Scavola
le principe est simple et bien connu. Il s'agit de composer un quatrain avec les quatre mots laissés par le prédécesseur. Le tout agrémenté d'un peu de RP et le tour est joué.
LA POESIE, C'EST POUR LES GONZESSES
Cette thèse avait jadis été soutenue par un soulard quelconque dans une taverne, alors que Scavola avait osé dire publiquement qu'il aimait les vers et qu'il en faisait (ce n'est pas grave, ça gratte un peu, ça se soigne).
Il n'avait pas trop eu le temps de la démontrer, le soulard, sa thèse, parce que Sca avait un brin pris la mouche, lui avait sauté dessus et avait commencé à lui graver sur le dos un Sonnet de Pétrarque avec la lame de son couteau avant que les autres clients ne les séparassent.
Et il aurait eu du mal à la démontrer, sa thèse, le soulard.
Parce que premièrement, Scavola connaissait des femmes, des vraies, qui, à la lecture d'un poème quelconque, se mettaient à bailler, soupirer, sortir leur dague, insensibles aux charmes des rimes riches...
Parce que deuxièmement, il connaissait des hommes, des vrais, des guerriers, tout couturés, qui faisaient aussi dans le ménestrel et la rime.
Et puis de toutes façons, quand bien même la poésie serait affaire de gonzesse, hé bien Scavola assumait ainsi son côté féminin, tout en finesse et en délicatesse.
Voilà pourquoi il avait décidé, à son arrivée dans la bonne ville d'Angers, de louer un petit réduit dans une ruelle discrète,qu'il avait visitée à plusieurs reprises. Les prix n'étaient pas chers, donc tout à fait appropriés à la bourse de Sca, puisque cette rue était essentiellement fréquentée par des filles de joie, leurs protecteurs et leurs clients. C'est dire si on y pratiquait davantage l'amour vénal que la manipulation des bouts rimés (quoique...). Un Livre des Quatrains dans une ruelle de Catins, on ne pouvait pas rêver mieux.
-C'est pour quoi faire que vous louez mon entresol ? qu'il avait demandé le propriétaire Je vous préviens, je veux pas d'ennuis avec la Prévôté, moi, ni avec la Mairie. Si vos faites travailler des filles, faut qu'ça soye discret
-Non, mais heu c'est pas pour ça . C'est pour faire de la poésie.
-Ils disent tous ça. Enfin, vos saletés me r'gardent pas, du moment que vous payez et qu'z'êtes discrets.
-Promis. Discrétion assuré. Tout en finesse et délicatesse, Messire.
Il avait payé, il avait installé un pupitre, des rouleaux de parchemin, de l'encre, des plumes, un fauteuil confortable, et dans un coin, quelques bouteilles de liqueur pour l'inspiration.
Il avait cloué sur la porte le placard suivant
LIVRE DES QUATRAINS D'ANGERS
Venez gratter votre plume
Et coucher sur le papier
Joies et Infortunes
Ou vos moindres Pensées
C'était à lui de s'y attaquer le premier. Un quatrain en forme de petit autoportrait.
Je ne suis heureux qu'au milieu du danger,
A occire, tout en fièvre, quelque soldat royal,
Embrasser la poitrine d'une catin d'Angers
Et je ne sais distinguer ni le Bien, ni le Mal
Puis il laissa quelques mots pour celui ou celle qui aurait l'idée de venir visiter ces lieux.
Fidèle/Devenir/Mortelle/Sourire