Odenaiss
- [ Toulouse - De nuit ]
- Quand le passé s'est décidé à vous rattraper... Difficile d'en réchapper.
Elles sont là qui vacillent, les flammes, leurs ombres dansant sur un pan de mur dont les tourmalines n'arrivent à se détourner.
Elles sont là, qui luttent avec désespoir contre le courant dair quune croisée, légèrement entrouverte, laisse filer dans la chambre quelle occupe. A elle de contempler les bougies que porte un vieux candélabre... De les regarder se consumer comme s'épuise sa vie.
Il est encore tôt ce matin, à en juger la couleur du ciel qui na pas daigner bon ôter son voile céleste pour faire place aux premières lueurs d'un nouveau jour. Et ce silence qui l'entoure... Il est signe que les ruelles sont désertes. Aujourdhui, une fois de plus, elle le verra venir le jour, après avoir connu une nuit sans sommeil. Instant de repos quelle ne sait plus trouver par faute dun trop grand nombre de tourments venus laccabler.
Cruelles insomnies.
Et de ces supplices moraux, il en est un qui prédomine : l'idée même qu'elle puisse perdre celui qui avait su lui redonner goût à la vie.
Elle l'avait déçu incontestablement et en retour, il avait fait choix de dresser barrière entre eux. Était-ce pour se protéger ?
Se faire rabrouer... Était-ce pénitence à subir pour réparer l'outrage qu'elle avait commis ? A moins que ce ne fusse les prémices d'une rupture à venir...
Elle aurait aimé avoir réponse à toutes ces foutues questions. Voulu percer de son simple regard ce mur qui, dressé face à elle, la tenait séparer de lui. Car il était tenu derrière... Si près et pourtant trop loin. Dieu qu'elle la maudissait cette cloison. Tant, qu'elle y avait balancé tout ce qu'elle avait pu avoir à porté de main.
Et comme chaque nuit, ne supportant plus avoir à y faire face, la Brune s' efforçait de quitter sa couche.
Les vêtements quelle portait et dont elle ne sétait pas défait depuis la veille, avaient été grossièrement défroissés dun passage rapide de ses mains sur l'étoffe. Sommairement, la tignasse malmenée davoir subi les assauts de mains trop hargneuses, avait été recoiffées sans plus dattention avant dêtre dissimulée par une capuche lourdement rabattue sur sa tête.
Cétait emmitouflée dans une cape sombre quelle entreprenait de quitter lauberge. Lhabitude était prise daller flirter avec les vents nocturne dune nuit frappée des premières fraîcheurs automnales. Mais avant cela, elle s'accordait un instant pour faire halte devant la porte de la chambre que Theos occupait, le temps de sentir son âme torturée.
A chaque fois, à la dextre dêtre retenue de venir y cogner. A la voix de se murer dans le silence et d'étouffer les cris qui n'avaient d'envie que de l'implorer, pour qu'il la laisse entrer, quil l « aime » aussi fort que toutes ces nuits où son corps avait parfaitement su épouser le sien. Avec violence, elle s'en empêchait, car elle savait que quoi qu'elle dise, quoi qu'elle fasse, rien ne saurait venir apaiser la colère qu'il éprouvait pour l'heure et que la seule chose à faire était de lui laisser du temps.
Contrainte de faire sans lui, elle rejoignait donc l'obscurité des quartiers, ses pas foulant sans vraiment savoir où elle irait, les pavés de la cité toulousaine. Marcher sans avoir à s'arrêter, ne surtout pas se laisser attirer par l'envie de se replonger dans quelques excès dont elle avait réussi à se détacher. Ne faire que s'enivrer de ce vent d'air frais et penser.
De temps à autre, les tourmalines se relevaient sur une demi-lune venu éclairer les toits des habitations avant qu'elle ne reporte son attention droit devant elle, continuant de songer à cet avenir qu'elle était en train de voir s'étioler.
Peut-être était-il temps en effet pour la Brune de se sédentariser. De laisser de côté ce besoin de courir le Royaume, de vibrer. Temps de se plier aux formalités et aux convenances auxquelles elle avait toujours essayé déchapper. Qu'y avait-il de plus important à sa vie que Lui finalement ? Rien ! Il était la seule chose qui comptait réellement...
Un bruit vint soudainement la tirer de ses pensées. Dinstinct, sarrêtant de marcher, les yeux pers se mirent à la recherche de ce qui pouvait bien être venu interrompre le calme qui lentourait. Il aurait pu être le bruit de ses propres pas résonnant sur le pavé, mais pas cette fois
Non ! Il n'était plus question d'un bruit, mais d'une voix en train de l'interpeller. Comment connaissait-il son prénom ? Sinon de la connaître...
Dans l'ombre se dessinait progressivement les contours d'un homme. De sa voix et de sa démarche, elle ne reconnaissait rien. Ni la stature, ni l'allure. Il ne semblait pas aspirer au danger. Seulement ne disait-on pas qu'il fallait toujours se méfier des apparences pour ce qu'elles étaient souvent trompeuses ?
Elle aurait du s'en rappeler.
Inconsciente, encore sous le coup de la surprise, c'est sans grande méfiance qu'elle se laisse approcher tandis qu'une première question vient de nouveau briser le silence qui s'est instauré :
-"Qui êtes-vous ? Et qu'est ce que vous m'voulez ?"
Erreur fatale pour la Brune d'avoir pris le risque de s'arrêter, bien loin de se douter de ce qui allait lui arriver.