Actarius
Le premier, le Vicomte pénétra dans la grande salle du Tournel. Depuis des années, elle n'avait pas vraiment changé. Y étaient passés nombre de proches, s'y étaient succédé les sujets aux doléances multiples. Des partages de terres, des vols, des histoires de dot, des réparations, des demandes d'aide, d'écus, des propositions de vente, des espoirs, des déceptions. La grande salle de la forteresse avait connu bien des émotions, mais le sentiment le plus fidèle à ces lieux demeurait la solennité, la puissance inspirées par ces épais murs de schiste. Ils témoignaient du prestige des barons d'antan, de leur souci de préserver cette haute vallée sauvage sur laquelle veillait le Castel avec la bienveillante arrogance de ses imprenables murailles grises.
La salle avait également connu les scènes de famille, les rares repas partagés. Nanelle, Enimie, Thibert, Henriet, tous y avaient passé du temps, sy étaient amusés, ensemble. Le silence qui pesait sur le Vicomte était le leur, celui quils lui avaient imposé en séteignant trop tôt. Amputé de son épouse, éventré de sa descendance, il ne restait de famille proche au Mendois que la jeune Mélisende, sa fille adoptive, issue du premier mariage de feue son épouse. C'était à la fois agréable et douloureux de la voir s'épanouir au fil du temps. Car à chaque jour qui passait elle lui rappelait la perte de ses propres enfants, ceux qui auraient perpétué son nom, elle lui rappelait sa jeune Enimie, son aînée, qui sans nul doute l'aurait comblé de fierté. Il n'en laissait rien paraître de ces sentiments contradictoires et se contentait d'afficher son attachement, sans effusion.
Mais ce Ve jour d'octobre serait différent sous bien des aspects. Il allait montrer lors de la cérémonie qui se déroulerait bientôt toute sa confiance. Avec l'oeil orgueilleux, il avait assisté à l'épanouissement de la demoiselle, ses premiers pas au sein de l'ordre royal de la Licorne, sa prise en main tumultueuse de l'université, sa volonté d'y mettre de l'ordre. Elle suivait son chemin sans avoir eu à bénéficier des avantages qu'auraient pu lui offrir la condition de son père d'adoption, elle le suivait avec humilité et avec dévouement. Elle portait en elle l'amour de sa terre et il était plus que temps de lui donner l'occasion d'avancer un peu plus vite, de lui faire don d'une situation en adéquation avec les valeurs qui étaient siennes et d'espérer aussi, car ce présent ne serait pas totalement désintéressé, lui rappeler ces valeurs et la détourner par le serment de certaines amitiés qui déplaisaient au plus haut point à son père. Un père qui se tenait droit dans la salle, attendant la venue des trois personnes qui assisteraient à ce petit événement.
Mais la première entrée fut celle d'un serviteur qui amenait de quoi se sustenter. Une grande cruche d'eau citronnée fut ainsi déposée sur la table avec quelques verres vénitiens qui s'emplirent bientôt. Un second valet pénétra dans la pièce, chargé d'un plat. Sur celui-ci trônaient de nombreux petits pâtés de viande, fruit de la chasse. Aussi discrète que se voulait la petite réunion, le Vicomte n'aurait renoncé pour rien au monde à son souci de prouver une nouvelle fois son sens de l'hospitalité. D'autant plus que parmi les trois personnes attendues se trouverait la belle de son coeur.
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La salle avait également connu les scènes de famille, les rares repas partagés. Nanelle, Enimie, Thibert, Henriet, tous y avaient passé du temps, sy étaient amusés, ensemble. Le silence qui pesait sur le Vicomte était le leur, celui quils lui avaient imposé en séteignant trop tôt. Amputé de son épouse, éventré de sa descendance, il ne restait de famille proche au Mendois que la jeune Mélisende, sa fille adoptive, issue du premier mariage de feue son épouse. C'était à la fois agréable et douloureux de la voir s'épanouir au fil du temps. Car à chaque jour qui passait elle lui rappelait la perte de ses propres enfants, ceux qui auraient perpétué son nom, elle lui rappelait sa jeune Enimie, son aînée, qui sans nul doute l'aurait comblé de fierté. Il n'en laissait rien paraître de ces sentiments contradictoires et se contentait d'afficher son attachement, sans effusion.
Mais ce Ve jour d'octobre serait différent sous bien des aspects. Il allait montrer lors de la cérémonie qui se déroulerait bientôt toute sa confiance. Avec l'oeil orgueilleux, il avait assisté à l'épanouissement de la demoiselle, ses premiers pas au sein de l'ordre royal de la Licorne, sa prise en main tumultueuse de l'université, sa volonté d'y mettre de l'ordre. Elle suivait son chemin sans avoir eu à bénéficier des avantages qu'auraient pu lui offrir la condition de son père d'adoption, elle le suivait avec humilité et avec dévouement. Elle portait en elle l'amour de sa terre et il était plus que temps de lui donner l'occasion d'avancer un peu plus vite, de lui faire don d'une situation en adéquation avec les valeurs qui étaient siennes et d'espérer aussi, car ce présent ne serait pas totalement désintéressé, lui rappeler ces valeurs et la détourner par le serment de certaines amitiés qui déplaisaient au plus haut point à son père. Un père qui se tenait droit dans la salle, attendant la venue des trois personnes qui assisteraient à ce petit événement.
Mais la première entrée fut celle d'un serviteur qui amenait de quoi se sustenter. Une grande cruche d'eau citronnée fut ainsi déposée sur la table avec quelques verres vénitiens qui s'emplirent bientôt. Un second valet pénétra dans la pièce, chargé d'un plat. Sur celui-ci trônaient de nombreux petits pâtés de viande, fruit de la chasse. Aussi discrète que se voulait la petite réunion, le Vicomte n'aurait renoncé pour rien au monde à son souci de prouver une nouvelle fois son sens de l'hospitalité. D'autant plus que parmi les trois personnes attendues se trouverait la belle de son coeur.
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