondre un peu, et implorer, un peu.
Il pourrait parler, se justifier, car après tout, son mal est justifiable à défaut d'être acceptable. Puis, parce que le Castelmaure peine à exprimer toute émotion, puisque la culpabilité ne se vainc que dans l'obscurantisme, il mime l'ignorance, et joue le jeu de la Josselinière, qu'il devra s'efforcer de ne plus offenser, car il pense que tel est le prix de son secret.


Un présent. C'est aimable. Quel est-il ?

Il voulait de l'enthousiasme, mais sa voix tomba, plate et lourde. Il n'y eut aucune joie, aucune curiosité sensible. Que de l'entendu, que de la commodité.
Elle venait parler d'époux. L'ironie est dure : la Dame de Molière avait eu sous ses yeux la préfiguration du mariage de l'Infant. Un échec sentimental, une incompatibilité sexuelle, une vie seconde et sombre. Un trouble qui ne souffrirait que l'illusion d'une vie d'apparence. Une apparence qu'elle avait percée à jour, la folle.


Dites moi tout.

Lui n'avait rien à dire.
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Yolanda_isabel
Et alors qu’il s’habille et qu’elle lui tourne le dos, l’image de ces deux corps masculins dénudés et entrelacés lui collent à l’esprit, à la peau et hérissent sur son corps des centaines de petits pics de curiosité mêlée d’une saugrenue excitation, non pas parce que ce sont eux, mais bien parce qu’alors qu’elle y songe, elle imagine, bien à son insu, ce que pourraient donner le corps de Clotaire et le sien dans cette même posture, et les propos d’Aimelina lui reviennent en tête, sournois et terriblement attrayants. La tête lui tourne et son cœur s’agite, étourdi de tant de sensation, et des brasiers semblent vouloir lui enflammer le ventre, à imaginer son si chaste et si pur Clotaire la toucher comme l’a promis la Linèta, comme l’a dévoilé Charlemagne. Et ce sont ses mots bien plus que sa présence devant lui qui lui font perdre le cours de ses pensées et la ramène à de plus sages dispositions. Que lui a-t-il demandé déjà ? Ah oui, le présent.

Et puisque c’est une bonne excuse pour se changer les idées, elle traverse la pièce pour rejoindre le petit chimpanzé qui a pris ses aises en jouant avec l’eau dans l’aiguière posé sur un coffre, servant certainement aux ablutions princières. La petite menotte poilue est saisie et avec la dextérité propre aux bêtes de son espèce l’animal de s’accrocher au bras qui l’emporte pour rejoindre le torse et s’y tenir avec grande conviction, du moins faut-il lui reconnaître un talent avec les animaux si elle n’a jamais réussi qu’à irriter l’Aiglon.


-« Le voici votre Altesse. J’ai pensé qu’un présent exotique serait accueilli avec plaisir, le byzantin qui me l’a vendu, m’en a dit beaucoup de bien. Notamment qu’ils étaient très distrayants et intelligents, je ne doute pas de votre capacité à le bien dresser, il sera plus intelligent qu’un savoyard au moins. Il me faut vous mettre en garde, quand ils grandissent, leurs dents peuvent faire de beaux ravages de ce qu’on m’en a dit. »

Il lui faut un prénom mais elle ne le dira pas, parce que cela coule de source qu’il imposera sa marque, mais elle ne lui impose pas l’animal puisque déjà ses pensées vont vers autre chose. Les épouses.

-« Vous devez vous marier. » C’est un impératif, et elle n’a pas peur de l’utiliser puisqu’elle sait qu’il en a bien conscience aussi. « C’est à notre tour de perpétrer le nom de nos parents. C’est .. Notre rôle. » Ne le prends pas pour un idiot à quoi rimait donc sa demande s’il n’en avait pas conscience. « J’ai donc … Enfin. Voilà. »

Et de sortir de son escarcelle un papier où sont griffonnés sans soin quelques noms assortis de titres. Que tu es cruelle Yolanda de lui infliger cela maintenant que tu sais, bien protégée derrière ton petit bonheur, derrière ton beau fiancé ducal, tu ne crains plus d’accomplir ce pour quoi tu es née femme et héritière, mais lui. L’azur se pose sur le papier et l’espace d’un instant lui vient l’envie de le déchiqueter plutôt que de savoir Charlemagne plus malheureux qu’alors. Mais ce n’est pas son rôle de le protéger malgré l’envie qui la torture de le faire, son rôle est de le seconder autant qu’il pourra la supporter, et finalement le pli est tendu et avec lui, le petit singe qui tente de l’attraper pour finalement se rattraper à ce bras tendu.

Vois ce que je t’offre Charlemagne, des faux semblants et des singeries.

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Jehan.fervac
Il est vrai. C'était pourtant peu de chose. L'expression simple du désir et de l'amour. Ce n'était pas grand chose, juste quelques caresses, juste quelques baisers, juste quelques soupirs. Juste. Cela sonnait juste, jusqu'à ce qu'un bruit se fasse entendre, presque rien. Un froissement de tissu, pourtant, c'était suffisant pour que l'Ours sorte les griffes. Les mains saisirent les hanches du Prince et dans un mouvement brusque, il le posa sur le coté et bondit hors du lit.

Drôle de posture.

Nu comme un vers, cependant tendu vers l'adversaire. Heureusement, le dit adversaire était incliné et ne put probablement pas voir la tenue d'Adam de Jehan, enfin, pas totalement. Cependant, il ne put réagir plus. C'était la jeune tutrice du Prince qui se trouvait là. Fervac se trouva totalement démuni. Les bras ballants. Il ne savait quoi faire, il tourna donc un regard désespéré et perdu vers son seul secours : le Prince.
Celui-ci fit la seule chose qu'il y avait a faire. Faire sortir Jehan. Et celui-ci ne demanda pas son reste, il attrapa ses braies qui gisaient au sol, ainsi que sa chemise, et fila.

Horreur.
Angoisse.
Terreur.

Jehan avait refermé la porte sur lui, il sauta dans ses braies, passait sa ceinture dans la boucle, lui arrachant un cliquetis quand il entendit les mots a travers la porte. Il entendit « affaire d'épouse », il allait passer sa chemise, mais préféra l'abandonner sur sa couche et se coller littéralement au panneau de bois pour entendre de quoi il s'agissait. Comment ça une épouse ?

Une épouse, en plus ?
En plus de tout le soucis qui venait de tomber sur le coin du nez de l'Ombre. Parce qu'il y avait pensé, il serait probablement dénoncé comme un vil débauché qui avait perverti le Prince de France. Jehan était tremblant, tout blanc. Collé comme une affiche a la porte. Il entendit tout. L'histoire de mariage et lignée perpétrée.
Peut être qu'il était temps de partir. Il était devenu très risqué de rester dans cet endroit. Car Jehan Fervac était maintenant démasqué, tout comme le Castelmaure. L'Ombre glissa contre le panneau de bois, si fin qu'il pouvait entendre les deux respirations dans l'autre pièce, il resta le dos contre la fraîcheur boisée qu'apporté la séparation. Il avait le souffle coupé. Il sentait comme un gant de fer dans sa poitrine, lui enserrant toujours plus le cœur. Il se prit la tête entre les mains, il se sentait accablé, démuni, détruit.

Détruit était le mot.
Il sentait que tout s'écroulait autour de lui. Le Prince allait l'envoyer voir ailleurs pour pouvoir compter fleurette a son épouse en toute tranquillité. Le monde s'écroule. Tout partait en vrille. Mais c'est pas comme le Fervac ne s'y attendait pas. Cela devait finir ainsi, cela avait été dit depuis le début. Alors pourquoi se trouver tellement anéanti ?

Il eut froid soudainement, tellement froid... Jusqu'au fin fond de son âme. Il frissonna, il se sentait perdu. Pourtant, rien n'était encore jouer, le Prince n'allait peut être pas accepter... Peut être pas. Mais si. Bien sur que si, bien sur qu'il va accepter. Il n'a pas le choix. Il devait accepter. Sa joue devint humide, puis l'autre. La respiration était saccadée. L'Ours était a terre. Plus que jamais a terre. Il mit sa main sur sa bouche, il sanglotait comme un enfant. Il ne fallait pas qu'on l'entendent. Il ne fallait pas... Mais pourtant, il se laissait aller a cet abattement, il ne pouvait pas lutter contre cela.

Froideur.
Abattement.
Tristesse.

C'était un sentiment terrible qui avait saisit l'ensemble de l'être qui se tenait dans cette chambrine, il était tétanisé.
Que pouvait-il faire contre cela.
Que pouvait-il faire contre la raison d'état ?

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