Soren
« Flashback »
Dehors le vent s'était déchainé soulevant des étoupes entières de neige folle, faisant tourbillonner ces cristaux à son gré avant de les rejeter contre des dunes de leurs semblables plusieurs pieds plus loin. Dans cette tempête, il était impossible d'y voir à plus de dix pieds. Rentrer au castel cette nuit eut été de la folie même pour les danois qu'ils étaient. Quand à rester ici jusqu'au petit matin, c'était courir tout droit vers le courroux parental. Au moins ici, ils étaient à l'abri. Sans nourriture. Sans eau. Sans aucune possibilité de faire du feu pour se réchauffer et ce n'était pas la petite lampe-tempête qui pourrait lutter contre les températures glaciales de cette froide nuit de février. Chacun d'entre nous s'était recroquevillé dans un coin de la cabane de fortune, s'emmitouflant du mieux que possible dans nos peaux de loups, de renards, d'ours. Les visages étaient fermés, les traits soucieux. Pour la plupart d'entre nous, c'était sans doute la première nuit loin du confort familial, dans une nature hostile. Seul lui et moi avions déjà dû être confronté à pareille situation. Lui, c'était...
- Père m'a dit une fois que les tempêtes par ici pouvaient facilement durer 7 jours et 7 nuits et...
- Tais-toi! Qu'est-ce que tu cherches à faire? Nous effrayer?
- Seurn a raison. Mieux vaut parler d'autre chose.
- Dis-moi Jørgen, de quoi as-tu le plus peur? De rester coincé ici à cause de la tempête? De mourir de froid? De faim? De faire dans tes braies devant tes amis ou...de la rouste que ton paternel va te donner quand il s'apercevra que tu n'es pas rentré de la nuit?
- Tu te crois le plus fort hein?
- Jørgen!
- Sveeeeen? Ainsi c'est donc toi la nourrice de Jørgen? Le bruit courait au castel mais je n'osais y prêter attention. Il faut croire que je suis trop naif.
Morten s'était levé d'un bond, les traits déformés par la colère. s'apprêtant à se ruer sur l'orgueilleux. Mon bras s'étant interposé, il interrompit son mouvement. Son regard s'emplit de points d'interrogation alors qu'il croisait le mien. Ce n'était pas le moment de se déchirer, de régler ses comptes ou d'affirmer sa supériorité sur les autres. C'était plutôt le moment de se serrer les coudes. Morten était intelligent. Il était sans doute le plus réfléchi de notre bande. Il n'y avait nul besoin de paroles, il avait sans doute compris ce que je voulais dire.
- Et maintenant on fait quoi? On rentre?
- Thomas a raison: on ne peut tout de même pas rester ici jusqu'au petit matin?
- Et on ne peut pas sortir dans cette tempête. On n'arrivera jamais à faire les 3 lieues qui nous séparent du castel dans ces conditions-là! Il faut prendre notre mal en patience et espérer que la tempête ne fera que passer. Au moins, on a...
Je n'ai même pas eu le temps de terminer ma phrase qu'un bruit de verre se fit entendre au milieu des sifflements du vent. La faible lumière qui éclairait la pièce se dissipa instantanément. La flamme de la lampe s'éteignit dans un pschiiiitttt éloquent. Pas de nourriture, pas d'eau, pas de feu et maintenant plus de lumière. Pas même celle des étoiles ou de la lune. Rien. Et ce cri de loup, au loin, porté par les rafales de vent? Était-il sorti de mon imagination ou...?
- Faites attention où vous mettez les pieds les gamins! Il ne manquerait plus qu'on doive soigner des entailles aux pieds dans ces ténèbres.
« Paris, par une nuit froid et venteuse »
- Faites attention où vous mettez les pieds. Il ne manquerait plus qu'on doive soigner des entailles aux pieds dans ces ténèbres.
Une femme. La silhouette dessinée par la lampe avant qu'elle ne se brise vient d'être confirmée par le timbre de la voix. Je me suis imaginé mon hôte sous une multitude de formes différentes: petit, gros, replet, balourd, rusé, pernicieux, sanguinaire, violent, artistique... mais jamais sous des traits féminins. Tendant la main vers la petite table basse, je récupère ma canne. Dans la noirceur de la nuit, trois tocs se font entendre alors que je m'approche de la porte d'entrée. Le bout de la canne repousse un morceau de verre en face de moi. Mon hôte est en face de moi mais je n'arrive pas à percevoir ses traits. Quand à sa voix, elle ne me dit rien d'autre. Une femme...
- Étrange question que la vôtre! Vous attendez-vous à ce que je vous montre l'invitation que vous m'avez envoyé pour que vous ayez connaissance de mon identité? Ou alors avez-vous donné rendez-vous à plusieurs personnes? Ou...Vous a t-on vous aussi invité ici?
"Après tout danois, qu'est-ce qui te fait croire qu'elle est celle qui t'a invité ici?". Du revers de la manche, j'extirpe le message que j'ai reçu. Le froissement du vélin se fait entendre dans la pièce. Le tendant dans sa direction, je cherche à croiser les prunelles de ses yeux.
- Si vous n'êtes pas celle qui m'a convié ici, mon nom ne vous dira rien...Et si vous êtes l'auteur de ce message, alors nul doute que vous le connaissiez déjà. Aussi, comprenez que je trouve votre question étrange.
Pivotant d'un quart de tour vers sa droite, j'espère ainsi trouver un angle où je puis mieux discerner ses traits. Il parait qu'un visage en dit long parfois sur une personnalité.
- Mais puisque je suis bon joueur... et dans une période magnanime...Seurn Eriksen! C'est comme ça que la plupart des personnes me nomment. Maintenant dites-moi: pourquoi m'avez-vous convié à cet étrange rendez-vous? Que me voulez-vous?
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Dehors le vent s'était déchainé soulevant des étoupes entières de neige folle, faisant tourbillonner ces cristaux à son gré avant de les rejeter contre des dunes de leurs semblables plusieurs pieds plus loin. Dans cette tempête, il était impossible d'y voir à plus de dix pieds. Rentrer au castel cette nuit eut été de la folie même pour les danois qu'ils étaient. Quand à rester ici jusqu'au petit matin, c'était courir tout droit vers le courroux parental. Au moins ici, ils étaient à l'abri. Sans nourriture. Sans eau. Sans aucune possibilité de faire du feu pour se réchauffer et ce n'était pas la petite lampe-tempête qui pourrait lutter contre les températures glaciales de cette froide nuit de février. Chacun d'entre nous s'était recroquevillé dans un coin de la cabane de fortune, s'emmitouflant du mieux que possible dans nos peaux de loups, de renards, d'ours. Les visages étaient fermés, les traits soucieux. Pour la plupart d'entre nous, c'était sans doute la première nuit loin du confort familial, dans une nature hostile. Seul lui et moi avions déjà dû être confronté à pareille situation. Lui, c'était...
- Père m'a dit une fois que les tempêtes par ici pouvaient facilement durer 7 jours et 7 nuits et...
- Tais-toi! Qu'est-ce que tu cherches à faire? Nous effrayer?
- Seurn a raison. Mieux vaut parler d'autre chose.
- Dis-moi Jørgen, de quoi as-tu le plus peur? De rester coincé ici à cause de la tempête? De mourir de froid? De faim? De faire dans tes braies devant tes amis ou...de la rouste que ton paternel va te donner quand il s'apercevra que tu n'es pas rentré de la nuit?
- Tu te crois le plus fort hein?
- Jørgen!
- Sveeeeen? Ainsi c'est donc toi la nourrice de Jørgen? Le bruit courait au castel mais je n'osais y prêter attention. Il faut croire que je suis trop naif.
Morten s'était levé d'un bond, les traits déformés par la colère. s'apprêtant à se ruer sur l'orgueilleux. Mon bras s'étant interposé, il interrompit son mouvement. Son regard s'emplit de points d'interrogation alors qu'il croisait le mien. Ce n'était pas le moment de se déchirer, de régler ses comptes ou d'affirmer sa supériorité sur les autres. C'était plutôt le moment de se serrer les coudes. Morten était intelligent. Il était sans doute le plus réfléchi de notre bande. Il n'y avait nul besoin de paroles, il avait sans doute compris ce que je voulais dire.
- Et maintenant on fait quoi? On rentre?
- Thomas a raison: on ne peut tout de même pas rester ici jusqu'au petit matin?
- Et on ne peut pas sortir dans cette tempête. On n'arrivera jamais à faire les 3 lieues qui nous séparent du castel dans ces conditions-là! Il faut prendre notre mal en patience et espérer que la tempête ne fera que passer. Au moins, on a...
Je n'ai même pas eu le temps de terminer ma phrase qu'un bruit de verre se fit entendre au milieu des sifflements du vent. La faible lumière qui éclairait la pièce se dissipa instantanément. La flamme de la lampe s'éteignit dans un pschiiiitttt éloquent. Pas de nourriture, pas d'eau, pas de feu et maintenant plus de lumière. Pas même celle des étoiles ou de la lune. Rien. Et ce cri de loup, au loin, porté par les rafales de vent? Était-il sorti de mon imagination ou...?
- Faites attention où vous mettez les pieds les gamins! Il ne manquerait plus qu'on doive soigner des entailles aux pieds dans ces ténèbres.
« Paris, par une nuit froid et venteuse »
- Faites attention où vous mettez les pieds. Il ne manquerait plus qu'on doive soigner des entailles aux pieds dans ces ténèbres.
Une femme. La silhouette dessinée par la lampe avant qu'elle ne se brise vient d'être confirmée par le timbre de la voix. Je me suis imaginé mon hôte sous une multitude de formes différentes: petit, gros, replet, balourd, rusé, pernicieux, sanguinaire, violent, artistique... mais jamais sous des traits féminins. Tendant la main vers la petite table basse, je récupère ma canne. Dans la noirceur de la nuit, trois tocs se font entendre alors que je m'approche de la porte d'entrée. Le bout de la canne repousse un morceau de verre en face de moi. Mon hôte est en face de moi mais je n'arrive pas à percevoir ses traits. Quand à sa voix, elle ne me dit rien d'autre. Une femme...
- Étrange question que la vôtre! Vous attendez-vous à ce que je vous montre l'invitation que vous m'avez envoyé pour que vous ayez connaissance de mon identité? Ou alors avez-vous donné rendez-vous à plusieurs personnes? Ou...Vous a t-on vous aussi invité ici?
"Après tout danois, qu'est-ce qui te fait croire qu'elle est celle qui t'a invité ici?". Du revers de la manche, j'extirpe le message que j'ai reçu. Le froissement du vélin se fait entendre dans la pièce. Le tendant dans sa direction, je cherche à croiser les prunelles de ses yeux.
- Si vous n'êtes pas celle qui m'a convié ici, mon nom ne vous dira rien...Et si vous êtes l'auteur de ce message, alors nul doute que vous le connaissiez déjà. Aussi, comprenez que je trouve votre question étrange.
Pivotant d'un quart de tour vers sa droite, j'espère ainsi trouver un angle où je puis mieux discerner ses traits. Il parait qu'un visage en dit long parfois sur une personnalité.
- Mais puisque je suis bon joueur... et dans une période magnanime...Seurn Eriksen! C'est comme ça que la plupart des personnes me nomment. Maintenant dites-moi: pourquoi m'avez-vous convié à cet étrange rendez-vous? Que me voulez-vous?
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