Khy
A la base, en vérité, c'est une histoire idiote, sans raison d'être, qui n'intéresse personne. Une Vipère, esseulée, qui quitte fils & nourrice pour venir se perdre dans les méandres d'une Paris automnale. Pour l'oreille traînante peut-être, il y a la rumeur d'une vieille cave abandonnée, qu'elle a payé en mains sales à un breton sinistre pour le prix d'une demi-langue de porc. Pour la vision parfaite, aussi, il y a l'ombre d'une jeune femme éperdument brisée qui n'a d'autre passe-temps que de construire les affaires les plus bancales & inaccessibles possible.
Mais peut-être qu'enfin, l'histoire de cette vieille cave vous intéresse. C'est un bouge perdu entre les trop nombreuses avenues parisiennes, près des Halles & Galeries Lafayottes, mais un peu trop loin pour y appartenir. Il y a une rue, passante, une haute grille de fer forgé qui donne sur un mur aveugle, propriété de l'auberge d'à côté. Quand on s'approche, pourtant, & qu'un chat téméraire franchit la grille close, on aperçoit des escaliers de pierre tendant vers un sous-sol inaccessible. S'il vous est donné de passer ces quelques marches, vous trouverez comme entrée principale une lourde porte de sapin qui semble avoir essuyé les tempêtes d'un autre siècle, coincée entre trois murs immenses prêts à l'écraser.
C'est cette histoire d'ailleurs qui est parvenue aux oreilles vipérines. Et l'ennui la pressant, c'est armée d'une hache qu'elle fait sauter le verrou de la grille, & descend précautionneusement les marches inégales. L'équidé au crin rouan s'ébroue dans son dos, lié à la grille par une longe trop courte. La porte est d'abord poussée, de tout le poids du corps, & étonnamment, on entend jusqu'en haut de la rue les gonds & les pentures grincer à en percer les tympans. L'émeraude se perd sur la poignée, & le nez se plisse, contrarié. Il n'y a pas de serrure.
D'une senestre décidée, la porte est ouverte, & la mini-torche trouvée plus tôt aux Halles est brandie d'un geste vainqueur. L'obscurité n'aura pas encore raison d'elle.
Un pas lui suffit pour comprendre que le sol n'est que terre battue, & que l'endroit n'a pour locataires que poussière & araignées. La faible lueur de sa torche dévoile une pièce vide, grande & froide, avec pour seule ouverture sur le monde la lourde porte de sapin qu'elle vient de franchir. Pas d'ossements, de meubles ou de tapisseries, rien que les murs, nus, le sol de terre battue & un plafond haut de poutres énormes & inébranlables. Rien que la poussière, le vide & les toiles d'araignées. Rien qui puisse justifier de telles rumeurs, de tels secrets autour de cette cave. Rien qui ne mérite d'être découvert.
Un soupir lui échappe, l'aventure est déjà loin.
Mais les affaires ne font que commencer.
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Mais peut-être qu'enfin, l'histoire de cette vieille cave vous intéresse. C'est un bouge perdu entre les trop nombreuses avenues parisiennes, près des Halles & Galeries Lafayottes, mais un peu trop loin pour y appartenir. Il y a une rue, passante, une haute grille de fer forgé qui donne sur un mur aveugle, propriété de l'auberge d'à côté. Quand on s'approche, pourtant, & qu'un chat téméraire franchit la grille close, on aperçoit des escaliers de pierre tendant vers un sous-sol inaccessible. S'il vous est donné de passer ces quelques marches, vous trouverez comme entrée principale une lourde porte de sapin qui semble avoir essuyé les tempêtes d'un autre siècle, coincée entre trois murs immenses prêts à l'écraser.
- Il circule la rumeur que cette demeure étrange était la propriété d'un riche bourgeois libertin qui prétendait donner rendez-vous secrets à de riches commerçants orientaux, pour régler quelques affaires pressantes & délicates à l'abri de quelconques regards, alors qu'en vérité il y préservait toute une colonie d'esclaves à la peau noire & brillante & aux cheveux tressés pour en abuser autant qu'il lui plaisait sans que quiconque ne soit au courant.
On dit que le bourgeois est mort d'un duel à la hache, emportant dans son tombeau la clé de son repaire, & que des jours durant on entendit des hurlements sauvages & des griffes frottant la porte de sapin, avant que progressivement, l'absence d'eau & de nourriture achèvent toutes les esclaves.
On dit aussi que l'antre est maudit, & que l'héritier, un boucher de Bretagne, serait presque prêt à payer pour s'en débarrasser, pour que les silhouettes galopantes des négresses délaissées cessent de hanter tous ses rêves.
C'est cette histoire d'ailleurs qui est parvenue aux oreilles vipérines. Et l'ennui la pressant, c'est armée d'une hache qu'elle fait sauter le verrou de la grille, & descend précautionneusement les marches inégales. L'équidé au crin rouan s'ébroue dans son dos, lié à la grille par une longe trop courte. La porte est d'abord poussée, de tout le poids du corps, & étonnamment, on entend jusqu'en haut de la rue les gonds & les pentures grincer à en percer les tympans. L'émeraude se perd sur la poignée, & le nez se plisse, contrarié. Il n'y a pas de serrure.
D'une senestre décidée, la porte est ouverte, & la mini-torche trouvée plus tôt aux Halles est brandie d'un geste vainqueur. L'obscurité n'aura pas encore raison d'elle.
Un pas lui suffit pour comprendre que le sol n'est que terre battue, & que l'endroit n'a pour locataires que poussière & araignées. La faible lueur de sa torche dévoile une pièce vide, grande & froide, avec pour seule ouverture sur le monde la lourde porte de sapin qu'elle vient de franchir. Pas d'ossements, de meubles ou de tapisseries, rien que les murs, nus, le sol de terre battue & un plafond haut de poutres énormes & inébranlables. Rien que la poussière, le vide & les toiles d'araignées. Rien qui puisse justifier de telles rumeurs, de tels secrets autour de cette cave. Rien qui ne mérite d'être découvert.
Un soupir lui échappe, l'aventure est déjà loin.
Mais les affaires ne font que commencer.
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